Carnet  de  route  d'un  voyage  Au Liban
Septembre 2010 (suite 1)
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2 ème jour (26 septembre), le matin: Baalbek (les photos sont ici) 

Départ le matin de Jounieh en direction de Baalbek, à l'intérieur des terres. Nous nous enfonçons dans la montagne libanaise qui commence tout au bord de la côte. Le paysage aride semble austère et peu hospitalier. Une première halte à lieu dans une boutique sur le devant de laquelle un homme fait cuire des sortes de crêpes épaisses sur une plaque de fer bombée. J'achète une bouteille de vin recommandée par le maître des lieux qui s'avérera excellent. 

Nous continuons sur la route en lacets qui nous conduit à un col pour franchir le Mont Liban. Nous apercevons, parmi un chaos de rochers, les ruines d'un temple antique, celui de Faqra. Une seconde halte nous permet de photographier un arc de pierre naturel jeté au-dessus d'une vallée: le pont de Faqra. Notre accompagnatrice française profite du long chemin que nous devons effectuer en car pour nous parler des relations de la France avec le Liban. 
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Une carte du Liban est ici
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L'intérêt de la France pour le Moyen-Orient remonte à une période très reculée. Charlemagne entretenait déjà de très bonnes relations avec le calife abasside de Bagdad, Haroun ar-Rachid ((766-809), son allié de fait contre l'émirat omeyyade de Cordoue qui contrôlait l'Espagne, mais aussi contre l'empire byzantin. Il reçut un éléphant blanc de cet ami lointain, entre autres cadeaux. Le calife l'assura en outre que les pèlerins chrétiens se rendant à Jérusalem bénéficieraient d'une totale liberté conférant ainsi en quelque sorte à Charlemagne le statut de protecteur des lieux saints. 

Après la prise de Jérusalem par les Croisés, en 1099, la couronne de roi de la contrée fut proposée à Godefroy de Bouillon comme étant un descendant de Charlemagne. Godefroy de Bouillon refusa cet honneur au motif qu'il ne saurait porter une couronne d'or là où le Christ avait reçu une couronne d'épines. Il accepta seulement les titres d'avoué du Saint-Sépulcre et de baron, manifestant par là que Jérusalem se trouvait d'abord sous la juridiction de Jésus, il faut entendre du Saint-Siège. 

En 1249, Saint-Louis participa à la 7ème croisade; il prit Damiette, en Égypte, mais échoua devant Mansourah, puis il fut fait prisonnier à la bataille de Fariskur (1250). Une fois libre, il se fixa dans les États latins d'Orient, où il consolida les places fortes d'Acre, de Césarée, de Jaffa et de Sidon (1250-1253). Apprenant la mort de sa mère, Blanche de Castille, décédée  en 1252, il rentra en France, depuis Tyr, en 1253. Il mourut de la peste à Tunis, lors de 8ème croisade, le 25 août 1270. 

En 1483, une tentative de contact, initialisée par le sultan Bajazet II (1447-1512), auprès de Louis XI n'eut pas de résultat immédiat : le roi mourant refusant, par piété, de recevoir un musulman. 

François 1er (1494-1547) s'allia aux Ottomans de Soliman le Magnifique pour combattre Charles Quint qui lui-même prenait les Turcs à revers, en s'entendant avec les Perses. Aucun traité d'alliance proprement dit ne fut signé entre la France et les Ottomans mais une coopération étroite permit aux deux puissances de combattre efficacement la flotte espagnole en Méditerranée, au grand scandale de l'Europe chrétienne. François 1er envoya même une sorte d'ambassadeur auprès de la Sublime Porte, ce qui constituait une innovation. Mais cet ambassadeur fut emprisonné par précaution pendant un an à Istanbul. En 1536, la France devint la première puissance européenne à obtenir de la Turquie des capitulations accordant des privilèges commerciaux; les navires français furent autorisés à naviguer librement dans les eaux ottomanes sous le pavillon fleurdelisé et chaque vaisseau appartenant aux autres pays eut l'obligation de battre pavillon français et de demander la protection des consuls français pour commercer. En outre, la France obtint la faculté de posséder une chapelle à Istanbul, dans le quartier de Galata, et le droit lui fut reconnu d'assurer la protection des populations catholiques de l'Empire ottoman, jusqu'à un certain point. 

A partir de François 1er, le royaume entretint des ambassadeurs à Istanbul. Leur action était relayée par un réseau de consulats qui permettaient à la protection française de s'exercer au plus près. Il en existait en Syrie et au Liban (Tripoli en 1536, Beyrouth en 1549, Alep en 1562). En 1604, sous Henri IV, l'ambassadeur Savary de Brèves, qui se fit reconnaître sur place comme "protecteur particulier et défenseur de toutes les églises et monastères, représentant du roi très-chrétien, protecteur général des chrétiens de l'empire ottoman", obtint que les religieux latins puissent circuler librement et déployer leurs activités sans entrave. A partir de 1607, s'ouvrirent des consulats à Sidon, Tyr, Saint-Jean d'Acre, Jaffa, Jérusalem. En Égypte, la France fut représentée au Caire et à Alexandrie puis, au 13ème siècle, à Damiette et à Rosette. Des missions furent envoyées en Perse dès le 16ème siècle et des consulats furent installés, au début du 18ème siècle à Badgad, Ispahan et Chiraz. A partir de ce siècle siècle, presque tous les drogmans des échelles du Levant furent français. 

Louis XIV poursuivit la politique d'entente avec l'empire ottoman de François 1er. Dans les capitulations de 1673, le roi de France se vit reconnaître un droit de protection sur tous les ecclésiastiques de rite latin établis dans l'empire, lesquels étaient considérés comme sujets français. Ce privilège fut confirmé, sous Louis XV, par les capitulations de 1740, au bénéfice de tous les religieux qui  professaient la religion franque. A compter de cette époque, le protectorat français sur les chrétiens d'obédience romaine fut reconnu par la plupart des puissances européennes et le pape avalisa cette situation en prescrivant, en 1742, de rendre aux consuls français les honneurs liturgiques. 

Louis XVI continua la tradition d'appui aux missions catholiques du Proche-Orient. Face au vide créé par l'interdiction des Jésuites, en 1773, il choisit les Lazaristes pour les remplacer dans les missions en territoire ottoman. Le Pape Pie VI accepta ce changement symbolisé par la prise en charge du centre des missions catholiques en Orient, le Lycée Saint-Benoît d'Istanbul, par la Congrégation de la Mission de Saint Vincent de Paul, le 19 juillet 1783. 

Sous la Révolution française, le Moyen-Orient, situé sur le chemin de l'empire britannique des Indes, devint un terrain d'affrontement entre la France et l'Angleterre. L'expédition d'Égypte (1798-1801) reste le symbole le plus marquant de cette compétition qui demeura vivace au cours des périodes suivantes. L'empire ottoman sur le déclin, dont l'alliance était convoitée tant par la France que par l'Angleterre, changea de camp au gré des fluctuations politiques. Après la brouille survenue lors de la conquête de l'Égypte, Napoléon parvint à renouer des liens avec lui contre l'Angleterre et la Russie. En 1812, l'Empereur, qui ne renonça jamais à l'idée d'aller attaquer les Anglais dans les Indes, via le Moyen-Orient, à défaut d'une entente avec la Russie, réussit par l'entremise d'un émissaire européen, accompagné d'un Syrien, à fédérer les tribus de Syrie, d'Irak et d'Iran, pour faciliter le passage d'une armée française jusqu'aux Indes, projet que la retraite de Russie voua aux oubliettes. 

Au 19ème siècle, Napoléon III se montra favorable à l'entreprise de Ferdinand de Lesseps pour creuser le canal de Suez mais il n'alla pas jusqu'à l'appuyer ouvertement, de crainte de déclencher un conflit avec la Grande-Bretagne, laquelle considèrait cette entreprise comme l'indice d'une volonté française de main-mise sur le Moyen-Orient, au détriment de ses intérêts et de ceux de l'empire ottoman. Ferdinand de Lesseps réalisa son rêve à peu près seul avec le soutien du vice-roi d'Égypte, Saïd, pourtant vassal nominal de la Turquie. En 1860, devant les massacres perpétrés dans la montagne libanaise, à l'occasion d'affrontements violents entre druzes et maronites, Napoléon III se départit pourtant de sa prudence et décida de reprendre la tradition française de défense des chrétiens d'Orient. 

La Première guerre mondiale vit l'empire ottoman faire cause commune avec les empires centraux. En 1915, l'Angleterre souleva les Arabes contre les Turcs en leur promettant la création d'un grand royaume indépendant sur les ruines de l'empire ottoman. Mais, le 16 mai 1916, à la suite d'une longue négociation, l'accord Sykes-Picot fut conclu entre la France et le Royaume-Uni; cet accord prévoyait, après la guerre, le dépeçage du Moyen-Orient au profit des deux pays, en contradiction avec les promesses faites aux Arabes. A la France échouerait le Liban actuel et la Cilicie (peuplée d'Arméniens) ainsi qu'une zone d'influence portant sur le nord de la Syrie actuelle et la province de Mossoul; l'Angleterre recevrait le Koweït et la Mésopotamie sous administration directe et une zone d'influence portant sur le sud de la Syrie actuelle, la Jordanie actuelle et la future Palestine sous mandat; Saint-Jean-d'Acre, Haïfa et Jérusalem seraient placés sous administration internationale mais la Grande-Bretagne devait ensuite obtenir le contrôle des deux ports. La Russie tsariste et l'Italie entérinèrent cet accord destiné à rester secret. Mais la Révolution russe de 1917 leva le secret; le jeune pouvoir communiste divulgua l'accord; les Arabes furent évidemment furieux d'avoir été bernés. 

Après la fin de la guerre, lorsque s'ouvrit à Paris la conférence de la paix, le 12 janvier 1919, une délégation conduite par l'émir Fayçal  se rendit à cette conférence afin de soutenir les revendications arabes. Par suite de leur révolution, et grâce à l'entrée de leurs troupes à Damas aux côtés des britanniques, les Arabes faisaient en effet partie des vainqueurs. L'Angleterre défendit leurs demandes qui se heurtèrent à un refus de la France, comme contraire aux accords Sykes-Picot, et l'émir Fayçal quitta la table des négociations. Dans le même temps, une délégation syrienne s'était rendue à Paris pour présenter le point de vue de la Syrie à savoir le refus de son intégration dans un royaume hachémite (l'Arabie saoudite salafiste ayant depuis longtemps mauvaise réputation dans la région) et le maintien de son unité (y compris la Palestine) avec l'aide de la France, protectrice des chrétiens d'Orient mais également puissance musulmane par ses possessions d'Afrique du Nord. La Grande-Bretagne rejeta naturellement le projet syrien. 

Pour compliquer un peu plus les choses, deux délégations libanaises vinrent également à la conférence. La première, composée du druze Négib Abdel Malek, du musulman Abdul Halim Hajjar, du grec-orthodoxe Abdullah Khoury Saadi et des maronites Emile Eddé et Daoud Ammoun, revendiqua la création d'un Grand Liban, comprenant les villes de Tripoli, de Beyrouth et de Saïda ainsi que les districts du Akkar, de Baalbek, de Hasbaya, de Rachaya, de Saïda et de Merjayoun, qui serait placé sous la protection de la France. La seconde, constituée du patriarche maronite Hoyek, d'un évêque grec-catholique et de trois évêques maronites, réclama la création d'un Grand Liban indépendant; elle obtint l'accord de Clémenceau qui n'avait pas la fibre colonialiste. 

Ces différentes difficultés, ainsi que la pression des circonstances, rendaient l'accord Sykes-Picot inapplicable. En effet, la révolution kémaliste renversait l'empire ottoman tandis que les forces arabes occupaient encore Damas. Un nouvel accord, celui de San Remo (25 avril 1920), entérina cet état de fait. Le Liban et la Syrie revenaient à la France et l'Irak, la Transjordanie et la Palestine à la Grande-Bretagne. Fayçal, qui occupait Damas, recevait le titre de roi d'Irak, en échange de son départ de Syrie. La France renonçait aux droits que lui reconnaissait l'accord Sykes-Picot sur la région de Mossoul, en échange d'un partage des bénéfices pétroliers de la-dite région. Le 1er septembre 1920, le Grand Liban fut créé, ce qui privait la Syrie du débouché maritime de Tripoli et de la plaine de la Békaa. 

Il faut insister sur le fait que le Liban et la Syrie n'étaient pas à proprement parler des colonies; ils étaient des territoires sous mandat, c'est-à-dire des pays ayant vocation à l'indépendance à charge pour la France des les y amener. Cette solution ne satisfit évidemment pas grand monde, d'autant moins que les administrateurs coloniaux, formés à la vieille école, se montraient peu enclins à faire preuve de souplesse. Une opposition armée syrienne se manifesta et ne fut vaincue qu'après plusieurs mois de lutte. Des affrontements se poursuivirent au nord contre la Turquie jusqu'en 1921, époque à laquelle, pour avoir la paix, il fallut céder la Cilicie aux dépens de la Syrie. 

Pour vaincre le nationalisme, le Haut Commissaire français, le général Gouraud, décida la division du Levant en petites unités administratives; outre le Grand Liban, en septembre 1920, les États d'Alep et de Damas virent le jour ainsi qu'un territoire alaouite directement administré par la France. Le 23 juin 1921, la voiture du général Gouraud, tomba dans une embuscade sur la route de Damas à Kenitra; le commandant Branet fut tué à côté du chauffeur; le Gouverneur de Damas fut blessé et la manche vide de Gouraud, qui était mutilé, fut traversée par une balle; les agresseurs s'enfuirent en Transjordanie. En 1923, l'État du Sandjak d'Alexandrette fut créé puis en 1924, l'État des Alaouites avec les Sandjaks de Lattaquié et de Tartous. Le 1er janvier 1925, l'État de Syrie, fédéra ceux d'Alep, de Damas et des Alaouites, avec Damas pour capitale. Toutes ces manipulations administratives n'avaient qu'un but: diviser pour mieux régner; mais ce but ne fut pas atteint. Une rébellion qui dura deux ans éclata en Syrie, dans le Djebel Druze, pour se propager à Damas, Qalamoun, Hama, au Golan et dans le sud-est du Liban. Cette rébellion était dirigée par le chef druze, Sultan al-Atrach. Elle fut durement réprimée; Damas fut bombardée et plusieurs rebelles furent pendus. 

En novembre 1937, la France, qui souhaitait l'apaisement avec la Turquie nouvelle, sépara le Sandjak d'Alexandrette (Antioche) de la Syrie. Deux ans plus tard, alors que les menaces de guerre se précisaient, cette région fut abandonnée à la Turquie au détriment de la Syrie. 

Après la débâcle de 1940, le Liban et la Syrie restèrent d'abord sous le contrôle du gouvernement de Vichy. Mais, en 1941, les Forces françaises libres, avec une aide anglaise non dépourvue d'arrières-pensées, s'emparèrent par la force de ces territoires. En 1943, un conflit éclata entre le gouvernement libanais et le représentant de la France libre qui fit emprisonner les ministres pendant quelques jours avant de se résigner à l'indépendance du pays. En 1945, des combats opposèrent les Syriens aux Français qui bombardèrent Damas mais, après une médiation britannique, le 17 avril 1946, les troupes françaises évacuèrent la Syrie. 

Les difficultés actuelles que connaît la région sont en grande partie la conséquence du démantèlement de l'empire ottoman qui intervint après la seconde guerre mondiale. Les puissances occidentales, l'Angleterre et la France en particulier, ne sont pas exemptes de tout reproche. 

Après avoir franchi les hauteurs du Mont Liban nous redescendons vers la plaine de la Békaa, une région fertile et bien irriguées où poussent des cultures variées (céréales, betterave, pomme de terre, coton, chanvre), des arbres fruitiers et de la vigne, avant d'arriver à Baalbek, située entre deux bassins fluviaux: celui de l'Oronte au nord et celui du Litani au Sud. 

Baalbek, cité romaine, bénéficia pendant trois siècles de la générosité des empereurs. Elle est considérée comme l'une des merveilles du monde antique. Ses temples, parmi les plus grands jamais construits, comptent aussi au nombre des mieux préservés. S'élevant au-dessus de la plaine de la Békaa, leurs proportions monumentales paraissent proclamer la puissance et la gloire impérissables de la Rome impériale. Les dieux qui y étaient adorés, la triade héliopolitaine*: Jupiter (Zeus), Vénus (Aphrodite) et Mercure (Hermès) s'étaient greffés sur le culte des divinités locales de Hadad, d'Atargatis et d'un jeune dieu mâle de la fertilité. Des influences indigènes sont manifestes dans l'architecture des temples qui s'écarte quelque peu du schéma romain classique. 
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* A ne pas confondre avec la triade capitoline: Jupiter, Junon, Minerve. 
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Une reconstitution de Baalbek du temps de sa splendeur
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Au cours des siècles, les monuments de Baalbek souffrirent du pillage, des tremblements de terre et des additions médiévales. Heureusement, le visiteur d'aujourd'hui peut reconstituer l'allure originelle du site grâce aux travaux des archéologues allemands, français et libanais entrepris depuis une centaine d'années. 

Baalbek se trouve au croisement de deux routes commerciales traditionnelles. L'une conduisait de la côte méditerranéenne vers l'intérieur de la Syrie et l'autre reliait le nord de la Syrie au nord de la Palestine. Aujourd'hui, la ville, située à 85 km de Beyrouth, est un centre administratif et économique important au nord de la vallée de la Békaa. 

Pendant des siècles, les temples de Baalbek ont été enfouis sous des gravats ou furent cachés par les constructions médiévales. Mais, même en ruines, le site suscita l'admiration des visiteurs et son importance historique ne fut jamais niée. Les premiers efforts en vue de dégager les monuments débutèrent en 1898 par les travaux d'une mission archéologique germanique. En 1922, les Français entreprirent des recherche approfondies ainsi que la restauration des temples, travail qui fut poursuivi ultérieurement par la Direction générale des Antiquités libanaises. 

Les temples de Baalbek ont été construits sur un tell qui remonte au moins au 3ème millénaire avant notre ère; certains pensent même qu'une terrasse fut édifiée à cet endroit au tout début de la période néolithique, voici plus de 10000 ans. On connaît peu de choses sur les périodes les plus éloignées mais on sait qu'au 1er millénaire avant notre ère une cour pourvue d'une enceinte fut aménagée sur l'ancien tell. Un autel se dressait au centre de cet espace conformément à la tradition des sites bibliques sémites. Pendant la période hellénistique (-333 à -64) les grecs identifièrent le dieu de Baalbek au dieu solaire et la cité prit le nom d'Héliopolis ou Cité du Soleil. L'ancienne cour fut agrandie et un podium fut érigé à l'ouest pour supporter un temple classique. Ce temple ne fut jamais construit mais ses imposantes fondations peuvent encore être détectées. A l'époque romaine, c'est encore à l'emplacement de l'ancienne cour que les Romains édifièrent le Temple de Jupiter. La construction de ce temple débuta au cours du dernier quart du 1er siècle avant notre ère et fut achevée à la fin du règne de Néron (37 - 68). La Grande Cour du Temple de Jupiter, avec ses portiques; ses exèdres (salles en niches), ses autels et ses bassins, vit le jour au second siècle de notre ère ainsi que le Temple dit de Bacchus. Les Propylées (avant portiques) et la Cour hexagonale furent ajoutés au 3ème siècle, sous le règne des Sévères (193 - 235) et de Philippe l'Arabe (244 à 249); ils furent probablement terminés au milieu du-dit siècle. A la même époque fut probablement aussi édifié le Temple de Vénus à forme circulaire. Lorsque le Christianisme devint la religion officielle de l'empire romain, en 313, l'empereur byzantin Constantin fit officiellement fermer les temples païens de Baalbek. A la fin du 4ème siècle, l'empereur Théodose fit jeter à bas les autels du Temple de Jupiter et construire une basilique en utilisant les pierres et certains éléments architecturaux des anciennes constructions. Après la conquête arabe, en 636, les temples furent transformés en forteresse ou qal'a un terme encore appliqué aujourd'hui à l'Acropole. Pendant les siècles qui suivirent, Baalbek tomba successivement sous la domination des Omeyyades, des Abbassides, des Toulounides, des Fatimides et des Ayyoubides. La ville fut saccagée par les Mongols aux environs de l'an 1260. Ensuite, elle connut une période de tranquillité et de prospérité sous le gouvernement des Mamelouks. 
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Plan du complexe cultuel de Baalbek
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Le complexe religieux de Baalbek comprend le Temple de Jupiter, le Temple de Bacchus et le Temple de Vénus. Il ne reste qu'une partie de l'escalier du Temple de Mercure sur la colline Sheikh Abdullah. Dès l'abord, la vue des visiteurs est frappée par les six colonnes corinthiennes du Grand Temple, partie du Temple de Jupiter, qui s'élèvent à 22 m de hauteur, sur une butte de 7 m au-dessus de la Cour. Ces colonnes donnent une  idée de l'échelle du monument original. L'entrée du Grand Temple de Jupiter est précédée d'un péribole (espace libre autour d'un temple) semi circulaire.  

Un escalier monumental donne accès à l'entrée principale, c'est-à-dire aux Propylées. Le plan de cette entrée suit un prototype romain très répandu et consiste en un long vestibule bordé de 12 colonnes et flanqué de part et d'autre de tours à étages. Le décor de la façade extérieure ainsi que les chapiteaux richement ornés, lesquels furent recouverts de bronze et d'or au 3ème siècle de notre ère, conféraient à l'entrée, visible de loin, son allure imposante. Trois portes s'ouvraient sur une Cour hexagonale. 
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Reconstitution des l'entrée monumentale
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La Cour Hexagonale, exemple unique dans l'architecture romaine, fut construite à la fin du 2ème et pendant la première moitié du 3ème siècle de notre ère (terminée sous Philippe l'Arabe?). Elle forme la partie la plus récente du temple et servait de passage entre les Propylées et la Grande Cour sacrée ainsi que d'avant-cour à cette dernière. Tout autour de la partie centrale, un portique, comportant 30 colonnes de granit, mettait les quatre exèdres et les deux portes à l'abri du soleil et des intempéries. A l'époque byzantine, au 5ème siècle, la Cour fut transformée en église et dotée d'une couverture en forme de dôme et de fenêtres percées dans le mur extérieur des exèdres. Des meurtrières et des chemins de ronde y furent ajoutées à l'époque médiévale lorsque le temple fut transformé en citadelle. 

La Grande Cour, construite au 2ème siècle, constitue le coeur du temple. Aménagée au sommet de l'ancien tell, cette vaste plate-forme s'étend sur une superficie de 134x112 m et recouvre des vestiges dont, probablement, un sanctuaire antérieur. Les plus anciens de ces vestiges pourraient remonter au Néolithique et d'autres aux Âges du Bronze, du Fer ou à la période hellénistique. Durant la période romaine, ces vestiges furent enfouis sous un podium entouré, sur trois de ses côtés, par un portique à colonnes. L'ancien tell fut renforcé, à l'est, au nord et au sud par des structure voûtées et à l'ouest par le podium du temple; ces structures supportaient les portiques et servaient d'écuries et d'entrepôts; le sous-sol, formé de galeries et de chambres (crypto-portiques), constituaient, en été, un lieu de détente frais et agréable.  

La Grande Cour renfermait les principales installations cultuelles. Elle était enclose d'exèdres rectangulaires et semi-circulaires ouvrant sur le portique aux niches richement décorées de statues. Ces espaces étaient utilisés par les marchands qui y installaient leurs étals lors des fêtes religieuses importantes. Sur le front des exèdres, un portique de quatre-vingt quatre colonnes de granit égyptien ceinturait la cour. Sur les marches qui mènent à la Cour, des statues se dressaient sur des socles sur lesquels figuraient les noms des donateurs. Le mur extérieur porte la trace des aménagements médiévaux destinés à la nouvelle vocation du site devenu une forteresse. Au centre de la Grande Cour s'élevaient deux imposantes structures: un Autel sacrificiel et une Tour (Autel monumental) dont il ne reste guère que le bas; cette tour, datée du 1er siècle, fut probablement édifiée afin de permettre aux croyants d'assister au service religieux. L'importance de cette Grande Cour était telle que, au 5ème siècle, aux premiers temps du christianisme, les deux autels furent détruits et remplacés par une basilique. Les vestiges de cette basilique furent enlevés au 20ème siècle afin de dégager le temple romain. Deux colonnes solitaires de granit rouge et gris, qui appartenaient à la basilique, flanquent aujourd'hui les restes de la tour. Deux bassins rectangulaires, destinés aux ablutions rituelles, s'étalaient au nord et au sud de la tour et de l'autel. Ces constructions furent démolies lors de la construction de la basilique, à la fin du 4ème siècle. L'autel sur le toit duquel avaient lieu des sacrifices, la tour et les bassins de lustration jouaient un rôle essentiel dans le culte de Jupiter Héliopolitain. Ces deux éléments constituaient aussi une caractéristique du culte oriental pré-romain. On reste frappé par la richesse du décor, par son harmonie et par le souci de varier les motifs afin d'éviter la monotonie.   
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Plan de la Grande Cour
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L'approche du Temple de Jupiter proprement dit s'effectue à travers des espaces bien définis selon un plan d'inspiration orientale; le temple mesurait 88x48 m; sa cella s'élevait sur un podium de 13 m de haut par rapport au terrain environnant et 7 m au-dessus de la cour; un escalier monumental y donnait accès; il était à l'origine entouré par cinquante quatre colonnes corinthiennes dont seulement six sont encore debout; ces colonnes, les plus hautes du monde, étaient surmontées d'un entablement décoré d'une frise de têtes de lions et de taureaux connectées par des guirlandes; le podium est fait de pierres énormes; à l'ouest le Trilithon exhibe un groupe de blocs pesant plus de 800 tonnes chacun; certains blocs pèseraient plus de 1000 tonnes; comment les bâtisseurs ont-ils pu les amener et les placer, si bien ajustés, là où ils sont?  

Le Petit Temple du complexe sacré de Baalbek fut peut-être dédié à Bacchus, le dieu de la vigne. Aucune inscription n'a permis de confirmer l'identité du dieu qui y était vénéré ou de dater le monument. Alors que le Grand Temple est sans hésitation dédié au culte de la triade héliopolitaine, le Petit Temple fut apparemment consacré à un culte mystérieux et initiatique centré sur le jeune dieu de Baalbek. Ce dieu est identifié à une divinité solaire de la fertilité dont la naissance et la croissance promettaient à ses fidèles la régénération et la vie éternelle; le vin et d'autres drogues, comme l'opium, ont pu être utilisés par les-dits fidèles; ce sont les sculptures de grappes et de pavots qui apparaissent sur le montant des portes ainsi que des scènes bachiques qui ont valu son nom au temple. Le Bacchus romain correspondait au Dionysos grec, dieu non olympien de la vigne et du vin, mortel et renaissant, symbole de la régénération annuelle de la nature au printemps; associé au taureau, il était très populaire dans la région. Son temple est l'un des temples romains les mieux préservés. Il a survécu sans grands dégâts aux tremblements de terre, au passage du paganisme au christianisme puis à l'islam ainsi qu'à la période médiévale, au cours de laquelle il servit de donjon. Même s'il est difficile de dater sa construction avec précision, son décor de style corinthien suggère la date du 2ème siècle de notre ère. Contrairement au temple de Jupiter, celui de Bacchus fut complètement achevé. Un escalier monumental de 33 marches mène à une plate-forme de pierre de 5 m de haut sur laquelle se dressent le temple et le portique à colonnes qui l'entoure. Son entrée monumentale est l'une des merveilles de Baalbek; de part et d'autre de cette entrée, des espaces ont pu revêtir une fonction rituelle; l'ante-cella porte deux rangées de niches garnies autrefois de statues. Un autre escalier conduit à la cella, séparée de l'ante-cella par une structure en forme de baldaquin destinées à cacher le Saint des Saints à la vue du commun des mortels. Sur le côté droit de la cella se trouve une crypte dans laquelle les objets de culte étaient probablement entreposés. On note la sculpture d'un aigle aux ailes déployées et une représentation de cléopâtre mordue par un serpent. En faisant le tour du monument, on aperçoit vers l'est les vestiges d'une mosquée médiévale et, contre la façade sud, des colonnes appuyées contre l'édifice par suite d'un tremblement de terre. On remarque également, parmi les ruines, des pierres sculptées d'ornements géomètriques typiquement orientaux qui annoncent l'art islamique. Face à l'entrée, à droite en sortant du Temple de Bacchus, c'est-à-dire au coin sud-est, s'élève la Tour des Mamelouks 
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Reconstitution de la cella du Temple de Bacchus
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Un  musée occupe l'espace des tunnels souterrains sous la grande cour du temple de Jupiter. Des sculptures et des objets de taille plus modeste des périodes hellénistiques et romaines y sont exposés. 

Deux petits temples sont situés de nos jours hors de l'enceinte sacrée romaine et médiévale, en direction du sud-est, au milieu d'un champ de ruines. En effet, comme on l'a déjà dit, les temples de Jupiter et de Bacchus furent transformés en citadelle à l'époque médiévale et ils furent donc isolés. Cependant, même à l'époque romaine, la zone des petits temples était séparée des grands sanctuaires par une rue à colonnade qui n'existe plus. Dans cette zone, délimitée par cette rue et une autre rue à colonnade allant vers le sud, furent construits les temples de Vénus et des Muses. Le temple des Muses fut bâti au 1er siècle de notre ère et le temple de Vénus deux siècles plus tard. Le premier était dédié au neuf divinités qui présidaient aux branches de l'enseignement et des arts. Le second est le mieux préservé; sa conception et sa dimension, autant que son orientation, font de lui une exception parmi les constructions de Baalbek. Il a été identifié comme le temple de la fortune de la cité, c'est-à-dire celui de sa divinité tutélaire, sous la protection des dieux majeurs, et ce n'est certainement pas par hasard que, pendant la période byzantine, il fut converti en une église dédiée à Sainte Barbe, patronne de la ville. Son utilisation, jusqu'à nos jours, comme lieu de culte chrétien explique son bon état de conservation. L'aspect baroque de son architecture est dû à son plan qui consiste en un bâtiment rond s'élevant sur un podium en forme de fer à cheval. Les niches semi-circulaires qui ornent sa façade extérieures sont surmontées par une corniche concave. Le reste d'un portique se trouve également à proximité du Temple de Vénus. 
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Reconstitution du Temple de Vénus
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Juste avant l'entrée du complexe cultuel romain, on peut voir les restes de la Grande Mosquée. Celle-ci date de la période Omeyyade (7ème-8ème siècles); elle fut construite sur un ancien forum romain sur laquelle fut ensuite édifiée une église byzantine dédiée à Saint Jean; un minaret carré est situé au coin nord-ouest de la cour. C'est le premier site que nous avons visité en arrivant à Baalbek. 

D'autres sites antiques sont également visibles. Citons des vestiges de bains publics, au sud des temples, et une ancienne source, maintenant incluse dans la ville moderne, auprès de laquelle on peut voir des traces d'un sanctuaire romain, d'une nymphée et aussi d'une mosquée mamelouke datant de 1277.  
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Une vidéo sur Baalbeck est  ici
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D'autres sites peuvent encore susciter l'intérêt des visiteurs dans les environs de Baalbek. Au sud de l'entrée de la ville, dans une carrière, d'où furent extraites les pierres ayant servi à la construction des temples, on peut admirer un énorme monolithe, dégagé il y a deux mille ans, qui mesure 21,5 X 4,8, pèse plus de mille tonnes et porte le nom de la "Femme enceinte". On prétend que, pour déplacer des blocs de ce poids, il ne fallait pas moins de 40000 travailleurs. Une autre carrière est située au sud-ouest de la ville. Parmi d'autres curiosités, citons Qoubbat al-Amjad (restes de la mosquée Zawiya et tombeau du sheikh 'Abdallah al-Younînî construit alors que le neveu de Saladin était gouverneur de Baalbek, entre 1182 et 1230, avec les pierres du Temple de Mercure); la porte de la ville de l'époque romaine, au nord-ouest de l'Acropole; Qoubbat as-Saladin, pas très loin du site précédent, (mausolée mamelouk de 1409); Qoubbat Douris, à l'entrée sud (tombeau ayyoubide du 13ème siècle); la nécropole romaine, mise à jour en 1996 par un tremblement de terre, à 4 km de Baalbek; le mausolée Khawla où repose la soeur de l'imam el Hussein de facture perse et couvert de céramique bleue; le Temple de Mercure, construit au 1er siècle sur l'emplacement d'un lieu du culte dédié au dieu de la ville, protecteur des récolte et des troupeaux, dont le site est accessible par une voie taillée dans le roc. 

Enfin, pour terminer, il convient de rappeler que, depuis 1956, se tient à Baalbek le festival annuel le plus prestigieux du Liban où se mêlent musique, danse, théâtre, son et lumière et auquel participent des artistes renommés du monde entier. 

Notre visite terminée, après avoir déjeuné, nous reprenons la route pour Beyrouth.   


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