Le chamanisme
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Le chamanisme est une religion primitive de l'humanité qui est encore pratiquée de nos jours dans certains pays, notamment en Amérique, en Sibérie et en Mongolie. Dans ces deux dernières régions, elle a même retrouvé un regain de faveur depuis la chute du communisme. Dans les pays occidentaux, vers la fin du 20ème siècle, dans le cadre de l'engouement pour la recherche de nouvelles formes de spiritualité, un mouvement néo-chamaniste a également vu le jour. Les pratiques du chamanisme ne sont cependant pas identiques d'un pays à l'autre. En particulier, pour atteindre l'état de transe propice à la communication avec les esprits, les chamans sibériens n'usent pas de stupéfiants comme ce peut être le cas dans d'autres parties du monde. Il ne faut donc pas confondre tous les chamanismes. Dans cet article, on ne traite que du chamanisme sibérien. 

Le chamanisme est basé sur la communication avec les esprits. Ceux-ci sont partout: dans l'eau, dans l'air, sur les montagnes, dans les maisons... Tout ce qui existe possède son dieu, son esprit: les pierres, les arbres, le feu... L'esprit du feu est la source de la vie et de l'énergie; le cheminée est un lieu sacré de la maison. Un esprit, Mongol-Bourkhan, est le patron de l'élevage, le dieu du Baïkal. L'esprit des grands ancêtres, les Ongony, est la source de l'âme immortelle, le patron de la famille. L'esprit des montagnes règne aussi dans les vallées, les rivières et les lacs. Les esprits protecteurs des tribus et des lieux aident les gens dans leurs affaires. La déesse Mère-Terre, Etouguin, est la force de la nature; c'est elle qui octroie les bonnes récoltes et la prospérité. Certains esprits, les Tenguéri, sont descendus du ciel pour sauver les vivants des démons et ils ont décidé d'y rester. 

La communication avec les esprits s'effectue par l'intermédiaire d'un chaman qui est, en quelque sorte, le prêtre de cette religion. On ne devient pas chaman, on le naît. Certains indices permettent de prédire si un nouveau né est susceptible de devenir un chaman. En Sibérie, le futur chaman naît coiffé, c'est-à-dire avec la membrane de la poche des eaux intacte. En second lieu, le futur chaman porte sur le corps une marque, une tache ou toute autre signe distinctif. Parfois, des apparitions l'avertissent de sa prédestination; d'autres fois, il est sujet à des crises hallucinatoires. Vers l'âge de 3 ou 4 ans, le jeune chaman révèle des dons particuliers: il perçoit des choses que les autres ne voient pas. Au cours de l'adolescence, il s'isole dans la forêt pour entrer en communications avec les esprits. L'existence des signes corporels apporte la preuve que l'enfant a été choisi par un esprit électeur, synthèse du principe masculin et du principe féminin, et c'est cet esprit qui lui donnera l'initiation; on compte jusqu'à neuf degrés d'initiation; à côté de cet esprit principal, des esprits auxiliaires existent également généralement subordonnés au premier. La naissance d'un enfant chaman dans une famille est loin d'être considérée comme une bonne fortune. Mais l'enfant ne peut pas se soustraire à son destin, sous peine de perdre la vie: l'esprit électeur ne tolérerait pas un refus. L'esprit électeur est parfois celui d'un ancêtre. 

Étymologiquement, le mot chaman, dans les langues sibériennes, signifie celui qui fait des sauts, qui gambade. En effet, le chaman sibérien parvient à l'état de transe en jouant du tambour, chantant ou poussant des cris et en gambadant et, on l'a déjà dit, sans user de moyens artificiels (drogue ou alcool). Pour convoquer les esprits des défunts, le chaman chante en imitant le loup; ce serait de là que proviendrait le nom des Bouriates (de bouru qui signifie loup). Lorsqu'il a atteint l'état de transe, le chaman ressent la présence des esprits au froid qui lui traverse le dos.  Il voyage alors dans d'autres mondes, converse avec les esprits et leur donne ce qu'ils demandent afin de les amadouer. 

Le chamanisme est né dans les sociétés de chasseurs. Il s'agissait alors d'entrer en contact avec l'esprit des animaux ou celui de la forêt afin de connaître l'endroit où se trouvait le gibier et d'obtenir une chasse fructueuse pour nourrir la tribu. Cependant, ce don de la nature n'était pas gratuit et, en échange, une partie de la vie du bénéficiaire lui échappait au profit des esprits consultés. Le chaman pouvait cependant, par son action, retarder la mort des membres de sa tribu, en arrachant aux esprits le terme de l'échange le plus favorable au moment des sacrifices et des offrandes. Pour communiquer avec les esprits, il convenait en effet de se les rendre favorables, surtout lorsqu'ils étaient mauvais. Pour guérir les maladies, prévenir la mort ou les malheurs, il fallait leur offrir des sacrifices. Avant chacun de ses repas, le chaman laissait une part de sa nourriture et de sa boissons aux dieux et aux esprits; souvent il procédait à des fumigations en faisant brûler du thym. Quand il passait dans un endroit où se tenait un esprit maléfique, il accrochait un morceau de son vêtement et quelques crins de son cheval à un arbre sacré ou à une perche fichée dans le sol, le cerguai ou piquet du Grand Esprit, comme on peut en voir encore aujourd'hui sur la steppe mongole. 

Le passage des sociétés de chasseurs aux sociétés d'élevage fit évoluer le chamanisme. La communication s'étendit aux esprits des ancêtres. Dès lors, le chaman est celui qui peut sortir de son corps terrestre pour se rendre auprès des esprits des airs ou aux enfers, où se trouvent les ancêtres, dans la terre. Le chamanisme se représente ainsi les mondes, celui qui est visible, et celui qui est invisible, comme possédant trois niveaux: celui des vivants, celui du ciel et celui de la terre; une échelle ou un arbre permettent de passer de l'un à l'autre. C'est ce que tente de faire le chaman en sortant de lui au moment de la transe. Des animaux symbolisent ces différents mondes: les cervidés qui gravissent les pentes des collines et les oiseaux, en particulier les aigles, sont du domaine du ciel; l'ours, qui vit dans les cavernes, et la grenouille, qui fréquente les profondeurs, sont du domaine de la terre. On voit certainement reparaître là des notions qui remontent à l'époque des sociétés de chasseurs. Par ses sauts et ses gambades, le chaman imite parfois le comportement des animaux symboliques qui ornent ses habits. Il s'agit de s'approcher au plus près des forces naturelles par la sauvagerie afin d'entrer en contact avec leurs esprits. A côté de la notion de verticalité, dont il vient d'être question, le chamanisme ne néglige pas non plus la notion d'horizontalité, les fleuves qui l'incarnent symbolisant la fuite du temps. 

Depuis les origines, on l'a vu, le chamanisme poursuit des buts utilitaires. La communication du chaman avec les esprits lui permet de prédire l'avenir, d'indiquer où se tient le gibier, d'influencer les événements (par exemple, faire pleuvoir) et de guérir certaines maladies. Il est à la fois prêtre, devin et médecin, pour ne pas dire jeteur de sort. On n'est pas très loin de la sorcellerie du Moyen Âge.  

Les chamans portent un vêtement particulier orné de queues d'animaux et de plaques métalliques gravées. Ce vêtement peut varier mais il comporte généralement de longues franges et il est souvent décoré d'animaux symboliques. Il doit être cousu des peaux de cinq bêtes. Les chamans sont coiffés d'un bonnet et on les représente toujours avec leur tambour rituel. 

Les cérémonies du chamanisme se déroulent dans la nature. Il n'y a pas de lieux du culte fermés. Les objets rituels sont un sabre-hache de néphrite blanche, un minerai doté de vertus curatives, un pendentif en fer, cuir ou étain, symbolisant l'homme et la femme, le ciel et la terre, la lune et le soleil, et une clochette dont le son purifie l'air, comme le claquement du fouet de certains Indiens d'Amérique du Nord.


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