Journal du siège de Badajoz entrepris par les troupes anglo-portugaises (mai-juin 1811) - Témoignage espagnol
 
 
Ce texte, rédigé quotidiennement pendant le siège de 1811, par un habitant espagnol de Badajoz, a été publié par l'historien portugais Claudio Chaby dans son ouvrage "Excerptos Historicos e Collecçao de Documentos Relativos a Guerra Denominada na Peninsula e as anteriores de 1801, e do Roussilon e Cataluna" (Lisbon, Imprensa Nacional, 1863-1882), en 6 volumes. 

Des commentaires inspirés par ce texte figurent en italiques.  

Samedi, 4 mai 1811 

Dès la point de l'aube, deux fortes colonnes de troupes anglaises et portugaises, d'infanterie et de cavalerie avec quelques pièces d'artillerie, étaient visibles depuis la cité. 

Une unité de cavalerie française, comptant environ cinquante hommes, quitta la place, pour entreprendre une reconnaissance, mais, après avoir essuyé quatre décharges d'artillerie, elle revint en ville environ une heure après son départ. 

Plus tard, dans la journée, les troupes anglaises commencèrent à installer leurs batteries, l'une sur la colline Saint Gabriel, l'autre sur la colline Atalaya, avec de la cavalerie entre ces positions. Ils restèrent là pendant l'après-midi et le jour suivant, exposés au feu de la garnison qui leur lançait de temps à autre des boulets et des obus. 

Ce jour là le gouverneur français de la ville (le général Phillipon) et le commandant d'armes publièrent les ordres suivants en quatre points: 

1°)- Les habitants devaient rendre les armes en leur possession, sans aucune exception, qu'il s'agisse d'armes à feu ou d'armes blanches, sous peine d'être jugés par un tribunal militaire, en cas de conservation ou de dissimulation de ces armes. 

2°)- Il était interdit aux habitants de se montrer à leur fenêtres ou de monter sur les toits ou les tours, les troupes françaises ayant l'ordre de tirer sur toute personne qui transgresserait cette interdiction. 

3°)- Tout rassemblement de plus de sept personnes serait dispersé par le feu de la force armée. 

4°)- Un couvre-feu était institué de huit heures du soir à cinq heures du matin et les patrouilles tireraient sur tous ceux qui se trouveraient dans les rues entre ces heures. 

Le même jour, le gouverneur ordonna que tous les non combattants de la garnison: docteurs, chirurgiens, pharmaciens, boulangers, serviteurs ainsi que les hommes de la brigade d'artillerie fussent pourvus d'armes pour participer à la défense de la ville en formant deux compagnies, l'une d'infanterie et l'autre de cavalerie. 

Dimanche 5 mai 1811 

Le matin de ce jour, aucun tir d'artillerie ne fut entendu à l'encontre de la ville. A une heure de l'après-midi, les Français prirent un obusier anglais sur la colline Picturia et, après avoir lancé une vingtaine d'obus sur le camp anglo-portugais, ils abandonnèrent l'endroit. 

Lundi 6 mai 1811 

Rien ne se produisit pendant la matinée de ce jour et seulement quelques coups furent tirés par la garnison. Le même jour, un parlementaire anglais approcha par la route d'Albuera et l'on sut qu'un message avait été délivré aux Français. Ces derniers firent savoir que, si des civils tentaient d'entrer en communication avec l'ennemi, ils seraient tués. Pendant la nuit, le gouverneur publia un ordre selon lequel les habitants, qui ne disposaient pas d'assez de nourriture pour faire face à un long siège, étaient autorisés à quitter la place le jour suivant et que c'était la seule occasion qui leur serait offerte pour le faire. 

Mardi 7 mai 1811 

Ce jour là, un grand suspens régna sur les deux camps. De bon matin, de fortes colonnes de troupes anglaises arrivèrent par la route d'Albuera. En même temps, des rumeurs circulèrent selon lesquelles les troupes françaises avaient reçu l'ordre de vérifier si les civils ne cachaient pas d'armes sous leurs habits, cependant, au cours de l'après-midi, les autorités démentirent cette rumeur en invitant la population à garder son calme, ces rumeurs étant délibérément répandues pour semer le trouble, les troupes françaises ayant l'ordre de ne pas se mêler des affaires des civils. Avant ce démenti, les civils qui vaquaient dans les rues avaient  laissé leurs habits ouverts par précaution. Le démenti fut suivi d'un rappel de l'ordre d'avoir à remettre ses armes. 

Mercredi 8 mai 1811  

A l'aube, une forte canonnade se fit entendre et, quand le jour se leva, on vit que l'artillerie anglaise était arrivée à proximité du fort Picurina et dans le champ de Saint Roque, d'où elle luttait contre les Français, ce duel dura jusqu'à 9 heures du matin. 

Ce même matin, de fortes colonnes d'infanterie anglaise arrivaient sur l'autre rive de la Guadiana, étendant leur artillerie vers le fort de San Cristobal et la Tête de Pont. Vers huit ou neuf heures du matin, les Français firent une sortie, au nombre d'environ six cents fantassins et cinquante cavaliers, avec deux pièces d'artillerie. Ils attaquèrent les Anglais avec leur artillerie et un feu violent éclata, mais, ne pouvant résister à leur adversaire, ils furent contraints de se réfugier dans le fort San Cristobal, à partir duquel ils maintinrent un feu d'artillerie soutenu pendant la moitié du jour. Ils perdirent trente tués et cinquante blessés; parmi les tués on comptait un capitaine du 88ème régiment de ligne qui fut enterré l'après-midi dans la cathédrale. 

Vers la fin du jour, on entendit des tirs de canons et d'obusiers, et au crépuscule, de la mousqueterie, qui continua pendant la nuit, ce qui montrait que les travaux de siège de l'assaillant avaient commencé. 

Pendant la journée, les Français arrêtèrent quelques individus, sous le prétexte qu'ils assistaient l'ennemi, et ils en arrêtèrent aussi d'autres après, à l'extérieur de la ville, sous l'inculpation de rébellion. 

Jeudi 9 mai 1811  

Les spéculations et les espoirs de la nuit précédente n'étaient pas vains: les Anglais avaient commencé leurs travaux et l'on apercevait quatre parallèles sur les collines de Wervic, Cerro Viento, Cerro Almendral et San Cristobal, très près du fort. Les assiégés, voyant ces travaux, engagèrent un feu très vif avec les batteries de la ville qui ne cessa pas de tout le jour et de toute la nuit. A San Cristobal, il y eut aussi de la mousqueterie, mais les alliés anglo-portugais continuèrent leurs travaux. 

Durant ce jour et cette nuit on tira un millier de coups de canons et d'obusiers. 

Les Français devinrent plus agités, levant à nouveau les compagnies provisoires (réservistes?), afin de pourvoir les portes de gardes et de soumettre l'enceinte de la ville à une surveillance minutieuse toute la nuit.  

Vendredi 10 mai 1811 

Ce jour, les Français firent une sortie à huit heures du matin, à partir de la Porte Palmas, au nombre d'un millier de fantassins et de six cent cavaliers, en vue d'attaquer les assiégeants dans leurs tranchées et de bouleverser leurs travaux. 

Les Français sortirent de la ville en trois colonnes formées en bataille. La colonne d'infanterie de droite marcha sur le fort San Cristobal, la colonne du centre, avec deux pièces d'artillerie avança par les deux routes sur Campo Major, en obliquant toutefois vers la route d'Elvas. Les tirailleurs et les colonnes françaises atteignirent rapidement les parapets où ils ne trouvèrent d'abord que quatre vingt dix Anglais, mais, en peu de temps, on put voir deux colonnes d'infanterie alliée se porter sur le front et sur la droite des Français et ouvrir le feu et, ce faisant, jeter la confusion dans leurs rangs et les repousser dans le fort d'où ils tiraillèrent jusqu'à dix heures du soir. Au même moment un parti de cavalerie anglaise vint à la rencontre des Français qui reculèrent bientôt pour se réfugier dans la Tête de Pont avec leurs deux pièces d'artillerie, qu'il conservèrent, après avoir failli les perdre, comme les Anglais approchaient de la palissade de la Tête de Pont. 

Les pertes des Français au cours de cette action s'éleva à cinquante morts, dont deux officiers; il y eut une centaine de blessés, dont aussi deux officiers. Pendant l'action, les compagnies provisoires (réservistes?) faisaient le service dans la ville. 

Tout le reste du jour, les Français tirèrent aux mortiers et aux obusiers contre les travaux des assiégeants. 

L'après-midi, six civils furent expulsés par la Porte de Palmas et, plus tard, fut publié un ordre du gouverneur qui disposait que chaque habitant devait fournir deux sacs de terre, sous peine de supporter une amende de deux ducats. 

Au coucher de soleil, on observa que les alliés avait amené six pièces d'artillerie, sur la colline Almendro où il avaient construit une batterie et, qu'en même temps, davantage d'artillerie se déplaçait sur la route d'Elvas, pour venir renforcer la batterie San Cristobal. 

Samedi 11 mai 1811 

Le matin de ce jour, il fut évident que les deux tiers de l'enceinte de la ville étaient bloqués; à la pointe de l'aube, deux batteries de la colline Almendro tirèrent contre le Fort Picurina et les autres contre les bastions du Fort San Cristobal. Derrière ces batteries, une nouvelle fit son apparition, entre les route d'Elvas et de Campo Major, pour tirer sur la Tête de Pont. 

Le brouillard était si épais, pendant la matinée, que le feu dut cesser jusqu'à huit heures, après quoi il reprit pour le reste de la journée. 

Pendant la période de calme, un capitaine, tué le jour d'avant, fut enterrer dans la cathédrale. 

Quand vint la nuit, les Anglais cessèrent leur feu, bien que les Français, de temps en temps, leur envoyassent nombre d'obus et de grenades. 

Dimanche 12 mai 1811 

Temps très venteux. A l'aube, les alliés ouvrirent le feu qui cessa vers six heures et ne reprit pas de la journée ni de la nuit. Les Français arrêtèrent également de tirer une demie heure après leurs ennemis. 

A onze heures du matin, le gouverneur publia un ordre d'après lequel tous les habitants, sans distinction, devaient fournir quatre sac de terre aux alcades, cet ordre ajoutant que les annonceurs publics devaient obéir aux alcades ou a leur voisinage, et que les contrevenants seraient expulsés de la cité sans leurs effets personnels et sans nourriture. 

A une heure de l'après-midi, un drapeau blanc arriva à la Porte Trinity et, après avoir reçu la réponse, le parlementaire repartit. 

La nuit fut parfaitement paisible; seulement les défenseurs tirèrent, environ trois ou quatre obus et, vers minuit, on entendit un peu de mousqueterie. 

(Ce jour là, le général Beresford, qui commandait les troupes du siège, apprit l'approche du maréchal Soult qui venait débloquer la place.) 

Lundi 13 mai 1811 

Temps pluvieux. Il y eut ce jour une suspension de feu de la part des Anglais, et les Français tirèrent mollement; on calcula qu'une centaine de coups seulement avaient été entendus de l'aube au crépuscule. 

Le gouverneur répéta l'ordre à propos des sacs de terre dans la matinée, et réitéra l'ordre du 4, selon lequel aucun civil ne devait quitter sa maison, entre huit heures du soir et cinq heures du matin, sous peine d'être arrêté et traduit devant un tribunal militaire. 

Mardi 14 mai 1811 

Temps pluvieux. Ce jour fut paisible malgré que les Français tirèrent une vingtaine de coups pendant le jour et la nuit. 

(Dans la soirée de ce jour, Beresford  leva le siège pour se porter au devant de Soult en ne laissant qu'un rideau de troupes autour de Badajoz.) 

Mercredi 15 mai 1811 

Temps pluvieux. Les travaux des assiégeants semblent avoir été négligés; les embrasures sont détériorées, ce qui laisse supposer que les Anglais ont retiré leurs canons. 

Ces observations ont conduit les Français à préparer une sortie afin de s'assurer que les Anglais ont levé le siège bien; mais ils ont dit qu'ils sortaient uniquement pour couper du bois de chauffage.  

Ils prirent possession des tranchées de la colline Picurina mais employèrent seulement des tirailleurs pour attaquer les travaux des collines Almendro et San Miguel. Ils rencontrèrent néanmoins une résistance plus vigoureuse qu'il ne l'avaient attendue et se retirèrent vers trois heures de l'après-midi, non sans avoir essuyé des pertes conséquentes pendant l'action. 

A la même heure, tirant profit de la brume et de la pluie, la cavalerie française galopa le long de la route de Talavera et, ayant rencontré des Portugais désarmés et maraudants dans des champs de fèves, ils en tuèrent une quinzaine et en capturèrent onze, apprenant de deux officiers qu'ils tenaient les positions avancées. 

Ces officiers confirmèrent que les Anglais avaient levé le siège pour se porter au devant d'une force française de 24000 hommes qui arrivait au secours de la ville.  

Jeudi 16 mai 1811 

Temps pluvieux. A l'aube, les travaux du siège apparurent abandonnés sur les deux rives de la Guadiana et alentours. 

Une nouvelle sortie des Français eut lieu; des civils qu'ils avaient requis les accompagnaient pour détruire les travaux du siège et les batteries des assiégeants, ce qui prit trois jours. 

On apprit bientôt que les alliés avaient livré une grand bataille. On pouvait voir de la ville la fumée s'élever entre Albuera et la montagne de Monsalu et la ligne occupée par les troupes qui s'affrontaient paraissait couvrir au moins deux lieux de long (soit une dizaine de kilomètres). 

(Soult, dont les forces étaient inférieures à celle des alliés, et qui ignorait l'arrivée l'armée de Blake, venue renforcer ces derniers, en bon manoeuvrier, attaqua par la gauche, afin d'empêcher la jonction déjà réalisée du général espagnol avec les Anglo-Portugais, tandis que, à droite, le général Godinot avançais sur Albuera. Par cette attaque oblique sur la droite ennemie, le maréchal français contraignait les alliés à un changement de front toujours délicat. La supériorité de l'artillerie française, bien placée et bien dirigée par le général Ruty, les charges de cavalerie du général Latour-Maubourg, désorganisèrent le dispositif des alliés, facilitant l'avance des fantassins de Werlé, de Girard et de Gazan. Des unités anglaises, qui vinrent à la rescousse, furent décimées. Un orage éclata gênant considérablement les combattants. Beresford, après avoir été tenté de battre en retraite, consentit un dernier effort qui réussit. Les Français furent ramenés sur leurs bases de départ, mais sans désordre. Les pertes essuyées par les deux camps étaient considérables: pour les Espagnols, 258 morts dont 9 officiers et 1118 blessés dont 111 officiers; pour les Portugais, 102 mort dont un officier et 261 blessés dont 15 officiers; pour les Anglais, 882 morts dont 32 officiers et 3573 blessés dont 159 officiers plus 564 prisonniers dont 14 officiers; les perte alliées s'élevaient à 4547 hommes et 115 chevaux; quant aux Français, ils laissaient dans l'affaire, tant morts que blessés 6500 soldats et officiers, d'après des sources espagnoles.) 

Vendredi 17 mai 1811 

Temps venteux et pluvieux. A l'aube, cinq cent Français quittèrent la ville dans l'intention de se saisir d'un pont de bateaux que les Anglais avaient construit à une lieue de la ville (4,8 km) et aussi pour ramener des provisions. Dans les environs de Benevides, ils rencontrèrent 4500 fantassins anglais accompagné de quelque cavalerie qui les attaquèrent et les encerclèrent de sorte que seulement trois cent soixante purent regagner la ville et que les autres furent tués ou faits prisonniers. 

Au même moment, le curé don José Sonches, mu par la pitié, quitta la ville, avec six hommes du peuple, pour aller creuser des tombes où il ensevelirait les Portugais, abandonnés nus sur la route de Talavera, au milieu des légumes des jardins, après avoir été tués par la cavalerie française qui avait effectué une sortie le 15 mai, à trois heures de l'après midi. 

(Soult évacua ses blessés et son matériel du champ de bataille sans être inquiété par Beresford. Le 18 mai, il repartit en direction de l'Andalousie. Beresford ne tenta plus rien contre Badajoz qui fut provisoirement presque dégagée. Mais Wellington arriva bientôt devant la place qui fut à nouveau vigoureusement assiégée.) 

Samedi 19 mai 1811 

Calme. Blocus. Ce jour, vers dix heures du matin, les Anglais se montrèrent sur la grand route d'Albuera et sur les collines San Gabriel. La garnison annonça leur apparition par quelques tires d'artillerie. Pendant toute la semaine, les Anglais restèrent tranquillement campés sur les collines de Mayas. Rien de notable ne mériterait d'être signalé si ce n'est la pendaison d'un homme sur les collines, dans la matinée du 20 mai. 

Samedi 25 mai 1811 

Temps chaud et venteux. A huit heures du matin, les Anglais se présentèrent sur l'autre rive de la Guadiana et la garnison salua leur arrivée par quelques coups de canons. 

Dans l'après-midi, les Français expulsèrent de la ville huit Portugais qu'ils avaient arrêtés quelques jours plus tôt comme suspects. 

Dimanche 26 mai 1811 

Temps chaud. Ce matin les Anglais construisirent un petit bastion sur la colline la plus proche du fort San Cristobal, où le Français les observaient au télescope. La plus grande partie du jour s'écoula dans le silence mais, pendant la nuit, quelque mousqueterie a été entendue du côté du bastion San Vincente. 

Lundi 27 mai 1811 

Calme. À l'aube les Français ont effectué une sortie à la porte de Palma avec de l'infanterie, de la cavalerie et deux pièces d'artillerie, afin de protéger les fourrageurs envoyés couper du blé en herbe. Un peu plus tard, ils durent se retirer, après avoir été malmenés par les Anglais. Ils échangèrent des coups de fusils et d'artillerie et perdirent deux chariots. Le reste du jour se passa paisiblement. 

Mardi 28 mai 1811 

Calme. Il y eut aujourd'hui une suspension des hostilités. À dix heures du matin, de fortes colonnes d'infanterie et de cavalerie anglo-portugaises, au nombre d'environ huit mille hommes, passèrent de Santa Engracia par le pont de Xévora, Bardocas, le secteur des pâtures de Silveira, où ils franchirent la Guadiana, et ils établirent leur camp près de la route à Talavera, à moins d'une lieue de la ville (4,8 km). 

Mercredi 29 mai 1811 

Temps chaud. À l'aube de ce jour, les Français tentèrent à nouveau de protéger les fourrageurs envoyés chercher des provisions mais ils ne purent pas se rendre très loin et furent contraints de revenir chargé avec les joncs qu'ils avaient enlevés sur les berges du Guadiana. Le reste du jour se passa tranquillement. À deux heures et demi du matin, quelques projectiles d'artillerie furent tirés; ils annonçaient que les assiégeants avaient commencé leurs travaux. 

Jeudi 30 mai 1811 

Temps chaud. Jour de San Fernando. Le jour saint ne s'est pas écoulé tranquillement; les tirs d'artillerie commencèrent tôt le matin, les Français ouvrant un feu animé contre les travaux des assiégeants, une batterie de quatre pièces, qui apparut en haut de Carro del Viento (colline du vent), et d'un chemin couvert (sans doute une parallèle) qui donnaient sur la ville et le fort de Pardaleras. De quatre heures du matin à la nuit, on calcula que les Français tirèrent sans précipitation quatre cents coups. 

Vendredi 31 mai 1811 

Temps comme il faut. Vent vif. Ce jour, à l'aube les travaux des assiégeants apparurent, à savoir deux batteries qu'ils avaient précédemment construites contre San Cristobal et le Tête de Pont, et que le Français avait démolis les 16, 17 et 18 mai. 

Au delà on voyait un chemin couvert (parallèle) qu'ils avaient commencé dans la colline de San Miguel, à travers les jardins potagers, qui rejoignait le Tinoco, que le Français appelaient Tinajero, et se terminait au Pic (au confluent du Rivillos et de la Guadiana). À neuf heures du matin, environ cinquante tirailleurs quittèrent la ville pour faire feu sur ceux qui travaillaient au chemin couvert. Cependant, ils avaient à peine passés le petit pont à cinq arches, près du  bastion de San Roque, qu'ils revinrent avec un soldat mort et deux blessés. L'après-midi passa avec beaucoup de mousqueterie et sept hommes tués chez les Français tués tandis que vingt-quatre autres furent blessé mais on ramena un prisonnier portugais et un musicien anglais blessé. Tant en boulets qu'en mitraille on compta cinq cents coups tirés. 

Samedi 1er juin 1811 

Temps venteux. Les assiégeants ont continué à travailler et les Français les ont maintenus sous des tirs d'artillerie animés, avec des batteries montées à nouveau dans le château; on compta de six cents coups. Les Anglais en tirèrent à peine deux cents. Le gouverneur édicta également un commandement selon lequel tous les habitants riches étaient tenus de fournir quatre sacs de terre, et les autres personnes (plus pauvres), deux ou un, ainsi que le travail nécessaire pour les mettre en place. On observa des mouvements d'artillerie sur la route d'Albuera se dirigeant vers les batteries.  

Dimanche 2 juin 1811 

Temps venteux. Dimanche de Pentecôte. Depuis hier, le feu a été continu du côté français comme depuis les travaux des assiégeants; on compta sept cents coups; la plus grande partie du feu des défenseurs était dirigée contre le Tinajero où des travaux venaient d'être effectués. 

À huit du soir, le gouverneur publia un ordre, diffusé par les crieurs de rue, selon lequel nous devions nous rendre au château à cinq le matin pour y travailler, sous peine d'être arrêtés et mis à mort en cas de désobéissance. 

Lundi 3 juin 1811 

Temps frais. Ce jour, à neuf et demi du matin les assiégeants ont ouvert le feu contre la ville avec six batteries; quatre qui étaient près des collines de Bervic,  tirèrent contre le Tête de Pont, le bastion de San Cristobal, et le château; les autres deux, qui étaient de ce côté de la Guadiana, chacune comptant huit pièces, tirèrent sur le château, qui était leur cible principale. Ce feu très animé continua tout au long de la journée jusqu'à huit heures du soir. Ce furent principalement les Anglais qui y participèrent; on calcula que les défenseurs et les assiégeants tirèrent en tout six mille cent soixante coups. Pendant la nuit, on entendit beaucoup de mousqueterie et les Français, de temps à autre, lancèrent des obus. 

Mardi 4 juin 1811 

Temps chaud. À quatre heures du matin, les tirs d'artillerie recommencèrent et continuèrent, sans pause, jusqu'à huit heures du soir. Les Français firent un feu terrible d'une batterie qu'ils avaient placée pendant la nuit dans le cimetière de l'hôpital où ils avaient installé des pièces de 24. On compta, pendant le jour, d'un côté comme de l'autre, six mille cent quatre-vingt-dix projectiles 

À neuf du soir, on a commença à entendre de la mousqueterie et, de temps en temps, des obus et des bombes. 

Mercredi 5 juin 1811 

Temps chaud. Le feu commença aujourd'hui avant quatre du matin, et, en même temps, une nouvelle batterie apparut sur la rive de la Guadiana, qui  ouvrit également le feu contre le château à dix heures du matin. Le tir était si continu qu'il semblait que les décharges se suivaient sans interruption. Les Français répondait avec l'artillerie postée dans la bastion de San Roque et la bastion de la  Trinité. Le feu cessa à huit heures du soir. On calcula que, globalement, six mille coups deux cent trente avaient été tirés. Un boulet tua la sentinelle placée à la porte du quartier Filipon, dans la maison du conte de Torre del Fresno. 

Jeudi 6 juin 1811 

Temps chaud. Le feu des assiégeants commença à l'aube et fut d'abord très animé mais diminua plus tard. Les Français modérément lentement mais on calcula que quatre mille deux cents coups furent tirés. Une pauvre femme fut tuée par un boulet. À dix heures du soir, on entendit beaucoup de mousqueterie en provenance des lignes entre Bervic et le bastion de San Cristobal; plus tard des tirs de boulets, d'obusiers et de mortiers,  se poursuivirent jusqu'au matin. 

Le lendemain, les Français annoncèrent que les Anglais avait tenté un assaut contre San Cristobal mais qu'ils avaient seulement atteint le fossé où ils avaient laissé deux cents morts et qu'ils n'avaient pas réussi à pénétrer dans le bastion. D'autres dirent que les Français avaient essayé, en utilisant des bateaux, d'aller enclouer l'artillerie ennemie dans la batterie proche du fort mais qu'ils n'avaient pas pu accomplir ce projet et qu'ils avaient été chassés dans la Tête de Pont et le fort, poursuivis par les Anglais. Un boulet enleva aujourd'hui le bras d'un garçon près du couvent de Santo Onofre portant une lanterne. 

Vendredi 7 juin 1811 

Temps chaud. Ce jour, on a peu tiré, environ deux mille et trois cents coups. 

Samedi 8 juin 1811 

Temps chaud. Les Anglais commencèrent aujourd'hui à tirer à partir d'une nouvelle batterie établie dans la région de la Guadiana, et ils continuèrent à faire feu d'abondance pendant la journée entière. Les Français ne leur rendirent pas la pareille, de sorte que les projectiles envoyés des deux côtés ont été estimés à  trois mille et deux cents. 

Dimanche de la Sainte Trinité, 9 juin 1811  

Temps chaud. Le feu a continué comme la veille. À dix heures du matin un boulet a tué deux femmes, et a enlevé le bras d'un homme qui est mort le jour suivant; ce malheur s'est produit dans la rue des Plumes. À neuf heures du soir, les Anglais ont assaillir le fort de San Cristobal, mais ils ne purent pas le prendre. Le feu dura jusqu'à onze heures du soir. Le matin du jour suivant, les Français exhibèrent sur la place un officier anglais, un autre portugais et un soldat en disant qu'ils les avaient capturés sur la brèche. 

Lundi 10  juin 1811 

Temps chaud. Le feu a cessé à dix heures du matin; un parlementaire anglais (drapeau blanc) s'est approché de la Porte de Palma, mais l'entrevue ne donna rien, et le feu éclata de nouveau entre les Français et les assiégeants à une heure de l'après-midi. Les Français se préparèrent à traverser le pont pour attaquer les alliés. À cinq heures de l'après-midi, cinq Français jouant aux cartes dans la boulangerie de Santa Engracia furent sérieusement blessés par une projectile d'artillerie et, sur le rempart, de Santa Marta, un autre coup tua une sentinelle. 

Une rumeur courut parmi les Français selon laquelle les Anglais avaient levé le siège et, à neuf heures du soir, cette rumeur fut confirmée comme étant un fait avéré. 

Mardi 11 juin 1811 

Temps chaud. La faiblesse du feu des assiégeants confirma ce matin l'exactitude du rapport français de la nuit précédente. Pas plus d'un coup ne fut tiré par heure et le feu s'arrêta dès l'après-midi. 

Des colonnes de troupes furent vues sur la route de Talavera, mais il n'était pas possible de se rendre compte s'il s'agissait de troupes en retraite ou s'ils s'étaient simplement retiré la nuit précédente dans le dessein de préparer une attaque. On observa que les assiégeants avaient retiré du champ de bataille de l'artillerie et d'autres équipement pour les diriger sur Olivença et Elvas.  

Mercredi 12  juin 1811 

Temps comme il faut. La suspension de feu de la part des assiégeants a continué ce jour et les Français ont montré peu d'activité. On pouvait voir le déplacement de l'artillerie et des chariots et, pendant l'après-midi, après-midi la rumeur circula que les assiégeants avaient levé le camp. 

Jeudi 13 juin 1811 

Temps chaud. Corpus Christi. La suspension des hostilités continue comme hier. 

À une heure de l'après-midi, une trentaine de tirailleurs quittèrent le fort de Pardaleras afin de protéger les bétail que l'on avait fait sortir pour paître. Cependant, une demi-heure plus tard, ils durent battre en retraite, après avoir été attaqués par une force plus importante, et ils rassemblèrent le bétail dans les fossés. Le reste du jour se passa dans le calme. 

Vendredi 14  juin 1811 

Temps chaud. À neuf du matin des troupes françaises sortirent par la porte de Palmas au nombre de quarante cavaliers et de trente fantassins; ils partaient en reconnaissance sur la route d'Olivença. Ils rentrèrent au bout d'une heure, en ramenant huit chevaux capturés, et quatre anglais mais l'un d'eux, qui se baignait, était mort. 

Samedi 16 juin 1811 

Temps chaud. Ce jour rien de spécial ne se produisit; il devenait tout à fait clair que les assiégeants étaient partis. 

Dimanche 17 juin 1811 

Temps orageux. A l'aube, il fut certain que les Anglais avaient levé le siège, après quarante-quatre jours de blocus, et huit jours de brèche ouverte. Les Française quittèrent la ville en force, au nombre de cinq cents fantassins et quarante cavaliers, avec deux d'artillerie, afin de reconnaître le terrain de l'autre côté de la Guadiana; ils revinrent à deux heures de l'après-midi, ramenant seize chevaux chargés de biscuit et autre subsistance, après avoir tué les quatre Portugais qui conduisaient ces provisions par le pont de Xérova.  

Cet après-midi, un violent orage de pluie éclata et, quand le ciel se dégagea, vers six heures du soir, de fortes colonnes d'infanterie et de cavalerie, qui avaient passé la Guadiana au gué de Canhada, furent vues se dirigeant vers Elvas. Certains dans la ville prétendirent qu'il s'agissait de la réserve et que le gros de l'armée anglaise était resté sur ses anciennes positions près d'Albuera, dans l'attente du nouveau renfort amené par le maréchal duc de Dalmatie (Soult). Les Français proclamèrent un ordre du jour pour préparer la réception des maréchaux (Soult et Marmont) précisant que des logements, de la nourriture et bien d'autres choses devaient être tenus à leur disposition. En même temps, l'autorité ecclésiastique commanda que les cloches de la cathédrale et des autres églises devraient carillonner dès que serait entendu le premier coup de canon (à savoir le tir des troupes françaises saluant l'arrivée des deux maréchaux).

 

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