Le second siège de Badajoz (mars 1812) - Témoignages anglais
 
 
Sir John Kincaid: "Aventure dans la Brigade des Fusiliers": "Le 17 mars 1812, les 3ème, 4ème divisions et la division légère campaient autour de Badajoz, occupant l'intégralité du terrain qui borde la ville sur la rive gauche de la Guadiana; les travaux d'approche commencèrent la même nuit. A cette occasion, les éléments adoptèrent la cause des assiégés; nous étions à peine arrivés qu'une forte pluie se mit à tomber et continua sans interruption toute la nuit; en conséquence, le pont de pontons, qui nous reliait à Elvas, d'où nous recevions nos approvisionnements, fut emporté par la rivière en crue et le travail de la tranchée fut rendu extrêmement pénible. Notre force était plus faible que celle qui avait été employée à Cuidad Rodrigo; et l'étendue des opérations était cependant beaucoup plus grande ici de sorte que tous les hommes devaient accomplir six heures de tranchée pendant le jour et autant pendant la nuit; le temps de marche, pour regagner le bivouac, à travers des champs détrempés par la pluie et couverts d'une boue épaisse, ne nous laissait pas plus de huit heures de repos et encore n'étions nous jamais secs. 
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Edward Costello: "The Peninsular and Waterloo Campaigns - Hamden - Archon Books - 1968"Le plus grand ennui que nous eûmes à essuyer durant le siège fut causé par les projectiles jetés sur nous depuis la ville. Nos travaux faisaient certes écran et nous protégeaient des tirs tendus; mais les bombes, qui tombaient dans les tranchées tandis que nous travaillions, et y explosaient, causaient souvent beaucoup de désagrément. Dès qu'un obus tombait, les hommes se jetaient face contre le sol jusqu'à ce qu'il ait explosé. Je me souviens que Tom Crawlay, qui n'était pourtant pas spécialement craintif devant d'autres tirs, éprouvait une répugnance insurmontable à l'encontre de ces visiteurs meurtriers. Sa peur l'amenait à croire que la plupart d'entre eux étaient dirigés vers l'endroit où il avait le malheur de se trouver plutôt que vers les autres parties des tranchées. Pendant la nuit, en particulier, Tom était toujours sur le qui-vive; aussitôt qu'un projectile arrivait, il s'exclamait: "Voici encore une de ces brutes!" et se jetait aussitôt à plat ventre sur le sol. Cette manière de procéder n'était pourtant pas d'une grande utilité, car, à peine étions-nous sur le sol, qu'il nous fallait lever la tête pour voir où les éclats allaient choir. Ceux-ci, de gros morceaux de métal tombant avec une grande violence, possédaient parfois une force suffisante pour écraser un homme et l'enfoncer dans le sol." 
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Kincaid: "Le 6 avril 1812, trois brèches furent praticables et les dispositions furent prisent pour donner l'assaut la nuit même. La 3ème division, par escalade, au château; une brigade de la 5ème division par escalade, sur le côté opposé de la ville; tandis que la 4ème et la division légère monteraient à l'assaut des brèches. L'ordre fut donné afin que les troupes destinées à l'attaque soient formées pour huit heures." 
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Costello: "Le Sergent Fleming arriva pour informer le Major O'Hare qu'un parti de porteurs d'échelles était requis. "Prenez la file de droite des sections de tête" répondit le Major. Aussitôt dit, aussitôt fait; les hommes de mon rang et moi reçurent la charge d'une échelle sur l'épaule. J'abandonnai aussitôt tout espoir de retour. Les échelles étaient ici beaucoup plus longues que celles qui avaient été employées à Ciudad Rodrigo. L'ordre nous fut donné de nous porter en avant. Nous étions accompagnés de chaque côté par deux hommes pourvus de hache pour détruire tous les obstacles qui pourraient s'opposer à eux, comme les chevaux-de-frise. Nous étions six à porter l'échelle qui m'avait été allouée et j'avais été contraint de placer mon sac devant moi. Nous avions fait à peine quelques pas lorsque nous entendîmes des voix sur notre droite; supposant qu'il pouvait s'agir d'ennemis, je me dégageai et armai mon fusil, prêt à me défendre. Heureusement, nous découvrîmes bientôt notre erreur; comme quelqu'un de notre groupe criait: "Attention! Ce sont les troupes d'assaut de la 4ème division qui nous rejoignent". Nous eûmes la preuve que c'était vrai. Cette brève alarme passée, nous continuâmes à avancer vers les murs, les fusiliers, en avant comme précédemment. Nous passâmes le fort Saint Roch, à notre gauche, près de la tour, et, comme nous approchions, la sentinelle nous aperçut. Un moment plus tard, un pot-à-feu fut jeté, qui diffusait une brillante lumière rouge autour de nous; instantanément, une volée de mitraille, d'obus et de coups de fusils nous accablèrent et nous restâmes sur le glacis, à une distance d'environ 30 yards (environ 27 m) des murs." 
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Costello décrit ensuite le combat sous les murs. Un feu terrible et incessant s'abat sur les assiégeant, comme si la bouche de l'enfer vomissait sur eux le carnage et la destruction. Les cris des combattants se mêlent aux plaintes des blessés qui tentent de regagner l'arrière. Costello sauve un soldat français de la mort. Il est lui aussi blessé au genou et le soldat français, sentant que sa vie est en danger et que Costello a aussi besoin d'assistance, s'étend à ses côtés. Le lendemain, un soldat du 83ème régiment, qui nettoie sa batterie, s'y prend si mal que le coup part et touche à la tête un caporal qui est tué, avant d'aller blesser un soldat à la main. Le soldat français s'effraye et devient pâle comme le marbre, car il semble penser que le coup lui était destiné, le caporal tombant raide à ses côtés. Cet incident incite Costello à s'interroger sur le destin du soldat qui surmonte bien des dangers pour venir se faire tuer par accident, par suite de la maladresse d'un soldat. 
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On accusa Wellington d'avoir donné l'assaut trop tôt mettant ainsi en péril la vie de nombreux soldats. De fait, les brèches ne furent pas emportées et la ville tomba seulement grâce aux escalades. Les pertes furent énormes et Costello dut attendre longtemps avant d'être soigné. Pendant ce temps, les assaillants s'étaient répandus dans Badajoz s'y livrant au pillage et à la destruction. Ils étaient furieux du prix payé pour la prise de la ville alors qu'elle avait été si facilement emportée par les Français. "Je restai trois jours au camp avant d'être emmené dans un hôpital, à Badajoz, pour y être soigné. Pendant ce temps, j'eus l'occasion d'entendre parler des importantes pertes de l'armée. Le nombre de soldats tués, blessés, et absents, était si élevé qu'une compagnie était dans l'impossibilité de montrer une douzaine d'hommes à la parade trois jours plus tard. Des partis furent envoyés sur les brèches pour brûler les morts, qui commençaient à sentir très fortement; mais le nombre d'hommes disponibles pour être affectés à cette tâche s'avéra insuffisant."
 

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