Le Transsibérien
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Vers la fin du 19ème siècle, le projet de construction d'une voie de chemin de fer qui traverserait la Sibérie, en suivant plus ou moins l'ancienne piste qui existait depuis deux siècles commença à germer dans les sphères gouvernementales russes. Il s'agissait de doter l'immense empire russe d'un moyen de communication moderne susceptible de favoriser le développement économique de l'immense territoire sibérien, de l'intégrer plus fortement au reste de l'empire et de le défendre contre les convoitises extérieures, notamment japonaises, que l'on sentait poindre. Le projet avait été approuvé par le tsar Alexandre II avant son assassinat. Son successeur, le tsar Alexandre III le reprit à son compte et s'en montra un fervent partisan, comme en témoigne une lettre qu'il adressa à son fils, le futur Nicolas II. En 1889, le futur Premier ministre Serge Witte fut nommé directeur des chemins de fer. Witte proposa à Alexandre III de nommer le tsarévitch Nicolas président des travaux du Transsibérien, mais le tsar refusa estimant son fils mal préparé à remplir cet emploi. 

Le financement d'un tel chantier exigeait des ressources importantes et la Russie dut faire appel au crédit étranger. L'épargne française, stimulée par une presse largement rémunérée et aussi par l'alliance franco-russe dans laquelle l'opinion publique voyait une garantie contre l'Allemagne et même la possibilité de récupérer dans l'avenir les provinces perdues d'Alsace-Lorraine, participa généreusement en souscrivant massivement aux fameux emprunts russes. Le budget impérial dépensa 1 milliard 455 millions de roubles entre 1891 et 1913, montant qui ne fut dépassé que par les dépenses militaires de la Première Guerre mondiale. 

Les travaux furent menés avec célérité en suivant l'exemple américain, c'est-à-dire en partant des deux extrémités et en rapprochant progressivement les deux tronçons, sous la supervision de Serge Witte, ministre des Finances. Des condamnés aux travaux forcés exilés en Sibérie fournirent une grande partie de la main d'oeuvre. Mais on employa aussi des soldats de l'armée et des moujiks. Les conditions de travail étaient rudes et la mortalité fut élevée. Pour des raisons budgétaires, les matériaux utilisés, traverses et rails n'avaient pas toujours la qualité requise, ce qui causa quelques mécomptes. Par ailleurs, il faut garder présent à l'esprit les difficultés qui devaient être techniquement surmontées pour construire une ligne de chemin de fer sur un sol profondément gelé une partie de l'année et qui, au moment du dégel, se transforme en un océan de boue. Il y avait ensuite l'obstacle opposé par le lac Baïkal, qu'il fallait soit franchir soit contourner. Il fut résolu de retenir un écartement des voies large par rapport aux normes des autres pays, peut-être pour résoudre certains problèmes techniques, mais surtout pour éviter, qu'en cas de conflit, les adversaires de la Russie puissent utiliser cette voie ferrée pour acheminer leurs troupes. Cette précaution s'avéra utile lors de la Seconde Guerre mondiale. 

En 1888, un premier tronçon, de Samara à Oufa, était achevé. En 1890, on construisit un pont sur le fleuve Oural et le train entra en Asie. En mars 1891, le futur Nicolas II inaugura le segment des travaux d'Extrême-Orient; le tronçon Samara-Oufa était prolongé jusqu'à Tcheliabinsk; le tsarévitch se trouvait alors en Sibérie, de retour d'un voyage à travers le monde qui l'avait amené au Japon où il avait été blessé d'un coup de sabre par un mari jaloux qui le trouvait trop entreprenant auprès de son épouse. La décision fut prise de construire un train spéciale pour transporter la famille impériale. En 1897, le tronçon Vladivostok-Khabarovsk, fut achevé. En 1898, fut construit le pont sur l'Ob, qui transforma la petite ville de Novonikolaevsk (aujourd'hui Novossibirsk) en centre important de la Sibérie. La même année, un premier train atteignit Irkoutsk, à une soixantaine de kilomètres du lac Baïkal. Dans un premier temps, le lac ne fut ni franchi ni contourné. La ligne s'interrompait des deux côtés à hauteur du lac qui était traversé pendant la belle saison en bac, pendant la mauvaise saison en brise-glace, où, lorsque l'épaisseur de glace était suffisante, en traîneaux. De 1902 à 1904 fut construite le tronçon circumbaïkalien qui contournait le sud-ouest du lac Baïkal; compte tenu de la configuration du rivage bordé de montagnes, ce tronçon relativement court (environ 80 km) exigea la réalisation de nombreux ouvrages d'art: ponts et surtout tunnels. Fin 1904, l'ensemble du Transsibérien était opérationnel. Mais le conflit de 1905 contre le Japon révéla un certain nombre d'insuffisances. 

Avant la guerre russo-japonaise, le Transsibérien se raccordait au réseau chinois via la Mandchourie. Mais la Mandchourie fut perdue pour l'empire russe en 1907. La construction d'une nouvelle ligne plus au nord fut donc décidée. Celle-ci fut achevée, en 1916, après l'édification d'un pont sur l'Amour à Khabarovsk. 

Plus tard, à l'époque de l'Union soviétique, des années 1930 jusqu'en 1991, le Transsibérien étant jugé trop proche de la frontière chinoise, une nouvelle ligne fut ouverte du nord du lac Baïkal à Vladivostok, la Magistrale Baïkal-Amour. Par ailleurs, deux autres lignes furent créées: Le Transmongolien et le Transmandchourien au milieu du 20ème siècle. 

Le Transsibérien actuel commence à Saint-Pétersbourg (gare de Moscou) et se termine à Vladivostok en passant notamment par Moscou (gares de Kazan et Iaroslav), Tcheliabinsk, Omsk, Novossibirsk, Irkoutsk, Tchita et Khabarovk. Il dessert plus de 990 gares sur une distance de 9288 km. Il a été électrifié à partir des années 1960. 

Sa mise en service a fortement contribué au développement économique de la Sibérie et aux échanges entre la Russie et les pays voisin. De 1893 à 1913, la Sibérie a exporté en moyenne 501932 tonnes de pain par an et, aujourd'hui, c'est par le Transsibérien que transitent 30% des exportations de la Russie. 

Le Transsibérien, dès l'origine, exita l'imagination des artistes et des écrivains qui le célébrèrent. Le célèbre poème de Blaise Cendrars: La prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France (1913) obtint un grand succès. Ce n'est pourtant probablement qu'une oeuvre de pure fiction car il est douteux que l'auteur se soit rendu jusqu'à Vladivostok. Le futur ministre socialiste Albert Thomas, eut la chance de recevoir comme prix un billet de train pour le Transsibérien; il rédigea un récit de son voyage qui a été réédité à plusieurs reprises, mais il n'alla pas plus loin que Tomsk, en Sibérie occidentale. Le grand reporter Albert Londres fit un voyage plus complet dont il a laissé également un récit. S'il est aujourd'hui possible d'emprunter le Transsibérien de bout en bout, pour un voyage d'une semaine, du temps de l'Union soviétique, les touristes n'avaient pas accès à Vladivostok pour des raisons de sécurité militaire.


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