Sur la route de l'aller...
 
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Le Caylar - Le Pas de l'Escalette 
Le 21 juillet, départ de Paris vers trois heures du matin, pour éviter les bouchons. Nous n'irons pas loin. Dans les environs de Cosne, tous les voyants s'allument. Il faut nous garer sur la voie d'arrêt d'urgence et appeler une dépanneuse. On nous la promet dans vingt minutes; elle ne sera pas là avant une heure et demi, divers incidents l'ayant retardée. Nous sommes conduits au garage. Le diagnostic est sans appel: un galet brisé a déchiqueté une courroie; la réparation exigera plusieurs jours. Nous sommes amenés à poursuivrenotre route dans une voiture de location; il nous faudra la ramener, dès que la réparation aura été effectuée, et venir chercher la nôtre. L'assurance prend les frais de location à sa charge. Ces événements ont complètement désorganisé notre emploi du temps; nous avions imaginé savourer notre petit déjeuner dans les environs de Clermont-Ferrand, nous n'y serons même pas rendus à midi. Nous déjeunerons (mal), sur le pouce, d'un mauvais sandwich, sur l'aire surpeuplée de la Lozère, en milieu d'après-midi. Nous prendrons ensuite un peu de repos sur l'aire du Caylar, aussi très encombrée. 

Le Caylar  (les photos sont  ici ) 

Le site est habité depuis des temps très reculés; dès l'époque néolithique, des hommes s'établirent sur la butte du Roc Castel, pourvue d'une source et d'abris sous roches, un menhir aurait été découvert sur le territoire de la commune vers 1900; une tour aurait été édifiée sur la colline à l'âge du fer; Romains, Wisigoths, Carolingiens, seigneurs et évêques s'y succédèrent, améliorant les défenses de cette forteresse naturelle; des maisons carolingiennes taillées dans la masse rocheuses y furent aménagées; plus tard, probablement au 12ème siècle, un château y fut édifié que Richelieu fit raser, comme tant d'autres.  

La première mention du village remonte à 988, dans le Testament de Saint-Fulcran, où il porte le nom de Castelaro; ce nom subit plusieurs altérations au cours des siècles (Castlar en 1112, Castel de Castlar en 1128, Caslario, Caylario ou Caislari entre 1252 et 1264, Du Caillar en 1591, Le Cailar en 1740 et enfin Le Caylar en 1771). L'agglomération se développa au pied de la colline, auprès de la branche de la Via Domitia qui conduisait de Nîmes à Millau, puis de la voie royale n° 9, destinée à devenir une importante voie de communication, qui fut remplacée ultérieurement par l'autoroute A75. Porte du Larzac, le village est situé à une altitude de 752 m; il comptait 342 habitants en 1990. L'économie du Caylar, comme celle du Larzac, dépend essentiellement de l'élevage des ovins; les produits de cet élevage font depuis longtemps l'objet de commerce, que ce soit le lait et les fromages ou la laine achetée par les filatures de Lodève. L'agriculture est surtout céréalière et fourragère, dans les parties les plus riches, les dolines* et les sotchs**. Les autres productions sont surtout localisées près des rares points d'eau, car si le causse est en profondeur un énorme réservoir d'eau, sa surface en est presque complètement démunie. Le Caylar connaissait naguère un artisanat de qualité concentré autour du cheval et des moyens de transport: sellerie, bourrellerie, forges, construction de matériels agricoles; des relais fournissaient des chevaux de remplacement ou de renfort permettant de se préparer à la dure descente vers Lodève, ou à la remontée vers le bassin de la Lergue. A partir du 13ème siècle se tinrent au Caylar des marchés et des foires renommés; on y négociait ovins, bovins, chevaux, produits de la terre et matériel agricole; une poids public pour le pesage des céréales existait encore récemment. 

Parmi les curiosités du village, citons: la chapelle Notre-Dame, en partie creusée dans le roc; une table d'orientation d'où l'on jouit d'une belle vue sur le plateau du Larzac, par temps clair, le coup d'oeil irait jusqu'aux Pyrénées; un retable du 14ème siècle en pierre polychrome et le Christ mutilé, à l'église Saint-Martin; un arbre sculpté par un artiste d'origine bretonne, Michel Chevray, sur la place du village; cet arbre, un orme, dont la date de plantation inconnue devait être très ancienne, avait fini par se dessécher et périr; le Sentier des Sculptures, enfin, où l'on trouve des oeuvres réalisées au cours du temps au milieu d'un fantastique chaos de roches évoquant un amoncellement de ruines. 

Comme le Causse du Larzac, auquel il appartient, la géologie du Caylar, situé à la limite de l'Hérault et de l'Aveyron, se caractérise essentiellement par un relief dolomitique. Ce relief est le produit de la transformation de calcite (carbonate de calcium) en dolomite (carbonate double de calcium et de magnésium) formée au jurassique moyen, iI y a 150 millions d'années; cette transformation entraîna la disparition des coquilles de lamellibranches, de gastéropodes et de tous les organismes faits de calcite ou d'aragonite du fait de l'entière cristallisation de la roche; ces roches sédimentaires ne contiennent donc pas de fossiles et leur disposition en strates s'est estompée. La roche résultante est soluble dans l'action de l'eau chargée de gaz carbonique; elle se désagrège, formant le "grésou", un sable fin qui s'accumule au pied des rochers; c'est également une roche facilement fendue par la gelée et qui résiste peu aux eaux de ruissellement; sa désagrégation irrégulière crée des reliefs curieux de formes diverses: tours, arches, colonnes, le tout prenant l'aspect d'une démolition ou des semailles de rocs d'un géant. Il existe plusieurs exemples de ces ensembles chaotiques au sud-ouest du plateau du Larzac et aussi à Montpellier-le-Vieux, Nîmes-le-Vieux, Mourèze... 
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Les rochers à proximité du Caylar
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Nous ne nous sommes guère attardés au Caylar et nous n'avons donc pas eu le temps d'y voir grand chose hormis les amoncellements de rochers grisâtres dispersés au milieu d'une végétation peu élevée d'un vert assez  soutenu. J'ai noté la présence, à proximité de l'aire de stationnement, d'une sculpture de fer moderne que j'ai prise pour celle d'un mammouth. J'ai gardé néanmoins un mauvais souvenir de cette aire de repos car, lors du voyage pour ramener notre véhicule réparé, j'y ai fort mal déjeuné d'une salade dont le goût et l'apparence laissaient supposer qu'elle avait séjourné plus longtemps que de raison sur le présentoir du self-service; je n'ai pas été positivement malade, mais l'envie de vomir m'a tourmenté pendant une partie de la journée.  

* Une doline est une dépression de terrain dont le fond,  généralement plat et fertile, est maintenu humide par la présence d'une couche d'argile. 
** Un sotch est une dépression circulaire de petit diamètre mais profonde et en forme d'entonnoir. 



Le Pas de l'Escalette  (les photos sont  ici ) 
 
Nous n'avons pas vu le viaduc de Millau, noyé dans les nuages lorsque nous l'avons franchi. Heureusement, nous descendons maintenant vers la Méditerranée et le soleil a fait son apparition. Cela nous permet, en dehors des tunnels, d'admirer le paysage majestueux qui plonge vers Lodève, notamment le Pas de l'Escalette, qui surplombe la vallée de la Lergue, avec des falaises de 600m de haut.  

Situé entre l'Hérault et l'Aveyron, le Pas de l'Escalette constitue depuis l'antiquité, un lieu de passage privilégié qui s'est transformé au cours des siècles, pour tenir compte de l'évolution des moyens de transport. Au nord du tunnel, sur le rocher le plus élevé, on distingue des vestiges de murs qui représentaient probablement un poste d'observation. Plus bas, des fouilles récentes, réalisées avant le début des travaux de l'autoroute, ont révélé une occupation humaine qui s'étend du néolithique au 19ème siècle. En ces lieux sauvages et grandioses  le brigand Pons de Léras attaquait et dévalisait les voyageurs au début du 12ème siècle, avant de se convertir, pris de remords, devant l'évêque de Lodève et d'aller fonder l'abbaye de Sylvanès, en Aveyron. Le percement du Pas de l'Escalette, pour y faire passer une route, fut entrepris en 1860-1861 par l'entrepreneur Mialane qui utilisa à cette occasion de la dynamite, pour la première fois en France. Ainsi disparut le sentier muletier, avec ses nombreux lacets, qui donnait l'impression d'un escalier, d'ou le nom donné à l'endroit; on dit aussi, qu'il y a plusieurs siècles, descendre du plateau, pour gagner la vallée de la Lergue, en direction de Lodève, n'était possible que par des échelles placées sur la roche, la hauteur des falaises environnantes ne permettant pas d'autres passages, d'où le nom d'Escalette. Quoi qu'il en soit, voici quelques années, après la longue traversée du plateau, la route traversait rapidement un amas rocheux et débouchait en corniche sur le gouffre. L'autoroute longe aujourd'hui la vallée et des aires de stationnement ont été prévues pour ceux qui souhaitent bénéficier du point de vue. Pressés par le temps, nous ne nous arrêterons pas, mais ce n'est que partie remise; nous ferons une pause ici, en ramenant notre voiture réparée des bords de la Loire. 

L'autoroute escamote la traversée des villes que l'on ne voit plus que de haut: Millau, antique ville des potiers de la Graufesenque, qui fut longtemps renommée pour son artisanat (ses gantiers, notamment); Lamalou-les-Bains, cité thermale, que fréquentèrent, entre autres, Alexandre Dumas, Alphonse Daudet et André Gide; Lodève, ancienne ville-étape sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, par la route d’Arles, qui fut un important centre textile royal sous Louis XV, avec l'une des deux seules manufactures de tapisseries royales, l'autre étant la Manufacture des Gobelins à Paris, dont on aperçoit la cathédrale gothique Saint-Fulcran, datant du 13ème siècle; Gignac, dont l'église Notre Dame de Grâce et ses oratoires perchés sur une arête de la colline intrigueront les touristes... Le contournement de Montpellier par le sud s'avérera laborieux; nombre de routes et autoroutes viennent se joindre là, occasionnant un ralentissement sévère de la circulation; cela nous incitera à contourner la ville par le nord, lors de notre retour. Après Nîmes, un bouchon nous contraindra à quitter l'autoroute; l'idée se révèlera mauvaise; à la traversée d'une ville, nous passerons un feu à l'orange, juste au moment où il vire au rouge, sous l'oeil vigilant de deux gendarmes qui verbaliseront, heureusement sans méchanceté. Avec beaucoup de retard, nous finirons par rejoindre notre gîte, d'où l'on aperçoit l'abbaye de Montmajour fièrement dressée sur sa colline, comme une invitation à la visiter; nous ne manquerons pas de nous y rendre dès le lendemain. 


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