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Nous comptions rester tranquillement dans
nos quartiers d'hiver, à St. Jean de Luz; mais, à notre grande
surprise, un matin de bonne heure, nous fûmes tirés du sommeil
par le son du tambour nous appelant aux armes. Nous fûmes bientôt
en ordre de marche. Il s'avéra que nos avant-postes avaient été
sévèrement poussés par les Français, et nous
fûmes invités à nous porter au secours de nos compagnons
d'armes.
La totalité de l'armée britannique, avec la division des gardes, commença un mouvement vers l'avant. Soult, voyant cela, changea entièrement de tactique et, à partir de cette date, à savoir le 9 décembre, une série d'engagements eut lieu. Le combat du 9 fut comparativement insignifiant. Quand nous fûmes attaqué le 10, les gardes tinrent la maison du maire, ainsi que les terrains et les vergers qui lui étaient rattachés: c'était une position importante. De forts corps d'infanterie ennemie s'approchèrent, et, après un combat décousu, ils réussirent à pénétrer dans notre position; de nombreux combats corps à corps s'en suivirent. Vers l'après-midi, les officiers et les hommes ayant montré une grande bravoure, nous repoussâmes l'ennemi du terrain qu'il nous avait si chèrement disputé et il retraita sur Bayonne. Des combats quotidiens nous opposèrent alors à lui tout le long de notre ligne, qui s'étendait, depuis la mer jusqu'à l'intérieur des Pyrénées, sur une distance d'au moins 30 miles. Le 11, nous échangeâmes seulement quelques projectiles, mais le 12 Soult lança sur notre gauche quinze à vingt mille hommes, avec le projet d'enfoncer notre front. Je dois rapporter un des incidents les plus remarquables de cette journée: un bataillon anglais était entouré par une division française, à proximité de la maison du maire qui, comme je l'ai déjà dit, était une de nos principales positions stratégiques. Le commandant français, croyant qu'aucune tentative ne serait faite pour lui résister, galopa au devant de l'officier anglais pour lui demander son épée. Piqué, l'officier britannique s'écria, sans la moindre hésitation: "ce camarade veut que nous nous rendions; à la charge, mes garçons! Et montrez-leur de quoi nous sommes faits." Aussitôt, une exclamation enthousiaste s'éleva; nos hommes se précipitant impétueusement en avant, chassèrent l'ennemi à la pointe de leurs baïonnettes, et se débarrassèrent bientôt des masses environnantes. En quelques minutes, ils firent prisonniers, ou tuèrent, la totalité du régiment d'infanterie qui leur était opposé. Le 13 fut donnée la sanglante bataille de la Nivelle (1). Soult était déterminé à fournir un colossal effort pour nous reconduire en Espagne. Pendant la nuit du 12, il concentra rapidement environ soixante mille hommes, devant le corps d'armée de sir Rowland Hill, qui en comptait à peine quinze mille, mais qui occupait une position très forte, défendue par des éléments de la meilleure artillerie du monde (2). Au point du jour, Rowland Hill fut surpris de se trouver menacé près ces masses d'infanterie, avançant à travers un pays heureusement coupés par des ruisseaux, des haies, et des bois, qui les empêchaient de progresser rapidement et interdisaient l'emploi de la cavalerie. Sir Rowland, se servant d'une position élevée, examina à la hâte le futur champ de bataille; il concentra ses hommes aux endroits où il pensa que la nature du terrain inciterait l'ennemi à attaquer. Les Français, confiants dans le succès, en raison de leur supériorité numérique, se lancèrent vaillamment à l'assaut, attaquant à la baïonnette, pour la première fois dans une attaque préméditée. Nos hommes tinrent leurs positions, en restant pendant des heures sur la défensive, soutenus par notre excellente artillerie, efficacement servie et commandée par des officiers parfaitement formés, et qui manoeuvrait sans aucune difficulté sur le terrain où elle se trouvait. Vers midi, l'ennemi, découragé, parvint à la conclusion qu'il n'entamerait pas notre position; il se retira alors en bon ordre, sir Rowland Hill n'osant pas le poursuivre. Lord Wellington arriva juste à temps pour être témoin de la fin de la lutte; et, tandis qu'il se rendait sur le champ de bataille, en compagnie de sir Rowland Hill, il remarqua qu'il n'avait jamais vu combattre autant d'hommes dans un espace aussi restreint. Je ne dois pas omettre de mentionner un événement qui s'est produit pendant ce combat mémorable, au cours duquel s'illustrèrent à la fois la poltronnerie et le courage. Le colonel d'un régiment d'infanterie, dont je tairai le nom, étant aux abois, pris la décision non seulement de s'enfuir lui-même mais également celle d'ordonner à son régiment de se retirer. De fait, le mouvement rétrograde avait débuté, quand mon cher et vaillant ami lord Charles Spencer, aide de camp de sir William Stewart, se porta vers l'avant, et, saisissant le drapeau du régiment, s'écria, "puisque votre colonel ne veut pas vous mener au combat, mes enfants, suivez-moi." La bravoure de ce jeune homme, à peine âgé de 18 ans, anima le régiment, et lui redonna confiance, il se rallia et partagea la gloire de la journée. (1)- Il s'agit en fait de la
bataille de Saint-Pierre d'Irube.
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