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Avant propos
Les travaux préparatoires à la
création d'un musée de la Région Autonome du Sinkiang
Ouïgour débutèrent en 1953. La cérémonie
d'ouverture eut lieu le 12 décembre 1959. Depuis cette date, plus
de 86 expositions se sont tenues et plus de 10 millions de personnes l'ont
visité. Le musée a participé à la rédaction
de nombreux travaux de recherches traitant des découvertes réalisées
dans près de 400 fouilles disséminées à travers
la Région. Plus de seize ouvrages ont été publiés.
En 1999, la construction d'un nouvel immeuble fut décidée;
les travaux débutèrent en octobre 2000; le nouveau musée
fut ouvert au public le 1er octobre 2005, pour le 50ème anniversaire
de la création de la Région Autonome. Des salles y sont dédiées
à l'histoire du Sinkiang, aux cultures des diverses nations qui
y vécurent, aux momies qui y furent exhumées et aux événements
de la révolution qui s'y déroulèrent.
Sommaire des vestiges culturels exposés - Un arc-en-ciel des civilisations de l'ouest On trouve des traces d'activité humaine au Sinkiang depuis le Paléolithique (de 10000 à 20000 ans). Depuis l'aube des temps, plusieurs groupes ethniques y vécurent, avec une grande diversité de croyances et de religions. Des conditions climatiques particulièrement favorables ont permis de préserver jusqu'à nos jours de nombreux vestiges du passé. Le musée contient plus de 37000 objets, certains très anciens, d'autres appartenant à l'époque moderne: outils de pierre, de bronze et de fer; poteries de diverses formes et factures; textiles de soie, de laine, de lin et de coton; nourritures plus ou moins élaborées: viandes, céréales, fruits secs, gâteaux, raviolis... témoignant de l'ancienneté de l'art culinaire régional; productions de l'artisanat et des arts; écrits en de nombreuses langues (chinois, kharosti, sanskrit, tokharien, brahmi, sogdien, tibétain, ouïgour, arabe, hakaniyen, perse, chagataï*, donnant une idée du brassage des populations; sculptures de bois, de pierre, de jade, de bronze, d'argile; peintures sur papier, soie ou bois et copies de peintures murales (art des grottes), renseignant notamment sur la succession des religions; bijoux, instruments de musique et vestiges humains (momies). * Voir ci-après le langage.
La pierre La pierre est l'élément le plus
courant à la surface de la terre; c'est le symbole de la solidité
et aussi celui de l'esprit humain, dans la tradition chinoise; le recours
à des outils de pierre constitue pour l'homme primitif une tentative
d'appropriation des forces naturelles; plus tard, l'usage des pierres précieuses,
rares et belles, comme parure, devient un élément de prestige.
On pense généralement que la fabrication des outils a contribué
à façonner l'esprit humain. L'usage du bois et de la pierre
remonte cependant à une époque très reculée
et il n'est pas spécifiquement humain; trois ou quatre millions
d'années se seraient écoulés depuis l'emploi des premiers
outils de pierre jusqu'au néolithique. Les sites les plus anciens
de l'âge de la pierre, au Sikiang, sont celui de Jirigale Ash dans
le Taxkorgan, celui de Yishiguole, près de l'ancienne cité
de Jiaohe, et celui de Heshituolegai (comté autonome mongol de Hoboksar).
Plusieurs autres sites ont été également découverts
dont l'un à Urumqi (Chaiwopu). Voici 10 à 20000 ans, des
éclats de silex étaient employés pour améliorer
le rendement des armes de jet et l'économie paisible de la cueillette
cédait la place à celle, plus belliqueuse, de la chasse;
il y a environ 20000 ans, l'arc et la flèche étaient introduites
en Chine, probablement en provenance d'Afrique, mais les têtes de
flèches en pierre, découvertes au Sinkiang, datent seulement
de 4000 à 10000 ans. Les sites contenant des traces de microlithes
sont répartis sur toute la surface de la Région, notamment
autour du bassin du Tarim. On distingue deux traditions dans la fabrication
des microlithes en Eurasie: la tradition méditerranéenne
(lames de forme géométrique) et la tradition d'Asie orientale;
pour des raisons inconnues, les vestiges du Sinkiang appartiennent à
la seconde tradition. La découverte des métaux ne mit pas
fin à l'utilisation des outils de pierre; en Europe, des couteaux
de pierre étaient encore en usage au Moyen-Âge; au Sinkiang,
des socs, des pilons de pierre, furent longtemps en usage et des meules
de pierre servent encore à moudre le grain.
Le bois La forêt est la base de la nature; les oiseaux construisent leurs nids dans les branches et de nombreux insectes vivent sous l'écorce des arbres; elle est aussi le symbole d'une vie saine et harmonieuse. L'arbre debout est considéré par l'homme primitif comme le creuset où la vie s'élabore; lorsqu'il est abattu, il devient un élément de spiritualité; les diverses formes qu'il est susceptible de prendre exercent depuis l'aube des temps une fascination d'autant plus grande qu'elles sont comme le reflet de la genèse de la vie. De nombreux vestiges d'objets en bois ont été
découverts dans des sépultures à travers le Sinkiang;
les plus anciens dateraient de 1800 ans avant notre ère. Certains
sont purement utilitaires et profanes, d'autres sont dédiés
au culte alors pratiqué, d'autres enfin sont destinés aux
rites funéraires. Les caractéristiques des objets utilitaires
fournissent des indications sur le degré de développement
de la civilisation à laquelle ils appartiennent, tant par leur mode
de fabrication que par leur destination; elles révèlent également
les goûts esthétiques et la sensibilité artistique
des populations qui les ont créés et utilisés; certains
bois laqués, découverts notamment à Loulan, sont de
facture chinoise, mais d'autres révèlent également
une culture plus originale; des influences grecques et indiennes sont perceptibles
dans le mobilier de Niya. Les objets cultuels ne sont pas moins intéressants;
le symbolisme des sculptures anthropomorphes de Xiaohe est fortement accusé:
un visage gravé reflète l'immortalité de l'âme
tandis que les piliers en forme de pénis en érection figurent
le mystère de la reproduction; les sculptures de Yanbulake et de
Yanghai sont, quant à elles, peintes de façon très
réaliste. Les objets liés aux rites funéraires sont
essentiellement des cercueils peints et illustrés de dessins dont
les motifs ont évolué au cours du temps, en fonction des
modes et des impératifs religieux.
La poterie La production de poterie combine un faisceau de connaissances: le travail de la terre, l'invention du feu, la découverte des couleurs et le rythme découlant de leur combinaison avec celui des formes. Elle exprime l'alliance de l'esprit de l'argile avec l'âme du feu. Les plus anciennes poteries datent de la fin
du néolithique et de l'âge du bronze. On distingue trois type
d'objets: la poterie peinte, la poterie de conception sculpturale et la
poterie noire. La poterie peinte ancienne a été principalement
découverte au piedmont des Montagnes Célestes; des influences
de la culture Siba, du corridor du Gansu, s'y décèlent; les
dessins obéissent à des règles précises; ils
sont généralement de formes géométriques avec
apparition de quelques plantes ou animaux; des dessins noirs sur fond ocre
rouge caractérisent les poteries découvertes à Turfan,
Hami, Ili, Urumqi et Akzu. La poterie de conception sculpturale correspond
à la plaine du nord et au sud de la sibérie. La poterie noire
fit son apparition entre le 8ème siècle et le 7ème
siècle avant notre ère; elle fut très populaire du
5ème au 3ème siècle. Sous les dynasties du nord et
sous les Tang, la poterie peinte s'améliora considérablement
et les couleurs se diversifièrent. Sous les Han et les Tang, une
grande variété de décors caractérisa la poterie
de conception sculpturale, notamment par le recours à des représentations
humaines, animales ou végétales. La poterie glacée
apparut sous la dynastie des Jin. La porcelaine cuite au four de la dynastie
mongole met en évidence les relations du Sinkiang avec les régions
voisines.
Les métaux Le dieu du feu plonge son épée dans la pierre dotant l'homme d'une puissance nouvelle. Le bronze et le fer, l'or et l'argent ne sont pas seulement des facteurs de productivité, ils symbolisent aussi la volonté de l'homme primitif et les capacités de son esprit. On estime que la découverte des métaux procéda de la cuisson de la poterie; les hautes températures obtenues auraient entraîné la fusion d'une partie du métal contenu dans la terre révélant aux potiers l'existence d'une matière nouvelle au sein de cette dernière. On pense que le premier métal découvert fut le cuivre; ensuite, allié à d'autre métaux, on obtint des variétés de bronze plus ou moins dures adaptées à divers besoins. Le cuivre apparaît voici 6 à 7000 ans sur les rives de l'Euphrate et il y a 5500 ans dans les plaines centrales de la Chine. Au Sinkiang, des outils de bronze sont en service 2000 ans avant notre ère; des instruments de bronze sont typiques de la culture Agaersheng (2000 à 1000 avant notre ère); des miroirs de bronze remontent à cette date; au début de notre ère, l'agriculture se développe dans le sud et le nomadisme dans le nord, parallèlement des objets de cuivre sont utilisés comme parure, annonçant l'âge des métaux précieux; à une époque plus récente, l'artisanat du cuivre du Sinkiang bénéficia d'une grande renommée. Le fer existant à l'état pur sur terre est d'origine aérolithique. Les premiers objets de fer découvert en Asie occidentale remontent à 4500 ans; La première fonte avérée du minerai en Turquie centrale est vieille de 3500 ans. Le plus vieil objet de fer chinois a plus de 2500 ans; la Chine entra dans l'âge du fer au 8ème siècle avant notre ère; même si on avance parfois la possibilité de l'entrée du Sinkiang dans l'âge du fer 1000 ans avant notre ère, les objets découverts dans les tombes sont tous compris entre le 8ème et le 5ème siècle. La découverte de socs permet de déterminer l'époque à laquelle l'agriculture passa du trou creusé à l'épieu au sillon tracé à la charrue; un soc de fer datant de la dynastie des Han de l'ouest a été trouvé dans le comté de Zhaosu, mais on s'interroge pour savoir s'il est d'origine régional ou s'il a été apporté là, lors du passage d'une troupe de soldats des Han. La découverte de l'or est très
ancienne; il existe à l'état quasiment pur; brillant, il
s'aperçoit facilement; malléable, il est facile à
travailler; toutes ces qualités, ajoutées à sa rareté,
expliquent son statut spécial de métal précieux. Les
bijoux en or constituent la fortune des nomades des plaines depuis un époque
très reculée. Une Route de
l'or existait dans l'Antiquité; l'or de l'Altaï y transitait
jusqu'à Rome pour y être raffiné et transformé
en bijoux dont certains revenaient pour être vendus aux nomades des
steppes asiatiques. Plusieurs objets d'or ont été mis au
jour dans les sépultures du Sinkiang.
Les textiles Les arts du textile offrent à l'homme primitif l'occasion d'exprimer ses pensées intimes, ses sentiments et ses idées, en un langage coloré orné des fleurs de ses rêves Grâce au climat sec du sud du Sinkiang de nombreux tissus d'autrefois sont parvenus jusqu'à nous en bon état de conservation. Les plus anciens sont en laine et ont été exhumés dans la zone du Lop Nor; ils remonteraient à 2000 ans avant notre ère. Cependant, la majeure partie des tissus de laine retrouvés datent du 8ème au 7ème siècle, sous les Han et les Jin. Ces tissus comportent des caractéristiques originales; ils sont vivement colorés et ornés de motifs variés; l'influence des mythes grecs et romains y est parfois perceptible. On ne peut pas aborder le sujet du textile sans se référer à la Route de la Soie. Toutefois, le développement de l'artisanat de la soie est très antérieur à l'ouverture de cette voie; la plus ancienne pièce de soie trouvée date d'un millier d'années avant notre ère. Des vestiges plus récents, notamment ceux de Loulan, de Niya et d'Astana, appartiennent aux époques des dynasties Han et Tang. La plupart des soieries trouvées au Sinkiang proviennent des plaines centrales de Chine. Les brocards de la période Tang sont particulièrement réussis. La date d'apparition du coton est encore un
mystère. Toutefois, une pièce de coton trouvée dans
une tombe de Minfeng a été attribuée à l'époque
des Han de l'est; des textes relatifs à Gaochang rapportent que
l'on y cultivait le coton et qu'il y était utilisé pour la
confection des vêtements.
Les vêtements L'habit manifeste souvent l'appartenance à un groupe ethnique, religieux ou social. Mais il est également un moyen de mettre en lumière ses goûts personnels, son sens de l'esthétique, d'exprimer sa personnalité. L'art du vêtement reflète enfin le niveau atteint par une civilisation. Le Sinkiang est connu comme étant le
royaume des vêtements et des bonnets. Les plus anciens habits, avant
la dynastie des Qin, sont en laine; les coiffes de forme pointue sont ornées
d'une plume; les manteaux couvrent le corps; les pieds sont chaussés
de cuir. Le développement du tissage de la laine apporte une amélioration
et une diversification rapide; entre le 8ème et le 5ème siècle
avant notre ère apparaissent de longues robes, des pantalons, des
chemises, des chaussures et des bottes de cuir. Sous les Han et le Jin,
l'ouverture de la Route de la Soie
accroît la diversité des costumes; les soieries et les cotonnades
viennent s'ajouter à la laine et l'influence de modes extérieures
se manifeste (celles des plaines centrales de Chine et aussi de la Grèce:
pantalons au centaure). Le Sinkiang serait la première région
à avoir utilisé le coton pour confectionner des vêtements
(sépultures de Niya). Des dynasties du nord et du sud jusqu'aux
Tang, les habitants du Sinkiang portent différentes sortes de coiffures,
des robes à col rond, des pantalons et de longues bottes (Astana);
les vêtements féminins de Gaochang (jaquettes à manches
courtes, longues chemises brillamment colorées, fichu de soie sur
les épaules...) montrent l'attrait qu'exerçait alors la mode
des plaines centrales; la même remarque s'applique au nombreux souliers
de tissus colorés. Après les Song, les vestiges se font plus
rares; on trouve cependant des robes de brocard ornés de la marque
de cette dynastie; l'islam modifie progressivement les habitudes vestimentaires
des peuplades ouïgoures. Les différents costumes portés
au cours du temps s'ornent de bijoux de pierre, de jade, d'os, de coquillages,
de bois, d'or, d'argent et de cuivre; à partir de l'âge du
bronze, les bagues, les boucles d'oreilles, les colliers de perles de verre,
d'agate, de corail... témoignent de l'intérêt des populations
pour les parures exprimant la beauté et la joie de vivre.
La nourriture Nos ancêtres créèrent de la nourriture et des boissons pour maintenir et accroître leurs forces. L'agriculture ne s'est pas développée seulement à partir des fruits offerts directement par la nature mais également grâce à l'ingéniosité humaine. L'enfouissement des semences dans le sol, la transformation des grains en farine, la mise en forme de produits élaborés constituent les premières étapes du processus de fabrication de la nourriture et des boissons. Le sang et la chair des animaux vint s'y ajouter pour accroître la vigueur des hommes d'antan. L'homme ne peut pas de se passer de nourriture
ni de boisson. Le développement social, culturel est religieux des
sociétés est fortement marqué par cette nécessité
vitale. Les restes trouvés dans les sépultures montrent qu'un
art culinaire relativement développé existait au Sinkiang
à une époque très reculée: gâteau de
millet, pain, riz gluant, fruits secs...; d'autres vestiges permettent
de deviner quel genre de boissons y étaient en usage. Aux époques
paléolithique et néolithique, l'essentiel de la nourriture
provenait de la chasse et de la cueillette. Aux âges du bronze et
du fer, l'agriculture et l'élevage se développèrent
et la chasse et la pêche devinrent des activités résiduelles;
des outils firent leurs apparition. Sous les Han de l'ouest, des systèmes
d'irrigation furent mis en place; des côtelettes de moutons grillées
sur des broches de tamarins ont été découvertes dans
des sépultures de cette période. Par la suite, une spécialisation
apparut: les zones des plaines du nord se consacrèrent à
l'élevage et à la chasse tandis que le sud s'orientait vers
l'agriculture et le jardinage. La population des oasis se sustentait essentiellement
de blé et de millet, de légumes, de fruits et, accessoirement,
de viande; différentes manières de cuire et d'apprêter
les aliments, d'améliorer leur présentation et leur saveur,
furent progressivement élaborées; les produits laitiers,
les fromages, les condiments (oignon, ail, poivre...) permirent de diversifier
nourritures et boissons disponibles. Sous les Tang, une grande variété
de pâtisseries à base de farine de blé, des raviolis
cuits dans la soupe, toutes sortes de fruits secs... constituaient l'ordinaire
des habitants du Sinkiang. Grâce à la Route
de la Soie, les arts culinaires s'interpénétrèrent
et s'enrichirent mutuellement; mais les populations locales surent conserver
les spécialités qui sont encore des traits distinctifs de
leur culture.
Le langage et les systèmes d'écriture L'homme primitif invente le langage pour exprimer sa pensée et ses sentiments. Mais le langage, outil de communication, contribue aussi à structurer sa pensée; grâce au langage, l'homme peut manipuler des abstractions et construire des systèmes; c'est donc un puissant moyen de civilisation. De nombreux langages ont été parlé ou écrit au Sinkiang et y ont laissé leurs traces. Une culture est d'abord le produit des conditions matérielles d'existence des habitants d'une région. Mais cette culture ne se développe pas indépendamment de celles qui l'environnent surtout, comme c'est le cas au Sinkiang, lorsqu'elle est située sur une importante voie de communication. Cette région se trouve, depuis la plus haute antiquité, au carrefour des civilisations grecques, arabes, perses, chinoises et indiennes; trois grandes religions: le christianisme, le bouddhisme et l'islam, y ont tour à tour semé leurs germes, sans parler du manichéisme et du mazdéisme; les langues arienne, altaïque, chinoise, tibétaine, sémites y ont été parlées et se sont mutuellement influencées; le Sinkiang fut le foyer de plusieurs peuples, de plusieurs cultures et de plusieurs religions. Sous les dynasties des Han, différents langages y sont en usage; citons le chinois à Turfan, Loulan, Niya; le gandhari (noté en kharosthi*) à Niya et Loulan; le quarasha-quici à Kucha, Qarasha et Turfan; le sogdien* à Loulan; le tibétain, dans le comté de Ruoqiang; l'ouïgour à Turfan... on trouve aussi des traces de japonais et de latin. Plusieurs idiomes furent donc parlés dans cette région qui ne connut jamais une langue unique. Les archéologues regroupent ces divers langages et leurs systèmes d'écritures en trois catégories: le système han (chinois, xi-xia*, khitan*, japonais), le système aramaïque* (kharosthi, pahalavi*, sogdien, mani*, turc runique, ouïgour, hébreu, arabe, hakaniyen, persan, ouïgour mongol, syrien, chagataï*, mandchou, tuote mongol) et le système brahmi (sanscrit, shule*, yanqi-quici ou tokharien*, khotanien*, tibétain, tokharien style ouïgour, pagpa) auxquels il convient d'ajouter des bribes de grec et de latin. De nombreux documents ont été découverts; ils représentent dix huit types de langages: arien, altaï, sino-tibétain, sémitique et persan; les langages indo-européens sont le saka*, le tokharien (A et B), le gandharan*, le sogdien, le tumushuke*, le sanscrit*, le daxia*, le pahalavi, le parthe; les langages altaïques comprennent le turc, le mongol, le mandchou et leurs dérivés (ouïgour, khitan); les langages sino-tibétains sont le chinois, le tibétain ancien, et le dangxiang*; les langages sémitiques sont l'hébreu et l'arabe*. Une telle variété d'idiomes fait inévitablement penser au mythe de la Tour de Babel; elle révèle au moins des relations étroites avec d'autres peuples et l'acceptation d'une certaine dose d'assimilation culturelle. Outre son fond originel, la culture du Sinkiang procède d'un ensemble d'apports provenant de l'est (plaines centrales de Chine), du sud-ouest (Inde), de l'ouest (Perse et Péninsule arabique) accompagnés de ceux de la Grèce et de Rome. Le Sinkiang fut le point de rencontre de plusieurs civilisations majeures de l'humanité; la longue période pendant laquelle la Route de la Soie fut opérationnelle les amena à se tolérer, à se rapprocher et à s'influencer mutuellement. * Le kharosthi est une écriture
ancienne dérivée de l'araméen; cette écriture
a servi à noter une langue du nord-ouest de l'Inde, le gandhari.
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La monnaie La multiplication des hommes entraîne la division du travail et la vie en société. Les échanges sont inhérents à la division du travail; le troc, première forme d'échange, montre ses limites, dès que les sociétés se développent; l'homme primitif invente alors un moyen d'échange et d'épargne universel propre à éliminer les inconvénients du troc: la monnaie. Celle-ci est fabriquée à partir de métaux rares et précieux afin que sa valeur ne s'altère pas. La présence abondante de telle ou telle monnaie est un indice certain de l'importance du groupe social qui l'a frappée. Colonne vertébrale de la Route de la Soie, le Sinkiang servait de trait d'union entre l'Inde, la Perse, la Péninsule arabique, le monde méditerranéen et les plaines centrales de Chine. Il est donc naturel d'y retrouver, à côtés des monnaies locales, des monnaies chinoises et des monnaies de nombreux autres pays. Les relations du Sinkiang avec les plaines centrales remontent à une période antérieure à la dynastie des Han; à partir de l'ouverture de la Route de la Soie, la monnaie chinoise afflua dans la région, dont elle favorisa l'essor économique; ce phénomène se poursuivit depuis les Han de l'ouest jusqu'aux Mandchous. A côté de la monnaie chinoise, des monnaies locales furent également mises en circulation: han-kharosthi, kelahan, chahetai, zhungar pu'er, han-qiuci, quici, gaochang jili, tuqishi, ouïgour, kucha et tianhai bibula... certaines de ces monnaies furent utilisées de manière discontinue et sur une aire parfois réduite; leurs caractères sont ceux des langues en usage dans la zone de leur frappe mêlés parfois à d'autres caractères et souvent à des caractères chinois; on en déduit que les habitants du Sinkiang firent preuve d'une grande ouverture à l'égard de leurs voisins et n'hésitèrent pas à s'approprier certains éléments de leurs cultures, pour enrichir la leur et faciliter les échanges; les caractéristiques multi-culturelles des pièces locales montrent qu'elles sont le produit des influences croisées de l'est et de l'ouest. Plusieurs monnaies étrangères eurent également cours au Sinkiang, comme à l'intérieur de la Chine, à partir des Qin, dans le cadre commercial de la Route de la Soie: des pièces d'argent perses, des pièces d'or byzantines, des pièces arabes, des pièces de Boukhara... la plupart étant d'origine persane. Ces monnaies sont révélatrices
des liens économiques étroits existant entre les provinces
centrales de la Chine et le Sinkiang; en plus du passage des denrées
transitant par la Route de la Soie,
le Sinkiang ne cessa jamais d'alimenter la Chine en produits de bouche
frais pendant une très longue période.
La sculpture Les hommes primitifs utilisaient le langage des formes pour exprimer leurs pensées et leurs sentiments. Leurs oeuvres étaient riches et colorées; elles ambitionnaient de reproduire le mouvement de la vie. Les sculpteurs s'interrogeaient visiblement sur les goûts et le caractère des êtres qu'ils représentaient. La représentation d'animaux, réels ou mythiques, n'était pas dépourvue d'une signification qui parfois nous échappe. Depuis la nuit des temps, à côté
des activités productives, l'homme tenta de façonner l'argile
afin de créer du sens ou de la beauté. Au Sinkiang, comme
ailleurs, l'art de la sculpture se développa parallèlement
à l'évolution de la société. Cet art traversa
plusieurs phases, depuis ses premiers balbutiements jusqu'à son
splendide aboutissement, en passant par sa croissance et sa maturité.
Les plus anciennes vestiges retrouvés sont les statues de bois de
peuplier et de pierre des sépultures de Xiaohe, dans le désert
du Taklamakan; assez frustes d'aspect, leurs traits sont exagérés,
mais il s'en dégage pourtant une étrange fascination; elles
remonteraient à plus de 3800 ans. D'autres pièces, vieilles
de 2000 ans, ont été exhumées sur le site de Niya.
Des statues de bronze datant de l'époque des royaumes combattants
(475 à 221 avant notre ère) laissent deviner une influence
grecque. La statuaire des Tang est révélatrice de la brillante
civilisation atteinte à l'apogée de cette puissante dynastie;
elle fait appel à divers matériaux: bois, pierre, argile,
os et même tissus, elle est finement travaillée, brillamment
colorée et empreinte de réalisme, comme le montrent les objets
découverts notamment à Astana (Turfan); ces restes donnent
de précieuses informations sur la vie à cette époque,
sur les modes vestimentaires, sur les croyances et sur les rites funéraires.
Les statues de pierre des plaines du nord, massives et stylisées,
reflètent les caractéristiques physiques et spirituelles
des nomades de ces contrées.
La peinture La nature est vivement colorée; il n'est donc pas étonnant que les hommes utilisent la couleur pour la reproduire. Mais l'emploi de la couleur permet aussi de peindre les passions, de mémoriser des événements et de raconter des histoires par une succession de dessins. Au Sinkiang, la tradition picturale est très
ancienne; elle commence avec l'art rupestre et la décoration des
poteries, se poursuit par l'art des grottes en passant par toutes sortes
de décorations de l'environnement des vivants et des morts. Le site
le plus ancien de l'art rupestre se situe dans l'Altaï. A l'âge
du bronze, les poteries sont décorées de dessins généralement
géométriques. La conversion au bouddhisme, voit s'épanouir
l'art des grottes, par exemple celles de Bezekelike, où les artistes
font preuve d'un grand souci de réalisme; malheureusement, toutes
les scènes ne sont point parvenues jusqu'à nous: le pillage
et l'érosion ont fait leur oeuvre, les grottes se trouvant souvent
à proximité d'une rivière. Mais l'art religieux ne
se cantonne pas seulement à celui des grottes; bien d'autres scènes
de la mythologie et des croyances se rencontrent aussi ailleurs et sur
une grande variété de supports; toutes ne sont pas d'inspiration
bouddhiste, ce qui donne d'utiles indications sur l'évolution des
croyances à travers le temps (nestorianisme, manichéisme,
bouddhisme...). Les vestiges de peintures sur bois, papier ou soie, trouvés
dans les sépultures, notamment à Astana, apportent de précieux
renseignements sur la vie d'autrefois, sur les préférences
des hommes de ces époques reculées, leurs distractions et
même sur leur philosophie; le déroulement de l'existence du
défunt y est parfois reproduite sous forme de bande dessinée.
Les momies Le climat et l'environnement géographique du Sinkiang est particulièrement propice à la conservation naturelle des cadavres et des objets funéraires qui les accompagnent. Ces traces permettent de mieux appréhender l'ancien peuplement de la région, son évolution culturelle et sociale ainsi que les migrations des populations. Un grand nombre de sépultures ont été
explorées au Sinkiang, sur la Route
de la Soie, notamment sur les sites de Luopu, Minfeng, Qiemo, Luobunaoer,
Turfan, Hami. Elles ont livré des corps dans un état de conservation
variable, mais généralement remarquable tant en ce qui concerne
la peau, que les cheveux ou les tissus qui les habillent ou les recouvrent.
Aucune de ces momies n'a été embaumée, comme c'est
le cas dans d'autres régions du globe. Quatre motifs expliquent
cette absence de putréfaction naturelle des cadavres: en premier
lieu, le fait qu'ils ont tous été découverts au sud
des Montagnes Célestes, dans une zone recouverte par le désert
du Taklamakan, endroit le plus éloigné des mers de notre
planète, ou à proximité de ce désert particulièrement
sec; en second lieu, parce que la salinité élevée
du sol gêne le développement des germes microbiens; en troisième
lieu, parce que, les tombes n'étant pas hermétiquement closes,
la déshydratation du corps, sous l'effet de la chaleur extérieure,
a été accélérée, empêchant le
développement de la flore microbienne; en quatrième lieu,
enfin, parce que les cadavres sont souvent enveloppés de vêtements
chauds, comme des fourrures, ce qui montrent qu'ils ont été
ensevelis en hiver, à une époque où la prolifération
des moisissure et des bactéries est freinée par les basses
températures. Les caractéristiques raciales de ces momies
ont conduit les archéologues à les diviser en trois catégories:
celles qui sont de race européenne, celles qui sont de race mongoloïde
et celles qui sont un mélange des deux races. La plus anciennes
momie remonte à 3800 ans (rivière Tieban); son visage étroit,
son nez long et ses cheveux châtains sont typiques de la race européenne;
une autre, trouvée à Astana (Turfan), exhibe au contraire
un aspect asiatique: visage large, nez petit, pommettes hautes, cheveux
noirs; une femme, enfin, qui serait âgée d'environ 2800 ans,
possède des traits à la fois asiatiques et européens.
L'analyse de l'ADN des cadavres et sa comparaison avec celui des populations
qui vivent aujourd'hui au Sinkiang permet de se faire une idée de
la filiation de ces dernières avec les anciens habitants. Il n'est
pas douteux que plusieurs ethnies ont vécu dans cette région
et y ont cohabité, chacune avec sa culture, ses modes alimentaires,
sa manière de vivre; toutes y ont laissé des traces profondes.
L'étude des momies présente un intérêt scientifique
indiscutable.
De nombreuses momies ont également été découvertes sur le site de Djoumboulak Koum (ou Djumbulak Kum). Elles avaient le visage recouvert d'un morceau de tissu cousu à leur bonnet. La face de certaines d'entre elles était décorée de motifs peints. Les ornements des vêtements font parfois penser à une influence scythe; les teintures végétales utilisées pour les colorer existent encore dans la région. Les objets déposés dans les tombes suggèrent une croyance en une autre vie après la mort. Plusieurs momies portent des traces de coups, de blessures ou bien elles ont des os brisés, ce qui laisse supposer qu'elles sont décédées de mort violente. .
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