Le voyage du Beagle 
 
 Le brick le Beagle quitta Portsmouth le 7 décembre 1831. Il avait pour mission le relevé des côtes américaines, des mesures de la vitesse du vent et le test d'un dispositif de sondage des fonds marins. Durant cette longue traversée, le capitaine, Robert Fitzroy , craignait de s'ennuyer. Aussi se chercha-t-il un compagnon de voyage, suffisamment cultivé et d'une origine sociale comparable à la sienne, avec lequel il pourrait échanger des idées, au cours d'un périple qui devait durer près de cinq ans.

 

Ce rôle de compagnon de voyage du capitaine échut à un jeune homme de 22 ans, Charles Darwin, qui, jusqu'alors, ne s'était livré qu'à des études de géologie. Charles Darwin était issu d'une famille connue. Son grand-père paternel, Erasmus, était un médecin réputé, défenseur des idées évolutionnistes, et son grand-père maternel, Josiah Wedgwood, était l'un des grands entrepreneurs de la révolution industrielle.

 

Le jeune homme, qui souhaitait garder sa liberté afin de parfaire ses connaissances en géologie et de vérifier la théorie nouvelle de la transformation progressive de la surface du globe par l'alternance de phases d'érosion et de soulèvement. Cette théorie controversée s'opposait à celle, plus ancienne, selon laquelle le relief était la conséquence de catastrophes subites. 

 

 La première escale du voyage, aux îles du Cap-Vert, fut l'occasion pour Darwin de constater l'alternance passée des périodes d'élévation et d'affaissement des terres. Ces premières observations le convertirent à la théorie nouvelle exposée dans les Principes de géologie de Lyell (1830) qu'il avait emportés avec lui. Le bateau mit ensuite le cap sur le Brésil. Le traitement réservé aux esclaves dans ce pays horrifia Darwin et il en résulta un conflit d'opinion avec le capitaine Fitzroy. Le jeune homme décida alors d'explorer le continent sud-américain. Pendant plusieurs mois, il parcouru l'Uruguay et l'Argentine où il recueillit de nombreux fossiles qu'il expédia en Angleterre à Henslow, qui enseignait la botanique à Cambridge et qui constituait un maillon essentiel de la chaîne grâce à laquelle Darwin avait pu s'embarquer sur le Beagle. L'abondance des fossiles et leur intérêt attira l'attention du monde scientifique britannique. Des années plus tard, ces fossiles allaient jouer un rôle essentiel dans le développement de la théorie de Darwin. 

 

 Durant la première partie du voyage, trois Patagons, deux hommes et une femme, amenés en Angleterre lors d'une précédente expédition, avaient pris place sur le bâtiment. Ce fut l'occasion pour Darwin de les observer et de constater que, contrairement à une opinion admise à l'époque, les Aborigènes américains n'étaient nullement une espèce intermédiaire entre le singe et l'homme, mais bel et bien des êtres humains à part entière. Néanmoins, de retour dans leur tribu, les trois Fuégiens ne tardèrent pas à perdre le vernis de civilisation qu'ils avaient acquis en Grande-Bretagne. Ce changement complet d'attitude et de comportement de la part d'êtres humains amena Darwin à s'interroger sur la fragilité de la civilisation et du progrès des sciences humaines. Il en tirera plus tard la conclusion que l'espèce humaine est soumise aux mêmes lois que les espèces animales.

 

 Le Beagle, après avoir longé la côte orientale et doublé la Terre de Feu, remonta le long du Chili où un tremblement de terre venait de ravager la ville de Concepcion. Ce séisme devait conforter l'opinion de Darwin sur la formation des Andes. Le jeune homme avait déjà constaté que les immenses plaines d'Argentine, autrefois enfouies sous la mer, s'étaient élevées progressivement. Ici, il observa le même mouvement d'élévation, mais cette fois sous l'influence des volcans. La présence de coquillages marins en altitude attestait de l'enfouissement des terres sous la mer à une époque antérieure.

 

 Remontant toujours vers le Nord, le Beagle atteignit, en septembre 1835, les îles Galápagos. Ces îles avaient alors mauvaise réputation. On les décrivait comme un monde hideux, venu du fond des âges. Leur faune, composée, entre autres, de tortues géantes et d'iguanes, terrestres et marins, confortait cette opinion. Darwin s'y intéressera d'abord à l'aspect géologique des côtes. Mais l'étrangeté de la flore et de la faune des îles l'intriguera bientôt. Un fait le frappera particulièrement: cette faune se compose essentiellement d'espèces endémiques présentant néanmoins un degré de parenté avec les espèces du continent sud-américain proche. L'extrême diversité de leurs habitudes alimentaires l'amènera à se pencher plus spécialement sur les pinsons, dont il distinguera plus tard treize espèces différentes. Ces espèces possèderaient en commun certains caractères, découlant de leur origine continentale, mais elles auraient évolué pour s'adapter aux circonstances prévalant dans chacune des îles. Ces observations seront à l'origine de la théorie de l'évolution. Les îles, milieu isolé, se prêtaient admirablement à ces investigations. Mais le modèle, développé à partir d'elles, se révèlera applicable également aux continents.

 

 En octobre 1835, le Beagle quitta les Galápagos pour faire route vers Tahiti, la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Tout au long de ce périple, Darwin étudia de près les récifs de coraux et en théorisa la formation en supposant que les îles du Pacifique étaient, à la différence du continent sud-américain, soumises à un affaissement progressif.

 

 Enfin, le 2 octobre 1836, le Beagle était de retour en Angleterre. D'étudiant prometteur qu'il était lors de son départ, Darwin, grâce à ses envois et à sa correspondance avec Henslow, grâce aussi à la diffusion que ce dernier en avait fait parmi ses collègues, Darwin était devenu un scientifique reconnu.

 

Il pensera toutefois d'abord à développer ses thèses géologiques. Il faudra attendre 1859, c'est-à-dire une maturation de 20 ans, pour que soit enfin publiée sa célèbre théorie de l'évolution. Sa notoriété, comme naturaliste, sera alors établie.

 

 A la différence de Lamarck, selon qui les espèces évoluent sous l'influence de l'environnement, Darwin et ses successeurs établiront que la nature multiplie les possibles, de façon aléatoire, et que ce sont les espèces les mieux adaptées qui survivent. C'est donc un processus de sélection naturelle qui expliquerait l'existence des espèces vivantes.


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