Carnet  de  route  d'un  voyage  en Amdo
février-mars 2007 - (Suite 3)
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10 ème jour (4 mars): Xiahe-Lanzhou  (Les photos sont  ici ) 

Ce matin, nous prenons définitivement congé de Xiahe pour nous diriger vers Linxia, en terre musulmane. Peu après la sortie de la ville, je ne reconnais pas la route suivie l'an passé; nous avions alors suivi le chemin des écoliers, en passant par la montagne et ses nombreux villages hui. Cette fois, nous empruntons la route plus rapide de la vallée. Nous traversons plusieurs villages assoupis sous la neige; des meules de paille s'élèvent ça et là entre les maisons; il arrive qu'elles recouvrent de petites cabanes fermées par une porte; je ne saurai pas à quoi servent ces abris bien protégés par l'épaisseur de paille qui les emmitoufle. Vers le bas des pentes, des champs en terrasse, dans le fond de la vallée de vastes étendues cultivées, se recueillent en attendant la fonte de la blanche pelisse qui les recouvrent. Nous nous arrêtons un moment à peu de distance de la frontière de l'ancien Tibet. Il est bien difficile d'imaginer le paysage verdoyant que j'ai admiré l'an dernier presque au même endroit. 

Nous franchissons l'ancienne frontière du Tibet en passant sous le portique surmonté d'une roue du dharma; la muraille qui séparait autrefois les Hui des Tibétains, ou plutôt le peu qui en reste, barre la vallée à peu de distance du portique; nous ne la verrons pas: nous passons sans nous arrêter. Des mosquées apparaissent dans les villages; nous avons quitté le monde bouddhiste pour celui de l'islam. 
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La muraille frontalière un an plus tôt
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A Linxia, la petite Mecque de la Chine, peuplée de musulmans Hui et Salar, une visite de la Grande Mosquée est prévue; elle sera escamotée pour cause de travaux, ce qui ne me décevra pas beaucoup puisque je l'ai déjà visitée l'an dernier; nous verrons tout de même quelques bas reliefs sculptés de bonne facture; Linxia est réputée pour sa sculpture sur brique. Nous nous rabattrons sur la madrasa (école coranique) voisine; sa petite mosquée, de style sino-islamique, n'a rien de vraiment remarquable; mais les bâtiments de l'école, aux boiseries rouges ornées de festons dorés, sont assez bien venus; je retiens la présence dans les cours de deux belles pierres: nous sommes bien chez des Chinois, même s'ils sont musulmans, et les Chinois aiment ces chefs-d'oeuvre modelés par la nature; dans un terrain boisé, à l'extérieur de l'école, les sépultures des imams de la madrasa sont recouvertes de gros cailloux entassés les uns sur les autres, à côté d'une congère qui s'est refusée à fondre. Les tombes des imams de la Grande Mosquée sont beaucoup plus soignées. Je photographie, une fois de plus, la pagode qui s'élève dans la brume, par dessus les toits, au sommet d'une colline lointaine (pour de plus amples renseignements sur Linxia, cliquez ici).  

Nous déjeunons au restaurant d'un parc de loisir pour les personnes méritantes du régime, situé à côté de la Grande Mosquée. C'est un ensemble de pavillons et de jardins bien entretenus, agrémentés de force lanternes rouges. J'y retrouve un de ces palmiers artificiels que nous avons souvent vus, dans les villes traversées au cours de notre voyage, même si je n'en ai pas parlé; ici, c'est un cocotier, la présence des noix nous le rappellent! Il y a aussi l'inévitable mascotte des jeux olympiques de Pékin: 2008, c'est demain! Le repas achevé, nous reprenons la route pour Lanzhou, où nous passerons la nuit. Nous traversons la rivière Daxia sur un pont et nous nous retrouvons dans l'une des rues commerçantes de Linxia; l'ambiance est très animée, la marchandise est déballée jusque sur le trottoir; presque tous les hommes portent le signe distinctif des Hui: la calotte blanche; les rares femmes ne sont pas voilées; chez les Hui, elles se contentent d'une sorte de fichu qui laisse tout le visage dégagé; sa couleur précise le statut de celle qui le porte (coloré pour les jeunes filles, noir pour les femmes mariées, blanc pour les grands mères, si ma mémoire ne me trahit pas). 
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Les montagnes en approchant de Lanzhou
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Nous continuons notre chemin à travers la campagne enneigée. La vallée, large aux alentours de Linxia, se rétrécit; nous devons bientôt gravir un col où la neige devient sensiblement plus épaisse. De nombreux villages hui se tassent frileusement dans les dépressions; autour d'eux, les pentes sont aménagées en champs en terrasses. Nous redescendons vers la vallée alluvionnaire du Fleuve Jaune, dont l'épaisse couche de loess est particulièrement fertile: cultures en plein champ et en serres, ces dernières chapeautées par des rouleaux de tapis de paille, que l'on déroule si nécessaire, pour protéger les plantations du gel; mosquées; briqueteries; cheminées fumantes... Dans une agglomération, je ne compte pas moins de trois mosquées presque côte à côte! Une halte, auprès d'un pont qui enjambe une rivière dont j'ignore le nom, pour nous dégourdir les jambes; j'en profite pour acheter une orange à un marchand ambulant. La neige a maintenant disparu d'un paysage devenu ocre rouge. La vallée s'élargit  pour se rétrécir à nouveau; des pentes stériles bordent la route; on y remarque parfois les grottes qui abritaient naguère les paysans de la région. A droite nous apercevons furtivement un  beau chorten blanc, entouré de bâtiments monastiques, datant de l'époque mongole. Dans une vallée encaissée, où la neige a refait son apparition, des champs en terrasses transforment les versants en escaliers, de la base jusqu'au sommet. A gauche un immense cimetière escalade la colline; il annonce l'approche de Lanzhou, terme de notre voyage. 

Une fois installé à l'hôtel, je ressors dans l'intention d'acheter des fruits secs dont raffolent mes petites filles. Je n'ai pas à aller bien loin; heureusement car il ne fait pas chaud; comme à l'ordinaire, je dialogue avec la vendeuse au moyen d'une calculette. Avant d'aller dîner, je me rends au bar pour tester les cocktails locaux; j'en choisis un qui porte un nom royal; c'est une sorte de lait de poule alcoolisé qui ne me fait pas grimper dans les rideaux. 

Le repas est pris en ville. Un membre de notre groupe, qui est né au lendemain de la mort de Staline, fête son anniversaire en offrant une bouteille de vin chinois à chacune de nos deux tables. Nous arrosons dans la bonne humeur une improbable réincarnation lourde à porter. La conversation tombe sur la course aux hautes tours qui se développe dans le monde; Shanghai, qui en possède une de 420 m, va en construire une autre de plus de 500 m, pour ne pas rester derrière Taiwan, qui en possède déjà une de ce gabarit; mais la médaille d'or échoira sans doute aux émirats du Golfe persique où l'on envisage l'édification d'un ouvrage de 1200 m! Un tel monument requiert des précautions particulières et des innovations significatives de la part des architectes pour en assurer l'équilibre. 

De retour à l'hôtel, je retourne au bar essayer le cognac; je souhaite vérifier le goût d'un produit chinois; on me propose une bouteille de Courvoisier en soutenant, dur comme fer, qu'il est fabriqué en Chine, d'ailleurs une étiquette dans l'idiome du pays en fait foi; comme je n'accorde qu'une confiance limitée aux étiquettes, je prends du Rémy Martin. Ensuite, j'assiste aux feux d'artifice que l'on tire un peu partout à travers la ville; les festivités du nouvel an lunaire ne sont pas encore achevées et chacun s'en donne à coeur joie; il y a les feux officiels, tirés des places publiques, et il y a les feux des particuliers, encore plus nombreux, qui partent des fenêtres et des balcons; les fusées se croisent dans le ciel pour aller éclater là où elles le peuvent; les bouquets fleurissent et se fanent en un instant, à droite à gauche, au centre, au-dessus, au-dessous; la nuit n'a pas le temps d'en placer une; notre guide local nous a quittés plus tôt pour aller participer en famille à ce joyeux tintamarre. 
 

11 ème jour (5 mars): Lanzhou-Pékin  (Les photos sont  ici ) 

Après le petit déjeuner, je profite d'un peu de temps de libre pour lire mon courrier sur Internet, au centre des affaires de l'hôtel; tout marche à la perfection. La préposée à ce service me gratifie du journal de la veille; j'apprends qu'un train de passagers a été emporté par le vent au Sinkiang; l'accident est spectaculaire, le convoi gît, couché sur le flanc, a quelques mètres de la voie; il a coûté la vie à trois personne et on compte une trentaine de blessés; les autorités se posent la question de savoir s'il ne faudrait pas généraliser le dispositif de sécurité mis en place sur la ligne Pékin-Lhassa; il consiste à mesurer la force du vent en permanence et à aviser les conducteurs des risques potentiels, afin qu'ils s'arrêtent avant d'arriver à la zone dangereuse. On imagine mal, sous nos climats, la puissance des éléments dans les déserts du Gobi et du Taklamakan!  

En fin de matinée, nous devons prendre l'avion pour Pékin. Nous allons profiter des quelques heures disponibles pour visiter une pagode de la ville. L'an dernier, comme je suis resté plus longtemps à Lanzhou, j'ai eu le temps de flâner le long du Fleuve Jaune et de me promener dans les rues autour de l'hôtel (le récit de ces pérégrinations est ici). 
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Une maquette de l'ancienne Lanzhou
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La pagode où nous nous rendons fut édifiée sous la dynastie mongole (1279-1368), à une époque où Lanzhou était la capitale de la Chine, après avoir été celle de petites principautés, après la chute des Han. La situation centrale de cette cité, qualifiée de ville d'or à l'époque de la Route de la Soie, incita également Sun Yat Sen à penser à elle pour en faire la capitale de la jeune République chinoise, mais ce projet resta sans suite. Les Mongols construisirent d'autres monuments et monastères dans la région, notamment le grand chorten entre-aperçu hier à droite de la route. Convertie en musée, la pagode a été respectée par les gardes rouges, pendant la révolution culturelle; ces jeunes excités s'en prenaient au lieux du culte, mais épargnaient les musées. Je sais qu'il existe à Lanzhou une Pagode Blanche, bâtie sous la dynastie mongole, puis reconstruite par les Ming, sous le règne de Jingtai, vers 1450, mais je ne suis pas certain que ce soit celle que nous allons visiter, même si le nom chinois (Bayisi), figurant dans le musée, pourrait donner à le penser; je crois plutôt que la Pagode Blanche s'élève sur la colline de l'autre côté du fleuve.  

La porte d'accès au monument donne sur une large avenue, copieusement décorée, tout de son long, par de grosses lanternes rouges: la fête continue; la Chine est la patrie des lampions et des feux d'artifice. La pagode se trouve derrière un premier pavillon de style chinois, à la façade peinte de couleurs vives (rouge, bleu et doré), parfaitement entretenu. Juchée sur un haut piédestal, elle comporte d'abord une partie renflée en forme de goutte d'eau d'un chorten; dans cette première partie est creusée une niche contenant une statue féminine que je n'ai pas identifiée; au-dessus s'élèvent les douze étages (si je ne me suis pas trompé en les comptant) d'une tour pyramidale, probablement octogonale, surmontée d'un globe; à tous les niveaux, des ouvertures rectangulaires sont percées dans les faces de la tour et des petites clochettes sont suspendues à ses angles; le tout est de couleur blanchâtre. 

A gauche de la pagode, le musée comporte deux étages. Au rez-de-chaussée on trouve quelques objets anciens, notamment un vaste récipient en bronze posé sur des cales et un beau meuble sculpté, ainsi qu'un plan et une maquette de l'ancienne Lanzhou, laquelle donne à notre accompagnateur l'occasion d'un rappel historique. J'ai déjà traité cette question dans le récit de mon précédent voyage et je ne la reprendrais donc pas ici. La maquette révèle une ville aux dimensions modestes, entourée d'une muraille fortifiée, installée sur l'une des rives du Fleuve Jaune; on y remarque deux pagodes, dont l'une est certainement celle où nous sommes, ainsi que deux roues élévatrices d'eau sur le bord du Fleuve Jaune, et, enfin, une troisième pagode sur la colline de l'autre côté de la rivière. 
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Poteries des cultures Majiayao, Banshan, Machang, Xindian 
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Le deuxième étage est consacré à une exposition d'un certain nombre de pièces exhumées dans la région. A gauche en entrant, une scène de chasse retrace la vie à l'époque primitive, au dessus d'un crâne de cerf. Tout autour de la pièce, derrière des vitrines, des poteries et des sculptures témoignent de l'évolution des civilisations qui s'y sont succédées; elles portent le nom du village où les vestiges ont été découverts. La culture néolithique Majiayao remonte de 5000 ans à 3900 ans avant notre ère; elle se développa dans le bassin supérieur du Fleuve Jaune (comté de Lintao); elle apparut après la culture Miaodigou, dont elle conserve des traits, et elle s'apparente aux cultures Banshan et Machang; elle se caractérise par des poteries peintes de forme standard d'une facture hautement significative; le décor de lignes parallèles et de cercles concentriques, blanc et noir sur fond jaune orange, confère aux vases mouvement et gaieté. La culture Banshan (comté HeZeng) est caractérisée par une poterie élaborée; la forme parfaitement arrondie des vases leur donne de l'épaisseur et du poids; le tracé des lignes rouges ou noires des dessins est délicat et séduisant. La culture de Machang (Comté de Ledu) se caractérise par une évolution des formes, s'inspirant d'abord de la grenouille pour évoluer finalement vers le zigzag; des lignes droites et inclinées opposent les nuances de rouge et de noir. La culture Qijia (comté de Guanghe) marque la transition des âges de la pierre à celui du bronze; les vases sont ornés de lignes, de triangles et de zigzag; les poteries non peintes sont décorées à la corde et imitent des paniers ou des jarres au long col pourvues de deux anses. La culture Xindian (comté de Lintao) appartient à l'âge du bronze; les poteries à deux anses évoquent la domestication du chien. 

Les reliques culturelles de la Pagode Blanche, utilisées par la famille impériale, (épingle à cheveux en jade, perles ornementales, objets d'or, porcelaines...) témoignent du haut degré de perfection artistique de l'époque des Ming. Plus loin, j'ai particulièrement remarqué un bouddha tibétain de bronze doré de l'époque Tang, correspondant à la transition du bön au bouddhisme, sur les hauts plateaux, ainsi que des statues tantriques du même métal très suggestives. Il convient de rappeler que le bronze fit sont apparition en Chine au 21ème siècle avant notre ère, sous les Xia, les Shang et les Zhou; ce métal servit d'abord à la fabrication d'objets rituels; il devint ensuite le symbole de la puissance et de la richesse de son possesseur; sous les Han, il se désacralisa et fut utiliser pour confectionner des objets d'usage courant. Sous les dynasties Han et Tang, l'usage se répandit d'enterrer avec le défunt quantité d'objets funéraires utilisés dans la vie courante, comme des poteries, parallèlement celles-ci cessaient progressivement de jouer un rôle important parmi les vivants. 
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Nasirdin Apandi
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Après la visite du bâtiment à gauche de la pagode, nous passons devant cette dernière pour gagner le bâtiment de droite où se tient une exposition-vente de peintures chinoises. La plupart sont traditionnelles ce qui n'exclut pas, chez certains artistes, une touche de modernisme. Je remarque entre autres: une représentation de Nasirdin Apandi, une ancienne connaissance rencontrée au Sinkiang, archétype de l'homme simple et rusé qui sait triompher des puissants, grâce à sa naïveté, et que l'on montre toujours monté sur le dos d'un âne, de nombreux contes turcophones narrent les aventures de ce sympathique personnage burlesque; un cavalier mongol poursuivant un cheval sauvage; de beaux raisins, très réalistes; une famille de tigres, des coqs dans un jardin fleuri, des chameaux, des apsaras, un vieux sage, de ravissantes chinoises en costume ancien, une branche de prunier avec ses fruits très réussie, une grue parmi des bambous..., tous ces thèmes classiques sont traités de manière traditionnelle; une jeune femme ouïgour accompagnées de chiens, une jeune femme romantique alanguie de type européen, une danseuse ouïgour et ses musiciens, une lycéenne dans un décor de fleurs, ces derniers tableaux sont traités de manière plus moderne. Comme il me reste encore beaucoup d'argent, je m'offre la grue au milieu des bambous. A la sortie, j'essaie en vain de me procurer un livre de reproductions: le dernier qui m'aurait plu vient d'être vendu à une personne du groupe; les autres ne me conviennent pas. 

Nous prenons le chemin de l'aéroport. Nous traversons le Fleuve Jaune, sur un pont d'où l'on aperçoit deux roues élévatrices d'eau employées autrefois pour irriguer les cultures; elles sont maintenant dans la ville. Nous passons devant la prison, trop rapidement pour que je puisse photographier l'entrée complète; l'image du jeune Panchen lama, reconnu par le Dalaï lama et récusé par les autorités chinoises, qui est retenu à Lanzhou, d'après ce que l'on m'a dit, me revient en mémoire. Je retrouve le paysage que j'ai déjà décrit l'an dernier dans mon récit de voyage: une pagode sur la colline, des installations industrielles, des plantations d'arbres pour retenir la terre des pentes, des grottes aménagées où  logeaient autrefois les paysans... Mais nous sommes en hiver: les montagnes proches sont saupoudrées de neige; au loin, elles en sont recouvertes. A l'aéroport, j'achète de la viande de yak séchée, aromatisée aux épices du cru: salé-sucré!  

Le vol se déroule sans histoire. J'en profite pour lire le China Daily; un haut dirigeant chinois exprime l'opinion que les religions ont un rôle à jouer dans la construction d'une société harmonieuse; près de 200 millions de travailleurs migrants rencontrent les plus grandes difficultés pour se faire payer leur dû par les employeurs, au moment de retourner dans leur village, les autorités envisagent de prendre des mesures sévères à l'encontre des patrons indélicats; un Chinois, condamné pour s'être moqué d'un fonctionnaire municipal dans un poème, a été relaxé après une vigoureuse campagne de dénonciation de cette atteinte à la liberté d'expression, notamment via Internet. Nous survolons des montagnes recouvertes de neige. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le plateau tibétain, beaucoup plus élevé que les plaines centrales chinoises, est plus protégé qu'elles des intempéries; ces dernières viennent de la mer, c'est-à-dire de l'est; les hautes montagnes qui bordent le plateau arrêtent les précipitations; le journal nous apprend qu'une forte tempête de neige s'est abattue sur la Mandchourie, perturbant la circulation au nord de la Chine. 
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Le paysage vu de l'avion entre Lanzhou et Pékin
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Nous arrivons à Pékin en fin d'après-midi. Le soleil couchant joue sur les immeubles modernes. En contrebas de l'autoroute, un peu de neige étend son tissu déchiré sur le sol des jardins publics désolés. De belles façades neuves s'illuminent. Des grues rappellent que les villes chinoises sont en perpétuelle transformation; de plus, la capitale se prépare pour les jeux olympiques de l'an prochain. Nous longeons les vestiges de l'enceinte fortifiée élevée par les Ming; les murailles sont encore imposantes. Un peu plus loin, un immeuble moderne, de coupe ovale, dresse vers le ciel son élégante silhouette de verre et d'acier, à côté d'une construction ancienne très bien conservée. L'architecture de Pékin est cependant moins exubérante que celle de Shanghai. 

Notre programme prévoit une visite de la Rue des Antiquaires, où l'on peut encore admirer de vieilles maisons pékinoises. Lorsque nous y parvenons, la nuit est déjà tombée; les boutiques ferment. Le froid très vif nous oblige à remonter nos cols; la température est plus basse que sur le plateau tibétain; des restes de congères gelées traînent ça et là. Nous parcourons la rue principale, avant de nous aventurer dans un labyrinthe de ruelles à l'éclairage parcimonieux, à peu près désertes, un véritable coupe-gorge. Quelques personnes se hasardent à pénétrer dans les rares magasins encore ouverts. Après avoir léché quelques vitrines, je reviens vers notre bus. Une chinoise propose sur le trottoir  des carrés de tissu brodé: 300 yuans; j'hésite avant de regagner ma place à l'intérieur du véhicule; là, comme il me reste encore de l'argent chinois, je lui montre deux billets de 100 yuans à travers la vitre; elle se précipite vers la porte; l'affaire est faite; j'aurais certainement pu négocier jusqu'à 150 yuans, mais je n'avais que des billets de 100! Les broderies n'ont certainement pas été réalisées manuellement, mais qu'importe, c'est toujours un souvenir; j'ai accompli une bonne action et gagné quelques mérites pour améliorer mon karma! 
 

Une vitrine de la Rue des Antiquaires
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12 ème jour (6 mars): Pékin-Paris  (Les photos sont  ici ) 

Le lendemain matin, après le petit déjeuner, nous reprenons le chemin de l'aéroport. Immeubles modernes, échangeurs d'autoroutes, jardins sous la neige... Adieu Pékin, adieu la Chine... Dans quelques heures, nous serons à Paris. Dans une boutique de l'aéroport, j'achète une bouteille de vin de riz, pour épuiser mes derniers yuans; je m'étais décidé pour du 12 ans d'âge, mais j'ai dû me rabattre sur du 8 ans, n'ayant plus la somme nécessaire! J'espère passer sans problème au contrôle cette dernière acquisition. Avant une longue attente et un vol de plus de dix heures, un passage aux toilettes s'impose; je reconnais les sanitaires de marque Toto; ce sont maintenant pour moi de vieilles connaissances; j'en ai rencontré dans plusieurs villes chinoises et leur nom m'amuse. Au contrôle, on me laisse passer sans soulever la moindre objection, avec ma bouteille bien enveloppée dans sa boîte de carton. Le vol, qui se déroule avec le soleil levant dans le dos, n'appelle aucune remarque particulière de ma part.  

J'en profite pour lire à nouveau le China Daily. Les pouvoirs publics préparent le budget et le nouveau plan quinquennal; les principaux objectifs économiques suivants viennent d'être retenus: 1°)- ramener le taux de croissance à 8% (contre plus de 10% au cours des années passées) afin de réduire la consommation d'énergie et lutter contre la pollution; 2°)- modifier l'équilibre entre exportations et importations en privilégiant le développement de la consommation intérieure; 3°)- améliorer le mécanisme de change de la monnaie chinoise; 4°)- limiter à 4,6% le taux de chômage urbain tout en maintenant le taux d'inflation sous 3%; 5°)- augmenter de plus de 15% le budget destiné au régions rurales... Conscient des réclamations qui émanent de la population, le gouvernement a dressé une liste des problèmes sociaux rencontrés et des solutions proposées pour les résoudre: hausse des crédits pour promouvoir le plein emploi; amélioration du système de sécurité social et extension de la couverture à ceux qui en sont dépourvus (seulement 1% de la population serait actuellement complètement couverte), le système est spécialement déficient dans les campagnes, mais, même dans les villes, il est loin d'être satisfaisant; accroissement de la protection sanitaire, notamment au plan de la sécurité alimentaire; lutte contre la corruption (il s'agit d'un thème récurrent de la presse chinoise); lancement d'un plan pour moderniser le système d'éducation secondaire; réforme du système de soins, afin que tous les Chinois puissent disposer d'un médecin de proximité et soient en mesure de le payer (actuellement près de la moitié des Chinois sont dans l'incapacité de se soigner); réduire les disparités de revenus (les 10% de la population les plus riches possèdent 40% de la richesse alors que les 10% les plus pauvres en possèdent moins de 2%); lutter contre la pollution en interrompant le fonctionnement des unités de production chimique les plus polluantes et en réduisant la consommation d'énergie (70% des rivières et lacs chinois seraient pollués et 300 millions de personnes n'auraient pas accès à l'eau potable).   

A plusieurs reprises, je me rends à l'arrière de l'appareil, d'où l'on peut regarder le paysage derrière le hublot; nous survolons la Russie, dans les environs de Sverdlovsk, redevenue Iekaterinbourg, depuis la chute de l'Union soviétique, la position de l'avion sur la carte projeté sur un écran l'indique; c'est là que le tsar Nicolas II a été assassiné, lors de la révolution bolchevique. 
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Au dessus de la Russie, dans les environs de Severdlosk-Iekaterinbourg
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Bientôt c'est l'Europe, la France, Paris... 

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