|
Le récit du Capitaine
Batty (témoin anglais)
. Les magistrales manoeuvres du Marquis de Wellington avaient complètement coupé les communications de l'armée du Maréchal Soult avec Bayonne ; comme nous l'avons déjà relaté, le 25 février, cette clef importante du Sud de la France était totalement investie par Sir John Hope. L'achèvement du grand pont sur l'Adour, en aval de Bayonne, permettait non seulement les communications nécessaires entre les troupes des deux rives, pendant le siège de la ville, mais ouvrait aussi une voie ininterrompue dans la direction des grande routes de la rive droite, qui facilitaient l'approvisionnement de l'armée ainsi que ses mouvements vers l'intérieur de la France. Il était ainsi inutile d'emprunter les mauvais chemins qui traversaient les gaves et les petites rivières tributaires de l'Adour, dont tous les ponts importants avaient été détruits. L'avance triomphale du Maréchal obligea à séparer le gros de l'armée des Alliés d'avec son aile gauche ; celle-ci devint un corps de troupe distinct agissant désormais d'une façon absolument indépendante, contrairement aux opérations précédemment décrites. Il n'est pas dans notre intention d'entrer dans de menus détails au sujet des mouvements de cette partie de l'armée, qui fut dirigée personnellement par le Marquis de Wellington, depuis lors jusqu'à la fin de la guerre. Un bref compte rendu de sa marche ainsi que des batailles qu'il gagna suffira pour rappeler au lecteur les événements contemporains de cette brillante campagne, qui se termina par la paix générale en Europe. Le 23 Février, le Maréchal Beresford avec les divisions des Généraux Cole et Walker et la brigade de Cavalerie Légère du Colonel Vivian attaqua et repoussa l'aile droite de l'armée du Maréchal Soult hors de sa position à Hastingues, sur la rive gauche du Gave de Pau. Le lendemain, le Marquis de Wellington ordonna le passage du Gave d'Oloron à l'aile droite commandée par Sir Rowland Hill ; elle était constituée par la 2ème division, par la division légère et par les Portugais du Général Le Cor, à Villenave. Pendant ce temps Sir Harry Clinton traversait en dessous de Montfort avec la 6ème division. Le Général Morillo entreprenait au même moment le blocus de Navarrenx, à l'extrême droite. Pendant ces opérations l'attention de l'ennemi ne cessait d'être attirée par la 3ème division de Sir Thomas Picton, qui menaçait Sauveterre. Etant tournée par le Passage du Gave d'Oloron, la gauche de l'armée Française se retira, au cours de la nuit, à Orthez, derrière le Gave de Pau, et s'installa sur une très forte position, son aile gauche, commandée par le Général Clausel, trouvant son point d'appui sur le Gave et dans la ville d'Orthez, son centre aux ordres du Comte d'Erlon sur des hauteurs en arrière et à droite ; quant à son aile droite, elle s'étendait sur la colline située derrière le village de Saint Boès également occupé. La division du Général Harispe constituait la réserve, légèrement en arrière, au travers des grandes routes de Bordeaux et de Toulouse. Le 26, le Maréchal Beresford franchit le Gave de Pau et, le 27 au matin le Marquis de Wellington ordonna d'attaquer les positions ennemies. L'aile gauche, comprenant la 4ème et la 7ème divisions ainsi que la brigade du Colonel Vivian, reçut, comme objectif l'aile droite Française à Saint Boès. Le centre comprenant les 3ème et 6ème divisions avec la brigade de Cavalerie Légère de Lord Edward Somerset fut dirigée contre le centre et la gauche, tandis que Sir Rowland Hill traversait la rivière en face de la gauche des ennemis et tournait le flanc de leur position. Au cours de ces attaques toutes les troupes firent preuve de la plus grande bravoure. L'ennemi défendit le terrain avec ténacité ; dans sa résistance aux attaques bien engagées et fougueuses des Alliés il fut plus que courageux. A la fin cependant, la pression continue de nos hommes fut couronnée de succès. Le Maréchal Soult poursuivit sa retraite vers Saint Sever, ramenant ses divisions dans un ordre parfait et disputant chaque parcelle de terrain. Mais la progression de Sir Rowland Hill sur une ligne parallèle, menaçant l'arrière-garde ennemie, mit fin à la retraite ordonnée des Français, dont les colonnes cherchaient maintenant à se sauver dans une fuite précipitée. Beaucoup jetaient leurs armes ; tous cherchaient à atteindre le plus vite possible Sault de Navailles avant que les Alliés n’y parvinssent pour couper leur retraite. Avec la Cavalerie Légère, Sir Stapleton Cotton serrait de prés l'arrière-garde française, qui, cependant passa le Luy de Béarn, rivière coulant devant Sault, avant que Sir Rowland Hill ait pu la rattraper. Là, la poursuite cessa. Il ne fut pas possible d'estimer l'importance des pertes ennemies. Six pièces de canon furent prises ainsi qu'un grand nombre de prisonniers. Les désertions prirent beaucoup d'extension ; de nombreux soldats Français jetèrent leurs armes. Le pays était couvert de morts et de blessée. Nos morts furent d'environ 180 et nos blessés de 1.200. Capitaine Batty : « Campagne de la
gauche de l’armée allié dans les Pyrénées occidentales
en 1813-1814 sous le maréchal de camp marquis de Wellington
»
Le récit de l'abbé Tauzin, curé de Baigts (témoin français) Les Français, chassés d'Espagne par les Anglais unis aux Portugais et aux Espagnols, payaient les divisions de leurs chefs. En vain, Napoléon reconnaissant l'incapacité de son frère Joseph, venait de confier le commandement à Soult, que ce roi d'Espagne provisoire avait fait rappeler naguère en France. II avait fallu rétrograder successivement de Vitoria à Bayonne et de là à Orthez. Le maréchal Soult avait sous ses ordres environ 31000 hommes et Wellington 44000. Les 31000 hommes de Soult étaient commandés par Reille, Clauzel et d'Erlon. Les 44000 hommes de Wellington comprenaient également trois corps : deux ailes commandées par Hill et Beresford ; le centre commandé par Wellington lui-même. La cavalerie anglaise comprenait 22 régiments contre l6 de cavalerie française. Soult et Wellington avaient le même age, 45 ans, le même brillant passé militaire, à peu près les mêmes talents. Dans la journée du 24 février
1814, Soult, qui retirait de gave en gave, coupant les ponts derrière
lui, donna l'ordre de se retirer derrière le gave d'Oloron. Wellington
lui opposait un front de 50 kilomètres. Au gué d'Aspis, 300
à 400 Anglais du général Picton furent tués
ou noyés. Cependant, Soult écrivait au ministre que les gaves,
bas à cette époque, ne constituaient pas des obstacles ;
il ne se doutait pas qu'ils suffiraient à noyer bon nombre d'Anglais...
Soult ne sut pas profiter de ces avantages. Dans la journée du 25
février, Villate se retira sur Orthez et, après un engagement
avec Wellington lui-même, il entra dans cette ville par le Pont-Vieux,
dont il fit sauter une arche. Taupin, poursuivi par Picton se retira sur
Salies et Bérenx et entra dans Baigts après avoir fait sauter
le pont de Bérenx.
C'est dans la journée du 27 février que se livra l'action décisive. Soult avait bien pris ses dispositions. Jusqu'à l1 heures du matin il avait infligé des pertes sérieuses aux Anglais. Si, à ce moment-là, il avait pris l'offensive, il eût rejeté les Anglais dans le Gave et décidé de la victoire. Il n'y songea pas un instant et laissa les masses anglaises se grouper lentement et se former en ordre de bataille. Wellington, lui, n'hésita pas à lancer toutes ses forces sur Saint-Boès. Le 52e régiment anglais, vers 2h.20 entrait dans le vide entre d'Armagnac et Rouget et s'emparait de deux pièces à Luc. Soult, posté à Lafaurie, vit Hill qui, à Orthez, ne cessait d'occuper Harispe , pour l'empêcher de tomber sur le flanc de l'attaque de Picton, passer le gave au gué de Soarns et monter vers la Motte-de-Tury, pour couper la retraite de Sault-de-Navailles. C'était le moment qu'il attendait pour prendre enfin une décision, la seule prévue, la retraite. Wellington, contusionné d'une balle l'aine, poursuivit très peu nos troupes qui fuyaient vers Sallespisse. Nous avions 539 morts et 205 blessés. Les Anglais avaient perdu 2300 hommes. Ce sont là, à peu prés, tous les souvenirs qui nous restent de cette date épique. Les Anglais, boutés jadis hors de France par Jeanne d'Arc et les gascons de la Hire, y étaient rentrés quatre cents ans plus tard par cette Gascogne qui fut si longtemps leur proie. Le témoignage de l’abbé Tauzin est manifestement empreint de l’esprit de parti. Il était cependant certainement en phase avec l’opinion publique d’une région très hostile à la conscription, où la grogne contre le pouvoir impérial s’exprimait ouvertement et où beaucoup gens souhaitaient la victoire des envahisseurs anglais, espagnols et portugais. Pour plus d'informations sur cette bataille, cliquez ici |
|