L'abbatiale Notre-Dame de Morienval
 .
L’abbaye royale de Morienval, un joyau de l’art roman 

L’abbaye est située dans une petite vallée arrosée par le Coulant, un affluent de l’Automne. On ne connaît pas grand-chose au sujet de l’église originelle, sauf qu’elle fut détruite par les Normands à la fin du 9ème siècle. Des traces d’un incendie furent découvertes dans les fondations lors des fouilles réalisées en 1865. La construction d’une église préromane commença au 10ème siècle, puis l’église romane fut édifiée aux 11ème et 12ème siècles. Avec un porche surmonté d’un beffroi, une nef avec  deux bas-côtés, un transept et un chœur semi-circulaire coiffé de deux clochers, cette abbatiale offre un spectacle vraiment majestueux dans la vallée. Elle fut dédiée à Notre Dame. Le plan architectural, avec ses trois clochers, a peut-être été inspiré par l’abbatiale Saint-Germain-des-Prés de Paris qui présente un arrangement similaire. Les clochers de Morienval  suscitèrent des imitateurs dans les environs, par exemple à Bonneuil-en-Valois, Orrouy, Pontpoint et Rhuis. 

Pour apprécier la magnificence de l’abbatiale, il convient de s’arrêter à l’entrée, en face du porche à beffroi. A gauche, le visiteur jettera un coup d’œil sur un beau  portail Renaissance. En pénétrant dans l’édifice,  le visiteur découvrira la nef, suivi du transept et du chœur, complétés par l’abside. Il notera la simplicité et la pureté des lignes et les jeux de lumière sur la pierre. Il avancera  dans l’église par l’allée centrale. L’arcature de la voûte fut construite au 17ème siècle par l’abbesse Anne de Foucault. Auparavant l’église été couverte tout entière d’un toit de bois. 

Le visiteur descendra ensuite vers le chœur. Morienval est l’une des rares églises qui possède un chœur plus bas que le porche. Cet aspect de l’édifice fut probablement imposé par la nature pentue du sol, laquelle posa des problèmes de stabilité, de l’eau coulant à travers les couches d’argile. A cause de ces inconvénients, l’abside actuelle, qui comprend un pseudo-déambulatoire, fut reconstruite au 12ème siècle pour consolider les deux clochers de chaque côté du chœur : ils commençaient à glisser vers la vallée. Dans le pseudo ambulatoire, le visiteur remarquera une des premières utilisations des nervures de voûte courbées dont certaines sont légèrement brisés. Derrière l’autel principal, bâti  au début du 20ème siècle, se trouve l’abside avec ses quatre voûtes placées en demi-cercle. La construction confère à l’ensemble l’apparence d’un déambulatoire, bien qu’il n’ait pas été conçu pour permettre de circuler autour de l’autel. Les chapiteaux des piliers sont décorés de sculptures très réussies qui témoignent du talent des artisans de cette époque. Les bases des deux clochers entourant l’abside flanquent le chœur. Au centre du transept des stalles de chêne datant du 16ème siècle exhibent des miséricordes finement gravées. 

Le transept nord contient une chapelle du 23ème siècle qui sert aujourd’hui de sacristie. Ses statues remontent au moins au 16ème siècle. D’un côté de la chapelle, se dresse une statue polychrome de la vierge et, de l’autre côté, s’étend la dernière demeure du chevalier Florent de Hangest qui mourut durant le siège de Saint-Jean-d’Acre, en 1191, pendant la 3ème croisade. Il était parent de l’une des abbesses, Agnès de Viry, dont la tombe est située dans la travée nord parmi d’autres sépultures. Le transept sud contient des statues retraçant les phases du Calvaire qui formaient une « gloire » dans la nef, avant la restauration de l’église. Ces statues datent du 16ème siècle. Avant de quitter l’église, le visiteur notera la qualité des chapiteaux romans du 11ème siècle de la nef, particulièrement ceux du côté nord. 

L’abbatiale, qui a été inscrite sur la Liste des Monuments historiques en 1840, fut restaurée par l’architecte Selmersheim entre 1878 et 1912 Il choisit de restaurer l’abside dans l’état qui était le sien au 12ème siècle et de faire disparaître les modifications ultérieures qu’il jugea malencontreuses. Le couvent avait été édifié à la même époque que l’église. Il n’en reste que trois maisons. 



Un peu d’histoire 

On retrouve mention de l’abbaye de Morienval dans des temps  très anciens pour au moins deux raisons. 

Tout d’abord, la tradition de sa fondation remonte à l’époque du roi Dagobert. Nous savons qu’une statue équestre de ce roi se trouvait à l’entrée de l’église et qu’elle fut transportée dans le chœur en 1580, puis détruite par le feu en 1716 ; des textes  l’attestent. Un acte signé par Charles le Simple, daté de 920, est la première trace écrite mentionnant l’abbaye ; il confirme un don de son grand-père, Charles le Chauve (840-877), réalisé à la requête de la reine Ermentrude, avant la mort de cette dernière qui intervint en 869. Le titre original avait disparu lors de la destruction de l’abbaye par les Normands en 895. Il en ressort que les édifices conventuels remontaient au moins jusqu’au 9ème  siècle. 

En second lieu, les mêmes documents parlent des « frères et des sœurs ». Or, les monastères mixtes disparurent aux 9ème et 10ème siècles. On peut en déduirez que le monastère fut probablement fondé deux siècles plus tôt ce qui accrédite la tradition de sa fondation par Dagobert. 

Les nonnes suivaient les règles de Saint-Benoît, ainsi que le précise une bulle du pape Alexandre III de 1161 adressée à ses « bien aimées filles vivant en accord avec les règles de Saint-Benoît », mais elles n’appartenaient à aucun ordre et dépendaient directement de Rome. Une succession de 30 abbesses dirigèrent le couvent. Les sources écrites mentionnent leurs noms seulement à partir du 12ème siècle, la première étant Mathilde. Avec Agnès de Viry, apparentée aux Hangest, on retiendra  Anne I et Anne II de Foucault, la seconde étant la nièce de la première. 

A partir di 11ème siècle, l’abbaye devint un important lieu de pèlerinage à la suite de l’arrivée à Morienval des reliques de Saint Annobert, évêque de Sées, en Normandie. Son reliquaire devint un objet de vénération attirant de nombreux pèlerins. Une rue du village, celle des Lombards, garde mémoire de cette époque en attestant la nécessité de la présence d’officines de changeurs  de monnaie, dont beaucoup étaient alors effectivement originaires de Lombardie. La renommée de l’abbaye s’étendait alors de la Somme à la Marne avec  grande fréquentation et abondance dedons qui assuraient la prospérité et offraient à l’abbaye les moyens de relever l’église et le monastère rasés par les Normands. Le Registre de l’abbaye mentionne les nombreuses largesses reçues et les achats de terres et de titres pendant les 12ème et 13ème siècles. Les nonnes entretenaient une léproserie à Brassoir. Il y avait un hôtel pour les hôtes  de l’abbaye à proximité de l’église. Au 13ème siècle se dressait un château fort ; l’abbaye était en terre royale. 

La dissolution de l’Abbaye fut prononcée par le roi Louis XV en 1743 et les nonnes furent rattachées à l’abbaye de Royal-Lieu. Les biens de Morienval revinrent à Royal-Lieu et au diocèse de Soissons ; Le seul  vestige de la précieuse collection de l’abbaye est une Bible de Morienval, du 9ème siècle, conservée à la Maison du Chapitre de la cathédrale de Noyon. Après 1750, l’abbatiale devint l’église paroissiale, l’église paroissiale de Saint-Denis, située près de l’ancien cimetière voisin de l’abbaye,  étant détruite par ordre du même roi. 

Origine du nom de Morienval 
Morienval provient certainement du nom du propriétaire d’une villa romaine, un certain Maurinius Vallis. Le nom du village est noté pour la première fois dans un acte mentionnant un atelier de frappe de pièces Pour Charles le Chauve, au 9ème siècle (864). 



Notes diverses 

1 – Sur la famille de Hangest 
Agnès de Viry, qui fut abbesse de Morienval à la fin du 12ème siècle, appartiendrait, semble-t-il, à la famille de Hangest, peut-être par suite d’un lien féodal, le fief de Viry relevant des Hangest. Le fief de Hangest, aujourd’hui  dans la Somme, faisait autrefois partie du Santerre. Du début du 12ème siècle jusqu'à 15ème siècle, cette famille occupa de nombreuses fonctions, comme conseiller et chambrier du roi, et comme maire d’Amiens, bailli d’Amiens, de Rouen, de Breteuil , de Vermandois. On trouve des Hangest à Bouvines et à Azincourt. Une cloche de la chartreuse de Mont Renaud portait les armes de cette famille. Un petit fils du chevalier Florent de Hangest, croisé mort en Terre Sainte en 1191, Florent II, nous est connu par une donation au Cartulaire en 1213. A la même date, le chevalier Aubert de Hangest, deuxième fils du croisé, fut témoin à la signature par Philippe Auguste de la réunion du comté de Valois à la Couronne. Il fut enquêteur pour le Vermandois et le Valois en 1215. Charles de Hangest, fut évêque de Noyon (1501-1525). Jérôme de Hangest, né à Compiègne, fut évêque du Mans et mourut en 1538. Jean de Hangest de Saint Michel fut seigneur de Glaignes et mourut en 1647, des suites d’un duel ; il avait un fils, Louis. Il existe encore aujourd’hui des descendants de cette famille qui rendent visite au tombeau de leur ancêtre mort aux croisades. 

2 – Sur la famille de Foucault 
La famille des Foucault est connue dès le 11ème siècle. Ces puissants seigneurs conservèrent le domaine et le château de Sain-Germain-Beaupré jusqu’au 18ème siècle. Leur maison était l’une des plus illustres de la Marche par l’ancienneté de sa noblesse, ses alliances et ses possessions. Elle remonte à Hugues III de Lusignan dont sont issus les rois de Chypre et de Jérusalem. Les Foucault étaient comtes de la Marche. Par suite de la cession de leur comté à Philippe le Bel, ils obtinrent les charges de gouverneur du Berry, du Bourbonnais et de la Marche. Guillaume Foucault accompagna à deux reprises Saint Louis en Terre Sainte et il eut le triste hommeur de ramener en France la dépouille mortelle du roi (1270). Jacques Foucault épousa Claude de Talleran qui donna le jour à  Jeanne Foucault  le 21 mars 1513 ; Jeanne Foucault fut abbesse de Morienval. Gabriel Foucault, lieutenant de la Garde écossaise d’Henri II, accompagna Montgomery à la conclusion des fiançailles du dauphin François avec Marie Stuart alors âgée de cinq ans et l’épousa par procuration du dauphin. Gaspard Foucault, capitaine calviniste, décédé en 1591, épousa en 1563, Gabrielle de Rancé qui lui donna une fille, Anne, future abbesse de Morienval. Henry IV passa quelques jours au château de Gabriel Foucault de Saint-Germain-Beaupré en 1605 bien que ce dernier n’ait pas abjuré la religion réformée. En 1606, Mademoiselle de Montpensier, nièce du roi Louis XIII, appelée la Grande Mademoiselle, au cours d’un voyage dans ses terres berrichonnes, séjourna chez son ami Henri de Saint-Germain-Beaupré. Gabriel II, mort en 1633, épousa Jeanne Foucault ; de ce mariage naquit Louis de Saint-Germain-Beaupré et Anne de Foucault II, abbesse de Morienval après sa tante. En 1645, les terres des Foucault sont élevées au marquisat pour Louis de Saint-Germain-Beaupré, comte du Daugnon, vice-amiral et maréchal de France, qui reçut une somme considérable en dédommagement de la perte du gouvernement de Brouage dont il s’était emparé à la mort du duc de Fronsac, en profitant des troubles de la Fronde. La famille de Foucault de Saint-Germain-Beaupré s’éteignit en 1767, avec le chevalier de Malte Armand-Joseph, faute d’héritiers mâles. 

 .
 
Blason des Foucault de Saint-Germain-Beaupré
.
3 – Sur la famille de Laage 
Egmont de Laage, conseiller du roi au Parlement de Paris et son fils naturel François, cousin de Jehanne de Foucault, et son fils naturel François, à qui il avait laissé des terres, furent  des bienfaiteurs de l’abbaye de Morienval. Le second lui laissa les terres données par son père. 

4 – L’Auvergne  et Morienval 
La famille de Laage était originaire de la Creuse. Les familles d’Arçon de la Mothe et de Foucault de Saint-Germain-Beaupré, qui fournirent plusieurs abbesses à Morienval, et qui partageaient des liens de parenté, étaient originaires de la Creuse et de l’Allier. L’Auvergne et ses environs furent bien représentés à Morienval pendant les 16ème et 17ème siècles. 

5 – La roseraie de Morienval 
Depuis 2014, un parc à l’anglaise offre, situé auprès de l’abbatiale, offre aux visiteurs la possibilité d’admirer 1600 rosiers comportant 154 variétés. 
. 
. 

Sources: Documentation trouvée sur le site lors de la visite - Remarques et recherches personnelles

Un diaporama sur l'abbatiale Notre-Dame de Morienval est ici

Retour

Naviguez sur l'ensemble du site de Jean Dif:
Accueil    Logiciels    Textes     Images     Musique
.