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Partis de Paris en retard, nous arrivons à Antalya, première étape du voyage, dans la seconde moitié de la nuit. Comme c'est l'hiver, et que les journées sont courtes, nous devrons quitter l'hôtel aux aurores. Il nous reste à peine une heure pour prendre un peu de repos, faire notre toilette et absorber en vitesse notre petit déjeuner: café ou thé, gâteaux, pain "français", beurre, confiture, miel, fromage de brebis (frais ou sec), oeufs durs, concombres, tomates... au choix. Nous n'aurons donc pas le loisir de visiter la cité.
Antalya s'élève sur la côte sud-ouest du pays, dans une région qualifiée de "Riviera turque". Cette région fut habitée dès la préhistoire par des peuplades inconnues, puis par les Hittites et par les Grecs; ces dernier lui donnèrent le nom de Pamphylie, ou terre de toutes les tribus. De nombreuses civilisations s'y succédèrent. Au premier siècle avant Jésus-Christ, le roi de Pergame, Attalus, ordonna à ses serviteurs de rechercher le plus beau lieu de la terre pour en faire une réplique du Paradis; leur choix s'arrêta sur la région d'Antalya; le roi y construisit une ville qui porta le nom d'Attaleia. Cette cité suscita la convoitise des peuples voisins. Lorsque les Romains eurent conquis le royaume de Pergame, Attaleia, cité importante de l'empire, fut visitée par l'empereur Hadrien en l'an 130 de notre ère; un arc de triomphe y fut érigé en son honneur. La ville fut ensuite intégrée à l'empire byzantin. Elle fut conquise par les Seldjoukides en l'an 1207; ces derniers changèrent son nom en Adalya et commencèrent à y édifier des mosquées flanquées de minarets. Puis les Ottomans succédèrent aux Seldjoukides. Avec l'avènement de la république turque, Antalya, occupée quelques temps par l'Italie au lendemain de la première guerre mondiale, devint un port important et, depuis quelques années, sa vocation touristique est en plein développement. Elle compte aujourd'hui plus d'un million d'habitants.
En traversant la cité, à la pointe du jour, on remarque les nombreux édifices neufs ou en construction, en forme de tours. On aperçoit, sur les toits, des panneaux solaires qui fournissent à leurs habitants de l'énergie propre à bon compte. Les balcons sont équipés de foyers à barbecue. Ces appartements recherchés sont acquis par la classe turque aisée. Il est de bon ton de posséder une résidence secondaire dans cette ville réputée pour sa situation et son climat agréable. Chemin faisant, on croise, dans la rue, une voiture tirée par un cheval à l'ample harnais de bois; il me rappelle les attelages rencontrés il y a une vingtaine d'années en Iran; les mêmes étaient utilisés naguère dans le sud de la Russie, s'il faut en croire les gravures du temps; je ne sais pas s'ils y sont encore en usage. Quelques mosquées lancent vers le ciel leurs minarets aigus comme des lances. Il est impossible de ne pas être séduit par l'élégance de ces fines tours rondes du haut desquelles le muezzin rythme par ses appels la vie des croyants.
A la sortie de la ville, la statue d'une femme tient dans ses mains une orange. Je ne me souviens plus qu'elle est la signification de ce symbole qui vise peut-être à rappeler aux passants que la région est riche en agrumes. L'horizon, à une distance relativement rapprochée, est bouché par des montagnes assez élevées. Ce sont les sommets de la chaîne du sud: le Taurus. La situation d'Antalya rappelle celle de notre Côte d'Azur. La mer à ses pieds et la montagne pas très éloignée.
La Turquie est constituée d'un plateau central, le plateau anatolien, encadré par deux chaînes de montagnes, l'une au sud, l'autre au nord. Le climat du plateau central est continental. Les hivers y sont froids et les étés très chauds. La population du pays compte environ 70 millions d'habitants. La majeure partie vit dans les villes. Une proportion importante (le tiers?) est concentrée dans les trois plus grandes: Istanbul, Ankara et Izmir. Dans les campagnes, on ne rencontre que de petits villages. Parmi les cultures, citons les fruits, la vigne, les céréales, le coton... En matière d'élevage, mis à part les chevaux, le cheptel turc n'est guère composé que de chèvres et de moutons. Originaire d'Asie centrale, successeur de nomades qui se déplaçaient à la recherche de nouveaux pâturages, une fois épuisés ceux qu'ils exploitaient, le Turc demeure tributaire de ses origines. Et l'atavisme explique sans doute, au moins en partie, sa prédilection pour les caprins et les ovins. Quoi qu'il en soit, l'abondance du coton et de la laine ainsi que l'élevage du vers à soie, conjugués au coût favorable de la main d'oeuvre locale, ont favorisé l'essor de l'industrie textile du pays.
Nous nous arrêtons dans une petite bourgade pour changer de l'argent où en retirer, avec une carte de crédit internationale, dans un distributeur. Au milieu de la place, en face de la banque, s'élève une statue du fondateur de la république turque. Près de soixante-dix ans après sa mort, Atatürk est encore très présent en Turquie, non seulement par ses statues mais également par ses portraits que l'on trouve assez souvent accrochés au mur dans les lieux publics, notamment dans les restaurants ou les cafés. Contre quelques francs on obtient des millions de livres turques, au cours du jour, à peu près vingt millions pour cent francs! La Turquie connaît une inflation galopante: 100% par an, paraît-il. Avec un petit billet de cent mille livres, ou avec les pièces qui circulent encore, on ne peut pratiquement rien acheter. L'économie rencontre de nombreuses difficultés et le chômage est élevé. Ce pays, naguère candidat à l'Union européenne, n'a pas à regretter d'avoir été évincé, sous la pression de la Grèce, ce qui n'était pas inattendu, mais aussi sous celle de l'Allemagne, ce qui est plus surprenant lorsque l'on connaît les relations amicales qui existèrent autrefois entre les deux pays. Il n'aurait sans doute pas pu respecter les normes européennes et ses efforts pour les atteindre auraient risqué d'étouffer son économie. Du moins c'est mon avis. En dépit des problèmes auquel elle doit faire face, la Turquie ne donne cependant pas une impression de misère ou de pénurie. On n'y est en tout cas jamais importuné par la mendicité, comme c'est trop souvent le cas à Paris.
A l'heure du déjeuner, nous faisons halte dans une auberge presque déserte, au bord d'un lac. Il pleut. Les toilettes sont payantes. Mais, comme le préposé à ce service ne dispose pas d'assez de petits billets pour me rendre la monnaie, il préfère ne pas me faire payer. Le restaurant est un self-service. Les plats sont nombreux; les entrées sont essentiellement composées de légumes; il y a aussi de la soupe. En plats principaux: mouton et poulet accompagnés de riz et de pommes de terre; en dessert des fruits (pommes, oranges...), des gâteaux orientaux et du halva, une sorte de nougat oriental. Comme boisson, de l'eau, de la bière ou du vin. La bière est bonne. Pour cette fois, j'essaie le vin: il est passable; j'aurai l'occasion d'en boire du meilleur; il restera néanmoins toujours assez peu chargé en alcool; le vin turc qui me sera servi titrera invariablement 11,5 degrés, comme à Madagascar.
Aphrodisias (Pour en savoir plus sur Aphrodisias, cliquez ici . Pour accéder aux photos, cliquez ici )
Dans le courant de l'après-midi, nous arrivons à Aphrodisias, ancienne capitale de la Lydie*. Les restes de cette ville ont été mis à jour par un archéologue turc aujourd'hui décédé qui repose parmi les ruines. Les travaux sont encore loin d'être achevés. Néanmoins, dans son état actuel, le site permet de se faire une idée de l'importance de la cité et de sa richesse. A l'entrée, sont disposés des sarcophages de pierre plus ou moins décorés de personnages et de guirlandes, suivant la fortune du défunt. Certains d'entre eux sont agrémentés d'un oreiller de pierre. Un peu plus loin, le chemin longe, en contrebas, les soubassements de la maison d'un opulent marchand, située à peu de distance de l'Agora. Puis apparaît le majestueux Tetrapylon qui donnait autrefois accès au temple. A proximité s'élevaient les demeures des desservants, choisis parmi les enfants des notables, garçons et filles. C'était un emploi très recherché par les parents. Peut-être moins par les enfants, car les garçons étaient castrés et certaines filles immolées à la déesse Aphrodite, à l'âge d'environ quinze ans. La mise à mort de leur enfant était un grand honneur pour la famille et l'occasion de grandes réjouissances. Le stade, le plus beau du monde antique, pouvait accueillir vingt mille spectateurs, ce qui donne une idée de la population de la cité. Il est assez bien conservé. On peut encore y distinguer la tribune de l'empereur. De l'autre côté du site, par rapport au temple, s'élevaient les bains dont les cuves sont assez bien conservées, et l'Odéon, un petit théâtre dans lequel se réunissait également le Sénat. Les notables y avaient une place attitrée. Celle-ci était matérialisée par un trou, au devant du siège, dans lequel le propriétaire plaçait une cheville de pierre. Pour avoir une meilleure vue de l'Agora, il est nécessaire de gravir une petite colline. Les dimensions grandioses de ce coeur de la cité antique apparaissent alors nettement. L'Agora a la forme d'un immense rectangle, arrondi à ses deux extrémités; il était entouré de boutiques; un grand bassin en occupait le centre. Les promeneurs pouvaient venir se délasser sur ses bords. Pour le moment, le bassin n'a été qu'à demi dégagé. Au revers de la colline, un théâtre d'une capacité de dix mille sièges étage ses gradins. Il est accompagné de bâtiments dont ne subsistent pratiquement que des colonnes brisées.
*Crésus, vaincu par les Perses, fut le dernier roi de Lydie.
Pamukkale (Pour en savoir plus sur Pamukkale, cliquez ici . Pour accéder aux photos, cliquez ici )
A la tombée de la nuit, nous approchons de Pamukkale, le "Château de Coton", un site naturel magnifique. De loin, la pente immaculée de la colline évoque la robe d'une mariée. Pamukkale était une cité antique, appelée Hiérapolis, détruite par un tremblement de terre, où affluaient les malades; ils espéraient y trouver la guérison grâce aux propriétés curatives des sources chaudes qui jaillissent là du sol. Leurs eaux, saturées de sels calcaires, dévalent la pente de la colline, de vasque en vasque, y déposant des concrétions d'une blancheur éclatante qui confèrent sa couleur au site. Mais tous les curistes ne repartaient pas en bonne santé; nombre d'entre eux mouraient pendant les soins. Aussi la ville comportait-elle une immense nécropole, aux tombeaux en forme de maisons. Malheureusement, l'arrivée sur les lieux, après le coucher du soleil, ne nous permet ni de jouir à plein de la beauté du site, ni de visiter les tombeaux qui ne seront qu'aperçus. C'est dommage. Cet endroit mérite certainement un séjour plus prolongé.
Le soir, à l'hôtel, festival de raki, l'anisette turque. Le raki se prend, sec ou à l'eau, comme apéritif, pendant le repas, et comme digestif. J'avoue préférer en encadrer le dîner. Pour le milieu, avec mes voisines de table, nous commandons une bouteille de vin. Comme le cru que nous avons commandé n'est plus disponible en bouteille, on nous sert deux demi bouteilles. Nous en négocions avec succès le prix. Les deux demi bouteilles seront facturées au même prix qu'une bouteille. Ce vin est meilleur que celui de midi. Le menu est à peu près le même. La nourriture qui nous est servie est raisonnablement épicée, pas assez à mon goût. Mais peut-être l'a-t-on adaptée au palais supposé délicat des Occidentaux. Heureusement, on trouve parfois, au milieu des crudités, des lanières de piment dont je me régale. A noter que la viande se dit kebab et que chiche signifie brochette. Donc, la traduction littérale de chiche kebab est viande en brochettes. Cette viande est souvent hachée et reconstituée en une sorte de saucisse dépourvue d'enveloppe.
Enfin une nuit complète de repos? Erreur! A trois heures du matin, le tambour du Ramadan parcourt les rues pour réveiller les croyants et aussi... les infidèles.
Bursa (Pour en savoir plus sur Bursa, cliquez ici. Pour accéder aux photos, cliquez ici )
L'interminable route à suivre pour atteindre la prochaine étape est meublée d'abord par une somnolence réparatrice, puis par quelques précisions historiques.
Avant de parvenir en Asie mineure, les Turcs avaient fondé un empire en Asie centrale. Au 10ème siècle, les Turcs seldjoukides, arrivés sur une terre déjà islamisée par les Arabes, se convertirent à la religion du pays, qu'ils avaient commencé à envahir depuis le 6ème siècle. Après la victoire de Malazgirt (Manzikert), en 1071, ils s'installèrent massivement en Anatolie. Au 13ème siècle, les invasions mongoles mirent fin à leur suprématie. Les Seldjoukides durent se soumettre aux nouveaux conquérants. Mais, après 1290, une tribu turque établie en Bithynie, celle des Ogrul, secoua le joug mongol et seldjoukide. Ils se nommèrent Osmanlis (Ottomans dans le langage de l'Occident), d'après le nom de leur chef: Osman Ier. Les Osmanlis établirent leur capitale à Bursa, avant de conquérir l'espace seldjoukide, puis l'empire byzantin. Progressivement, leur domination s'étendit dans les Balkans et sur tout le pourtour sud de la méditerranée. Ils échouèrent cependant sous les murs de Vienne au 17ème siècle et, à partir de ce moment, le déclin de l'empire ottoman s'amorça. Il se poursuivit, sous les coups d'abord de l'Autriche, puis ensuite sous ceux de la Russie, jusqu'à la fin de la première guerre mondiale qui entraîna sa désagrégation finale. Elle fut suivie par le renversement de la monarchie et la proclamation de la république.
Les Turcs sont aujourd'hui à 90% musulmans. Mais tous ces musulmans ne sont pas pratiquants. En fait, si la religion d'un enfant n'est pas précisée à sa naissance, il est automatiquement considéré comme musulman, ce qui tend évidemment à gonfler artificiellement le nombre des fidèles. L'interprétation turque de la religion semble souple et libérale. Sauf en certains lieux, la consommation d'alcool n'est pas prohibée et le statut des femmes n'a rien à voir avec celui des pays musulmans traditionalistes. Elles sont vêtues à l'européenne et, si certaines d'entre elles ont la tête couverte d'un foulard, cela ne va pas plus loin. Il est vrai qu'Atatürk est passé par là!
Bursa est la ville de la soie. Celle-ci y fut introduite à l'époque de l'empire byzantin, dans des circonstances qui méritent d'être rapportées. Deux missionnaires, de retour de Chine, sollicitèrent une audience de l'empereur. Ils lui présentèrent des cocons de vers à soie, qu'ils avaient ramenés de leur voyage, et lui affirmèrent que ces objets étaient à même d'assurer la prospérité de l'empire. Sceptique, l'empereur leur enjoignit d'apporter la preuve de leurs dires. Malheureusement, le climat de Constantinople ne se prêtait pas à l'élevage des vers à soie et l'entreprise échoua. Mécontent d'avoir été trompé, l'empereur aurait pu décider la mise à mort des deux imprudents. L'intervention du clergé les sauva et ils furent exilés à Bursa. Or, il se trouva que ce lieu d'exil convenait parfaitement au but qu'ils s'étaient proposés. Et c'est ainsi que naquit l'industrie turque de la soie.
On visite, à Bursa, une mosquée seldjoukide (Ulu Cami) intéressant témoignage de l'architecture pré ottomane. A côté, dans un ancien caravansérail, converti en centre commercial, se tient le marché de la soie. Quelques commerçants y parlent un français impeccable.
Je remarque une panoplie de panneaux indicateurs orientés dans toutes les directions. Ils sont pointés sur les capitales ou les villes principales d'une bonne dizaine de pays, pas tous voisins de la Turquie, (Allemagne, États-Unis, Corée...). Parmi eux, je note avec surprise la Gagaousie, dont j'ai entendu parler pour la première fois au Cambodge. Un de mes compagnons de voyage d'alors avait voulu s'y rendre; il s'était adressé au ministère des Affaires étrangères; on lui avait répondu que ce pays était inconnu. Inconnu des autorités françaises, peut-être, mais connu des Turcs installateurs du panneau! Je m'informe auprès du guide de la situation de cette contrée. Malheureusement, il est dans l'incapacité de me répondre. Il n'avait jamais prêté auparavant attention à l'existence de ce panneau qu'il vient de découvrir. D'après la direction et la distance, je suppose que la Gagaousie doit être l'une des minuscules républiques issues du démembrement de l'ex-Union soviétique, au nord de la mer noire. Des recherches sur Internet m'amènent à penser qu'il s'agit en fait d'une région autonome de la Moldavie.
Nous reprenons la route en direction d'Istanbul où nous arrivons à la nuit tombée.
Istanbul (Pour en savoir plus sur Istanbul, cliquez ici, ou ici . Pour accéder aux photos, cliquez ici )
Nous voici donc sur la rive européenne de la Turquie, dans cette cité mythique d'Istanbul, l'ancienne Constantinople, la ville de Constantin, capitale de l'empire romain d'Orient dont le luxe inouï est proverbial. Au 13ème siècle, les croisés, de pieux barons venus délivrer le tombeau du Christ, la détruisirent plus qu'à moitié. Les hommes furent massacrés, les femmes et les filles violées par des soudards avides de de vengeance, de plaisir et d'argent. Il paraît qu'ils avaient de bonnes raisons pour agir ainsi à l'encontre de chrétiens puisque les byzantins auraient crevé les yeux de l'un de leur chef. Quoi qu'il en soit, Constantinople ne s'en releva jamais. Des dizaines d'années après le sac de la ville, des témoins y virent encore des jardins et des champs cultivés à l'endroit où s'élevaient jadis de riches édifices.
Après le petit déjeuner, la visite de la ville débute par l'Hippodrome, la place la plus importante de l'époque byzantine, où le peuple se réunissait pour assister aux événements politiques ou sportifs. L'impératrice Théodora, femme de Justinien, y dansa au VIème siècle. Cette place est ornée de deux obélisques, d'une colonne torsadée et d'une sorte de kiosque offert par l'Allemagne de Guillaume II, si ma mémoire est bonne. L'un des obélisques, ramené d'Égypte, repose sur un socle où sont gravés des épisodes de l'histoire byzantine. Taillé dans une seule pierre, il est bien conservé. Le second, plus récent, est en fait une construction de pierres ajustées les unes contre les autres primitivement recouverte de plaques de cuivre. Les plaques ont été arrachées et l'obélisque est maintenant passablement dégradé. La colonne torsadée est en cuivre ou en bronze. La place est, en cette période de Ramadan, encombrée de tentes où sont installées des boutiques. Les croyants peuvent s'y restaurer à l'appel du muezzin. Autour de ces échoppes, des vendeurs de cartes postales et d'ouvrages sur Istanbul proposent aux visiteurs leur marchandise. A côté de la place on aperçoit la Mosquée bleue et, de l'autre côté d'une rue où la circulation est intense, derrière des arbres dépouillés de leur feuilles en cette saison de l'année, la célèbre Sainte Sophie, qui fut église et mosquée (Pour accéder aux photos, cliquez ici ).
La Mosquée bleue (Pour accéder aux photos, cliquez ici ) fut édifiée à la demande d'un sultan. Jaloux du caractère imposant de Sainte Sophie, dont le dôme mesure trente et un mètres de diamètre, il commanda à son architecte de construire une mosquée dont le dôme serait encore plus grand et dont les minarets seraient en or. L'architecte, étonné de l'étrangeté de la demande, cru avoir mal compris. Il conçu un édifice entouré de six minarets classiques dont la coupole, de vingt trois mètres cinquante de diamètre, repose sur d'autres coupoles plus petites. Le sultan, dont les ordres n'avaient pas été respectés à la lettre, ne se formalisa toutefois pas de la désobéissance de l'homme de l'art, car la construction lui plu. La Mosquée bleue tire son nom de la couleur dominante de la décoration intérieure. Bien sûr, comme dans tous les lieux du culte musulman, cette décoration est constituée de versets du coran et d'arabesques, à l'exclusion de toute représentation de figures humaines ou d'autres êtres vivants. Les murs sont par endroit recouverts de mosaïques bleues; un peu de la lumière extérieure y pénètre à travers plusieurs vitraux colorés. Un immense lustre suspendu à la coupole éclaire l'intérieur, dont le sol est recouvert de tapis. On doit quitter ses chaussures à l'entrée. Il est exigé des femmes qu'elles soient vêtues décemment et avec leur tête recouverte d'un foulard. Les photos sont autorisées, mais il faut prendre garde de ne pas déranger les croyants en prière et surtout éviter de les photographier. Les mêmes précautions s'imposent pour visiter toutes les mosquées.
Une croisière sur le Bosphore (Pour accéder aux photos, cliquez ici et ici ) permet de mieux appréhender la topographie d'Istanbul qui s'étage, comme Rome, sur des collines. Du milieu de l'eau, on aperçoit les nombreuses et belles mosquées, dont les élégants minarets s'élèvent vers le ciel. Les deux rives sont bordées de palais, de fortifications et de riches demeures de notables. Pour avoir la chance d'habiter ici, il faut être fortuné. Les maisons sont, la plupart du temps, en bois peint, avec un étage. Elles sont quelquefois accompagnées d'une piscine. L'ensemble fait penser à Venise. Mais la comparaison tourne vite court. Le Bosphore est beaucoup plus large que le Grand Canal et Istanbul n'est pas sillonnée de canaux. On y circule en voiture et pas en gondoles. Il n'y a guère que le bras de mer de la Corne d'or pour séparer deux quartiers de la ville. Des ponts suspendus facilitent le passage d'une rive à l'autre. C'est dommage pour l'esthétique mais indispensable aux échanges d'une cité de plusieurs millions d'habitants. Malheureusement, la croisière se déroule sous la pluie. Par beau temps, la vision doit être incomparablement plus séduisante.
Le Palais de Topkapi (Pour accéder aux photos, cliquez ici ) fut la résidence des sultans ottomans, du 15ème au 19ème siècle. C'est aujourd'hui un musée. L'entrée de ce palais, flanquée de deux tours pointues, évoque les châteaux de la Renaissance. A l'intérieur, autour de vastes cours, s'élèvent plusieurs édifices construits à différentes époques. On visite successivement:
-La salle des porcelaines chinoises:
elle contient l'une des plus belle collection au monde. Elle est toutefois
très inférieure à celles que l'on peut admirer en
Chine, notamment au musée de Shangaï.
-La salle de l'argenterie, où
l'on voit de curieux services de table.
-La salle du divan, avec une
belle porte dorée richement ornée: les ministres du sultan
s'y réunissaient pour deviser des affaires de l'État. Ils
devaient constamment surveiller leurs paroles, car leur maître pouvait
les surveiller et les entendre, derrière un grillage percé
en haut de l'un des murs, et ils ne savaient pas à quel moment il
s'y présenterait.
-La salle des audiences, rouge
et or, avec son trône qui ressemble à un lit. On connaît
le triste sort réservé aux eunuques. Celui des gardes rapprochés
du sultan était encore pire: on ne se contentait pas de les castrer,
on leur crevait aussi le tympan et on leur coupait la langue.
-La bibliothèque avec
un lustre curieusement décoré.
-La salle des vêtements:
les sultans portaient d'amples robes qui les faisaient paraître plus
corpulents qu'ils n'étaient réellement afin d'en imposer
à leur peuple.
-La salle du Trésor.
-La salle des reliques: sandales,
poils de la barbe du prophète etc... On peut difficilement croire
à leur authenticité.
-Le harem: en cours de réfection
etc...
D'une terrasse qui domine le Bosphore, on découvre des reste de l'enceinte byzantine. Plusieurs pavillons ont été édifiés sur cette terrasse. Les murs de certains d'entre eux sont décorés de superbes mosaïques bleues.
Le Grand Bazar, avec ses 4000 boutiques, est l'un des plus grands centre commerciaux du monde (Pour accéder aux photos, cliquez ici ). C'est un ensemble de passages couverts, qui font penser à ceux des 2ème et 9ème arrondissements de Paris, mais en beaucoup plus imposant. On y trouve de tout: tapis, joaillerie, cartes postales, chaussures, cafés etc. C'est un lieu très coloré où il est agréable de flâner car les commerçants ne sont pas agressifs. On n'est pas tiré par la manche, ni importuné, comme c'est si souvent le cas en Asie. On peut évidemment s'égarer dans ce dédale de boutiques. Mais il est facile de retrouver la sortie: il suffit de suivre les numéros en allant toujours du plus grand au plus petit.
Nous abordons avec notre guide turc, dans un café du Grand Bazar, le sujet des attentats du 11 septembre. Il ne croit pas en la culpabilité de Ben Laden. Pour lui, un Arabe ne peut pas avoir monté un coup pareil. Il ne l'affirme pas explicitement, mais ses paroles donnent à penser qu'il croit que tout a été manigancé par les Israéliens, pour légitimer leur action. Le fait que bien peu de Juifs soient morts dans les deux tours du World Trade Center, alors qu'ils étaient nombreux à y travailler, constitue à ses yeux une preuve suffisante. D'après un sondage d'opinion, la majorité des Musulmans sont du même avis.
La journée s'achève
dans une fumerie de narguilé. On nous prépare une pipe de
tabac doux. Je fume en buvant une tasse de thé parfumé à
l'hibiscus. Il faut aspirer fortement et faire bouillonner l'eau traversée
par la fumée. Cette occupation est agréable et l'on comprend
que tant de gens s'y adonnent. La salle, qui ressemble à celle d'un
café, est remplie de monde. L'élément masculin est
prédominant mais les femmes ne sont pas absentes. Rares sont ceux
qui fument seuls. La plupart sont en groupe. Ils discutent entre eux où
jouent tout en tirant sur leur pipe. Le narguilé semble être
une distraction sociale. De temps à autre un serveur passe pour
changer la braise posée sur un papier d'argent. Le tabac se consume
dessous du seul fait de la chaleur dégagée par cette braise
sans entrer jamais en contact avec elle. Si j'habitais la Turquie, je pense
que je ne tarderais pas à prendre goût au narguilé!
Ankara (Pour accéder aux photos, cliquez ici )
Sur le chemin de la Cappadoce, une brève halte à Ankara nous offre l'occasion de visiter le mausolée d'Atatürk, le fondateur de la république turque. Ankara fut, au 3ème siècle avant notre ère, la capitales des Galates, les Gaulois d'Asie mineure. Ils l'appelèrent Ancyra, ce qui, en langue celte signifie Ancre. Saint Paul y fonda une communauté chrétienne en l'an 51. Elle fut ensuite occupée par les Perses, les Arabes et les Turcs. Elle porta alors le nom d'Angora, comme la laine (de mouton, de chèvre, de lapin...). Il s'y trouve d'ailleurs des usines textiles. Cette ville, située au coeur de la Turquie d'aujourd'hui, devint la capitale du pays, après la proclamation de la république, en 1923.
Le mausolée d'Atatürk s'élève sur une colline. Il a été achevé quinze ans après sa mort, survenue en 1938, des suites d'une cirrhose du foie, alors qu'il était âgé de cinquante sept ans. C'est un imposant bâtiment, probablement le plus important de ceux consacrés à la mémoire d'anciens dirigeants. Il m'est apparu beaucoup plus grand que celui de Mao à Pékin ou celui d'Ho Chi Minh à Hanoi. Le style en est comparable. Il s'agit d'un immense cube de pierres de taille, situé en haut d'un escalier, sur l'une des petites faces d'une vaste esplanade rectangulaire. Une fois l'escalier gravi, on entre dans une salle monumentale, au plafond très élevé, au style dépouillé. Dans le fond de cette salle, on passe devant une sorte de cénotaphe de marbre vert foncé, protégé des visiteurs par un assez large espace. La dépouille mortelle d'Atatürk n'est pas là; elle repose dans une crypte inaccessible au public. A l'extérieur, l'esplanade est entourée de colonnades et d'édifices. Ses dalles et les murs des bâtiments sont de la même pierre que le mausolée. Du milieu de l'esplanade, sur la droite lorsque l'on tourne le dos au mausolée, part une longue allée pavée bordée de lions hittites qui fait penser à l'Égypte. Face au mausolée, de l'autre côté de l'esplanade, est situé le tombeau à taille humaine d'Ismet Inonü, le successeur d'Atatürk. Les bâtiments sur la gauche, toujours en tournant le dos au mausolée, ont été transformés en musée. On peut y voir les différentes automobiles utilisées par Atatürk ainsi que de nombreux souvenirs personnels. Des photos de ses rencontres avec des dirigeants étrangers, et des cadeaux qui lui furent offerts en ces occasions, y figurent aussi. La Turquie entretenait alors de bonnes relations avec son voisin du nord, l'Union soviétique, ainsi qu'avec d'autres pays d'Asie mineure. La ferveur du peuple turc pour son dirigeant s'y exprime de façon un peu surprenante pour un esprit cartésien, à travers des clichés où l'on peut deviner les yeux, le visage ou le profil du héros dans des accidents de la nature: nuages, ombre d'une colline etc...
Mustapha Kemal Atatürk,
un militaire de talent, qui fit ses preuves pendant la première
guerre mondiale et la guerre de libération qui la suivit, prit la
tête du mouvement qui renversa le sultan et proclama la république.
Énergique et autoritaire, il modernisa son pays à marches
forcées, dotant la Turquie d'une constitution et d'un État
laïc, adoptant pour l'écriture l'alphabet latin, favorisant
le développement de l'éducation et de la culture, assurant
la promotion des femmes etc. Ces réformes, à bien des égards
exemplaires, ne furent pas toutes exemptes d'inconvénients. C'est
ainsi que l'abandon de l'écriture arabe, pour ne prendre que cet
exemple, dépouilla les Turcs d'une partie de leur identité
culturelle. Rares sont ceux qui peuvent lire aujourd'hui les inscriptions
qui s'étalent au fronton des palais: elles sont en caractères
arabes. Les Arabes eux-mêmes ne les comprennent pas puisqu'elles
sont en langue turque. Aussi bien ces changements, réalisés
dans un délai très bref, n'allèrent-ils pas
sans provoquer des résistances. Il réussit à les surmonter,
mais, après sa mort, ceux qui le suivirent ne firent pas toujours
preuve d'autant de fermeté dans la poursuite de son idéal
(Pour en savoir plus sur Atatürk,
cliquez ici
ou ici
).
La Cappadoce (Pour accéder aux photos, cliquez ici )
Nous atteignons la Cappadoce à la nuit tombée. L'hôtel semble avoir été aménagé dans un ancien couvent grec. L'atmosphère est agréable et la nourriture savoureuse, surtout les entrées à base de légumes toujours très variées. J'ai particulièrement apprécié une sorte de hachis dans la composition duquel je crois avoir identifié la présence d'aubergine. Je teste le vin blanc de la région qui m'a été conseillé. Il est agréable, mais manque un peu de fruit à mon goût.
La Cappadoce est l'une des merveilles du monde. De formation géologique volcanique très ancienne, le plateau de tuf qui la constitue à été profondément raviné et sculpté par l'érosion. Le vent, la pluie et le gel ont transformé ce paysage plutôt ingrat en une prodigieuse accumulation de collines dénudées, de falaises plus ou moins abruptes, de dykes et de cheminées des fées aux formes les plus variées: bergers de pierre encapuchonnés, pénitents roses, phallus érigés vers le ciel, colonnes coiffées d'un béret... Les teintes dominantes de ce musée à ciel ouvert sont le vert, le jaune et le rouge. Elles révèlent la présence de cuivre, de soufre et de fer. Mais ces couleurs ne sont jamais agressives. Ce sont au contraire des tons tendres disposés en strates plus ou moins parallèles dont la délicate harmonie fait penser à un pastel.
L'intérêt de la Cappadoce ne réside pas seulement dans ces merveilleuses créations de la nature. L'homme a, lui aussi, apporté sa contribution. Habitée déjà à l'époque des Hittites, la région fut le refuge des premiers chrétiens qui y vinrent pour tenter d'échapper aux persécutions. Ils y creusèrent des églises et des habitations dans la pierre tendre des falaises, de sorte que celles-ci ressemblent à de gigantesques pigeonniers. Pour trouver la sécurité, ils aménagèrent même de vastes cités souterraines. Les infiltrations et le gel causaient de fréquents éboulements dans ces grottes artificielles et leurs habitants étaient amenés à creuser chaque fois un peu plus avant dans la falaise pour se procurer un nouvel abri. Cette vie troglodytique se poursuivit jusqu'au milieu du vingtième siècle. Les Cappadociens furent alors invités à quitter leurs grottes, considérées comme un patrimoine de l'humanité, pour venir habiter des villages en contrebas, dans la vallée. Les maisons, construites en pierres de taille blanches, pourvues de balcon et couvertes d'un toit de tuiles rouges, sont coquettes et ne déparent pas le paysage, au contraire. Malgré tout, quelques irréductibles continuent de loger dans les rochers en forme de tours de quelques vallées (Pour accéder aux photos, cliquez ici ).
Voici quelques-uns des sites les plus intéressants de Cappadoce. Je ne garantis pas leur nom, encore moins l'orthographe! Uçhisar, Goreme, Ürgüp et ses trois soeurs, la vallée rouge, la vallée des pigeons, ainsi nommée parce qu'on y élevait autrefois ces volatiles, dont la fiente servait d'engrais, la vallée des phallus, où j'ai remarqué des habitations troglodytiques encore en usage, fraîches l'été et chaudes l'hiver, les villes souterraines de Kaymakli et Derinkuyu... On y trouve des églises creusées dans la roche qui ont leur pendant en Provence, à l'abbaye de Saint-Roman.
Dans les villes souterraines, pour ne pas attirer l'attention d'éventuels assaillants, le feu était prohibé. On a peine à imaginer comment des gens pouvaient vivre, se diriger sous terre, sans aucune lumière, et même y travailler, puisqu'on y trouve des cuves en pierre dans lesquelles on fabriquait du vin. Pour passer d'une salle à l'autre, il faut se faufiler dans des boyaux parfois très étroits. Ces passages étaient fermés par d'énormes portes en forme de roue. Dans la salle protégée par la porte, d'une niche creusée au dessus de l'huis, un guetteur pouvait, à travers un trou, contrôler l'identité des visiteurs et, dans le cas où il s'agissait d'indésirables, les dissuader en utilisant les moyens de défense rudimentaires de l'époque. Ce labyrinthe de salles et de couloirs m'a rappelé les tunnels de Cu Chi au Vietnam, à la différence près que ces derniers ne remontent pas aux premiers siècles de notre ère mais à une cinquantaine d'année! (Pour accéder aux photos, cliquez ici )
Le long de la route, on peut voir des vignes dont les branches traînent au sol. Je suppose que l'on pratique la taille en gobelet. Il y a aussi des vergers de fruits divers et des plantations d'arbres que je prends d'abord pour des oliviers et qui sont en réalité des jujubiers.
Nous profitons de notre passage en Cappadoce pour visiter une fabrique de tapis et une taillerie de pierres. Les tapis de la région sont justement réputés.
Tandis que nous tournons autour des femmes qui travaillent en face de leur métier, en s'inspirant de cartons fixés à hauteur de leurs yeux, le responsable de la fabrique de tapis nous initie, dans un français impeccable et sans accent, aux secrets du double noeud qui se ressert à l'usage. La qualité d'un tapis dépend bien sûr de la matière employée pour le confectionner, laine ou soie, mais aussi de sa densité. Plus les noeuds sont rapprochés, plus le tissage est serré, et plus grande est la qualité du tapis. Un connaisseur fait tout de suite la différence, rien qu'en passant sa main dessus. La fabrication des tapis est une source de revenu non négligeable dans la région. Mais, pour gagner sa vie avec ce travail, il faut de la patience, une grande dextérité manuelle et une bonne vue. On nous initie ensuite à la culture et au dévidage des cocons de vers à soie. J'ai déjà vu cela en Chine, à une échelle beaucoup plus grande. Puis, nous passons à la teinture des fils. Toutes les teintes sont obtenues à partir de produits naturels: végétaux ou minéraux. Aucun produit chimique n'est utilisé. On nous fait une démonstration en plongeant un écheveau de laine dans une bassine emplie d'un épais liquide sombre. L'écheveau en ressort jaune, puis, progressivement, la couleur s'altère sous l'effet de l'oxydation. C'est ainsi que l'on obtient le bleu. La couleur naturel des laines fournit des nuances de blanc, beige, brun et noir. Ensuite, une fois servi le verre de l'hospitalité, jus de fruit, raki ou vin blanc, une profusion de tapis, tous plus beaux les uns que les autres, sont déroulés devant nos yeux. La soie succède à la laine: les tapis de soie sont plus petits que ceux de laine et les prix en proportion inverse de la taille! Maintenant, voici venue l'heure du commerce. Après une discussion de marchands de tapis, je repars lesté de deux pièces. Je ne sais pas si j'ai payé ces tapis moins cher qu'à Paris, mais c'est un souvenir qui en vaut bien un autre! (Pour accéder aux photos, cliquez ici )
A la taillerie de pierre, nouvelle démonstration, toujours dans un français irréprochable. L'écume de mer est une roche calcaire qui se trouve en Turquie. Elle absorbe la nicotine et les goudrons, d'où son intérêt pour la fabrication des fourneaux de pipes. Mais attention, il ne faut pas confondre la pierre naturelle et la pierre artificielle, reconstituée à partir de sa poussière; les facultés absorbantes de la pierre naturelle beaucoup plus importantes. En mouillant son doigt, puis en le plaçant dans le fourneau d'une pipe, il est, paraît-il, facile de reconnaître le matériau utilisé. Le jugement de l'eau est encore plus précis: la pierre naturelle flotte d'abord; elle ne coule qu'au delà d'un certain délai, après avoir absorbé une quantité suffisante de liquide; la pierre artificielle va immédiatement par le fond. L'écume de mer se travaille facilement et l'on obtient à partir d'elle de jolis objets sculptés. Le démonstrateur propose, à ceux ou celles qui possèdent des bijoux, à nettoyer ou à réparer, de les lui confier pendant que nous boirons le verre de l'amitié et que nous visiterons le magasin; le travail nécessaire sera effectué gratuitement et les objets restitués avant notre départ. Le magasin offre une grande variété de bijoux et de bibelots en or, argent et pierres diverses. Les prix sont exprimés en francs français.
Nous terminons cette journée bien remplie et très intéressante par un dîner spectacle donné dans une grotte aménagée en restaurant. Parmi les entrées figurent enfin du soudjouk, le chorizo turc, et des feuilles de vigne farcies, mets que j'attendais depuis mon arrivée. Les boissons sont servies à volonté. Mais, comme la soirée débute par un spectacle de derviches tourneurs, il faudra attendre la fin de leur prestation pour obtenir de l'alcool. Quelques mots sur l'exhibition des derviches: j'avoue avoir été déçu. Je m'attendais à ce que ces moines toupies tournent plus vite pour trouver l'extase et communiquer avec la divinité. Le profane succède au sacré: danse du ventre et danses folkloriques; ces dernières ressemblent aux danses caucasiennes que j'ai eu naguère l'occasion d'apprécier, lors du passage à Paris des danseurs de l'ex-Union soviétique.
Konya (Pour en savoir plus sur Konya, cliquez ici. Pour accéder aux photos, cliquez ici )
Après le petit déjeuner, nous prenons la route du retour sur Antalya en passant par Konya. Chemin faisant, nous visiterons le caravansérail de Sultanhani. Mais avant d'y parvenir, nous traversons un paysage de steppe qui me rappelle un peu l'Altiplano péruvien. Dans le lointain on aperçoit les cônes enneigés de deux montagnes jumelles: le grand et le petit Hassan.
Le caravansérail de Sultanhani (Pour accéder aux photos, cliquez ici ) est l'un des plus importants de Turquie. Ces sortes d'auberges ont été construites sur la Route de la soie pour héberger les caravanes et les protéger contre les pillards. Des logements y étaient prévus pour les hommes et les animaux. Il était rare que les femmes accompagnent leurs maris, au cours de ces longs et lents déplacements. D'ailleurs, ces derniers pouvaient aisément se procurer des servantes, sur les marchés aux esclaves qui jalonnaient la route, et les revendre, une fois fatigués d'elles, à l'une des étapes suivantes. On pénètre à l'intérieur du caravansérail par une porte monumentale, percée dans un mur d'enceinte. Au milieu de la vaste cour intérieure s'élève la mosquée. A droite, on découvre des arcades et, à gauche, les entrées de plusieurs pièces. Au fond, une vaste nef, dont la voûte très élevée repose sur des piliers, servait de local aux chameaux. D'après nos calculs, plusieurs centaines pouvaient y tenir. Les emplacements réservés aux animaux étaient surélevés par rapport au sol d'aujourd'hui. De la sorte, il n'était nullement nécessaire de les attacher car les chameaux sont naturellement craintifs devant le vide.
Konya, habitée depuis une époque très reculée, fut au 13ème siècle la capitale de l'empire seldjoukide. Ville de la steppe, elle est aussi et surtout un centre religieux du soufisme. Le fondateur de la secte des derviches tourneurs, Mevlana, y repose en compagnie de quelques-uns de ses disciples. D'origine afghane, le père de Mevlana, un savant distingué, dut fuir son pays menacés par les Mongols. Après bien des tribulations, il fut appelé par le sultan dans sa capitale et il s'y fixa jusqu'à sa mort. Mevlana succéda à son père et propagea ses idées, auprès de ceux qui suivirent son enseignement. Adepte du soufisme, un mysticisme musulman, Mevlana pensait que toutes les religions sont bonnes et peuvent conduire à Dieu. Poète et musicien, il voyait dans les arts un moyen de transcender la pensée et de rejoindre le divin. Après sa mort, son tombeau devint l'objet de pèlerinages. La république d'Atatürk réprima quelques temps ces manifestations. Cependant, elles refirent bientôt surface. Aujourd'hui, la sépulture de Mevlana a été transformée en musée, mais elle est aussi un lieu de culte et il faut s'y comporter avec la même réserve que dans une mosquée. On doit, en particulier, se déchausser à l'entrée. Chaque année, au mois de décembre, des cérémonies se déroulent dans la ville, une ville où la vente de l'alcool est interdite dans les lieux publics. Cela n'empêche pas les mauvaises langues de prétendre qu'il s'en consomme pourtant au moins autant, si ce n'est davantage, que dans le reste de la Turquie.
Après le déjeuner, commence sous la pluie, un long trajet, en direction d'Antalya. Il faut traverser les montagnes et, au fur et à mesure que nous prenons de l'altitude, la pluie se transforme en neige tandis qu'au loin, au-dessus de la côte, les éclairs d'un orage illuminent le ciel. Le franchissement du col devient si problématique qu'un détour de quatre cent kilomètres est un moment envisagé. Heureusement, en concentrant le maximum de poids sur les roues arrière du véhicule, le passage le plus délicat est bientôt franchi et nous parvenons à Antalya à l'heure prévue.
Antalya (Pour en savoir plus sur Antalya, cliquez ici . Pour accéder aux photos, cliquez ici)
Pour mon dernier dîner en Turquie, je décide d'essayer un rosé de Marmara que je n'ai pas encore goûté. Je ne serai pas déçu; il est excellent; c'est de loin le meilleur vin que j'ai bu en Turquie.
Le lendemain matin, la pluie, qui n'a pas cessé de tomber de toute la nuit, est encore au rendez-vous. Nous sommes bloqués à l'hôtel. C'est tout juste si, au moment du départ, nous pourrons voir la cascade qui se jette dans la mer, grossie par les intempéries. Avant de gagner l'aéroport, nous visitons une fabrique de vêtement de cuir: explications, traditionnel verre de l'hospitalité, défilé de mode et salles d'exposition-vente. S'il y a de la laine en Turquie, il y a bien sûr aussi du cuir...
Finalement, l'impression que je retire de ce court séjour en Turquie est double. En premier lieu, c'est un pays trop vaste et trop riche de souvenirs pour être visité en une petite semaine, comme nous venons de le faire. Dans un temps aussi court, on peut tout juste le survoler. Cela peut être utile pour préparer des séjours ultérieurs, centrés sur des thèmes et des sites choisis, mais insuffisant pour une visite un peu approfondie. En second lieu, la saison était trop avancée. Il est clair qu'une période où les jours seraient plus longs conviendrait mieux pour accomplir un voyage où il est nécessaire de parcourir quotidiennement d'aussi longues distances. On doit cependant éviter l'été, à cause de la chaleur qui sévit alors sur le plateau anatolien. Il en résulte que les meilleurs mois semblent être mai, juin, septembre et octobre.