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Par ordre d'apparition, les principales lignées,
ou écoles, du bouddhisme tibétain sont les suivantes:
1- Les Nyingmapas (école ancienne - coiffes rouges), ou ceux de l'ancien style, adhèrent à la philosophie de la Grande Perfection. Leur école fut fondée par Padmasambhava (Guru Rinpoché, le précieux maître) lors de la première diffusion du bouddhisme. L'usage des boissons alcooliques est permis par cet ordre dont les rituels incluent beaucoup d'éléments de l'ancienne religion du Tibet: le bön. La doctrine de cette école est également fortement marquée par le tantrisme; ses adeptes montrent une inclination profonde pour les rites magiques et la pratique du yoga; ils sont persuadés que la lumière divine, ensevelie en chaque être humain, peut se révéler grâce à la méditation et à des exercices appropriés. L'accent est mis sur la complémentarité de l'homme et de la femme et sur la synergie obtenue grâce à leur union. Le mariage des religieux est autorisé. Les textes sacrés Nyingmapas sont dissimulés pour échapper à la destruction pendant les périodes de persécution. Ils seront retrouvés par les découvreurs de textes. Les religieux de cet ordre vivent en des lieux reculés et pourvoient à leurs besoins en vendant leurs pouvoirs occultes (faiseurs de pluie, exorcismes...). Ils jouissent d'une bonne réputation sulfureuse: mendiants sur les routes, éternels voyageurs, licencieux en pratiques sexuelles, marchands d'objets magiques, tolérants envers le culte bön; la licence dans laquelle ils vivent leur a cependant attiré le respect d'une population superstitieuse; leur popularité tient aussi au fait qu'ils n'ont que rarement pressuré le peuple. Cette première école fut universellement acceptée au Tibet jusqu'au 11ème siècle. Son dernier hiérarque s'éteignit en 1904. 2- Les Sakyapas (école de Sakya, du nom du monastère de Sakya, le monastère de la terre grise). Cette école réformée, qui aurait été fondée en 1071, voit le jour dans le cadre de la deuxième diffusion du bouddhisme. Elle est encore fortement teintée de tantrisme. Son enseignement spécifique est le lamdré, ramené d'Inde par Drokmi Shakya Yéshé. D'origine laïque, elle ne privilégie pas la voie monastique. Elle prône un équilibre entre le yoga et les études théoriques. Elle admet que l'on puisse parvenir en une seule vie à l'état de Bouddha. Cinq patriarches assurent sa prépondérance. Le hiérarque est héréditaire, parfois d'oncle à neveu. Le supérieur peut donc se marier et procréer. L'école fit alliance avec les Mongols. Elle est actuellement dirigée par l'héritier de la lignée, Sakya Trinzin. Le siège des Sakyapas se trouve à Dehradun, en Inde. 3- Les
Kagyupas (école
de la parole - coiffes rouges), ou successeurs
apostoliques, ou successeurs des ordres apostoliques, adhèrent à
la philosophie du Grand Symbole. Tilopa, Naropa, Marpa et Milarepa sont
les apôtres les plus éminents de cette école fondée
au 11ème siècle. Sa doctrine insiste sur l'importance de
la relation maître élève. Toutes les vérités
ne sont pas bonnes à écrire car des lecteurs mal intentionnés
pourraient en faire mauvais usage. Les enseignements les plus importants
sont donc dispensés oralement, du gourou à son disciple,
en tenant compte des dispositions de ce dernier. Les dogmes sont encore
imprégnés de tantrisme. Le célibat et l'affiliation
à une institution religieuse ne sont pas obligatoires. L'accent
est mis sur l'ascétisme ainsi que sur les techniques physiques et
mentales du yoga (postures respiratoires, chaleur auto générée,
maîtrise et interprétation des rêves qui permettent
de dominer le sommeil qu'est la mort et de se remémorer les vies
antérieures...). Cette école se subdivisa en quatre branches
principales: les Kagyupas orthodoxes qui suivent l'enseignement de Milarepa,
les Karma-Kagyu (coiffes noires)
dirigés par le Karmapa, les Drigungpas et les Drugpas. Le siège
en exil du Karmapa (Gyalwa Karmapa, le Victorieux) se trouve aujourd'hui
à Rumtek, au Sikkim.
4- Les Kadampas ou ceux qui sont liés aux ordonnances. Cette école fut fondée au 11ème siècle par Dromtön, constructeur du monastère de Reting, près de Lhassa, un disciple d'Atisha. Sa doctrine insiste sur la nécessité d'une discipline monastique et sur la dévotion envers un maître. Elle prône le célibat et proscrit tout élément susceptible de distraire l'adepte du droit chemin: alcool, voyage, argent. Elle met l'accent sur l'instruction scripturale et la pratique de l'amour universel. Elle insiste sur deux méthodes complémentaires: l'analyse illuminante et une immobilité délibérée de l'esprit; la conjonction des deux surmonte peu à peu le processus discursif soumis à la raison pour libérer la pureté lumineuse immobile en libérant l'intuition. Cette école, inspirée des enseignements de Rinchen Zangpo et d'Atisha, sera absorbée par l'école suivante et son existence ne sera qu'éphémère. 5- Les Gelugpas (école des hommes vertueux - coiffes jaunes), ou successeurs de l'école de la vertu, adhèrent à la philosophie du Moyen Véhicule originaire de l'Inde au 2ème siècle. L'école gelugpa fut fondée par le réformateur Tsongkhapa ou Lobsang Tragpa (1358-1417), originaire du pays de l'oignon (l'Amdo). Cette école met l'accent sur les études scripturales et l'érudition. Elle s'inscrit en réaction contre le laxisme moral des autres écoles qu'elle supplantera progressivement, non sans luttes. Elle met l'accent sur la rigueur de la discipline monacale et sur l'étude, réservant les pratiques tantriques aux étudiants les plus avancés, ce qui la distingue des autres écoles. Elles s'imposera grâce à l'appui des Mongols; mais les autres écoles ne disparaîtront pas complètement. L'école gelupga est dirigée par le Dalaï lama, réincarnation d'Avalokitesvara, protecteur du Tibet, et de Songtsen Gampo, le premier empereur. Le Panchen lama est le 2ème leader le plus important de la lignée. Le siège en exil des Gelugpas se trouve aujourd'hui à Dharamsala, en Inde. Une école se formant autour d'un personnage religieux, les écoles principales peuvent se décliner en une multitude de branches. Les coiffes des premiers érudits bouddhistes (panditas) étaient jaunes. Mais, au 7ème siècle, les orateurs religieux optèrent pour les coiffes rouges couleur du feu et de l'éloquence. Le choix par Tsongkhapa de la coiffe jaune, qui devint celle des gelugpas, pourrait donc être interprété comme un retour aux sources. Mais on dit aussi que ce choix ne fut pas délibéré et qu'il résulta simplement d'un oubli: au moment d'une cérémonie, on chercha vainement la coiffe rouge du maître et, comme on n'en trouvait pas d'autre, on lui en donna une jaune, innovation qui fit jurisprudence (Harrer). Les quatre principales écoles, par ordre d'importance, sont les suivantes: Gelugpa, Kagyupa, Sakyapa et Nyingmapa. Pour les bouddhistes tibétains, aucune école n'est meilleure ni plus mauvaise que les autres. Les supérieurs des différentes écoles sont tous aussi importants. Le Dalaï lama, en tant que chef politique, a cependant plus d'influence que les autres depuis le 17ème siècle. Le premier lama dirigeant du Tibet appartint à l'école Sakyapa. Il prit le pouvoir en 1244, avec l'aide des khans mongols. Cette lignée se maintint à la tête du pays jusqu'au 14ème siècle. Elle fut alors supplantée par les Phagmodrou. Les Karmapas, alliés à des seigneurs puis à des rois tibétains, s'imposèrent de 1434 à 1642 (période Kagyu). Ils furent violemment renversés par les Gelugpas aidés par les Mongols. Le 5ème Dalaï lama réunit alors pouvoir spirituel et pouvoir temporel. Pour en savoir plus, on peut consulter le N° 30 du Monde des Religions (juillet-août 2008). Voir ici. |