Isla Negra (novembre 1995)
.
 Pour accéder aux photos, cliquez sur les zones sensibles (soulignées)
 .
A l'hôtel où je suis descendu, je fais venir un taxi pour aller visiter la maison de Pablo Neruda, à Isla Negra, sur la route de Valparaiso. 

Mon chauffeur est très loquace. C'est un admirateur de l'ordre et des régimes militaires. Comme je lui fais part de l'insigne incompétence de ceux qui ont gouverné l'Argentine, il me répond que c'est vrai mais que, maintenant, les hommes en uniforme ont tiré la leçon de leur échec et qu'ils préparent leur retour au pouvoir en s'initiant à l'économie.  

De fil en aiguille, il en vient à me parler de la guerre qui faillit éclater entre le Chili et l'Argentine. C'est un épisode que je ne connaissais pas. Les deux pays, gouvernés par des généraux, collaboraient pour traquer la résistance à leurs régimes. Il avaient mis en place pour cela le plan Condor. C'est en Argentine que fut assassiné le général loyaliste chilien Carlos Prats. C'est pourtant lui qui, en lui remettant sa démission, avait suggéré au président Allende de faire appel à Pinochet pour le remplacer. Pinochet passait alors pour un modéré. N'avait-il pas accompagné Fidel Castro lors de sa visite au Chili? Quoi qu'il en soit, la poursuite de  buts communs, dans la lutte contre la subversion, n'avait pas complètement fait disparaître les sujets de friction. La menace d'une invasion était prise au sérieux par les Chiliens qui, sachant qu'ils ne pourraient éviter la coupure en deux de leur pays, lequel fait à peine 200 km de large, avaient décidés, en cas de rupture de leur front, de se réfugier dans les montagnes d'où ils pourraient poursuivre la lutte contre l'envahisseur en le harcelant. Ces détails, communiqués par mon chauffeur, me laissaient dubitatif. Pourtant, quelques temps plus tard, je lus un article dans El Mercurio où un militaire chilien de haut rang révélait qu'un officier argentin avait tenté de prendre contact avec lui pour organiser un simulacre de guerre entre les deux pays. Le gouvernement argentin était alors au plus bas dans l'opinion et il pensait qu'une guerre ressouderait le pays autour de lui. La réponse chilienne fut négative. Si l'on devait se battre, les autorités chiliennes affirmèrent que ce serait pour de vrai et non pour épater la galerie. L'affaire n'eut pas de suite et les militaires argentins se tournèrent alors vers les Malouines. Dès que les îles furent envahies, le général Galtieri commit l'imprudence de menacer en affirmant, au cours d'une allocution, que d'autres pays allaient bientôt subir le même sort. Les Chiliens, se sentant menacés, répondirent alors favorablement aux avances britanniques. Moyennant l'envoi de matériel approprié, qui devait leur rester après le conflit, ils utilisèrent leur proximité avec l'Argentine pour recueillir des renseignements aussitôt transmis aux autorités britanniques. Ces dernières disposaient donc sur place d'un service d'espionnage efficace qui leur fut d'une grande utilité. On comprend donc pourquoi Madame Thatcher a traité Pinochet en ami. Pendant la guerre des Malouines, il s'était comporté comme tel envers la Grande Bretagne. 

Arrivée à Isla Negra. Je vais m'incliner un instant sur la tombe de Pablo Neruda et de son épouse. Ils sont enterrés côte à côte dans leur propriété. 

Je visite ensuite la maison. Comme à Santiago, elle comporte plusieurs bâtiments. Là aussi les objets de collections sont nombreux. On trouve encore des carafes et surtout de très belles figures de proue de vaisseaux anciens. La maison est au bord de la mer et ceci explique peut-être cela. Une frise de poisson décore la façade de l'un des bâtiments. Dans un autre, il y a des coquillages et des étoiles de mer.  

Sur une table, je découvre un vieux numéro des Lettres Françaises, le journal dirigé après guerre par Aragon. Picasso y publia une photo de Staline qui fit scandale au moment de la mort du dictateur soviétique. 

Je descends sur la plage qui est au pied de la villa. De gros rochers émergent du sable. Certains sont décorés de dessins colorés. Sur l'un d'eux, un buste sculpté de Pablo Neruda a été installé, le visage tourné vers le large. 

Tous les objets de collection ne sont pas à l'intérieur. Dehors on trouve également une barque à voiles, des cloches de bateau et une machine à volants d'inertie qui ressemble au moteur à essence dont on se servait naguère pour mettre en mouvement l'antique batteuse du village auvergnat où j'ai passé ma tendre enfance. 

La visite terminée, nous rentrons à Santiago. Nous déjeunons en route d'un plat typiquement chilien: le pastel de choclo, de la viande cuite sous une croûte de purée de maïs.

 .
Aller à:       Sommaire Chili       Photos

Naviguez sur l'ensemble du site de Jean Dif:
Accueil    Logiciels    Textes     Images     Musique