Lecture des mémoires du général Berthezène
 
Campagnes de Russie (1812) et de Saxe (1813) 

Le Tsar songeait à la revanche dès Tilsitt (Boutourlin). Pendant la campagne de 1809, alliées de la France, ses troupes firent preuve d'une grande mollesse contre l'Autriche; pire même, comme elles occupaient les Galices, elles s'opposèrent à l'insurrection polonaise, qui aurait pu fournir des auxiliaires précieux à l'armée française. Dès 1810, la Russie préparait la guerre (Boutourlin); Napoléon, qui souhaitait éviter le conflit, proposa des accommodements; non seulement il essuya un refus en termes insultants: le tsar exigeait l'évacuation de l'Allemagne par les troupes françaises. A la veille même des hostilités, l'Empereur effectua une dernière tentative, en envoyant auprès du potentat russe le comte de Narbonne; ce dernier revint bredouille. 

Davout envahit la Poméranie suédoise parce que celle-ci n'appliquait pas le blocus continental, mais c'était aussi une revanche du maréchal français contre le prince royal de Suède, Bernadotte. Ce dernier avait assisté sans intervenir, du haut des collines, au combat d'Auerstaëdt, pendant la campagne de Prusse, en 1806, espérant secrètement que Davout allait se faire étriller. L'inaction de Bernadotte en cette circonstance aurait pu lui valoir le conseil de guerre; mais l'Empereur, mécontent, préféra passer l'éponge. 

Les énormes fourgons qui transportaient les vivres et les munitions des troupes françaises en Russie étaient inadaptés aux régions sablonneuses, dépourvues de routes pavées, et où l'on ne trouvait que de petits chevaux incapables de traîner d'aussi lourds véhicules. De plus, l'armée était encombrée de voitures de toute sorte qui retardaient sa marche; un grand nombre de civils accompagnaient les combattants et ces derniers avaient renoncé depuis longtemps à la frugalité républicaine. 

La stratégie de Napoléon, en avançant sur Vilna, consistait à séparer la grande armée russe (Barclay de Tolly) de celle de l'ouest (Bagration, Doctorov). Bagration aurait pu être détruit sans la mollesse du roi de Westphalie qui, mit sous les ordres de Davout, quitta l'armée de dépit, après avoir fait échouer en partie la manoeuvre de l'empereur. 

Les troupes françaises furent accueillies en libératrice en Lituanie. Mais, en réponse aux demandes de proclamation du rétablissement du royaume de Pologne, Napoléon usa d'un langage dilatoire. Ce fut une faute; en rétablissant le royaume de Pologne, il aurait recruté son armée de l'insurrection polonaise et lithuanienne; cette insurrection aurait pourvu l'armée française d'une cavalerie légère bien supérieure aux cosaques et la progression des troupes aurait été parfaitement éclairée; au lieu de cela, deuxième faute, l'empereur ordonna aux Polonais de constituer des régiments d'infanterie, arme qui leur convient peu. 

A Vitebsk, alors que l'armée russe était sérieusement engagée, Napoléon ordonna de cesser le combat pour attendre l'arrivée du 3ème corps (Ney). C'était une faute, car les Russes en profitèrent pour déguerpir pendant la nuit. 

Après le franchissement du Niémen et la prise de Vilna, pratiquement sans coup férir, la détermination du Tsar commença à fléchir. Il envoya un émissaire à Napoléon pour négocier des accommodements. On peut penser qu'il ne cherchait qu'à gagner du temps pour permettre à ses forces compromises de se regrouper. Quoi qu'il en soit, il était trop tard et Napoléon rejeta, comme il devait le faire, les propositions de son adversaire. Londres prit néanmoins la mouche de l'initiative de son allié et les intrigues anglaises éloignèrent le potentat russe de son armée. 

Sébastiani se laisse surprendre à Inkovo. Napoléon perce les intentions de Barclay qui compte tomber sur ses cantonnements. Il marche sur Smolensk, afin de couper l'armée russe de Moscou et des provinces méridionales. 

Une insurrection pro française des moujiks eut bien lieu pendant la campagne de Russie, mais Napoléon protégea les nobles. 

Voici quels étaient les effectifs wurtembergeois au cours de la campagne: 1800 à Smolensk, 150 à Moscou! Les Allemands se montrèrent moins résistants que les Français. 

Après la prise de Smolensk, un domestique du maréchal Lefebvre mit le feu à un quartier par imprudence. Tous les incendies ne sont donc pas imputables aux Russes.  

Gouvion Saint-Cyr suspectait de Wrede de déloyauté dès Polotsk. 

Après la bataille de la Moskova, les officiers supérieurs comptèrent comme tués les absents à leurs corps ce qui gonfla artificiellement les pertes. Mais c'était l'usage. 

Ce n'est pas l'incendie de Moscou qui détruisit l'armée française: rien ne lui manquait dans les ruines; c'est le temps trop long de stationnement dans cette capitale qui rendit l'inévitable retraite périlleuse. 

Mac Donald laissa Steinheil échapper et rejoindre Wittgenstein, sans le faire poursuivre, au risque de laisser accabler Gouvion Saint-Cyr à Polotsk. Chez les maréchaux, en l'absence de l'Empereur, la jalousie et le chacun pour soi triomphaient. 

Sébastiani se laissa surprendre à nouveau à Vinkovo; il fut trois fois surpris au cours de la campagne de Russie, ce qui offrit à sa belle-mère l'occasion de faire de l'esprit: elle affirmait qu'il allait de surprise en surprise! 

Au départ de Moscou, l'armée ne comptait pas plus de 75000 combattants. 

Lorsque Oudinot eut rejoint Victor, les ordres de l'Empereur leur prescrivaient de reprendre l'offensive, de dégager Vitebsk et de rejeter Wittgenstein au delà de la Dwina. Ils n'appliquèrent pas ces consignes et battirent en retraite, après un début d'offensive timorée. 

Swartzemberg ne fit pratiquement rien pour protéger Minsk, où se trouvaient d'importants dépôts de l'armée. Plus tard, des auteurs autrichiens écrivirent que, dès cette époque, le généralissime autrichien cherchait à compromettre Napoléon. 

Si les ordres de l'Empereur avaient été exécutés à la lettre, le passage de la Bérésina aurait eu lieu au moins un jour plus tôt; il aurait été facilité et Partouneaux n'aurait peut-être pas été pris. 

Mac Donald, oublié par Berthier, fut prévenu de la retraite de la Grande Armée par l'initiative d'un officier, qui rejoignit son aile droite, depuis Vilna. Le maréchal ne voulut d'abord pas croire à la véracité des propos qui lui étaient tenus. Il se replia finalement et se serait trouvé dans une position très difficile sans cet avis officieux. 

Pour la campagne de 1813, Napoléon nomma Lauriston et Bertrand à la tête de deux corps d'armée, ce qui étonna. Mais il préférait alors promouvoir des courtisans obéissants plutôt que des vieilles moustaches critiques. Malheureusement pour lui, il perdit coup sur coup deux hommes qui avaient son oreille et qui ne lui cachaient pas la vérité: Bessières et Duroc. C'était à peu près les seuls qui osaient entrer chez lui à toute heure. 

En 1813, les hôpitaux étaient de véritables mouroirs dépourvus de tout, même de paille pour s'y étendre, par suite de l'impéritie de l'intendance. Mais Daru le cachait à son maître. 

Après leur amnistie, les émigrés accoururent en masse dans les antichambres impériales mais répugnèrent généralement à se rendre à l'armée. Napoléon les pourvut de sinécures. Nombre d'entre eux furent nommés maires ou préfets. Ils retournèrent à leurs anciennes amours, dès que l'aigle parut blessé, ce qui explique les défections et le mauvais état d'esprit des provinces en 1814. 

Pendant la campagne de Saxe, Oudinot, brave, mais incapable, critiquait par ailleurs ouvertement l'Empereur devant ses soldats. 

Napoléon commit la faute d'enfermer deux de ses meilleurs lieutenants: Davout et Gouvion Saint-Cyr dans des postes éloignés du théâtre de la guerre, à Hambourg et à Dresde, avec de nombreuses troupes qui eussent été bien utiles à Leipsik. 

Après la victoire de Lutzen, Napoléon ordonna à ses troupes de former des carrés avec de l'artillerie aux angles. Cette mesure de prudence, qui tranchait avec les habitudes, était imposée par les insuffisances de la cavalerie. Elle fut fort utile car les alliés reprirent l'offensive pendant la nuit. Ils se heurtèrent au dispositif judicieux dû à la prévoyance de l'Empereur et laissèrent sur le terrain des masses d'hommes et de chevaux qui firent un rempart aux soldats français.  

A Dresde, tandis que l'on faisait semblant de négocier à Prague, Metternich proposa l'alliance de l'Autriche à Napoléon en échange des provinces Illyriennes et... du remboursement de ses nombreuses dettes. L'Empereur refusa de se laisser imposer la paix au lieu de la donner, encouragé en cela par Maret. 

 

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