La marche sur le feu
 
Objet de la convoitise de nos lointains ancêtres, le feu est aussi depuis longtemps redouté comme un instrument de la justice divine en même temps qu'un moyen de purification. Les rapports de l'homme avec lui sont donc ambigus; amicaux lorsqu'il est apprivoisé et facteur de crainte quand il échappe à tout contrôle. Depuis longtemps, cependant, des individus paraissent dotés d'une surprenante immunités contre ses morsures.  

La Bible rapporte que trois intendants du roi Nabuchodonosor, condamnés au bûcher, furent épargnés par les flammes qui refusèrent de les consumer, eux et leurs vêtements, devant un grand concours de notables. Plus tard, Platon et Virgile évoquèrent des hommes marchant impunément sur des charbons ardents. Au 3ème siècle, Porphyre et son élève Jamblique de Chalcis notèrent des faits de même nature.  

Au Moyen Âge, l'ordalie ou jugement de Dieu, recourt souvent au feu. En 1062, l'évêque de Florence, accusé de corruption par Pierre Aldobrandini, est confondu par ce procédé: l'accusateur accepte de se soumettre à la preuve par le feu et triomphe tandis que l'accusé se dérobe et préfère renoncer à sa position. Le concile de Latran, en 1215, met fin au jugement de Dieu. Mais, en 1497, Savonarole, accusé d'hérésie, réclame de passer l'épreuve afin de prouver son innocence, avant d'y renoncer et de périr dans les flammes d'un bûcher.  

Au 17ème siècle, le chroniqueur anglais John Evelyn fait état, dans son Journal, des prouesses d'un mangeur de feu qui, entre autres amusements, fait cuire une huître posée à l'intérieur de sa bouche sur un charbon ardent. En 1637, le jésuite Paul Lejeune livre le récit de ses aventures chez les Hurons; il prétend que ces derniers frottent le corps de leurs malades avec des braises sans qu'aucune brûlure ne marque la peau des patients ainsi traités. De nombreux témoignages d'hommes traversant pieds nus des fosses emplies de braises rouges, sans ressentir apparemment la moindre douleur, proviennent alors d'Asie en Europe.  

En 1890, quatre Anglais, dont un médecin, le docteur Hocken, tentent l'expérience de marcher sur le feu en Polynésie; à leur grande surprise, ils ne ressentent qu'un léger picotement.  

En 1921, Monseigneur Despature, évêque de Mysore, aux Indes, assiste à une marche sur le feu. Le maître de cérémonie est un musulman mais ceux qui se livrent à l'épreuve, pieds et jambes nus, d'abord avec réticence, puis avec confiance au fur et à mesure que la cérémonie se déroule sans incident, appartiennent à plusieurs religions; il y a parmi eux des chrétiens et même des musiciens qui défilent par trois dans le feu, avec leurs instruments et leurs partitions; tous ressortent indemnes. Le prélat a soigneusement tout inspecté et n'a découvert aucune supercherie.   

En 1937, des chercheurs de l'université de Londres reconstituent l'expérience en Angleterre, dans le Surrey. Toutes les précautions sont prises pour éviter les fraudes. Une fosse de sept mètres est creusée puis emplie de combustibles ignés. La température en surface atteint 430°. Un jeune Hindou traverse à quatre reprise la fosse en longueur sans que ses pieds, à la peau pourtant fine, ne montrent la trace d'aucune brûlure, ni à l'issue du test, ni le lendemain. Plusieurs autres expériences du même genre ont eu lieu depuis; elles révèlent que l'insensibilité ne concerne que la chaleur: au Japon, le professeur Stephenson, qui marche sur des pierres brûlantes se blesse au pied sur le tranchant de l'une d'elle; il ressent la douleur de la coupure.  

Le phénomène de la marche sur le feu a été observé en différents endroits à travers le monde, en Afrique, en Amérique du Nord, en Haïti, aux Indes, au Tibet, en Malaisie, au Japon, aux Philippines, au Fidji, en Polynésie... mais aussi en Grèce. Les Malbars de l'île de la Réunion organisent chaque année, au mois de mars, une cérémonie de ce genre qui attire les touristes.  

La science n'a pas encore percé le secret de ce mystère. Que savons-nous de la douleur et de la manière dont chacun d'entre nous l'éprouve?


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