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Cheyne éditeur
Le trou de la porte était là avant le mur.
Le fait de passer par la fenêtre ne suffit
pas à
la transformer en porte.
A partir d'un certain âge, on s'observe
moins
au dos des grandes cuillères.
Une maison qui s'effondre est la même
maison, dans un autre ordre.
Paul
et Virginie
Ciel! Les colonies. Dénicheur de nids,
Elle rajeunit. Ciel des colonies,
|
Le marché aux ovins
Chevelure abondante, visage joufflu
Légèrement cuivré et
la poitrine taillée
Dans un quartier de boeuf, ces hommes jeunes
En conversation, appuient leurs bras sûrs
Contre la rampe quadrillant les bêtes
résignées;
Rien dans leur pose ne s'avoue vaincu
Ni de nonchalant ou présomptueux,
La parole en eux s'est retirée
Rare et résistante.
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Vincent
Tripier
toujours
à scier les mêmes branches
cigales
*
du linge claque
dans la ruelle
comme un drapeau qui serait propre
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Marc
Kober
jardin abandonné pour voler la faveur
de l'obscur
un filigrane de vigne se pose parce que le
vert est
une couleur d'ombre - celle des cyprès,
du laurier,
du lierre qui maille jusqu'au ventre des maisons
-
un vert approfondi de l'intérieur qui
habille ce mobilier
*
Dans une demi obscurité on écrit
le bassin uni au siège - conduite intérieure
entre les deux vitres du paysage masqué
de feuilles
le corps dissimulé dans l'épaisseur
du papier
le monde se peuple de créatures douteuses
on devient soi-même l'humain dieu en
personne ou
quelque avatar de la chlorophylle privée
de lumière
________________________________________
Fatiha
Damouh
Il y a un lien entre nous,
C'est ce que disent les gens
Pour signifier une reconnaissance.
Mais de quel lien s'agit-il,
Une corde, un fil, un chaîne?
La reconnaissance est un trait,
Qui se trace entre deux personnes,
C'est le trait du langage,
C'est lui qui fait l'union.
Encres Vives N°
304
Le papillon descend par palier. Trembloté.
Mais garde. Sa vigilance blanche de feuille qui voudrait suspendre sa chute.
...
Je. Contemple, veux durer. Et de cette forêt
méditerranéenne faire demeure.
...
La mort
Celle particulière
Des enfants entre les ancêtres. Comme
s'ils sortaient de leurs côtes pour peupler la terre. Ou briller
au ciel
...
Les collines creuseraient l'écho sous
la plante de mes pieds
...
Papillon. Croire à son pliage.
Jean-Claude
Coiffard
Le bruit de la mer
dans le coeur d'un coquillage
l'infini en poche
______________________________
Anne-Lise
Blanchard
Il y a
des jours
troués
où les enfants
égrènent
des alphabets
de cendre
malgré l'alêne
qui leur perce la langue
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Jean-Pierre
Poupas
En avoir marre
est une chose.
S'y noyer
en est une autre.
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Avec des cordes les fossoyeurs
Descendent dans la tombe
Le cercueil du pendu
Ce dernier texte cité
par M.-F. Lavaur
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Étienne
Ruhaud
L'éléphant
Près de chez moi, il y a une décharge. Un éléphant y vit.
C'est un vieil, un très vieil éléphant. Sa peau est creusée de rides. De ses défenses, il ne reste que des moignons jaunis. Son barrissement est une plainte. Il se déplace encore un peu pour manger ses feuilles de peuplier.
Que fait-il ici? S'est-il échappé
d'un cirque? D'un zoo? L'éléphant ne répond pas aux
questions. Son oeil gris dessine, derrière les collines d'ordures,
les forêts infinies, éclatantes de vert, des soleils africains.
______________________________
René
Cailletaud
Les
dents
Trois extractions le même jour, ça
vous ébranle la quiétude du sourire. Les dents ne sont pas,
il est vrai, figurantes de palais. Nées pour couper, déchirer
et broyer, elles paient l'addition. N'empêche. Quand les mâchoires
boitent la mastication claudique.
...
______________________________
Michel
François Lavaur
L'arme au pied, le garçon. Larme à
l'oeil sa payse. L'un sans l'autre.
...
...
Désert surprise
déchiffrée en longues marches
escortées
ou immobilité
au coin de la table d'écriture
devant la page
comblée de signes
...
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Rodica
Draghincescu
...
Je n'ai rien à déclarer pas
de corps pas de sang
pas de nom je me nomme sans m'appeler
je m'appelle "rienne" ou "rien-rien"
autrement pas de nom pas de "pas" et pas de
pas
je ne viens pas je ne retourne pas je ne fais
rien
je fabrique des petits riens sans mérite
je n'ai pas de nom ni de têtes pour
des noms
pas de tête pour la nommer tête
rien à déclarer sauf ma tête
absente
(dans ma tête absente il y a
de la neige ou du blé blanc
et dans la neige des mots neigés
âgés de tout ce qu'il ne peuvent
pas faire
mais courageux de ne rien dire et fiers de
leur blé blanc)
enfin rien rien à déclarer
excusez-moi
Ce poème a été
mis en musique par Jean-Luc Kockler de Thionville, lauréat de la
Télé RTL (1991), pour ses chansons.
On peut accéder au
site de Rodica Draghincescu, poète roumain, en cliquant ici
et au site de Jean-Luc Kockler
en cliquant ici
Encres Vives N°
306
Triste est le rêve du chèvrefeuille.
Tout ce qui fut dit, écrit m'évite. Ce sont les terres du
sommeil, les mots qui t'ont vu naître, ton corps éparpillé,
la symphonie du fauve, tes grands yeux. On vient te demander asile, tendresse
pour la mer, et tant d'autres secrets dont chacun fait ses lèvres.
Tes bras tournent comme des derviches. Ça sent partout l'oubli,
rêves d'amants. La mort est avancée d'un cran dans chaque
gorge. Les amants sont levés symphonie de paupières, et nous
savons déjà qu'un goût de sang flotte dans leurs yeux
fous. Ceux qui ont fait naufrage avant l'aurore, s'agitent au bout des
mots. Des navires viennent très près, ouvrant leurs flancs
de femmes. D'un côté vient la mer, une grand densité
d'écume, d'espérance; appel des cors, des violons pleureurs,
de vague en vague, des parfums. Tout l'orchestre grandit, monte en puissance,
le fracas rôde autour de nous. Parfois, la chouette pousse vers nous
l'écuelle du festin des morts.
Angel Garcia Aller (1952-1996)
Viens
tant appelée qu’à peine si je
me rends compte
du temps que tu portes en tes mains, et je
ne saurais
non plus te demander si le soir
t’a rompue en mille morceaux et si tu
recueilles
les miettes éparpillées sur
le sol.
Tant appelée
viens toi qu’à peine je perçois,
et dont j’ignore
si tu voudrais arrêter soudain la marche
des choses, si à la fin
tu ressens un peu d’amour déjà
passé, caduc
entre les pluies, noyé.
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Harold
Alvarado Tenorio
Feuille d’automne
Feuille d’automne, tu ne perçois pas
Le salut et le baiser,
Le corps arrêté en un lit
d’arôme,
La main et la lèvre dans la bouche,
la chair et l’oeil dans les yeux.
Vent d’automne tourné vers le dedans.
Harold Alvarado Tenorio est
un poète colombien
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Francisco
Alvarez Velasco
Passent les heures
Les rails du temps
Jamais ne s’arrêtent.
Des poèmes de cet auteur
peuvent être lus dans leur langue d'origine en cliquant
ici
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Alfonso
Vazquez Alonso (1945-2003)
Soudain en la mémoire, au fond du miroir,
au fond de l’horloge,
dans la quadrature verte du temps
sur mes collines
avec le secours des oiseaux qui font venir
la cascade du ciel jusqu’à mes poumons,
je porte ici l’ancienne soirée
en laquelle la figure de l’ange de la nostalgie
modela mon coeur au crépuscule,…
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Rogerio
Tenorio
Cette douleur d’aimer, qui la dira
simplement comme se nomme le vin.
Avec des paroles qui cherchent leur destin
pareilles aux fagots dans le bûcher.
Dire la peine, exacte et véritable,
sans que s’imprègne d’amertume le lin
de notre propre voix, et que l’écho
la renvoie cristalline quand le cri meurt.
Laisser les larmes non versées
chercher l’essence de la douleur vécue
dans le dur exercice de l’amour.
Et revenir comme celui qui
à peine de retour d'un voyage nocturne
recueille à pleines mains sa récolte
de douleur.
Rogerio Tenorio est un poète
colombien
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Pelayo
Fueyo
Tu te cherches dans les flaques
d’une ville pluvieuse au fond du souvenir.
Tu te regardes, et ne crois ni
au reflet de ton corps sec,
ni en l’absence du visage de l’enfant.
Tu attends qu’il pleuve
sur ces mêmes eaux étanchées
afin que ta vision
se superpose au visage qui fut le tien;
afin que tes désirs
émergent avec la forme d’un autre temps,
et, ainsi, savoir ce qui demain
restera de ce que tu as perdu.
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Basilio
Sanchez
Le songe
Parce que je sais que déjà tu
dors,
que tu t’entoures de toutes ces choses
qui parfois te recouvrent,
rien ne peut te dire de cette nuit.
Une nuit qui a éteint ses lumières
pour que nul n’entre ni ne sorte du poème.
En se rompant le silence
s’est laissé choir sur les flaques
afin que je recueille les éclats de
l’eau.
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Fa
Claes
Promenade
Est-ce la vie, cela?
Je la recommence chaque jour.
J’affûte mes couteaux,
charge revolver et fusil.
Et je me dis à moi-même: pauvre
tête
viens, allons faire un petit tour au soleil.
Il brillera pendant des siècles.
Fa Claes est un poète
belge d'expression flamande. Son site est ici
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Fernando
Fabio Fiorese Furtado
Miroir
Selon Clarice Lispector, “le mot miroir n’existe pas – seulements les miroirs”. Ils seraient identiques, si n’était le géranium qui croît en certains. Dans le salon, ils sont élégants, cérémonieux. Distants aussi, quoiqu’attentifs. Ils cherchent des indices entre les meubles. Dans l’alcôve, ils se transforment en assassins suaves. Ils surprennent leurs victimes déguisés en amants ou en livres de chevet. Les plus dangereux, par contre, ne se laissent pas voir.
Élevés en captivité, ils
peuvent être domestiqués. Alors, ils se comportent comme n’importe
quel enfant à l’exception d’un don naturel pour traverser les murs
et prévoir la mort des personnes de la maison.
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Pablo
Cassi
Pays basque
La gare de San Sebastian se dépouille
de ses uniques passagers
visages qui reflètent la lumière
ténue d'un quai
pouls d'une horloge au galop derrière
l'aiguille des minutes
La nuit tombe comme le vêtement que l'on
a mis
et mes mains parcourent à nouveau son
corps
avec le sentiment irréfutable
que son regard vient d'un autre temps.
En une heure quelconque de cet été
il est possible que la pluie trébucha
dans un coin du ciel
et qu'elle laissa tomber dans un café
d'Irun la silhouette d'un baiser.
Le néant silencieux s'empare du pays
basque
une chambre au troisième étage
de l'hôtel Jauregui
célèbre l'anniversaire d'une
séparation.
Un aéroport ignorant de la géographie
vit avec la nostalgie du dernier vol.
Pablo Cassi est un poète
chilien. On peut accéder à son site en cliquant ici
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Miguel
Florian
Cloître
Cathédrale de Gérone, 1983
A Teresa
Viens t'asseoir ici,
au centre du jour,
dans l'angle nu de la lumière.
Les oiseaux sont morts - et l'air,
immobile,
s'ouvre en anneaux plus amples.
Limpide,
comme un amour perdu,
le temps
est une rivière qui se lamente entre
les doigts.
Viens t'asseoir ici.
Les miroirs
tremblent si doucement.
Viens,
que t'aimer me soit nécessaire
sous les cèdres incendiés
qui répètent ton nom d'aile
brisée,
Le chiffre de tes mains,
la stèle blanche et tiède de
ton corps.
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Ricardo
Labra
Ellipse
L'enfant qui double le coin de la rue
est l'homme qui traverse la chaussée
et le vieillard qui respire avec difficulté
sur le trottoir,
déjà presqu'un murmure
que traîne le vent de l'après-midi.
L'histoire est ainsi racontée
-l'enfant, l'homme, le vieillard, le murmure
de l'après-midi -, sans autres
informations intéressantes
et, surtout, sans raison
pour l'expliquer,
enchaînement
absurde - je le sais-, et triste aussi.
Qui ressemble beaucoup à la vie.
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Felipe
Sérvulo
Durant toute la journée
j'ai vu du sang neuf
sur les champs souillés.
La mort entrelaçait
un ossuaire précoce
entre la froideur
de muettes épées.
Si tu étais alors apparu
tu aurais vu la douleur
minérale, le chagrin
de la mère, l'avidité
du ver...
Fut un temps
où nous étions beaux
rire allumé,
dans notre foyer.
__________________________________
Javier
Almuzara
Gagner du Temps
Je me joue de ce qu'il enlève
au tarot illustré
de la vieille métaphore
du hasard et du destin.
Tout ou rien tel est le pari
de ce lent tournoi
perdu d'avance.
Je tiens seulement dans la main
de quoi compter
ce que je déduis jour après
jour,
pour gagner du temps au temps
en doublant ce qui fut vécu,
et exister et écrire avec la conscience
de jouer la vie à chaque instant
et la résurrection dans chaque ligne.
__________________________________
Luis
Miguel Rabanal
"Certainement la fille se déshabille pour vérifier que le monde ne va pas plus loin que sa hanche, que les oiseaux ouvrent le jour dans sa fenêtre et qu'il est trop tard pour l'amour.
La nuit est passée comme un train sur son corps.
La nuit s'est écoulée comme un
alcool funeste et chaque homme qu'elle embrassera maintenant recevra un
plaisir démesuré et absurde. (...)"
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Mona
Kareem
Ses yeux sont noirs
Le chapeau cache ses paupières
Ses lèvres sont un lac empli de poissons
qui se dissimulent dans le sable.
Il sourit
et me fait signe.
Je lui réponds par une lettre
attachée à la patte d'une colombe...
Mona Kareem est une jeune
poète d'origine irakienne native du Koweit. Son blog est ici
__________________________________
Patricio
Armando Sánchez
Dans chaque pays il y a un lieu nommé
Talca
avec une église d'or aux yeux de colombe
des kiosques somnolents: des revues et des
périodiques
et des filles souriantes au visage fatigué
Par les rues circulent des vendeurs de fruits
et des boulangers heureux se préparent
à dormir
dans des lits semblables à d'énormes
sépultures
où l'amour attend sur des seins chauds...
Patricio Armando Sánchez
est un poète chilien natif de Talca
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Sergio
Badilla Castillo
L'immensité de la nuit
In memoriam: à mon père
Des ermites guettent derrière la façade
des gnomes bruyants se cachent
parmi les ombres des figures tordues
par l'immensité de la nuit
Dans le labyrinthe de la mort le porche ultime
s'ouvre sur des portes secrètes
Le territoire est rempli d'exilés et
de dissidents
Comment mon père occupera-t-il les
heures perdues dans sa nouvelle demeure?
Une maison d'écuelles et de fissures
Cet après-midi
les oiseaux le virent partir avant le vol
Ils lui arrachèrent les ailes pour
qu'il n'agonise pas
Des faciès d'ascètes furetaient
derrière les fosses
comblées de spectres vermoulus se tortillant
sans répit
Des silhouettes sans importance des âmes
en peine se glissaient hors des murs
en proie aux tourments de leur rêve
d'ombres
Dans le coin de la mort une fin légitime
comporte des heurtoirs occultes
La contrée grouille de non conformistes
et de gens mal intentionnés
Comment mon père occupera-t-il les
heures de cet exil fastidieux dans lequel il s'est égaré?
Sergio Badilla Castillo est
un poète chilien
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Paz
Díez Taboada
Tunnel
Les chiens ululants de la colère
avancent, avec les arbres qui escortent les
rails.
Comme avancent les vagues qui se brisent sur
les vitres
les particules de poussière têtues
qui occultent le paysage.
Roue après roue, tout en roulant, ils
se bousculent,
avec des valises et des bourses, des projets
perdus
dans la gare de la cité de pierre,
où la fumée luttait avec la
pluie.
C'était hier. Alors les trains respectaient
la complainte nostalgique du voyageur,
la joie brumeuse du retour
et la larme qui coule solitaire sur la joue.
Aujourd'hui leur sifflement se perd sur la
carte
d'une dévorante cavité sans
futur.
(La bouche noire sous la montagne rugueuse
s'ouvre devant un horizon sans issue).
_____________________________________________
Francisco
Javier Torres
Le porteur d'eau
Les lèvres qui s'approchent de ma louche
guérissent ou meurent irrémédiablement:
si bien (et si mal) thésaurise le cuivre.
Avant, longtemps avant leur venue,
mes frères s'approchaient fréquemment.
Aujourd'hui, affligé et seul, les lâches
retournés,
je vends le liquide, et je me vends,
aux autres uniquement
pour voir si un rayon de vérité
les divise.
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Carmen
Rueda
Hier
j'ai accompagné
l'espace d'un instant
la fuite repliée du brouillard
qui monte, à la fin de l'après-midi.
Depuis l'obligation
qu'avec les années
les fenêtres nous gardent;
depuis la solitude
dans lesquels se dressent
les édifices élevés de
la vie...
Le site où
l'on peut lire ces poètes en espagnol est ici
Fourmi
Que veux-tu faire de cette maudite énergie
?
Prends, je te donne l’énergie dont
un être est capable,
énergie masculine,
énergie d’un homme jeune.
Energie d’une armée,
cachée dans ton corps frémissant.
Mais qui osera résister à tes
caresses ?
Qui pourra imaginer cette densité,
cette opulence,
garantir que soudain elle ne volera pas en
éclats
pour être perdue ?
Tu emploies cette maudite énergie,
au cœur de la lourde sieste estivale, à
franchir un tertre,
abandonnant tes semblables.
Zhu Zhu est un poète
chinois
Encres Vives - Collection
Encres Blanches
|
Poésie féminine brésilienne
Zen
Le coeur dans l'assiette
- Le fruit ouvert
les graines palpitent:
Je pense à toi.
____________________________
Neusa
Peres
Contemplation
Que le temps se taise
et que rien ne bouge!
Et que dure l'instant.
-S'il vous plaît, silence!
Les mots et les pensées
profanent les instants magiques.
Ces textes de poètes
brésiliennes sont présentés par Yvan Avena
________________________________
Troasel
Autre siècle
Regarde, disait Mémé Rose,
regarde là-haut
le petit homme de la lune
tout bossu sous son fagot
On dit qu'il le porte au diable
qui n'en a jamais de trop
qui lui prend même la paille
de ses sabots!
Moi je dis que c'est pour sa femme
dans leur maison du bord de l'eau...
_____________________________
Alain-Jean
Macé
Au musée Grévin
En plus des célébrités
Quelques tristes sires
Le végétal
L'enfant du druide
...
Mais j'entendais la clef couler au fond de
moi
Avec un bruit d'ailes blessées
Le goût du jour s'organisait dans la
feuillée
Tandis qu'une salve d'automne
Fusait de tous les coins du bois
Lui sur le seuil insultant d'or
Et dépouillé de sa tunique de
bruyères
L'enfant du druide
Écartelait des roses forestières.
________________________________________
Yvon
Roussel
Écriture citadine
...
Désormais je prends naissance dans
l'effacement de la plaine
Je me lève parmi bois et pierres afin
de prendre la place
Que chacun m'accorde.
...
________________________________________
Philippe
Lefebvre
Le Livre d'Écorce
...
Le lierre plat s'applique au tronc,
lettrine d'elfe enluminée.
Scribe habile, il tire parti
Des blessures du parchemin.
Obstinément il se cisèle
Et par ses déliés il se lie
A l'écorce. Fin calligraphe,
Il offre ses feuilles à lire
...
_________________________________________
Hélène
Cadou
De ce jardin
Fou de ses fleurs
Nous aimions l'arbre
Le plus vieux
La palissade usée
Par trop d'histoire
Ta voix
Trouait l'écorce
Et les bornages
Et je voyais enfin
Le monde
Au premier jour
...
_________________________________________
Marilyse
Leroux
Certains jours
la lumière s'unit aux arbres
pour une danse immobile
en dehors de nous
On aimerait glisser
Contre l'écorce
et sentir monter en soi
les veines de la terre
Le jour nous confondrait
dans ses feuillages
nous serions la peau du ciel
_________________________________________
Francesca-Yvonne
Caroutch
Après les jours de couteaux d'éclairs
de miroirs
vient le soir paisible de l'esprit des plantes
...
L'abeille savante connaît mieux que
nous
le rythme des transmigrations
...
Frémissement des doigts
libérant sur la peau des étincelles
qui sont les prunelles de la nuit
...
Sourcier de la foudre
voici à découvert le lieu phosphorescent
où couvait ton feu obscur
...
Un autre texte de F.-Y. Caroutch est
ici
_________________________________________
Roseline
Frogé
Dans les bras d'aujourd'hui
Un parfum me saisit
Il ne me reconnaît
Que parce que je l'atteins
Dans sa mémoire de fleur.
________________________________________
Michèle
Cavalleri
Rose
Rose
Inerte par soumission
Sage
Par déférence
Souveraine
Par abandon
Et seule
Comme seul est le silence
Rose
Par insolence.
Quand je mourrai soyez moi secourables
Comme vous retenez ceux d'entre vous qui tombent
Épaulez-moi, recouvrez-moi de feuilles
vives
Que je m'y trompe encore un peu...
Jean Rousselot, né
le 27 octobre 1913 dans une famille ouvrière, est décédé
le 24 mai 2004, à l'âge de 90 ans. Orphelin à quinze
ans, il devra gagner sa vie très tôt et poursuivra ses études
le soir, après ses journées de labeur. Dès 1930, il
commencera à écrire et publier des poèmes en revues.
Vers la même époque, il devra soigner une tuberculose dont
on trouvera un écho dans plusieurs de ses livres. Fonctionnaire
du ministère de l'intérieur, il participera activement à
la Résistance. Membre de l'École de Rochefort, après
la guerre, il quittera la fonction publique pour vivre de sa plume en poursuivant
une oeuvre abondante qui comptera plus de 200 titres.
Cette nuit-là nous dépossède
du froissement des vies
C'est le temps qui marque une pause
Éteint le chantage du vent
dans les rameaux de l'aube
L'oiseau renie
son vol L'instant se ferme
Un papillon se perd
dans l'audace du vent
Qui pourrait croire encore
au message des fleurs
Les villes traversées
de fleuves impassibles
Les eaux noires dans le brouillard
Que sais-je moi des quais flottants
qui lèvent l'ancre pour ailleurs
D'autres textes de ce poète sont ici
Daily-Bul
Deux escargots qui venaient de
faire l'amour descendaient côte à côte le chemin. Il
semblait qu'ils se donnaient la main, ces deux braves mollusques; il semblait
seulement, car pour ce faire, ils auraient été bien empêchés,
puisque manchots de naissance. Mais si semblables à des amoureux
ils étaient, on aurait juré qu'ils se donnaient des bras,
qui pourtant n'existaient pas. Sortant chacun de leur chambre à
coucher, ils venaient de s'embrasser sur le palier en se disant tous les
deux en même temps: "Je vous ferais bien entrer mais c'est si petit
chez moi".
J'ai rencontré Hercule une nuit: "T'en as de la chance!" que je lui dis. -"De la chance de quoi?" qu'il me fit.
Et il s'est éclipsé, dans la tempête, vers quelque terrible affaire de son ressort. |