François Gauthier (1857-1888)
 
LE P. GAUTHIER DÉCÉDÉ A LANDANA, LE 27 JUILLET 1888.

Le P. François Gauthier, né à Saint-Sandoux (Puy-de-Dôme) le 6 juin 1857, a été prématurément enlevé par une maladie de poitrine. Il avait fait son petit scolasticat à Cellule, depuis la cinquième jusqu'en rhétorique.

D'une faible santé, il dut interrompre ses études après une année de grand scolasticat, et fut envoyé à Braga, où il resta depuis le mois d'octobre 1882 jusqu'au mois d'août 1885, époque à laquelle il entra au noviciat.

Après sa profession, en août 1886, il reçut son obédience pour la nouvelle fondation de Saint-Paul de Loanda (Congo portugais).

Dans les commencements, il y eut beaucoup souffrir par suite de difficultés de toute sorte; et, malgré cela, il s'y employa avec beaucoup de zèle, comme on a déjà pu le voir par le Bulletin de cette communauté.

Ce cher confrère, dit le P. Faxel, quoique d'une faible santé, ne reculait devant aucun travail. Sur sa proposition, Monseigneur l'Évêque fit faire des catéchismes, pendant le Carême, dans toutes les églises de la ville, et le Père se chargea lui-même de les faire dans l'une de ces églises, tandis qu'il se dépensait à l'hôpital pour donner aux Soeurs et aux nombreux malades les secours de son ministère.

Il savait se faire aimer de tous, mais particulièrement des personnes les plus délaissées, comme le sont les déportés. Sa charité lui ouvrait les coeurs et les consciences de beaucoup de pécheurs. Grâce à son zèle, les sacrements sont aussi fréquentés aujourd'hui qu'ils étaient mis en oubli à notre arrivée. De février à décembre 1887, il a entendu la confession de 256 malades, fait 45 baptêmes et administré l'Extrême-Onction à 10 moribonds.

Il voulut, en outre, ouvrir une école pour les enfants et donner des instructions religieuses dans un orphelinat de filles.

Parfaitement résigné à la sainte volonté de Dieu, il travaillait avec courage en laissant à la Providence le soin du succès, et offrant sa vie en sacrifice pour cette oeuvre, difficile mais fructueuse, qu'il avait commencée. (Loanda, 1er septembre 1888.)

L'état de santé du P. Gauthier s'aggrava, en effet, de plus en plus, et bientôt, hélas! on put pressentir que sa fin n'était pas éloignée.
.

.
Voici la lettre du R. P. Campana, annonçant au T. R. Père la mort de ce cher confrère :

Hélas! mon Très Révérend Père, encore des nouvelles bien affligeantes du Congo. Le P. Gauthier, de la communauté de Loanda, n'est plus; il a rendu sa belle âme à Dieu, le 27 du mois dernier. à Landana, par suite de la terrible maladie qui le minait depuis long temps, une phtisie pulmonaire.

Le P. Gauthier est venu mourir à Landana dans les circonstances suivantes. Il était parti de Loanda le 14 ou le 15, à bord du paquebot portugais; arrivé à Cabinda, il a demandé à descendre pour continuer sa route jusqu'à Landana; mais il était si faible qu'il a fallu prendre toutes les précautions de prudence pour le débarquer. Ces Messieurs du Gouvernement l'ont très bien accueilli, et m'ont aussitôt écrit par un courrier spécial pour m'informer de l'état de notre bon confrère. Je suis parti immédiatement pour Cabinda à terre, et, après avoir marché à peu près toute une nuit, je suis arrivé près du cher malade. Il avait toute sa connaissance et se faisait grandement illusion sur son pauvre état de santé; il n'avait plus qu'un souffle de vie, et il me disait (d'une voix si faible que c'était à peine si on pouvait l'entendre) qu'arrivé à Landana le docteur Lucan lui ferait une opération à la gorge, et que tout serait dit. Pauvre Père, comme il se trompait! Le docteur de Cabinda, qui est aussi un de mes amis, me disait:  "Père, il n'en a plus que pour deux ou trois jours;" et il disait vrai.

Je restai à côté de mon confrère toute la journée du 23 juillet. Dans cette même journée, il me demanda d'entendre sa confession et de lui donner l'Extrême-Onction, ce que je fis aussitôt. Il me pria, en outre, de recevoir ses voeux perpétuels, je répondis à ses désirs et acceptai en votre nom, mon T. R. Père, les promesses sacrées du cher malade. Il était ou ne peut plus heureux, après toutes les consolations que le bon Dieu et la très sainte Vierge venaient de lui apporter. Il me manifesta fortement le désir d'aller mourir à Landana, au milieu de ses confrères. C'était aussi ma pensée, et dès que ces Messieurs du gouvernement comprirent ma résolution, ils s'empressèrent de mettre aussitôt à notre disposition leur seul navire de guerre, qui se trouvait encore en ce moment mouillé en rade de Cabinda. On transporta le Père à bord avec toutes les précautions voulues, et M. le major Miranda, qui fait en ce moment l'intérim de gouverneur du District, tint absolument à nous accompagner à pied jusqu'à la plage; le Père était porté sur un lit de camp, et le docteur de l'hôpital de Cabinda marchait à ses côtés. Nous arrivâmes à bord du navire de guerre portugais, le Cacongo, sans nul accident; le cher Père m'avouait que cette promenade lui faisait même un grand bien; la mer, qui est ordinairement très houleuse sur cette côte, était ce jour-là calme et paisible comme un lac. Trois heures après, nous étions en rade de Landana; l'embarcation de la Mission vint nous chercher, et nous pûmes débarquer notre cher malade avec toute la facilité voulue. II se trouva effectivement mieux, le pauvre P. Gauthier. Son illusion de guérir en quelques jours se manifesta aussitôt, mais elle ne fut pas de longue durée; car, malgré tous les soins du docteur Lucan, malgré toutes les sollicitudes de ses confrères, il baissait visiblement. Il ne prenait aucune nourriture, c'était à peine si on pouvait lui faire avaler quelques petites cuillerées de bouillon ce fut cependant ce qui le soutint pendant trois jours encore, et ces trois jours furent pour lui comme un triduum d'actions de grâces. Le bon Dieu, ainsi qu'il le disait lui-même, lui accordait de mourir au milieu de nombreux confrères. Il s'est éteint peu à peu, le sourire sur les lèvres, sa croix de missionnaire à la main. Quelle précieuse mort devant le Seigneur! Il avait eu la consolation, la veille, de pouvoir se confesser une dernière fois, et de communier en viatique avec une grande et vive foi, qui le remplissait de consolations spirituelles. Il a été pour nous tous et pour nos chers enfants un sujet d'édification. Ii est mort dans la paix du Seigneur le 27 juillet, à 5 h. 10 du soir, en présence de la communauté.

Ses funérailles ont eu lieu le lendemain à 8 heures, avec messe de Requiem, corpore praesente. Tous les Blancs de Landana, une foule de Noirs du pays se sont fait un devoir d'assister à ses obsèques. Deux jours auparavant, ils nous avaient témoigné également leur attachement en venant prendre part à notre douleur au sujet de la mort de notre bon Frère Nérée.

Nous avons écrit des lettres de remerciements à tous ces Messieurs de Landana, mais particulièrement à M. le Gouverneur du district, qui a eu pour nous les plus délicates attentions dans ces pénibles circonstances. II nous est grandement attaché, ainsi que son digne personnel. Puisse le bon Dieu les récompenser au centuple pour tout le bien qu'ils font aux pauvres missionnaires d'Afrique! (Lettre du 9 août 1888.)
.

Bulletin général de la Congrégation du Saint-Esprit
T. 14 – N° 20 – Septembre 1888
Congrégation du Saint-Esprit - Archives générales

Retour

Naviguez sur l'ensemble du site de Jean Dif:
Accueil     Logiciels     Textes     Images     Musique