Glanures du premier semestre 2002

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P. Charland D. Py L. Savary J.-C. Touzeil C. Seyve P. Boulanger J. L'Anselme J. Simonomis I. Clément C. Miguel
F. Garros D. Ober F.Gureghian-Salome G. Bertrand I. Guigou V. Tripier F.Y. Caroutch T. Crassas L. Bourdelas C. Cailleau
A. R. Jimenez R. Ausländer P. d'Aubriac J.-L. Bernard C. Bulting J.-L. Depierris B. Jourdan A. Mathieu J. Moreau du Mans P. Schroven
E. Sivry F. Rolland M. Béalu D. Gonzàlez H. Vidal J. Joubert M. Cosem C. Rapin B. Schurch G. Riolle
D. Brochard P. Béarn Bas de page



Dans le n° 143/144 de Traces

Pierre Charland

11 septembre 2001
...
sous les débris
gisent des corps
pleins de questions
___________________________________________

Daniel Py

Vaisselle - / Deux verres emboîtés / inséparables...

Grande agitation / dans le buisson de lavande / les ailes bourdonnent
______________________________________________

Louis Savary

la mémoire encombrante
vous empêche d'oublier
tout ce que vous aimeriez bien
que les autres
ignorent
de vous
______________________________________________

Jean-Claude Touzeil cité par MFL

Le soir les menhirs / se racontent des histoires / à dormir debout

Voir aussi ci-après
_______________________________________________

Claude Seyve

La poésie
ne vaut
rien
ne vaut
la poésie

(Claude Seyve est décédé en juillet 2001)



Dans le n° 40 de Parterre Verbal

Pascal Boulanger

Des forêts. Au désert comme dans les villes. Où le rebelle vit caché. Sous le masque de quelque profession.

(Citation de Jeanine Baude)
 

Souvent elles reviennent après
longtemps
             sur la page inondée
entre l'ombre
            l'énigme
            la science
                         les vagues de feu
sur lesquelles la pensée danse

(Inédit)
____________________________________
Jean-Claude Touzeil

La Luciole
...
As-tu vu
La luciole
Qui clignote
dans la nuit?

                        C'est peut-être
                        Une ambulance
                        Qui transporte
                        Une souris.

As-tu vu
La luciole
Qui clignote
dans la nuit?

                        C'est peut-être
                        Pour un poète
                        Qu'on emmène
                        Au paradis.
 

Vengeance

Tapis
Sous les feuilles
Les cornichons
Jouent à cache-cache
Avec le jardinier

...
(Inédits)
___________________________________

Jean L'Anselme

Poésie - mode d'emploi

La poésie, on ne sait pas ce que c'est, mais on la reconnaît quand on la rencontre.

Le poète, c'est quelqu'un qui se lève la nuit pour écrire. D'autres se lèvent pour d'autres raisons mais l'envie est aussi urgente.

Le laid n'est pas si moche, c'est pas ce qu'il y a de pis, c'est avec du laid que je fais mon beurre.

... Un vers trop... poli ne peut pas être au net. Méfiez-vous des vers luisants! ...
___________________________________

Jacques Simonomis

Un militant

Le cierge sur le tonneau de mélinite, les auditeurs n'y croyaient pas. Conférencier-pacifiste-itinérant, j'invitais les états-majors à venir m'écouter en famille. Tous pensaient que la bougie marquait la fin des enchères.

La flamme au bord du gouffre, je prétextais un document resté dans ma voiture et démarrais dans la joie de l'explosion finale.
____________________________________

Élisabeth Clément

Entre quatre murs, le monde

... On dirait qu'être m'éprouve....
... Écrire ne sauve rien. Écrire donne au contraire des contours tellement nets que je vois encore mieux l'abîme que je viens à peine d'éviter, mais où je risque toujours de tomber définitivement. Les mots le bordent....
... Écrire agrandit le vide qui cherche ses limites en moi....
_____________________________________

Cécile Miguel

va de l'avant
ne te retourne pas
ce que tu crois laisser derrière toi
en réalité te précède

Extrait de: Le  Livre des Déambulations, Ed. de l'Arbre à paroles



François Garros: Vent de Cazelles

N° 278 d'Encres Vives

...
Sur les ailes de la parole
Le secret vivace
Dont on n'a pas ouverture
Le primat du scellé
Dans l'âme
...
Toi qui entends le feu
Dans la pierre rongée
Les chevaux des nuages
Passeront en pluie
Sur tes joues
...
Et puis cela ne vient pas
D'une source
qu'on a rejointe



Dans le n° 279 d'Encres Vives
L'éveil constant du fleuve: anthologie par Michel Cosem

Didier Ober

Les oiseaux nourrissent le silence
____________________________

Francine Gureghian-Salome

pose ta main sur mes absences
ton sourire de feuille blanche
sur la pointe de mes hanches
amène-moi vers ta bouche
comme un quartier d'orange
____________________________

Geneviève Bertrand

Janvier

Saurons-nous verser dans l'oreille du monde
quelques mots silencieux
quelques lignes secrètes,
quelques rythmes issus du plus intime de notre chair,
à cette limite où elle reste pure

Long silence des choses dans leur obscurité
_____________________________

Isabelle Guigou

La rencontre solitaire des arbres
Dans les pollens qui les accouplent
_____________________________

Vincent Tripier

Le grand sourire sur toutes choses

à la cime d'un arbre presque bleu

comme un petit enfant
tenu à bout de bras

pauvre soleil nu de l'épiphanie



Francesca Yvonne Caroutch: Ciel ouvert

N° 280 d'Encres Vives

...
Dans la prunelle du vide
le présent toujours reverdit
...
le fond du fond est le pinacle
...
Dans les jarres l'eau se tait
consciente de sa mémoire ancestrale
...
Le silence est devenu notre absolu
...
Tu t'inclines devant l'insecte en prière
...
Les yeux clos
on entend guérir les herbes
...
Les montagnes tressaillent
et les images tremblent comme un paysage
derrière une flamme
...
La mort est l'éblouissant retour d'une semence
dans les entrailles de l'avenir
...
Lait fromage essences de neige et de lune
...
contes à dormir debout
pour éveiller
...
L'ombre des graminées sautille sur le roc
...
L'exacte épure du désir
répond au cloître des abeilles
...
la cruche qui se fêle
émet un appel lancinant
Le seul événement est le son

Pour lire des poèmes de F. Y. Caroutch, cliquez ici



Théo Crassas: Sang romain

Encres Vives
Collection Encres Blanches
...
Toi seule, ô femme
dont les trous du corps
sont les Portes de Grenade,
toi seule, dis-je
connais ma peine
de savoir ma parole
puissamment bâtie
impuissante à défier
mes négateurs
et à déferler
dans le ciel noir
des métropoles modernes,
crues rimbaldiennes,
où l'homme terrestre
est un esclave nègre
à qui ses maîtres
ne pardonnent aucune faiblesse,
...



Laurent Bourdelas: Fragments d'un journal de la Compagnie des Indes

N° 281 d'Encres Vives

Hommage au homard
au fond gris de l'aquarium
pierre vivante et subtile chassée
de l'océan
oublié des regards
d'humains dédaigneux
préférant les rouges algues diaphanes
à ce sortilège minéral qui voudrait vivre
et finira un soir ébouillanté.

(Groix, 30 décembre 2001)

Pour lire un autre extrait de Laurent Bourdelas, cliquez ici



Claude Cailleau: Cheminement - Conversation avec moi-même, échos du paysage.

N° 282 d'Encres Vives

Quand le jour meurt
d'un peu d'ombre, d'un peu d'ennui,
d'un feu de pluie sur les visages,
pour une soirée de quête encore,
tu t'enfermes, protégé par
l'aube paisible des lampes.

C'est ainsi depuis des années. Le bureau-bibliothèque en haut de la maison, grand ouvert sur les pièces du bas. Des livres tout autour. Des photos de famille. Mon père, mort en 1984, qui me sourit, en noir et blanc.
 

... Entrer dans le poème, c'est faire acte de connaissance.
 

J'ai toujours vécu au milieu des enfants, ombres menues mais si présentes. L'une plus que les autres: la silhouette frêle qui autrefois m'apparaissait dans le miroir chaque matin. Et mon émerveillement d'avoir encore à vivre...

D'autres textes de ce poète sont ici



Antonio Rodriguez Jimenez: Un brin de splendeur

N° 283 d'Encres Vives

... le parfum est quelque chose
qui tient de la peau de l'ange.
...
...
Je m'attriste et je caresse tous les animaux de la terre. Arrivent des chats affamés
des taureaux sauvages, des lions de mer et des sirènes qui croient
être aimées par des hommes qui ne s'immergèrent jamais
dans les eaux salées de leur enfance malheureuse.
...



Dans le n° 35/36 du Cri d'Os

Rose Ausländer citée par Michel Lemercier

Le Joug de la pucelle

Glacier
grotte bleue contre le ciel

Figée dans sa parure de satin
l'épousée de glace
aux cuisses de neige
gelées
ouvertes
scintillantes d'étoiles
 

Amour

Nous nous retrouverons
au sein du lac
toi l'eau
moi fleur de lotus

Tu me porteras
je te boirai

Nous serons l'un à l'autre
aux yeux de tous

Les étoiles elles-mêmes
seront dans l'étonnement
deux êtres
métamorphosés
sont retournés au rêve
qui les a élus
 

En ces années-là

En ces années-là
le temps était gelé
s'étendait la glace à perte d'âme

Aux toits
pendaient des poignards
la ville était en verre de gel
les hommes traînaient
des sacs remplis de neige
à des bûchers de glace
.....

La glace se propageait à foison
et ses racines blanches
envahissaient
la moelle de nos années
___________________________________
Pascal d'Aubriac

A l'approche du jour
                       à ma mère

Et la nuit sème douce
Une lampe où se reconnaître

.....

Voici l'heure très simple
Où le poème boit
La détresse du monde
Afin que toute chair
Se délivre et s'enchante.
_____________________________________
Jean-Louis Bernard

Pays tissé d'affûts
où s'affranchit le souffle

halte de lande et de vent

pays né du seuil et de l'arbre
dans l'antichambre du silence

.....
.....

voix égarée
dans les cavernes du sommeil
et pourtant attentive
aux décrets de la nuit

.....
Jean-Louis Bernard est lauréat du prix Simone de Carfort 2001 (Fondation de France)
___________________________________________
Christian Bulting

J'écris des textes de plus en plus courts. Les appeler texticules passerait pour de la provocation. Je les nomme minis. Comme dans mini jupe: le maximum d'expression pour le minimum de tissu.
_____________________________________
Jean-Louis Depierris (1931-2001)

Crypte altérée
Est-ce vrai que ton cri
Enfoui sous la mer
Se retire le jour
Vers des plis de blessures

Et suinte la nuit
Aux alcôves des bouges
______________________________________
Bernard Jourdan
.....
Comme de si longtemps posons nos mains l'une sur l'autre
Oublierais-tu que nous les vîmes sur les tombes?
Restons ainsi nos doigts entremêlés, Mains vides d'avoir éperdument donné
Mais si peu amassé,
Jointes si peu, j'en fais l'aveu, pour la prière.
______________________________________
André Mathieu

De mes mains conjuguées
De mes yeux alliés
Je soulève une femme
Que mon sexe a ouvert
Vers le ciel lointain
Soudain devenu proche.
______________________________________
Jacques Moreau du Mans (1924-1998)

Blues

Le regard de ma femme chante le deuil des lunes
             qui brûlent sur la mer
Je me suis rendu l'autre jour aux fêtes minérales
                                de l'hiver
Et mon amour dansait branche folle sur une table
Et mon amour dansait l'histoire d'un bateau dans le sable
Pourtant cette colère qui cogne large dans les cloches
             au-dessus du port
C'est l'épouvante au front des villes jaunes
             où le mystère est mort
Où le couchant s'écaille aux poignets des ramures
J'écoute mes premiers pas je me suis cru longtemps
                                fermé sur l'aventure
Mais l'espace conquis s'habille aux couleurs du hasard
Et les yeux de ma femme palpitent comme un départ
Les lèvres de ma femme brillent dans la poussière
                                de l'averse
Dans les éclairs de la banlieue qu'elle traverse
Libertins de bois sec vous ne l'aurez jamais vécu
             ce bonheur déchirant qui flambe sur les vitres
                               des cafés blonds
Ni reconnue cette exacte beauté lorsque vire le soir
             et que s'approfondit l'herbe
                              des chemins vieux
Voici l'aube sans fin le bras lourd des roses trémières
Et je m'enfuis je ne suis qu'un adieu

Les épaules de ma femme tremblent dans la lumière
Sur son visage court le sang du matin
___________________________________________
Pierre Schroven

Le jour est un miracle
Provoqué par la réverbération du soleil
Sur le noyau d'un fruit
Poussant à l'ombre de tes cils
___________________________________________
Eric Sivry

La stèle des fusillés

      Une nuit que j'errais, tout seul sous la lune,
je traversai serein de très grands bois.
Je me disais: "le monde est pacifique".
Nul cri, nul aboi,
nul hululement.
Et j'allais, harassé, m'allonger sous les saules,
quand des formes obscures
apparurent devant moi.
Luminescentes et calmes
sous la lune dorée,
.....
Sous mes yeux presque aveugles,
malgré le clair de lune,
s'étendaient une tombe, puis deux, puis trois...
puis sept.

        On avait préféré laisser les fusillés
dans le sens où la mort
les avait vu tomber.
.....
____________________________________________
Fernand Rolland cité par Jeanine Rivais

.....
Un grand lit de bonheur,
Un grand lit de souffrance avec de longs rideaux
Un lit fait pour dormir
où je ne dormais pas: un lit pour amoureux où je m'ennuyais seul

.....
chaque larme est une mer intérieure
prisonnière des sables désaltérés

.....
Elle connaissait le secret des rouilles
dans la plaintes des vieilles serrures
.....

Fernand Rolland est à la fois peintre et poète
__________________________________________________
Marcel Béalu cité par J. S.

Doux monstres que chasse la nuit
Restez dites-moi le secret
Du cheval courant sur le pré

Bêtes qui rampez dans ma chambre
Fut-elle sorcière ou péri
La vieille femmes aux dents pourries
Qui grimace quand elle rit

Félins à la peau électrique
Où sept âmes sont enfermées
Ne partez pas sans m'avoir dit
Ce qui s'attache à ce qui fuit
Ce qui meurt dans ce qui revit



David González: sparrings

sans objectif

une photographie
en noir et blanc.

une femme
du début
du siècle
nue

dans un studio
de paris.

je ne dois jamais l'oublier.

avec le temps,
moi aussi je peux
parvenir à être ceci:

une photographie
en noir et blanc.

et j'aurai de la chance,
beaucoup de chance,

si quelqu'un,

quelque jour,

quelque part,

me

regarde.

Ce poème est extrait d'un recueil lu sur le site Portal de poesía



Hélène Vidal: Ce bleu d'automne

N° 284 d'Encres Vives

...
Des dîners se défont sur les terrasses
...
La saison va courir si vite
vers les soirées frileuses, les volets barrés
Le regret déjà de la délicatesse.
...
Le bonheur accompli comme une offrande au temple
...

...
une couleur d'oiseau et son reflet dans les carreaux.

Le givre partout, croustillant sur les herbes
... la course endiablée d'un renard
roux
comme une torche de feu
...
Il me vient une tristesse de racine, un poids qui entrave les pieds,

l'envie de me dénouer.



Dans le n° 285 d'Encres Vives
L'ombre de l'oiseau de mer: anthologie par Michel Cosem

Jean Joubert

Villages
...
les filles ont toujours des chevelures d'orge mûre et d'orage
des hanches comme houle sur les blés
et au corsage cette poussée de sève dans le fruit.
Elles rient et chuchotent lorsque passent, casqués de sueur, les garçons,
et parfois l'une d'elles, soudain rêveuse, séparée, se détache et se perd dans l'ombre des ruelles.
___________________________________________
Michel Cosem

... La peau de blaireau s'étalait sur le plancher et une tête de cerf, comme un dieu sombre, fixait je ne sais quelle éternité.
___________________________________________
Cathy Rapin

ENTRE ELLES
...
des bancs de poulpes se balancent
oeil sec et bec noir
des poissons argentés craquent
un fil bleu passé en bouche
des vieilles à quatre pattes brassent
gants rouge sang
des paquets d'anchois gris lamé
bel après-midi sur le quai
...
___________________________________________
Bernard Schurch

Au loin sur les étendues
le silence
déroule la rumeur du temps.
___________________________________________
Laurent Bourdelas
...
On bataille contre un bas-ventre,
ce petit clos, ce jardin parfumé,
cette rose, ce fruit, cette étrange confiserie
qui effraie.
...
___________________________________________
Guy Riolle

Bouche à la rencontre
de la bouche jumelle
à travers la transparence
du miroir
...



Daniel Brochard: L'arbre et l'écorce

N° 286 d'Encres Vives

Feuilles de hêtre, de saule. Pointées vers le ciel au bord de la rivière. Envolées, les feuilles d'automne font un tapis au sous-bois.

A la prochaine saison elles refleuriront comme un souvenir de l'au-delà.

... L'aurore est un déchirement.
...
...
L'être tend vers le ciel à la manière de ces branches de pins.
...
...Nous tendons vers une harmonie, à l'image de ces nuages aux figures inquiétantes.
...
...Toi, sur le bord tu comptes les oiseaux.
...
...Voici que le livre est refermé, la clef du ciel est une étoile filante.



Pierre Béarn: 300 Fables d'aujourd'hui

Editinter
 
Un rectangle 
Un rectangle se voulait carré 
ce qui l'obligeait à maigrir 
il se mit à réfléchir 
pour découvrir un procédé 
capable de réajuster 
la démesure de ses flancs... 
Et le voilà glissant glissant 
se retournant de droite à gauche 
tant et tant, tant et tant et tant 
qu'il ne parvint qu'à s'arrondir! 
En découvrant qu'il était rond 
le rectangle voulut mourir. 
C'est pourtant beau d'être un ballon 
lorsqu'on s'envole vers le ciel 
mais s'il faut être honoré 
par de violents coups de pieds 
il vaut mieux rester carré.



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