L'abbaye de Saint-Roman, Beaucaire, Tarascon |
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. L'abbaye de Saint-Roman (les photos sont ici ) Aujourd'hui, nous allons nous rendre dans les environs de Beaucaire, pour visiter l'abbaye troglodyte de Saint-Roman au cours de la matinée. L'après-midi sera consacrée à la visite des châteaux de Beaucaire et de Tarascon. Nous garons notre voiture sur la vaste aire de stationnement située au pied de la colline de l'Aiguille au sommet de laquelle s'élevait l'abbaye, au milieu des garrigues. Puis nous nous dirigeons vers le chemin qui s'élève en serpentant au milieu d'une forêt méditerranéenne sur les pentes de la colline. A l'entrée de ce chemin, une pancarte fournit aux visiteurs quelques explications sur ce site unique en Europe. Au 5ème siècle, des ermites choisirent le haut de la colline, propice à la solitude et à la méditation, pour y établir un ermitage. De nombreux vestiges liés à la vie monastique qui s'y déroula jusqu'en 1538 y sont encore visibles. La partie supérieure est en grande partie occupée par une nécropole où plus de 150 tombes furent taillées dans le rocher. Un tombeau à reliques se trouve dans la chapelle troglodytique; selon la tradition, ce tombeau renfermait un fragment de la main droite de saint Roman, ainsi qu'un fragment du pied droit de saint Trophime. L'attention des visiteurs est particulièrement appelée sur le siège de l'abbé daté du 12ème siècle, sur les cellules des moines, les citernes et les celliers, la salle commune et le pressoir à vin. Nous ne manquerons pas de suivre ces conseils. Le chemin qui mène vers le haut de la colline et parfaitement balisé et bien entretenu. L'accès est facile. Des panneaux précisent quelques points de nature géologique. La mer qui noyait à l'ère tertiaire le couloir rhodanien s'est retirée en laissant sables, marnes et calcaire. L'érosion a dégagé les couches les moins tendres pour former les collines que l'on voit aujourd'hui. L'homme en a sculpté les formes en exploitant pour la construction des bourgades la pierre de Beaucaire, résistante et facile à travailler. On peut encore découvrir, en s'attardant à examiner le sol, brisés par le ressac, coquillages, dents et squelettes de la faune marine qui le composent. Dans une guérite, plantée au
bout du chemin, nous prenons les billets d'entrée ainsi que des
dépliants touristiques. J'achète aussi un petit livre où
l'histoire du site est présentée en images ("Saint-Roman
de l'Aiguille" - Texte de Jean Roche - Illustrations de Mor - Éditions
de la Shab); j'y puiserai de nombreuses précisions historiques que
je vais immédiatement rapporter.
La première pièce que nous explorons
est l'ancienne chapelle abbatiale.
Creusée dans le roc, elle était surmontée d'une voûte.
Des transformations l'ont défigurée au cours des âges.
Le travail des carriers, depuis l'époque du château, en a
rabaissé le sol de plus d'un mètre cinquante sur les deux
tiers de sa longueur; un puits de lumière a été ouvert
dans l'absidiole gauche; ces différentes modifications ont fait
perdre à l'antique chapelle monastique sont aspect bas et sombre;
les fresques colorées qui ornaient ses murs ont disparu; mais les
points d'accrochage de multiples lampes à huile sont encore visibles
sur les plafonds de la nef. A l'époque romane, au 12ème siècle,
le rocher a été renforcé, à la croisée
du transept, par une voûte sur croisée d'ogives reposant sur
des piliers. Au cours des siècles, les moines s'attachèrent
à donner à ce lieu du culte le plan traditionnel en croix
des églises bâties: nef, transept, chapelles latérales
et absidioles. Au Moyen Âge, les pèlerins y affluèrent
pour vénérer les reliques de Saint-Roman et de Saint-Trophime
placées en un reliquaire dans le tombeau creusée au centre
de la chapelle; une encoche sur le côté permettait de le toucher
en signe de dévotion. Un siège
abbatial, sans doute sculpté lui aussi au 12ème siècle,
ornait le choeur, au fond à droite; c'est l'une des pièces
les plus intéressantes du site; ce siège de l'abbé
était flanqué de celui, plus simple, du prieur, devant lequel
s'ouvre une ancienne sépulture; ils étaient sans doute peints
et dotés d'accessoires qui ont disparu. On remarque également
dans la chapelle d'autres tombes, un chapiteau du 11ème siècle,
posé sur le sol, qui fut trouvé sur la terrasse supérieure,
probable témoignage d’un cloître disparu qui devait être
situé au nord de la terrasse, ainsi qu'une croix gravée dans
la roche.
Un chemin extérieur permet d'accéder à la terrasse supérieure. De là, on jouit d'une belle vue sur le paysage environnant; au pied de la colline, on distingue nettement le barrage de Vallabrègues qui harnache le Rhône et plus loin, avec de bons yeux, Avignon, le Mont Ventoux, le Lubéron, Saint Rémy de Provence, les Alpilles, Tarascon et Beaucaire. A peu de distance, en haut d'une seconde colline, la roche blanche mise à nu, révèle l'existence d'autres vestiges archéologiques. Un mur, construit en épis, avec des briques, ferme un côté de la terrasse. Mais ce qui frappe le plus, c'est l'enchevêtrement des nombreuses tombes creusées en haut de la colline; il y en aurait eu un bon millier; il n'en subsiste que cent cinquante deux, mais leurs dispositions, leurs formes et leurs dimensions différentes, laissent supposer que des hommes, des femmes et des enfants y trouvèrent leur dernier séjour. Au Moyen Âge, en effet, Saint-Roman fut un lieu de pèlerinage mais aussi une importante nécropole où, en plus des moines, venaient se faire inhumer, à proximité des saintes reliques, les paysans des alentours et même des gens fortunés qui, venus de plus loin, faisaient un don à l'abbaye. Des tombes ont été recouvertes, à la fin du 19ème siècle, par la terre rapportée pour aménager un jardin romantique au milieu des ruines par le propriétaire du site; les pins qu'il a plantés s'y élèvent encore inclinés par la force du vent qui y souffle. On découvre aussi sur la terrasse des
vestiges des fortifications, notamment les restes d'une tour,
avec des archères en croix permettant un tir angulaire. Les moines
entamèrent le processus de fortifications au cours de la guerre
de cent ans. A cette époque, ils avaient déjà construit
sur la terrasse et délaissé certaines parties troglodytes.
La transformation la plus radicale fut réalisée par la taille
des parois du sommet calcaires en à pics et le creusement d'un fossé
pour dissuader les escalades; ces travaux entraînèrent la
disparition de nombreuses tombes et cellules. Un peu avant les guerres
de religion, le premier seigneur laïc conféra à ces
lieux la physionomie qu'ils garderont pendant trois siècles, en
remplaçant les bâtiments monastiques par un château
doté d'un mur d'enceinte, d'échauguettes et de meurtrières,
et en élevant des murs là où la taille des parois
avait laissé béantes les anciennes cavités.
Une citerne de 143 m3 se trouve sous la grille de la terrasse; elle date de l'époque du studium, c'est-à-dire du 14ème siècle. Un réseau de rigoles et de tuyaux récupérait les eaux de pluies récupérées sur les toitures vers un bassin de décantation situé au milieu des tombes. Cette citerne, avec d'autres, étaient les seules sources d'eau pour les bâtiments et leurs occupants successifs, le massif de l'Aiguille ne comportant pas de source; taillée dans le roc, elle est enduite d'argile pour l'étanchéité. La partie sud du rocher abrite quelques cellules monastiques échappées à la fortification du sommet. Certaines ont été transformées en silos à grains. Une partie seulement de ces cellules est accessible. Les moines les atteignaient en grimpant le long du rocher ou en employant des échelles. Bien que les ouvertures aient été élargies, ont peut encore se faire une idée de la stabilité thermique qui y régnait (14 à 16° toute l'année); comme dans une cave, les moines y étaient protégés de la chaleur comme du froid. Une inscription en latin rappelle l'occupation d'une des cellules visitables par un moine qui y laissa son nom: "Vitalis vécut dans cette humble cellule." Cette cellule fut convertie en silo et son fond s'est détaché de la paroi et repose maintenant en contrebas le long du chemin. Sur le chemin de la grande salle, on trouve,
à gauche de la chapelle, une cage à pressoir
creusée dans le calcaire. La cuve de recueil du jus de raisin a
été détruite par l'exploitation de la pierre, mais
les rainures dans lesquelles glissaient les pièces de bois du pressoir
ainsi que le trou dans lequel tournait l'axe à vis sont toujours
bien visibles. Ce pressoir "banal" servait aux paysans qui dépendaient
de l'abbaye et cultivaient des terrasses et des champs aux alentours.
La grande salle est une immense pièce très haute de plafond entièrement creusée dans le calcaire. Elle comprenait autrefois trois niveaux qui ont laissé leurs traces sur les murs; le niveau le plus bas était doté de voûtes d'arêtes, le second niveaux possédait une voûte en plein cintre et le dernier niveau était sommé par la voûte naturelle de la grotte. On pense que la salle basse servit d'écurie au 14ème siècle, à l'époque du studium, ce qui expliquerai la présence d'un profil de mangeoire au fond à droite. Quelques pierres taillées intéressantes sont exposées; elles ont été recueillies lors du déblaiement des gravats qui encombraient la grande salle. Sur l'un des murs une abondantes documentation écrite et iconographique complète les informations figurant sur les dépliants touristiques. On y compare le site de Saint-Roman avec les sites troglodytiques de Grèce et de Turquie. C'est en effet la même foi qui poussa
les ermites et les moines de Cappadoce
comme ceux de Provence à se retirer du monde. Il n'est guère
douteux qu'une filiation spirituelle relie directement les Pères
du désert égyptien et les pères cappadociens des 3ème
et 4ème siècles, à Jean Cassien, lequel introduisit
leurs enseignements en Occident au 5ème siècle. On éprouve
ainsi, à des milliers de kilomètres, l'émouvante ressemblance
des installations. Des hommes ont-ils traversé alors l'espace et
pas seulement les paroles? On ne le sait pas. La Cappadoce, terre d'élection
du monachisme oriental, conserve quantité d'installations troglodytes
creusées dans le tuf. Des analogies frappantes, mais aussi des différences,
existent entre ces églises et monastères souterrains et l'abbaye
de Saint-Roman. Certes, les destructions et l'ouverture aux intempéries
de la chapelle de Saint-Roman n'ont pas laissé subsister grand chose
des décorations originelles; mais les quelques traces de peinture
relevées laissent imaginer que son décor primitif devait
ressembler à celui que présentent encore des sites orientaux.
Les cellules, chambres des ermites et des moines, avec leurs aménagements,
étagères, placards, loges pour les lampes, taillé
dans la roche, offrent de curieuses similitudes. Les sanctuaires de Cappadoce
comportent de nombreuses croix carrées à branches égales,
dites "croix grecques", gravées ou peintes; deux croix de ce type,
presque effacées, se voient également dans la chapelle de
Saint-Roman. A Saint-Roman aussi bien qu'en Cappadoce, les hommes ont foré
les installations indispensables à la vie de tous les jours et à
l'exercice du culte. Mais, si comme les monastères cappadociens,
l'abbaye de Saint-Roman a été creusée dans une colline,
elle l'a été sans plan préétabli et en utilisant
au départ des excavations naturelles, alors qu'en Cappadoce les
constructeurs ont souvent suivi les plans classiques des architectes byzantins.
Pour terminer, une présentation biographique de plusieurs personnages importants de la vie monastiques est regroupée sur un imposant tableau qu'il est impossible de résumer tant les informations y sont nombreuses et denses. Avant de quitter le site, nous en faisons le tour, probablement à l'emplacement de l'ancien fossé aujourd'hui comblé. L'ensemble est très imposant et la falaise striée, comme si elle avait été sciée, paraît effectivement bien difficile à escalader. La taille des parois y a laissé béantes plusieurs anciennes cavités qui montrent que le calcaire y était aussi troué qu'une meule de gruyère. Le billet d'entrée donnait droit à
d'autres visites dans les environs, mais nous n'aurons pas le temps de
nous y rendre.
Beaucaire (les photos sont ici ) Nous décidons d'aller déjeuner à Beaucaire où nous avons repéré quelques restaurants sympathiques lors de notre précédent passage, pour la course camarguaise, sur les bords du canal du Rhône à Sète. Beaucaire, l'antique Ugernum, fondée par les Romains, était située au carrefour de la Via Domitia qui desservait les directions de les d'Arles, de Nîmes, de Remoulins et de Saint-Gilles. C'est dans ses murs que, à la suite de la prise de Rome par les Vandales, en 452, la noblesse gauloise se réunit pour élire Avitus comme nouvel empereur. Plus tard, la cité fut la proie des invasions burgondes, goths et sarrasines. Elle subit un siège mémorable, célébré par les troubadours, lors de la croisades contre las Albigeois. Malgré tous ces malheurs, elle n'en fut pas moins une importante ville médiévale où se tenait la foire de la madeleine, une des plus fréquentées d'Europe et Saint Louis s'y rendit à plusieurs reprises. C'est au Moyen Âge qu'elle prit son nom actuel, sans doute en raison des carrières de pierre exploitées dans les environs (Beaucaire signifierait Belle Pierre). On comprendra que les vestiges architecturaux y soient abondants et son histoire agitée justifie pleinement l'existence d'un château fort imposant sur la butte qui s'y élève. Aujourd'hui, Beaucaire, Terre d'Argence (nom qui viendrait de la couleur des feuilles de peupliers que l'on y rencontre ou des salines voisines?), est une ville d'art et d'histoire où se déroulent des fêtes estivales et des manifestations taurines réputées. Après avoir hésité quelque peu, nous nous décidons pour un restaurant où il reste quelques places de libre; il y a beaucoup de monde dans ces sortes de guinguettes au bord de l'eau. Nous allons goûter aux tellines, curiosité culinaire régionale que nos hôtes nous ont conseillée. Les tellines, appelées pignons en Vendée et doucerons dans la Manche, sont de petits coquillage bivalves de 2-3 centimètres qui vivent en bordure de mer, sous quelques centimètres de sable mouillé. On les pêche en râtelant le sable, au moyen d'un chalut-râteau, à l'endroit où rompent les premières vagues; cette activité est réglementée et, comme ce coquillage se reproduit dès l'âge d'un an, son espèce ne paraît pas menacée. Une fois bien nettoyées de leur sable, les tellines sont sautées à la poêle dans de l'huile d'olive, avec de l'ail et du persil; on peut rehausser le tout d'un filet de vinaigre; elles se mangent avec les doigts. Il s'agit d'une spécialité plus amusante que gastronomique. Le repas achevé, nous nous rendons au
château dans l'intention de le visiter. On accède au jardin
qui le borde en gravissant un escalier monumental (voir 1a,
deuxième image ci-dessous) en haut duquel un premier panneau nous
accueille. Nous y lisons plusieurs renseignements historiques.
La colline sur laquelle le château dresse son imposante masse du fut occupée de façon continue dès le 9ème siècle avant notre ère. Sous la dynastie carolingienne, la bourgade et son territoire constituaient le domaine du comte d'Arles. Entre 1018 et 1067, l'antique Ugernum s'effaça devant Beaucaire qui passa, en 1125, aux mains des comtes de Toulouse. En 1229, troisième année du règne de Saint-Louis, le traité de Paris annexa le Languedoc au domaine royal. Beaucaire devint alors une sénéchaussée. Les vestiges de cette forteresse, l'une des plus puissantes du Midi de la France témoignent encore des deux grandes phases de l'histoire de la ville: l'époque où elle fit partie du comté et celle où elle fut sénéchaussée royale. Nous nous promenons un moment sur la terrasse
en longeant le mur qui ceint le complexe castral par dessus lequel on jouit
d'un beau panorama sur la ville actuelle et ses monuments. De cette éminence
on aperçoit aussi le château de Tarascon, tout blanc sur les
collines bleues et sur l'azur du ciel, par delà les vagues vertes
des épaisses frondaisons qui nous en sépare, le long du Rhône
que l'on ne voit pas. Ensuite, nous dirigeons nos pas vers les Musées
d'Histoire et d'Archéologie Auguste Jacquet où l'on délivre
les billets d'entrée. Las, un désappointement nous y attend:
nous avons mal choisi le jour de notre visite; aujourd'hui, le spectacle
des Aigles de Beaucaire se déroule dans le château qui est
interdit aux visiteurs. Le dépliant touristique nous précise
que plus de trente espèces de rapaces: aigles, faucons, hiboux,
chouettes, milans s'y livrent à un ballet aérien hors du
commun, en rasant les têtes des spectateurs. Comme nous avons déjà
assisté à un spectacle de ce genre à plusieurs reprises,
et notamment à Séverac,
en Aveyron, deux ans plutôt, nous déclinons l'invitation qui
nous est faite de nous mêler aux spectateurs. Nous nous bornerons
donc à faire le tour des murailles du château en admirant
ce qui est visible de l'extérieur.
La construction du château comtal et de la muraille de la ville, dont il limitait le côté nord, remonte sans doute à la fin du 11ème siècle ou au début du 12ème siècle, sous la domination des comtes de Toulouse, comtes de Saint Gilles. Elle s'appuya sur quelques vestiges romains (voir image ci-dessus). Le château affectait alors une forme rectangulaire; les courtines* étaient défendues au nord par une tour polygonale (1), qui faisait office de donjon, et une tour ronde (2), à l'ouest par la tour ronde de l'entrée (3) et par une tour d'angle sud-ouest (4), au sud par une grosse tour circulaire (5), au sud-est enfin par les tours rondes et le massif carré de l'entrée de la ville (C). L'assise du château médiéval suivait donc grosso modo les limites définies par les points C, 1, 2, 3, 4 et 5. Les grandes destructions dues au siège de Beaucaire, en 1216, lors de la croisade albigeoise, puis la nécessité de protéger la ville durant la guerre de cent ans, conduisirent à de nouveaux travaux au milieu du 14ème siècle. La ville, désormais royale, et sa forteresse, doublèrent de superficie. Mais, en 1632, après le soulèvement du gouverneur du Languedoc, Henri II de Montmorency, Louis XIII ordonna la destruction du monument. Au nord-ouest, un sommet isolé servait d'assise à une vaste poterne* (aujourd'hui disparue), reliée par un pont au reste du château, ouvrage avancé chargé de protéger l'entrée principale (A). Cette entrée carrossable conduisait à un pont-levis (B) flanqué d'une tour circulaire et donnait accès au corps principal élevé au plus haut du rocher. On pénétrait aussi dans le château par l'entrée sud-est (C), également protégée par deux tours rondes: de là, un escalier conduisait vers un massif épais, construit en bossages*, protégé par une herse et par un assommoir*. Une porte fortifiée contrôlait le troisième accès du château au nord (D); un escalier et une poterne surmontée d'une bretèche* raccordaient directement la forteresse au Rhône. A l'emplacement du fossé sec (large et profond de sept mètres à l'origine), on peut voir les témoignages encore en place de son démantèlement par le cardinal de Richelieu. Nous nous rendons d'abord au point C, où se trouve la porte monumentale qui permettait la communication du château avec la ville, à travers laquelle il est possible d'apercevoir une église au clocher carré dont le tympan s'orne d'une croix grecque, probablement la chapelle castrale. Ensuite, nous cheminons au long des murs du château, sous les ombrage du jardin, en suivant à peu près la direction 2, 1c, 1d. Par dessus les murailles et à travers les arbres, nous apercevons le haut de la curieuse tour polygonale qui, vue de loin et sous un certain angle, évoque la forme d'une lame ou plutôt celle d'un coin à fendre le bois. Par endroit, une tour ronde, presque masquée par le donjon polygonal, semble coiffée d'un capuchon pointu; est-ce une illusion d'optique, vue de Tarascon, cette tour semblera être une échauguette* construite sur le donjon. Nous longeons les vestiges romains pour nous retrouver vers les éboulis de ce qui dut être l'entrée principale (A), avec son pont-levis (B), ainsi que les tours 3 et 4, à proximité de la grosse tour ronde 2 encore debout; les restes d'un fossé profond s'enfoncent au pied de la muraille. Le chemin 1e et 1f, nous ne le suivrons pas; il est fermé; mais nous avons déjà vu le château du côté nord, lors de notre première visite de la ville. * Quelques définitions:
Le site officiel de la ville
de Beaucaire est ici
Tarascon (les photos sont ici ) De Beaucaire à Tarascon, il n'y a pas loin; il suffit de passer le pont, comme dit la chanson; mais les échangeurs sont autant de pièges et il faut ne pas se tromper pour se retrouver là où l'on souhaite se rendre. Et, pour nous, c'est à proximité du château. Nous stationnons sur une vaste aire presque
vide, face à une église et au château. Vu d'ici, ce
dernier ressemble à une masse blanche compacte, presque carrée,
au mur lisse et presque aveugle. Cette première impression est pourtant
fausse, nous le verrons plus tard.
Presque sous les murs du château est couchée, sur une verte pelouse et sous des lauriers roses fleuris, une statue immaculée de la Tarasque. Cet animal amphibie légendaire, à la fois dragon, poisson et cheval, était supposé habiter dans une grotte au bord du Rhône. C'est lui qui donna son nom à Tarascon. Le sculpteur l'a représenté pourvu de six pattes griffues, couvert d'une carapace de tortue armée de piquants et avec une queue terminée par une sorte de pointe de flèche cruciforme. Sa tête est celle d'un homme chevelu orné d'oreilles de cheval. Voici la légende qui s'attache à cette bête mythique. Naguère, au bord du Rhône, dans un bois entre Arles et Avignon, vivait un dragon, qui était un poisson à partir de la moitié du corps, plus gros qu'un boeuf, plus long qu'un cheval, et dont la gueule était garnie de dents énormes. Il attaquait tous les voyageurs qui passaient sur le fleuve et coulait à fond les embarcations; tout ce qu'il touchait était frappé de mort. On le disait venu par mer de Galatie où il avait été engendré par serpent marin. Une jeune femme, Marthe, que les prières du peuple avaient émue, entra dans le bois; elle y trouva le monstre qui était en train de manger; elle jeta sur lui de l'eau bénite et lui présenta une croix; alors l'horrible créature, devenue douce comme un agneau, se laissa lier; Marthe lui passa sa ceinture autour du cou, et le peuple vint le tuer à coups de lance et de pierres. Voilà pour le mythe et voici pour l'histoire: vers 1458, le roi René, dont il sera beaucoup question sur cette page, créa un ordre de la Tarasque réservé aux jeunes; cet ordre leur accordait le droit de porter en sautoir une effigie dorée de la bête, pendue à un ruban de pourpre. .
Le château s'élève sur un rocher au bord du Rhône; il est entouré de profondes douves qui communiquent avec le fleuve et où croupit une eau verdâtre dans laquelle poussent des joncs. Un pont qui chevauche le fossé permet d'accéder à l'entrée flanquée d'une hate tour à gauche et d'une plus petite sur sa droite; à côté de l'entrée, apposé sur le mur, on lit sur un panneau les informations qui suivent. "Bâti sur le rocher, l'imposant château du Roi René témoigne de son importance stratégique à la frontière du comté de Provence. Le château fut rééifié sous sa forme actuelle au 15ème siècle sous Louis II d'Anjou. René Ier dit le "Bon roi René" (1409-1480), mécène et poète, vécut au château entouré de sa cour notamment entre 1447 et 1449. Il organisa de somptueuses fêtes et tournois dont le célèbre "Pas de la Bergère" en 1449. Au 17ème siècle, le château vidé de son mobilier accueillit des prisonniers de guerre et des forçats en route vers le bagne. Les marques de leur passage mais aussi d'importants graffiti marins datant des 17ème et 18ème siècle constituent autant de témoignage dispersés sur l'ensemble des murs. Du début du 19ème siècle jusqu'en 1926, le château du roi René fut une maison d'arrêt. En 1932, il fut racheté par l'Etat pour être restauré sous la direction de Jules Formigé, architecte des monuments historiques." Ces renseignements appellent quelques précisions.
En 843, lors du partage de l'empire de Charlemagne, le Rhône devint
une frontière politique. Tarascon et son îlot rocheux, en
bordure du fleuve, acquirent alors le statut de site stratégique,
autant militaire que politique. Louis II duc d'Anjou, comte de Provence,
fit édifier le château à partir de 1400. Ses fils,
Louis III puis René Ier, continuèrent son oeuvre. Le second
l'aménagea en palais Renaissance. En 1481, lors du rattachement
de la Provence au royaume de France le château devint successivement
une résidence de passage pour les hauts personnages du royaume,
un atelier monétaire, puis une prison au 17ème siècle,
et enfin une maison d'arrêt de 1816 à 1926. L'ensemble fut
acquis par l'État en 1932. Attardons-nous un instant sur la personnalité
du roi René dont le souvenir marque profondément cette demeure
seigneuriale. Cadet de la maison d'Anjou, René Ier reçut,
à la mort de son frère, en 1434, les titres de roi de Naples
et de Sicile, de duc d'Anjou et de comte de Provence. Par ses deux mariages,
il obtint le duché de Bar, celui de Lorraine, puis le comté
du Maine. Sa lutte contre le duc de Bourgogne, pour le duché de
Lorraine, lui coûta six ans de captivité et une forte rançon,
en 1437. Il perdit ensuite son royaume napolitain, vaincu par Alphonse
V d'Aragon. Malgré ces mésaventures, le roi René,
beau-frère du roi de France Charles VII et beau-père du roi
d'Angleterre Henri VI par sa fille Marguerite, n'en demeurait pas moins
un puissant seigneur. Pourtant, en 1447, ses échecs militaires le
poussèrent à se retirer d'Angers et à se transformer
en mécène. Il consacra désormais sa vie aux plaisirs
et aux arts en Provence. Entouré d'artistes et de savants, il écrivit
des poésies et un roman courtois, "Le Coeur d'amour épris",
que les peintres de l'époque enluminèrent; on lui attribue
aussi l'ouvrage anonyme "Abusé en Cour"; on peut trouver
se procurer une version de ce dernier ouvrage, illustré de charmantes
vignettes d'époque, à la bibliothèque nationale (Gallica)
ou en cliquant ici. Il organisa un important tournoi
de chevalerie en 1449, et les Fêtes de la Tarasque en 1474. Il recruta
une demi-douzaine de chantres**, pour assurer de beaux
services. A son décès, en 1480, il légua le comté
à Charles du Maine, un neveu, maladif et sans succession. Cet acte
facilita le rattachement de la Provence au royaume de France, en 1481,
sous le roi de France Louis XI, Saint-Louis.
Dès l'entrée, le contraste architectural entre les deux parties du château est frappante. A droite, la basse cour, espace dévolu aux domestiques et à la garnison, est protégée par une première enceinte flanquée de trois tours barlongues** côté ville. Les communs qui s'y trouvent abritaient cuisine et garde-manger. Aujourd'hui s'y trouvent l'accueil, la librairie et les toilettes pour les visiteurs. Sur l'esplanade, devant les bâtiments, un jardin d'inspiration médiévale entoure un bassin central. Cet ensemble est beaucoup plus bas que le logis seigneurial qui se dresse, tel un fier donjon, sur la gauche. Ce logis se compose d'un ensemble polygonale clos renforcé de deux tours rondes du côté de la ville et de tours carrées sur le fleuve; c'est lui qui confère au château de Tarascon son apparence de puissante forteresse. Cependant, cette forteresse était également conçue pour assurer le confort de ses habitants. Organisées autour d'une cour d'honneur, les différentes salles recevaient l'éclairage de larges fenêtres; on y accédait par des escaliers à vis. La double influence du Moyen Âge et de la Renaissance italienne s'y décèle; si les solides murailles défient l'assaut, la richesse des décors évoque un passé de fêtes et de divertissements raffinés. Un pont sur un fossé relie la basse
cour (communs) au logis seigneurial beaucoup mieux défendu. La façade
de ce logis, vue du bas du fond de la douve, sous le pont, est positivement
vertigineuse et menaçante, avec ses fenêtres grillagées.
Le château, aujourd'hui dépourvu de mobilier s'est ouvert
à l'accueil d'oeuvres contemporaines. Le donjon d'entrée
(1) est doté d'une herse pour condamner la porte, suivie d'un étroit
cheminement coudé surmonté d'un assommoir*
pour briser l'élan des troupes ennemies. Les appartements royaux
se répartissent autour de la cour
d'honneur (2), aux harmonieuses façades gothiques, mais où
l'on se sent tout de même un peu comme au fond d'un puits. Par sa
baie carrée donnant sur la grande chapelle, la galerie, permettait
aux serviteurs d'entendre les messes. On pénètre, dans la
chapelle des chantres et la grande chapelle (3) après avoir gravi
les marches d'un perron, sous les bustes sculptés du roi René
et de sa seconde épouse Jeanne de Laval. En haut du mur ouest, la
grande chapelle a gardé la galerie de bois autrefois empruntée
par le roi pour se rendre à la chambre de la reine.
On revient dans la cour d'honneur pour pénétrer dans l'aile ouest, celle du roi, qui jouxte le Rhône. On pénètre dans la salle des festins (4) pourvue de deux vastes cheminées et de cinq baies, assurant lumière et chaleur. Un évier au nord et une trappe pour verser les déchets dans le fleuve au sud facilitaient le service. Un escalier (A) permet d'accéder accéder à la pièce au-dessus. La salle d'apparat (5), au premier étage, conserve un plafond aux entrevous** richement peints d'un bestiaire fantastique; elle servait aux réceptions mais aussi aux repas intimes; les graffiti sont le fait des prisonniers anglais et espagnols qui y séjournèrent au 17ème siècle. La chambre du roi (6) ne comporte que deux fenêtres, dans un souci de sécurité; cheminée et latrines apportent le confort. On gravit un nouvel escalier (B) pour accéder au deuxième étage. Le grand retrait (7), sur la droite, devait abriter les conseils; ses latrines, en encorbellement**, surplombent le fleuve. La vaste garde-robe voisine (8) contenait les objets précieux, tapisseries, vêtements, coffres de livres, harnais et armures. Dans les pièces traversées, on remarque les voûtes gothiques aux clés décorées de blasons. On revient à l'escalier (B) pour accéder à la terrasse; du haut de ses quarante-huit mètres, celle-ci domine les alentours; sa vocation militaire est évidente; elle est bordées de mâchicoulis** et d'un parapet crénelé; les meurtrières cruciformes, comme à Saint-Roman, élargissaient le champ de tir. D'après une table d'orientation, d'ici, le regard porterait jusqu'à Avignon; on se contente d'admirer les toits de la ville d'un côté et, de l'autre, par delà le Rhône, de jeter un coup d'oeil au château de Beaucaire, que l'on voit de là sous un autre jour; en faisant le tour de la terrasse, on aperçoit un train franchissant le fleuve sur un pont de fer avec, dans le lointain, quelques éoliennes qui se profilent sur le ciel; en tournant encore un peu, le long du parapet de la terrasse, on remarque la girouette en forme de Tarasque placée au sommet du clocher de l'église voisine. On descend par un troisième escalier (C). La chapelle haute (10) était réservée au couple royal et à sa suite; on note les petites ouvertures des oratoires pour l'aération et l'acoustique. La chambre dite des joyaux (11) devait sans doute servir au chapelain, comme le laisse supposer le four qui pouvait servir à la cuisson des hosties. La pièce attenante est qualifiée de "chambre forte". On pénètre maintenant dans l'aile
est, celle de la reine, du côté de la ville. On traverse les
appartements dits des "invités ou des familiers"; des figures
grotesques ornent ça et là les murs, dont un personnage
écartant les commissures de ses lèvres avec ses doigts. Ailleurs,
les plafonds des salons y ont conservé un décor de frises
d'animaux fantastiques et de personnages. On passe par les chambres du
troisième étage (12) avant de descendre, par un quatrième
escalier (D), vers les chambres de dame Marguerite et la chambre hexagonale.
Enfin, par le troisième escalier (C), on gagne le premier étage
où se trouvent la chambre royale, suivie de celle de Pierre Beauvau,
puis de celle des reines. Par le quatrième escalier (D), on
rejoint la salle des galères,
laquelle tire son nom de l'exceptionnel ensemble de graffiti marins qui
en couvre les murs; une cloche de bronze, provenant probablement d'un navire,
y est exposée. De là, on regagne la galerie de la cour d'honneur,
où la visite se termine; je remarque, de part et d'autre du haut
d'une fenêtre renaissance, deux têtes qui me paraissent quelque
peu exotiques; des Maures peut-être?
Avant de quitter le château de Tarascon, nous faisons un tour à la boutique et nous nous promenons autour du jardin. Des pigeons volent au-dessus des arbres et se posent sur les corniches des tours et des murailles dans la paix du jour qui s'achève. Avant de regagner notre logis, nous dînerons à Tarascon, dans un restaurant dont je ne me souviens pas le nom, ce qui est dommage car la chair y était excellente. ** Quelques
définitions:
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