Carnet  de  route  d'un  voyage  Au Liban
Septembre 2010 (suite 2)
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2 ème jour (26 septembre), l'après midi: visite de Beyrouth (les photos sont ici) 

Située au bord de la mer mais au pied des montagnes voisines, la ville de Beyrouth, avec plus d'un million d'habitants, est le coeur économique et culturel du pays dont elle est la capitale. Fille de Vénus, Beroë, mère des lois, étoile du Liban... autant d'épithètes qui résument plusieurs siècles d'une histoire particulièrement riche. D'après la légende, la cité aurait été fondée par le dieu El en hommage à sa compagne bien aimée la déesse Berout. Afin de la protéger, il l'offrit à Poséidon, le dieu de la mer, et à Cabiri, le dieu de la navigation. Le nom sémite de la cité (Birut) vient du mot "bir", qui signifie puits; ce nom lui fut donné après que plusieurs sources d'eau fraîche y furent trouvées. 
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Un plan de Beyrouth est  ici
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Le brillant passé de la ville remonte à plus de 5000 ans. Elle fut prospère à l'époque cananéenne-phénicienne; elle était alors un important centre commercial et le point de rencontre des civilisations occidentale et orientale. Il en est question dans les célèbres tablettes de Tell-Al-Amarna du 14ème siècle avant notre ère dans lesquelles on parle d'une cité bien défendue sous l'autorité du roi Ammounira. A l'époque romaine, Beyrouth devint une colonie prospère sous le nom de "Colonia Julia Augusta Felix Berytus" en hommage à la fille de l'empereur Auguste, dont le mari, Agrippa, embellit la ville en construisant des théâtres, des cours, des bains, des passages piétons, des centres de réunion... et en érigeant des statues des hommes illustres de l'Antiquité. Sous la protection d'Auguste, les habitants furent exemptés de taxes, la ville étant considérée comme romaine. Septime Sévère y installa, au 3ème siècle, une école de droit qui attira les étudiants du monde antique. Cette école servit de tribune à maints éminents juristes comme Gaïus, Paul, Papinien, Ulpien et le préfet prétorien de l'Illyrie, Anatole de Beyrouth. Sous Justinien, les nombreux professeurs éminents qui enseignèrent à Beyrouth s'employèrent à codifier les lois qui furent à l'origine de notre droit. La ville connut une période faste à l'époque byzantine. Puis elle déclina pendant un millénaire jusqu'au 18ème siècle. Comme d'autres cités côtières, Beyrouth fut occupée à plusieurs reprises et connut des époques de destruction séparées par de trop brèves périodes de calme et de prospérité. En se promenant à travers la ville, on peut retrouver les traces du passage de tant de peuples divers: les Cananéens, les Grecs, les Romains, les Byzantins, les Ottomans et les Français en un mélange de cultures, de langages et de civilisations facteur de richesse mais aussi de nostalgies et de difficultés politiques. Pendant la Première Guerre mondiale, le gouverneur turc, Asmi pacha, ordonna la démolition de la plupart des vieux quartiers pour construire une cité moderne combinant le style méditerranéen et oriental avec une touche d'urbanisme européen. Les édifices traditionnels, bâtis en pierres jaunes et dotés de petits balcons, ont en grande partie disparu sous les périodes ottomane et française. 

Pendant la seconde moitié du 19ème siècle, la cité connu soudain un grand essor commercial dans le cadre d'une amplification des échanges avec l'ouest. Elle devint un centre administratif, commercial, économique et culturel qui fut choisi comme capitale du grand Liban, lors de sa création, en 1920, sous le mandat français. La ville resta capitale de l'État libanais indépendant après 1943. Après la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement indépendant appliqua une politique financière et économique souple qui favorisa le développement. La position de la ville, au carrefour de l'est et de l'ouest, en fit un important centre bancaire et financier, spécialisé spécialement dans les activités de change et d'import-export. Le port et l'aéroport de Beyrouth devinrent des lieux de transit pour les pays arabes du Moyen-Orient. Le centre de Beyrouth s'internationalisa; on y rencontra de nombreux touristes et hommes d'affaires parlant différentes langues d'une table à l'autre.  

Beyrouth se releva de nombreuses catastrophes. Plusieurs tremblements de terre la ravagèrent; celui de 551 fut accompagné d'un raz de marée qui la détruisit. La cité fut également la proie de plusieurs incendies et il lui fallut du temps, du travail et de la patience pour se relever de ses ruines. Conquise et soumise par plusieurs ennemis, au cours de sa longue histoire, elle connut quinze ans de guerre civile (1975-1990). Cependant, cette cité refusa toujours de disparaître et, malgré les calamités et les destructions, elle trouva toujours la force de renaître grâce à sa ténacité. Sous l'impulsion du Premier ministre Rafiq Hariri, propriétaire de la Compagnie pour le développement et la reconstruction de Beyrouth, un projet portant sur la rénovation de plus de 180 hectares, comportant la création de deux ports de plaisance et d'espaces verts, fut élaboré pour une période de trente années (1994-2024); il inclut des infrastructures modernes: voies de communication, services publics urbains, activités portuaires. 
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Chronologie historique sommaire 
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-600000 à -10000: périodes paléolithique et épipaléolithique 
-10000 à -4500: période néolithique 
-4500 à -3500: période chalcolithique  
-3500: début de la période cananéenne 
14ème siècle avant notre ère: Beyrouth apparaît dans les tablettes de Tell al Amarna 
-1200: début de la période phénicienne 
-332: Beyrouth ouvre ses portes à Alexandre le Grand 
-140: incendie de la cité pendant la guerre séleucide entre Antiochus VII et Tryphon; elle reste en ruines pendant un siècle 
-64: Pompée conquiert le Moyen-Orient 
312: l'empire romain cède la place à l'empire byzantin 
551: destruction de la ville par un séisme suivi d'un raz de marée 
560: un incendie finit de détruire ce que le séisme et le raz de marée ont épargné 
635: conquête de la ville par les armées musulmanes qui mettent fin à la période byzantine 
1110: conquête de la ville par les Croisés 
1187: conquête de la ville par Saladin, roi de Damas, après la bataille de Hattin 
1197: reprise de la ville par les croisés 
1291: les Mamelouks assiègent Beyrouth 
1516-1919: période de domination ottomane 
1920: Beyrouth devient capitale du Grand Liban sous mandat français 
1943: proclamation de l'indépendance du Liban 
1975-1990: guerre civile 
1993-2010: reconstruction.
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Depuis 1994, des travaux archéologiques ont repris afin de mettre à jour le riche passé historique de la ville tandis que les sites les plus prestigieux étaient classés et mis en valeur. Les ruines antiques sont en voie d'intégration dans des parcs accessibles au public. Les travaux de recherche se poursuivent activement. Parmi les découvertes effectuées, il convient de citer l'hippodrome de Wadi abu Jmil, des bains et le complexe religieux de Gemmayzeh datant de la période romaine et quatre autels, avec des dédicaces à la triade héliopolitaine (Jupiter, Vénus et Mercure) ainsi qu'à la déesse marine Leucothéa (Inô), fille de Cadmos. Des installations urbaines et rurales romaines ont également été fouillées et un système d'adduction d'eau a été trouvé ainsi que des mosaïques et des pièces de monnaie. D'autres fouilles ont porté sur l'ancienne nécropole romaine et aussi sur des sites préhistoriques vieux de 200000 ans comme sur les fortifications de la période médiévale. 

Pour gagner la Corniche Al Manara (phare), but de notre première halte, nous passons à l'endroit où Rafiq Hariri fut victime de l'attentat qui lui coûta la vie. Cet attentat est attribué aux services secrets syriens mais leur responsabilité n'est pas prouvée. Certains se demande même pourquoi la Syrie aurait commis cette faute qui sciait la branche sur laquelle elle était assise. C'est en effet à la suite de cet attentat que les forces armées syriennes ont été contraintes de quitter le Liban qu'elles occupaient depuis la fin de la guerre. La culpabilité syrienne est donc douteuse. Damas a le dos large et il est trop facile de lui imputer la responsabilité de tous les incidents qui se produisent dans un pays convoité par les dirigeants syriens. Mais il convient aussi de se souvenir du dicton: "On ne prête qu'aux riches!" 

La Corniche Al Manara (phare) court le long de la mer. Bordée d'immeubles modernes et de palmiers, elle offre de larges espaces de promenades et de repos et attire un grand concours de peuple. On trouve dans son voisinage de nombreux hôtels, restaurants et cafés, où le visiteur peut apprécier des mets succulents tout en jouissant d'une vue magnifique sur la mer. Deux gros rochers d'une soixantaine de mètres de hauteur sortent de la mer en contrebas de la falaise, dans une sorte de petite baie ouverte, d'où le nom de "Raoucheh", version arabe du mot français rocher, donné à cet endroit; l'un de ces rochers est percé ce qui lui confère la forme d'un arc; l'ouverture qui le transperce de part en part porte le nom de Grotte des Pigeons; des vestiges préhistoriques y ont été découverts. Ces rochers ont été détachés de la terre ferme par un tremblement de terre et l'action des vagues leur a donné ensuite leur forme actuelle. 

Après cette première visite, nous nous rendons aux Thermes romains. Ces thermes furent enterrés sous les ruines pendant la guerre civile. Le site a été déblayé de 1975 à 1997. En haut des ruines, sur la droite, s'élève un important édifice, construit en 1860, qui servit d'hôpital militaire à la fin de la période ottomane. Il abrita le Palais de Justice du mandat français, jusqu'aux années 1960, et il sert maintenant de quartier général au Conseil de Développement et de Reconstruction. Dans le lointain, sur sa droite on aperçoit le clocher de l'Église Saint Louis des Capucins, bâtie en 1864, inaugurée en 1868, pour la communauté latine de Beyrouth; cette église fut brûlée et bombardée plusieurs fois pendant la guerre; sa restauration est en cours depuis 1994. Un escalier monumental s'élance vers le sommet de la colline dans le jardin méditerranéen verdoyant et odorant qui accompagne les vestiges romains. En cet endroit se déroulent des festivals musicaux. En haut de l'escalier, en face de l'ancien hôpital militaire ottoman, s'élève le Grand Sérail; il est flanqué de la Tour de l'Horloge, construite en 1897 et restaurée en 1994; le Grand Sérail, construit en 1853 par les Ottomans, servit d'abord de caserne puis de quartier général des gouverneurs, sous le mandat français, pour devenir le siège du Premier ministre après l'indépendance.  

Nous nous rendons ensuite à la Place de l'Étoile ou Place Nejmeh. Cette place est située dans un quartier moderne où se combinent les influences architecturales françaises et orientales. Une Tour à horloge, érigée en 1933 par Michel El Abed, trône en son centre. La place est bordée de restaurants et de café et plusieurs rues commerçantes à arcades restaurées y convergent, dont certaines sont piétonnes. Le Parlement de Beyrouth et ses bâtiments administratifs donnent sur cette place sur laquelle ont été trouvées quatre colonnes et leurs architraves en 1968-1969, lors d'un déplacement de l'horloge. Plusieurs églises avoisinent la place dont la Cathédrale grecque Saint Elie de facture byzantine, qui date du 18ème siècle et a été restaurée de 1994 à 2003, et la Cathédrale orthodoxe grecque Saint Georges. Cette dernière fut édifiée en 1767, sur l'emplacement d'anciennes structures des époques byzantine et croisée, à proximité de l'école de droit romaine si réputée. C'est un des plus anciens bâtiments de Beyrouth. Ses fresques et ses icônes ont été sérieusement endommagées pendant la guerre et elles sont restaurées par des artistes grecs et russes. 

Le Cardo Maximus romain se déployait dans les environs de la Place de l'Étoile, de la Cathédrale orthodoxe grecque Saint-Georges vers la Cathédrale maronite Saint Georges. Cette cathédrale maronite, construite entre 1888 et 1894, dans le style néo-classique de Sainte Marie Majeure de Rome, était l'édifice le plus élevé de la ville avant la guerre; elle a été restaurée depuis et est le siège épiscopal de l'archidiocèse maronite de Beyrouth. Entre les deux, de l'autre côté du Cardo Maximus, s'étendent des ruines encore incomplètement fouillées où l'on trouve des vestiges de différentes époques, notamment romaines et ottomanes. Ces ruines font partie du Jardin du Pardon, vaste espace qui contourne les deux édifices religieux grecs, Saint Elie et Saint Georges présentées plus haut. A côté de la Cathédrale maronite Saint-George se dresse la Mosquée Mohamed El-Amine; érigée à proximité de la Place des Martyrs, cette mosquée est très significative avec ses coupole bleues, ses quatre minarets sveltes, d'influence turque, de 65 m de haut, et ses murs jaunes. L'ancien Premier ministre Rafik Hariri, est inhumé à proximité de cet édifice religieux dans un Mémorial construit à cet effet. Le voisinage de tous ces lieux de cultes divers dans un espace restreint est symbolique du caractère oecuménique de la ville.  

La Mosquée Émir Assaf, aussi connue sous le nom de Bab al Saraya, s'élève à proximité de la Mairie de Beyrouth. Ce bâtiment religieux fut construit par l'émir Mansour Assaf (1572-1580) sur les ruines d'une ancienne église byzantine dédiée au Saint-Sauveur. Al-Omari est la plus grande mosquée de Beyrouth; son nom lui fut donné en hommage au calife Omar Ibn Al Khattab; elle fut édifiée sur les ruines d'une église byzantine elle-même construite sur des thermes romains. Les Croisés transformèrent cette mosquée en  une cathédrale dédiée à Saint-Jean, en 1150, avant que les Mamelouks n'en refassent définitivement une mosquée, en 1291; elle devint la grande mosquée de Beyrouth sous le règne du roi Al Achraf Khalil; son architecture rappelle celle des basiliques orientales de l'époque romaine. La mairie de Beyrouth fut conçue par Youssef Aftimus en 1923 mais elle ne fut achevée qu'une dizaine d'années plus tard; son architecture est d'inspiration néo-islamique; au rez-de-chaussée, l'édifice abrite des boutiques tandis que les étages supérieurs sont réservés aux bureaux de l'administration municipale; lors de sa construction, un trésor maintenant au Musée national de Beyrouth fut découvert dans les ruines byzantines de l'ancienne cité.  

La Place des Martyrs est aussi connue sous le nom de Place des canons et de Place Bourj. Ici bat le coeur de la ville depuis des siècles. Cette place fut créée à la mémoire des martyrs libanais pendus par les Turcs en 1915 et 1916. Au 18ème siècle, les Russes placèrent leurs canons pendant quelques mois sur la Place Borj al Hachich qui précédait la place actuelle, dans l'intention d'en imposer à la population de la cité et de la dominer. Un premier monument dédié aux martyrs, oeuvre de Youssef al Howayek, représentait deux femmes, l'une chrétienne et l'autre musulmane; on peut le voir au Musée Sursock. En 1960, il fut remplacé par le chef d'oeuvre du sculpteur italien Marino Mazacurati aujourd'hui en place; ce monument montre les martyrs prêts à donner leur vie tenant une torche en main pour montrer la voie aux générations futures; il fut restauré à l'Université du Saint-Esprit de Kaslik. Complètement dévastée pendant la guerre, la place fut l'un des premiers chantiers de la reconstruction. 

Le Mémorial Rafik Hariri est situé, comme on l'a dit plus haut, sur cette place, à côté de la Mosquée El-Amine. A l'intérieur, l'ancien Premier ministre repose sous un épais lit de fleurs blanches devant de grandes photos le représentant à plusieurs époques de sa vie. A ses côtés se trouvent les sépultures plus modestes des personnes qui l'accompagnaient et qui moururent en même temps que lui dans l'attentat qui pulvérisa sa voiture; ces sépultures sont également accompagnées de photos. 

Plusieurs sites archéologiques prolongent la Place des Martyrs en allant vers la mer: le petit Sérail, le tell archéologique, Le mur phénicien (13ème siècle avant notre ère), le village phénicien, le château des Croisés... La nuit étant venue nous n'avons pas eu le temps de les visiter et n'en avons pas vu grand chose. 

Nous sommes ensuite retourné passer une seconde nuit à Jounieh. 


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