Carnet  de  route  d'une croisière sur la Volga de Saint-Pétersbourg à Moscou 
(23 juin-3 juillet 2017) - (Suite 2)
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Du 9ème jour au 11ème jour : Moscou


9ème jour : A Moscou - Le Kremlin (Les photos sont  ici ) 

A peine arrivés à Moscou, nous prenons un bus qui va nous amener jusqu'au Kremlin pour visiter ce centre du pouvoir qui, un peu comme les cités interdites d'Asie, est une petite ville dans la grande ville. Le long du chemin nous aurons le temps d'admirer, ou au contraire de critiquer, maints styles architecturaux suivant les quartiers que nous traversons, parfois isolés et d'autrefois mêlés entre eux, comme dans beaucoup d'autres grandes cités du monde qui ne sont pas nées de la dernière pluie. Moscou fut fondée en 1147 par le prince Iouri Dolgorouki (Georges au Long Bras) sur l'emplacement d'un petit village. L'origine du nom de Moscou est imprécise. Elle devint la capitale de la principauté de Souzdal en 1263. À l'époque, la Russie était fragmentée en petites principautés qui s'unifièrent peu à peu autour de Moscou. En 1326, Ivan Kalita y transféra le siège du métropolite orthodoxe, faisant ainsi de Moscou le centre religieux et politique du pays. Il se fit couronner grand-prince de Moscovie en 1328. Ivan III, au 15ème siècle, acheva l'unification de la Russie et établit officiellement sa capitale à Moscou. Il invita des architectes italiens pour construire le Kremlin dont l'édification fut achevée en 1495. En 1554-1560, Ivan le Terrible fit bâtir sur la place Rouge la cathédrale de Saint-Basile le Bienheureux aux multiples coupoles multicolores pour célébrer ses victoires sur les Tatars et la conquête de la Volga. Au pied de la cathédrale se dresse le monument à Minine et Pojarski qui délivrèrent Moscou de l'occupation polonaise en 1612. En 1712, Moscou perdit son rang de capitale au profit de Saint-Pétersbourg, fondée par Pierre le Grand. En 1812, elle fut occupée par l'armée de Napoléon qui ne trouva qu'une ville désertée par ses habitants et bientôt en proie aux flammes, le gouverneur de l'époque, Rostopchine, ayant probablement organisé le sinistre et éloigné les pompes à incendie afin qu'il soit impossible d'empêcher la propagation du feu, acte de civisme quelque peu outré qui fut diversement apprécié par ses compatriotes, mais dont la suite presque inévitable fut la perte de l'armée française. Moscou est redevenue la capitale du pays en 1918. Sous le pouvoir soviétique, elle perdit un grand nombre de ses monuments et de ses églises. Elle connut aussi un développement tentaculaire, englobant les localités des environs. Moscou s'étend aujourd'hui sur une surface de 2511 km2 (à titre de comparaison Paris n'occupe que 105 km2) et compte plus de 12 millions d'habitants. Moscou connut bien des vicissitudes au cours de son existence agitée. Mais tout ne fut pas détruit, même par l'incendie de 1812. Il reste donc beaucoup de bâtiments anciens, plus ou moins restaurés, rebatis, qui sont parfois noyés, comme certaines petites églises, au milieu d'édifices modernes plus imposants et souvent moins intéressants. 

J'ai déjà visité Moscou, il y a cinq ans (voir ici). Mais je suis loin d'en avoir épuisé toutes les ressources touristiques et je suis content d'y revenir et de comparer éventuellement ce que j'ai vu et ce que je verrai. Tout d'abord, ce qui me frappe le plus, c'est l'abondance des chantiers de construction. On a l'impression d'une ville en pleine rénovation. Le second point, c'est que l'architecture soviétique, tant décriée naguère cher nous pour sa lourdeur et sa tristesse, ne paraît pas aujourd'hui aussi laide. Les gratte-ciel staliniens, construits pour imposer un sentiment de puissance et de grandeur aux visiteurs, ont sans doute atteint leur but; mais l'essentiel, pour moi n'est pas là; il est dans leur style caractéristique, bâtiments périphériques et flèche centrale, qui en font des sortes de cathédrales laïques ce qui les rend immédiatement reconnaissables et les transforme en témoignages historiques d'une époque, témoignages qui manqueraient dans le décor s'ils venaient soudain à en disparaître. Enfin, on ne peut nier chez les architectes russes de cette époque un souci esthétique manifeste, une sorte de quête de la beauté, en recourant parfois au style néo-classique, en colorant les façades, en décorant les fenêtres, en variant la couleur des pierres utilisées pour l'édification des murs, en employant des colonnades... Cela me fait penser parfois à Ricardo Boffil. Bien sûr, on aime ou on n'aime pas. 

Chemin faisant, nous passons devant la Douma d'Etat. C'est la chambre basse de l'Etat fédéral russe. Elle est située près du centre de Moscou (Place du Manège). Historiquement, la Douma était le Conseil consultatif des grands princes de la Russie kiévienne et de l'Empire russe. La première Douma d'Etat de l'Empire russe fut convoquée le 27 avril 1906 (10 mai 1906 dans le calendrier grégorien) au palais de Tauride à Saint-Pétersbourg par l'empereur Nicolas II. Cette Douma fut instaurée à la suite de la Révolution russe de 1905. Elle constituait la Chambre basse de l'Empire russe, tandis que le Conseil d'Etat de l'Empire russe devenait la Chambre haute. Cette concession accordée par le pouvoir faisait de la Russie une monarchie constitutionnelle, mais non parlementaire, puisque le ministre, nommé par l'empereur, ne dépendait pas de l'Assemblée. La Douma actuelle est composée de 450 députés élus au suffrage proportionnel plurinominal. Un amendement constitutionnel a porté le mandat des élus de 4 à 5 ans à compter des élections législatives de 2011. Tout citoyen russe âgé d'au moins 21 ans peut se présenter comme candidat. Actuellement, le parti politique Russie unie qui soutient le président Vladimir Poutine et le premier ministre Dmitri Medvedev est majoritaire à la Chambre. Cette majorité est même écrasante puisque le parti du président compte 340 sièges; viennent ensuite le Parti communiste (42 sièges), qui vote souvent avec le parti présidentiel, le Parti libéral démocratique républicain d'extrême droite de Jirinovski (23 sièges), le Parti Rodina (1 siège), la Plateforme civique (1 siège); trois sièges sont vacants. La dernière élection a eu lieu le 18 septembre 2016. 

Plus loin, nous longeons la façade d'un bel immeuble vert à colonnade et coupole que je n'ai pas identifié, puis nous roulons devant le célèbre théâtre Bolchoï. J'ai photographié ce théâtre depuis un autobus en 2012, je le rephotographie en 2017. Une statue de Karl Marx s'élève toujours Place de la Révolution; j'ai juste le temps de lire sur son socle : Prolétaires, en russe, je  laisse à chacun le soin de compléter à son gré. Ensuite, derrière des travaux, s'élève un autre bel immeuble à colonnade à la façade gris foncé vers le bas et ocre jaune vers le haut, aux lignes soulignées d'ocre rouge; je n'ai malheureusement pas de nom à mettre sur cet immeuble qui a attiré mon regard. Je remarque également un monument religieux sommé d'une croix édifié dans un jardin public. 
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Le Bolchoï en 2012 Le Bolchoï en 2017
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Puis vient une charmante petite église, un peu perdue entre des immeubles plus élevés, située derrière une place où des travaux sont en cours. Nous sommes maintenant à proximité du Kremlin. Au bord de la Moskova, un vaste chantier déploie ses barrières, ses containers et ses tas de sable... rien de bien intéressant. Mais, un peu plus loin, de l'autre côté de la rivière s'élèvent de beaux immeubles classiques qui devaient déjà être là avant 1812 et qui ont été probablement reconstruits si le feu les avait dévorés. Ils me rappellent Saint-Pétersbourg. Voici maintenant, sur la droite, la gigantesque statue de Vladimir 1er le Grand, dit Soleil Rouge (c'est-à-dire Beau Soleil), grand-prince de Kiev, qui n'était pas encore là lors de mon précédent voyage; ce prince introduisit l'orthodoxie en Russie, il porte le même prénom que le président Poutine et on peut supposer que l'érection de cette statue n'est pas tout à fait exempte d'arrières pensées politiques. La première Russie, fut en effet la Russie de Kiev; elle perdit son influence par suite de l'invasion mongole qui la détruisit parce qu'elle osa résister à l'envahisseur; ensuite, elle fut occupée pendant longtemps, et ne fut pas en mesure de se relever, car elle se trouvait, malheureusement pour elle, dans une zone propice à l'élevage des chevaux; ce n'était pas le cas des villes du nord, comme Moscou, entourées de forêts, qui eurent à souffrir, certes, d'incursions mongoles, mais qui ne retinrent pas les redoutables cavaliers qui n'y auraient pas trouvé de quoi nourrir longtemps leurs montures. Moscou supplanta donc Kiev, aux plans politique et religieux, et la Moscovie parvint à réunir les provinces russes sous son égide, comme la principauté de Kiev aurait peut-être pu le faire sans l'invasion mongole. Au 18ème siècle, après avoir été polonaise, l'Ukraine fut rattachée à l'empire russe. Elle s'en est séparée à nouveau après la disparition de l'Union soviétique. Mais on connaît les difficultés actuelles et Poutine a peut-être tenu à rappeler que l'orthodoxie russe est venue de la première Russie qui était celle de Kiev. Ce rappel de liens historiques aussi lointains et aussi fortement symboliques ne peut pas être innocent dans le contexte d'une Ukraine divisée entre un est pro-russe et un ouest pro-occidenal. 

Sur la droite, la maison Pachkov, construite sur une éminence vis-à-vis du Mont de la Pinède qui couronne le Kremlin, elle surplombe la voie que nous empruntons, en haut de son escalier d'abord droit puis en double révoltion. Cette maison luxueuse, un véritable petit palais, fut construite pour Pierre Pachkov, capitaine du régiment Sémionovsly de la Garde impériale, ce qui le ruina. Cet édifice néo-classique, situé rue Mokhovaïa, oeuvre de Vassili Bajenov, fut bâti de 1784 à 1788, dans le centre historique de Moscou. Il dresse sa façade à colonnes vers le soleil et face aux remparts du Kremlin qui descendent jusqu'à la Moskova. Du belvédère situé en haut de l'édifice, l'on a une vue plongeante sur la place des cathédrales dans l'enceinte du Kremlin. Les héritiers du capitaine la vendirent en 1839 à l'Université de Moscou qui y installa quelques années plus tard l'Institut de la noblesse, pension d'élite, transformée ensuite en Lycée n° 4. On y installa en 1861 la collection de livres et d'oeuvres d'art du Musée Roumiantsev. Après la Révolution d'Octobre, en 1921, la Maison Pachkov reçut d'autres collections privées de livres et de manuscrits et devint l'un des bâtiments de la Bibliothèque Lénine, aujourd'hui Bibliothèque d'Etat de Russie, qui la jouxte et à laquelle elle est administrativement rattachée. Fermée au public pendant plusieurs années, jusqu'en 2007, la maison Pachkov a retrouvé depuis tout son lustre et elle abrite désormais des salles de lecture, de conférences et des salles de conservation ultra-modernes. 
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La plaque de la Bibliothèque d'Etat (source : Wikipédia)
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Dans le prolongement de la maison Pachkov, du même côté de la rue rue Mokhovaïa, s'étendent les longs bâtiments de la Bibliothèque d'État de Russie, dont le rebord du toit est orné de nombreuses statues. Cette bibliothèque fut fondée le 1 juillet 1862, comme première bibliothèque gratuite ouverte au public, sous le nom de Bibliothèque du Musée public de Moscou et du Musée Roumiantsev, ou plus simplement Bibliothèque Roumiantsev. De 1925 à 1991, elle fut appelée Bibliothèque d'État de L'URSS V.I. Lénine; elle a conservé, au-dessus de son entrée, la plaque portant cette dénomination, ce qui facilite son identification par les touristes. L'entrée de la bibliothèque est prolongée par une terrasse doublée par une galerie à colonnes; au bout de la terrasse s'élève une statue monumentale de Dostoïevski; un large escalier permet d'accéder à la terrasse depuis la rue. Cette bibliothèque est la deuxième au monde, derrière celle du Congrès américain, avec 44 millions de références en 360 langues et 350 000 ouvrages rares. Elle fait partie du réseau des bibliothèques nationales de Russie chargée du dépôt légal. 

Parvenu à hauteur de la statue de Dostoïevski, nous tournons sur la droite et nous trouvons sur une esplanade à l'entrée du Kremlin, un lieu où je suis déjà venu en 2012. De cette date à 2017, on ne constate guère de changement mis à part la disparition de l'affichage disgracieux de Samsung derrière la Bibliothèque d'État et l'enlèvement des bornes de pierre qui réduisaient la largeur de la chaussée. 
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Sur l'esplanade devant l'entrée du Kremlin en 2012 Sur l'esplanade devant l'entrée du Kremlin en 2017
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Si l'on n'observe que très peu de changement sur l'esplanade devant l'entrée du Kremlin, cette entrée n'en a pas moins été déplacée. En 2012, on pénétrait à l'intérieur en passant sous la voûte de la Tour Koutafia; cette tour, ornée de dentelles en pierre blanche, fut construite au 16ème siècle; desservie par un des ponts-levis permettant jadis de franchir les douves entourant les remparts, elle était jadis une entrée obligée du Kremlin. En 2017, nous franchissons l'enceinte du Kremlin plus à droite, empruntons un assemblage d'escaliers et de paliers, au long desquels la foule des touristes peut s'allonger, dans le jardin, à peu près sur l'emplacement de la rivière Neglinnaïa aujourd'hui recouverte, avant de parvenir à l'arrière de la Tour Koutafia où s'effectue un contrôle plus sévère qu'autrefois : le risque d'attentats a été pris en compte, ici comme ailleurs. Sur l'un des paliers, nous nous arrêtons et nous séparons de ceux qui vont visiter le Palais des Armures, une option que je n'ai pas retenue, ayant déjà vu ce Palais très intéressant en 2012. Ceux qui restent avec notre guide, la crème de la crème, pour reprendre une de ses flatteuses expressions, s'insèrent dans la file d'attente qui s'écoule lentement jusqu'au sas de contrôle. 
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LE KREMLIN  

"Le Kremlin, chose bizarre, vu du dehors a peut-être quelque chose de plus oriental que l'Alhambra lui-même avec ses massives tours rougeâtres dont rien ne trahit les magnificences internes, Au-dessus de la muraille à créneaux échancrés, entre les tours à toits ouvragés, semblent monter et descendre comme des bulles étincelantes, aux brusques rehauts de lumière. La muraille, blanche comme une corbeille d'argent, enserre ce bouquet de fleurs dorées et l'on a la sensation d'avoir devant soi, en réalité, une de ces villes féeriques, telles qu'en bâtit prodigieusement l'imagination des conteurs arabes cristallisation architecturale des Mille et une nuits [...] 

Entrons dans une des plus anciennes et caractéristiques cathédrale du Kremlin, la première qui ait été bâtie en pierres, la cathédrale de l'Assomption [...] Tout l'intérieur de l'église est revêtu de peintures en style byzantin sur fond d'or. [...}] Rien de plus étrange que cette décoration où des milliers de figures vous enveloppent, comme une foule muette, montant et descendant le long des murs, marchant par files en panathénées chrétiennes, s'isolant dans une pose d'une raideur hiératique, se courbant aux pendentifs, aux voussures, aux coupoles, et habillant le temple d'une tapisserie humaine au fourmillement immobile.  

Un jour rare, discrètement ménagé, ajoute encore à l'effet inquiétant et mystérieux. Les grands saints farouches du calendrier grec prennent dans cette ombre fauve et rutilante des apparences de vie formidables; ils vous regardent avec des yeux fixes et semblent vous menacer de leur main étendue pour bénir."  

Théophile Gautier, Voyage en Russie 
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Construit en plusieurs étapes, à partir du 12ème siècle, sur un emplacement rocheux, au bord de la Moskova, le Kremlin reste jusqu'à aujourd'hui la citadelle secrète et redoutée du pouvoir russe. C'est d'abord une enceinte de plus de 2 km de long, flanquée de vingt tours et portes. Quinze ans après l'effondrement de l'URSS, celles-ci sont toujours ornées, en leur sommet, des gigantesques étoiles rouges qui ont remplacées, en 1936, les aigles bicéphales. Malgré le changement de régime, les aigles ne sont pas revenus partout, même si on peut les voir à quelques endroits. 
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Sur cette photo, prise en 2012, on aperçoit les travaux en cours pour construire de la nouvelle entrée du Kremlin. En 2017, nous avons franchi le mur d'enceinte à la hauteur de l'escalier que l'on aperçoit à l'arrière.
  
Une fois les contrôles franchis, nous nous retrouvons sur un pont de pierre crénelé qui conduit à la Tour Troïtskaïa. Au pied de cette tour, un militaire d'une parfaite rigidité, crosse de fusil appuyée sur le sol contre son pied droit, se tient dans une guérite de Plexiglas; je n'en avais pas vu en 2012. La Tour Troïtskaïa est la plus haute du Kremlin avec ses 80 mètres, étoile de rubis comprise; elle compte huit niveaux dont deux en sous-sol, naguère utilisées comme prison; elle tient son nom de la proximité du monastère de la Trinité Saint-Serge autrefois situé dans le quartier auquel il avait aussi donné son nom; cette tour fut longtemps l'entrée empruntée par les tsars. Nous passons sous la voûte de la tour et prenons sur la gauche, en direction de l'Arsenal, construit au 18ème siècle et dynamité en 1812 sur ordre de Napoléon sur le point de quitter Moscou, puis reconstruit; devant l'Arsenal sont exposés les canons pris par l'armée russe à l'armée française en retraite. En face, c'est-à-dire sur la droite en venant de la Tour Troïtskaïa, s'étend le quartier où résida Staline puis le Palais des Congrès, un bâtiment moderne construit en 1961 à l'époque de Krouchtchev qui jure quelque peu dans cet environnement plus ancien et plus harmonieux. En haut de la façade du Palais des Congrès est apposé l'emblème de la Russie impériale, aigle à deux têtes doré et Saint-George terrassant le dragon sur fond rouge. Nous longeons la façade du Palais des Congrès en direction de la place des Cathédrales. De l'autre côté d'une pelouse arborée, s'élève l'ancien Sénat (1776-1787), oeuvre de l'architecte Kazakov; cet ensemble architectural, coiffé d'une énorme rotonde sur laquelle flotte le drapeau russe, était était à l'origine l'instance judiciaire suprême ainsi que le cœur du pouvoir législatif de la Russie impériale; après la Révolution, Lénine y installa son bureau et, à l'époque soviétique, il fut le siège du gouvernement russe; depuis Eltsine, il abrite les services de la présidence russe ainsi que le bureau du président. Nous contournons le tsar des canons, une énorme pièce d'artillerie qui ne servit jamais, parfaitement inutile, mais qui symbolise la propension des Russes à verser dans la démesure soit pour donner à la population un sentiment de fierté soit pour impressionner les étrangers. Nous sommes passés sous les porches qui soutiennent ce que je crois être l'église des Douze apôtres dépendant du palais du Patriarche, édifice construit à l'initiative du patriarche Nikon au 17ème siècle lequel souhaitait revenir au style sévère et monumental de Vladimir-Souzdal.  

Sur la place des Cathédrales s'élèvent, comme son nom l'indique, plusieurs édifices religieux, mais également des édifices profanes dont un célèbre palais à Facettes. Cette place est sans doute le joyau du Kremlin. Bâties au 15ème siècle, au centre géographique du Kremlin, les cathédrales en ont régi la vie pendant des siècles. Le palais à Facettes fut construit entre 1487 et 1491, par les architectes italiens Ruffo et Solari avec une façade en pierre blanche bosselée dans le style de la Renaissance italienne. C'est le plus ancien édifice public de Moscou. Tout proche, le palais de Terema, construit en 1635, résidence privée des tsars, est maintenant rattaché au Grand Palais. L'escalier rouge (au sens de bel escalier) du palais à Façettes était emprunté par les tsars pour se rendre à leur couronnement en la cathédrale de la Dormition; c'est sur ces marches que furent précipités sur les lances des strelitz plusieurs membres de la famille de Pierre le Grand lors de la révolte de 1682; démoli sous Staline, l'escalier a été reconstruit après la disparition de l'URSS. 

Sur la place des Cathédrales ne se dressent pas moins de trois cathédrales blanches sommées de coupoles dorées ou argentées ainsi que plusieurs églises : la cathédrale de la Dormition ou de l'Assomption, la cathédrale de l'Annonciation proche du Grand Palais, la cathédrale de l'Archange Saint-Michel, l'église Saint Jean Climaque flanquée par le haut clocher d'Ivan le Grand, commencé sous le règne de celui-ci et achevé sous Boris Godounov, en 1600, qui était la tour de guet du Kremlin. Dans un renfoncement proche de la cathédrale de la Dormition, l'église de la Déposition de la Robe présentée par certains guides comme la chapelle de Staline après sa conversion en 1943; oui, j'ai bien écrit sa conversion, événement incroyable dont, à ma grande surprise, j'ai entendu parler pour la première fois en 2012. Nous ne visiterons que l'intérieur de la cathédrale de la Dormition où étaient couronnés les tsars, comme cela a déjà été mentionné ci-dessus. Cette cathédrale, aussi appelée cathédrale de l'Assomption, qui ferme la place du côté nord, en est l'élément le plus somptueux. Elle fut achevée en 1479, par l'architecte italien Aristote Fioravanti. Une brochure détaillée de l'intérieur de ce prestigieux édifice religieux russe nous est délivrée à l'entrée. 
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Pour consulter la brochure sur la cathédrale de la Dormition, cliquez l'image ci-dessus
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Nous quittons la place des Cathédrales en allant vers l'enceinte sud du Kremlin, pour admirer la façade classique du Grand Palais; ce Palais, construit en 1837-1851, au dessus de la Moskova, était autrefois la résidence du Tsar lorsqu'il se trouvait à Moscou; le président de la Fédération de Russie n'y habite pas et il sert aujourd'hui surtout à des manifestation officielles. Au bout de la rue qui longe le Grand Palais, à l'ouest, s'élève la Tour Borovitskaïa  de couleur rouge comme l'ensemble de l'enceinte dont elle est l'une des entrée; cette tour fut construite en 1490 par un architecte italien, Pietro Antonio Solari; par sa porte, on passait vers les bâtiments de service; deux ans plus tard, en 1492, le même architecte dirigea les travaux de la tour Arsenalnaïa, l'une des plus puissantes, du haut de laquelle on surveillait la Neglinka (Neglinnaïa). Le palais des Armures, près de la Tour Borovitskaïa, regroupe les plus belles richesses des tsars, ce que la Russie a pu produite de plus somptueux en matière d'armes et d'armures anciennes, mais aussi d'orfèvrerie et d'argenterie (du 12ème au 17ème siècle). Le fonds diamantaire, attenant au musée, recèle une formidable collection de pépites d'or et de platine, et de diamants découverts sur le territoire de l'ex-URSS, ainsi que des bijoux et joyaux de l'ancien trésor impérial. La muraille de l'ouest est courte et, pas très loin, de la Tour Borovitskaïa, s'élève la Tour de l'Eau ou Tour Vodozvodnaïa, une tour d'angle au sud-ouest du Kremlin; elle domine la berge sur la Moskova et fut édifiée en 1488 par l'architecte italien Antonio Gilardi (pour les Russes : Anton Friazine, Antoine l'Italien). Au début on l'appela Tour Sviblov du nom d'une famille de boyards dont la maison était à l'intérieur de l'enceinte, près de la tour; elle fut rebaptisée après, qu'en 1633, Christofor Galovey eût installé dans cette tour une sorte d'ascenseur qui permettait de monter l'eau pour arroser les jardins (Vodozvodnaïa peut se traduire par "de la pompe à eau"). Elle jouait un rôle défensif important. En 1805, elle fut détruite parce qu'elle menaçait ruine, puis reconstruite; minée par les sodats du maréchal Mortier, sur ordre de Napoléon, en 1812, elle fut restaurée, en 1817-1819, par l'architecte Joseph Beauvais. Elle sélève à 61,85 m.   
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Un plan du Kremlin avec ses tours - Source : Internet
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Nous revenons, en direction du jardin qui se trouve au sud-est de la place des Cathédrales. Le Kremlin est ouvert au public et ce jardin arboré et fleuri est un lieu de promenade des Moscovites. On y rencontre des parcours romantiques qui attirent les amoureux. De la hauteur de ce jardin, entre les feuillages de ses arbres choisis, on aperçoit une partie de la capitale russe. Chemin faisant, nous passons devant la tsarine des cloches, qui donne la réplique dans la démesure au tsar des canons. Cette cloche, cassée par suite d'une chute malencontreuse, n'a jamais sonné, pas plus que le canon n'a tiré. Elle gît à terre au pied du clocher d'Ivan le Grand. En contrebas du jardin, près des murailles du Kremlin, se trouve le terrain d'atterrissage de l'hélicoptère présidentiel russe. Il y a aussi dans ce jardin un chêne planté par Gagarine, l'arbre cosmique, mais on ne nous l'a pas montré. Le temps est pluvieux et une ondée nous saisit alors que nous venons de longer des plates-bandes joliment fleuries pour nous rapprocher de la place sur laquelle s'élève l'ancien Sénat, sur lequel flotte le drapeau russe. Les parapluies s'ouvrent répliquant dans l'air brumeux les corolles (à l'envers) et les couleurs (en plus terne) des parterres. Ceux qui n'ont pas de parapluie, dont je fais partie, se réfugient sous les arbres séculaires du jardin les plus proches. L'alerte humide passée, nous sortons du Kremlin par la porte de laTour Spasskaya ou du Sauveur. 

La Tour du Sauveur appartient autant à la place Rouge qu'au Kremlin dont elle est la tour principale. Elle jouit d'une solide réputation. Suivant la tradition, les tsars devaient la franchir tête nue le jour de leur sacre. C'était l'entrée d'apparat, celle qu'empruntaient les tsars et les dignitaires. La régle imposait de se découvrir pour pouvoir la franchir. D'après la légende, Napoléon, fort de son récent triomphe militaire, aurait commis le sacrilège d'oser s'affranchir de cette impérieuse obligation, mais son cheval se serait cabré et son célèbre bicorne serait alors tombé en arrière. Erigée en 1491, sous la direction du fameux architecte milanais Pietro Antonio Solari, elle fut, plus tard, surmontée d'une structure octogonale et acquit son aspect actuel en 1625, à la suite des travaux de l'architecte B. Ogourtsov. Depuis 1852, un carillon plus sophistiqué, qui remplaca le carillon primitif, rythme les heures indiquées par une horloge d'un diamètre de plus de 6 m. Pendant les premières années de l'URSS, alors que l'hymne national était l'Internationale, cette cloche la joua deux fois par jour, jusqu'à ce qu'un nouvel hymne national soit adopté à la faveur de la Seconde guerre mondiale. En 1937, la tour eut droit à son étoile de rubis, la plus grande (prés de 4 m de diamétre) et la plus lourde (une tonne et demie). Aujourd'hui, la tour du Sauveur est réputée parmi la population moscovite pour son horloge, sur laquelle on régle son heure, et la plus grande plaisanterie est de demander l'heure à quelqu'un sur la place Rouge car il suffit de regarder cette grossse horloge pour la connaître. 

Une fois hors des murailles du Kremlin, nous sous trouvons face à la statue de Minine et Pojarski, héros qui chassèrent les Polonais de Russie au début du 17ème siècle. 

9ème jour : A Moscou - La place Rouge (Les photos sont  ici ) 

J'ai déjà visité la place Rouge en 2012, mais de nuit (voir ici). J'en ai aujourd'hui une toute autre vision. Tout d'abord, voici cinq ans, la place était complètement dégagée et les visiteurs pouvaient partout y circuler librement. En 2017, de nombreuses barrières en encombrent une partie réduisant l'espace réservé aux piétons, comme si des travaux devaient y avoir lieu, ou si l'on devait y édifier une scène pour y donner un spectacle. Au delà des barrières et blocs de ciments, nous apercevons de l'autre côté de la place, par rapport à la porte du Kremlin par laquelle nous venons de sortir, l'imposant et célèbre magasin Goum avec son long trottoir fleuri, et sur la gauche, à l'autre bout de la place, en face de Saint Basile le Bienheureux, qui s'élève derrière la statue de Minine et Pojarski, le Musée d'histoire très caractéristique et de même couleur rouge que les murailles du Kremlin, avec, à peu près à sa hauteur, la tour Nikolskaïa, bâtie en 1491 par Solari et, plus loin, la Tour d'Angle de l'Arsenal (Ouglovaïa Arsenalnaïa), bâtie en 1492 également par Solari. C'est par la tour Nikolskaïa que Minine et Pojarski entrèrent dans le Kremlin. 

Nous prenons sur la gauche et longeons la muraille du Kremlin en direction du mausolée de Lénine. Au passage, notre guide nous signale la présence du buste de Staline, à l'arrière du mausolée, le premier d'une ligne de dignitaires soviétiques où je ne reconnais que le second : Boulganine. C'est déjà de l'histoire ancienne. Mais, pour ceux qui sont assez vieux pour avoir connu la Seconde guerre mondiale, cette histoire est toujours présente. Le mausolée de Lénine est toujours là aussi, massif comme à l'origine, même si l'on n'y voit plus les longues files d'antan, et le corps embaumé du fondateur de l'URSS y dort toujours du dernier sommeil, plus de vingt ans après la désagrégation de sa création. 

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Source : Internet
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Après les embarras de la place, concentrés au sud, vers Saint Basile, nous traversons son espace libre en diagonale pour aller vers la cathédrale de Kazan. Cet édifice religieux s'élève au coin nord-est de la place Rouge, à hauteur du Musée d'Histoire et sur l'alignement du Goum. La première mention d'une église à cet endroit remonte à 1625, quand une église en bois y fut érigée. Elle brûla dix ans plus tard et fut remplacée par une église en pierre. Elle fut modifiée en 1801, 1805 et 1865. De 1925 à 1930 des travaux de reconstruction rendirent à l'église son aspect initial. En 1936, l'église fut détruite, officiellement dans le but de faciliter les parades qui avaient lieu sur la place à l'époque soviétique. De 1990 à 1993, la ville de Moscou fit reconstruire la cathédrale. L'édifice est consacré à l'icône de Notre-Dame de Kazan, dont une ancienne copie fut restituée à la Russie par le pape Jean-Paul II en 2004. Sur l'un des murs de la cathédrale figure une peinture rappelant cette icône. Entre le Musée d'Histoire et la cathédrale de Kazan, une rue conduit à une double porte par laquelle j'ai pénétré sur la Place Rouge en 2012. 

Nous revenons ensuite vers Saint Basile en longeant un moment les cafés et autres lieux de rencontres qui occupent le rez-de-chaussée du Goum séparés de la chaussée par un trottoir arboré et abondamment fleuri. Nous faisons le tour de Saint Basile, ce qui nous offre l'occasion d'admirer les détails de sa décoration. Cette cathédrale devait représenter sur terre la Jérusalem céleste. Comme un illustre visiteur de Moscou du 19ème siècle, le marquis de Custine, je trouve cet édifice, qui semble sorti d'un conte des mille et une nuits, trop chargé à mon goût, mais il représente l'architecture russe d'autrefois et l'on ne peut qu'admirer la minutie avec laquelle les moindres détails de sa décoration ont été traités. De l'autre côté de Saint Basile, sur la gauche, on aperçoit au loin de hauts immeubles à flèche de l'époque soviétique et, à proximité, la clôture décorée de dessins d'un chantier d'aménagement d'un nouveau parc. Je découvre une peinture religieuse sur le mur de Saint Basile, jolie comme une icône ou une miniature, qu'une branche d'arbre fleurie surplombe d'un arceau. Dans le chantier du parc s'élèvent trois églises du 17ème siècle, derrière les tas de sable, les barrières, les grilles et de petites maisons de chantier en pré-fabriqué, symbole du passé et d'un futur dont on se demande, non sans crainte, ce qu'il sera. Au delà d'un pont en  dos d'âne, je reconnais l'imposant hôtel Kempinski, où j'ai couché en 2012.  

Sur la droite, s'étire vers la Moskova le coin sud-est de la muraille du Kremlin avec la Tour Beklemichevskaïa (Moskvoretskaïa), construite en 1487-1488, qui possédait un puits secret; durant les attaques tatares, elle était toujours la tour la plus exposée; elle fut nommée ainsi en mémoire du boyard Ivan Bersenev-Beklemichev, exécuté en 1525 par le grand prince Vassili II, auquel il avait osé s'opposer. Les légendes moscovites disent que son fantôme continue de hanter la tour. Notons que sur la muraille qui longe la Moskova, une autre tour, la Taynitskaya, ou Tour du Secret, possédait également un puits caché ainsi qu'une sortie secrète qui donnait sur la rivière. D'autres tours de la longue muraille de l'est qui donne sur la place Rouge méritent d'être signalées, en particulier la Tour du Tsar (Tsarskaïa), édifiée en 1680, d'où les membres de la famille impériale assistaient aux exécutions capitales qui avaient lieu sur la place (on pense à Ivan le Terrible, mais il était mort lors de sa construction, et devait donc regarder d'ailleurs les exécutions capitales!); et aussi la Tour Nabatnaïa, la Tour du Tocsin, qui date du 15ème siècle, laquelle portait des cloches qui sonnaient pour annoncer l'arrivée des Tatars et prévenir la population de se réfugier derrière les murs protecteurs du Kremlin; et enfin la tour Konstantino-Eleninskaïa(Timofeevskaïa), construite en 1490, qui contrôlait les quais et la cité chinoise (Kitaï-Gorod), et qui, au 17ème siècle, servait de lieu de tortures. Toutes les tours intéressantes ont été citées, les autres s'élèvent le long du jardin Alexandrovski (tours Sredniya Arsenalnaïa, Kommendantskaïa, Oroujeynaïa (Tour des Armures), construites en 1493-1495, par l'architecte italien Marc Friazine), sauf la Tour du Sénat (Senatskaïa), derrière le mausolée de Lénine, construite en 1490, qui reçut son nom actuel après l'édification du Sénat. Il existe également deux tours sans nom avec la Tour de l'Annonciation et la Tour Saint-Pierre, sur la muraille qui longe la Moskova; la Tour Saint-Pierre doit son nom à une ancienne église détruite lors de l'invasion polonaise qui s'élevait à proximité dans l'enceinte du Kremlin. 

La soirée avançant, nous regagnons notre autobus pour retourner à notre bateau. Chemin faisant, nous passons devant la statue de Dostoïevski sur le large perron de la bibliothèque d'État de Russie, puis devant le zoo de Moscou, à l'apparence quelque peu baroque et tourmentée. Nous voyons de loin une construction typique de l'époque stalinienne, et avant d'arriver à notre embarcadère, à l'orée d'espaces boisés, deux statues non identifiée, celle blanche d'un personnage probablement féminin et celle en bronze verdâtre d'un cavalier. J'ai réussi à prendre un cliché du cavalier, mais complètement raté celui du personnage blanc. 

A 18h45, apéritif aux bars Sonate et Concerto, cocktail du jour : vodka sunrise. A 21 h, départ pour la visite optionnelle illuminations de Moscou suivie d'une visite du métro. A 21h30, départ pour les seules illuminations de Moscou. Ayant déjà visité Moscou de nuit et vu plusieurs stations de métro, je préfère me reposer. A partir de 21h30, ambiance musicale au bar Sonate et début en cabine sur la télévision du film "Le soleil trompeur". 
 
10ème jour : A Moscou - L'Université (Les photos sont  ici ) 

A 7h30, réveil, musical. De 7h15 à 9 heures, petit déjeuner buffet au restaurant Symphonie. A 9 heures, départ pour le tour de ville, l'Université, la visite du couvent Novodevitchi (ou Novodievitchi). 

Sur le chemin de l'Université, nous passons devant une église, et surtout un groupe de gratte-ciel récents, immeubles d'acier et de verre qui n'ont rien à envier à ceux que l'on voit à peu près partout dans le monde mais rien non plus de très remarquable. Personnellement, je préfère les gratte-ciel de l'époque stalinienne, que l'on peut aimer ou détester, mais qui étaient au moins typiques et, de ce fait, ont plus de chance, à mon sens, de rester les témoins d'une époque de la Russie que ce qui paraît s'être fait plus récemment où l'on ne retrouve pas grand chose de russe. Avant d'atteindre l'Université, sur le mont des Moineaux, nous passons devant quelques jolies résidences. 

Le mont des Moineaux est un éminence assez haute qui domine Moscou. C'est de là que la Grande Armée de Napoléon vit pour la première fois l'ancienne capitale des tsars et elle fut éblouie par la profusion de bulbes et de coupoles dorées et argentées qui miroitait à ses yeux. Aujourd'hui, il est bien difficile de se faire une idée du spectacle qui s'offrit  aux yeux des soldats français tant la physionomie de la ville a changé. Il faut aussi se dire que les témoignages qui nous sont rapportés de ce début du 19ème siècle (ce n'est pas si loin) ont pu être quelque peu biaisés par les attentes de ceux qui les exprimèrent, l'atteinte d'un havre où l'on allait trouver enfin repos, gîte et couvert, après les batailles et la longue distance parcourue. Ces attentes, on le sait furent déçues, car à peine les Français installés, Moscou fut la proie d'un incendie propagé par des habitants de la ville obéissant à son gouverneur, Rostopchine, dont l'une des filles devait devenir la comtesse de Ségur, l'auteure renommée des Malheurs de Sophie et de bien d'autres titres pour les enfants. 
 
Le mont des Moineaux qui, on vient de le dire, domine Moscou, paraissait tout indiqué pour recevoir le bâtiment de l'université, type même des gratte-ciel de l'époque soviétique et le plus imposant, non pas tant à cause de sa hauteur que de sa vocation puisque, on le sait, l'idéologie communiste, qui procède comme le libéralisme de celle des Lumières, attendait un progrès indéfini de l'humanité grâce aux avancées de la science et pensait même qu'il en naîtrait un homme nouveau. Cet édifice colossal, conçu par l'architecte Lev Roudnev, sur l'ordre de Staline, a été bâti de 1949 à 1953, sur un territoire de 320 hectares. L'Université Lomonossov s'y est installée en 1953, c'est-à-dire l'année de la mort du dictateur soviétique dont elle fut sans doute le dernier chantier. L'édifice, comme les autres gratte-ciel soviétiques, se compose de deux ailes symétriques et d'une flèche centrale qui s'élève à 303 mètres, ce qui lui confère l'aspect d'une cathédrale du savoir. L'ensemble, la flèche exclue, est haut de 240 mètres, il comprend 36 étages, plus de 33 km de couloirs et plus de 5000 pièces. C'est l'une de ce que l'on appelle en Russie, les "Sept soeurs", à savoir les sept gratte-ciel staliniens, et elle est devenue l'un des édifices les plus symboliques de la capitale russe. Celle-ci possédait déjà le tsar des canons, la tsarine des cloches, il lui fallait bien aussi la tsarine des universités! Mais je ne suis pas certain qu'il n'y ait pas mieux ailleurs en terme de gigantisme. Quoi qu'il en soit cette université ne manque pas d'allure; la symétrie de l'ensemble inspire l'ordre et la rigueur. 

Une double allée séparée au milieu par une large pelouse conduit à son entrée. Le long du bord extérieur de chaque allée se dressent sur un haut piédestal les bustes de gloires scientifiques et littéraires de la Russie. Ces cohortes de célébrités accueillent le visiteur jusqu'à l'entrée. Nous n'irons pas si loin et nous en tiendrons à l'endroit où nous sommes arrivés, et où stationne notre bus, en surplomb de Moscou, là où j'imagine que Napoléon a dû aussi s'arrêter avant de descendre prendre possession d'une ville où il ne trouva personne pour lui remettre les clefs.  

Au début de l'allée de gauche, figure le buste de Lomonossov qui fonda l'université qui porte son nom, le 25 janvier 1755, sous le règne de l'impératrice Élisabeth, avec l'aide de Chouvalov, collectionneur d'art et mécène francophile, surnommé le "mécène des Lumières russes", qui fut ministre de l'éducation. Fils d'un serf de la couronne, Lomonossov (1711-1765), épris de goût pour les études, malgré les difficultés découlant de sa condition initiale, devint un savant renommé, qui fut professeur à l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg. On a déjà rencontré ce personnage en visitant la capitale de Pierre le Grand (voir ici). Son voisin, Herzen (né à Moscou en 1812 et mort à Paris en  1870), était un philosophe, écrivain et essayiste politique occidentaliste russe. Connu comme le père du socialisme populiste russe, il est considéré comme un inspirateur du climat politique qui mena à l'abolition du servage de 1861. Le soulèvement des décabristes en décembre 1825 est un événement qui le marqua profondément. Voici ce qu'il en dit dans un de ses écrits : "Les récits du soulèvement, du procès, de l'épouvante qui régnait à Moscou, me firent une très forte impression ; un monde nouveau m'était révélé, vers lequel convergeait de plus en plus ma vie intérieure. Je ne sais comment cela se fit, mais tout en comprenant peu, ou de façon vague, ce que tout cela signifiait, je sentais que je ne me trouvai pas du côté de la mitraille et de la victoire, de la prison et des chaînes. L'exécution de Pestel et de ses camarades tira définitivement mon âme de son sommeil d'enfant." Je n'irai pas plus loin pour ce qui concerne les bustes des savants : ils sont trop nombreux! 

Voici quelque renseignements glanés au cours des mes lectures sur l'état de l'enseignement à Moscou et l'Université Lomonossov. Avec plus d'un million d'étudiants dont 150000 étrangers, Moscou est le centre névralgique de la vie étudiante en Russie. Après une période de crise dans les années 90, plusieurs de ses établissements sont aujourd'hui entrés dans le classement mondial des universités. Avec l'internationalisation du pays (20 doubles diplômes proposés entre Moscou et la France), la capitale russe est aujourd'hui très cotée auprès des étudiants étrangers. L'Université Lomonossov est un centre d'excellence et un établissement d'enseignement supérieur mondialement connu. L'université Lomonossov est la plus réputée des universités russes. Plus de 40000 étudiants et environ 7000 doctorants y effectuent leurs études. Elle est classée au 30ème rang du classement mondial des universités les plus réputées (dressé par Times Higher Education) et à la 3ème position du top 100 des meilleures universités des pays du BRICS. L'université Lomonossov arrivait en tête du classement des établissements d'enseignement supérieur de Russie établi par l'agence de presse Interfax et la station Écho de Moscou pour l'année scolaire 2014/2015. Depuis l'origine, cette université poursuit un objectif clair : former les meilleurs éléments du pays dans tous les domaines. On y dispense donc des cours de mathématiques, d'informatique, de chimie, de biologie ... mais aussi des cours de journalisme, de politique, d'économie, d'arts, d'enseignements militaires etc... L'Université Lomonossov met sans cesse en oeuvre de nouveaux programmes de recherche et a signé plus de 400 accords de coopération avec des universités partenaires du monde entier. Plus grande université russe, elle accueille des étudiants étrangers de plus de 70 pays (1 étudiant sur 5 y est étranger). Depuis 2013, la Russie invite chaque année 15000 étrangers à étudier gratuitement dans une des 400 universités qui participent à ce programme. Pour les moins habiles en russe, une année d'apprentissage de la langue est proposée. Le but de tous ces efforts? Faire rayonner les meilleurs établissements de Moscou dans le monde entier. En 1991, l'université Lomonossov a donné naissance au Collège universitaire français de Moscou  qui bénéficie aujourd'hui de 9 partenariats avec des établissements supérieurs français (dont l'ENS Paris, Panthéon-Assas, Paris Descartes ...) Nombre de célébrités l'ont fréquentée. Citons : Potemkine, Tchekhov, Pasternak, Gorbatchev... 

Me rapprochant du bord de la colline, j'essaie de reconstituer ce qu'ont pu voir Napoléon et ses soldats. Malheureusement, d'où je suis, je n'a perçois guère, au-delà des arbres, que le dôme d'un  immeuble moderne. Je me déplace vers la gauche et je vois alors le quartier de tours modernes que nous avons longé en venant. Tantôt portant mon regard ailleurs, tantôt me déplaçant, je vais parcourir tout l'horizon, de la gauche vers la droite, voici quelques cheminées d'usines, puis, à peu près au milieu du panorama, enfin, quelques coupoles dorées et argentées, que Napoléon a pu voir mais qui sont aujourd'hui noyées parmi des immeubles plus récents, et sur la droite rien de bien différent. Il est vrai que le ciel est couvert et que le temps ne se prête pas à l'observation d'une ville qui, bien qu'aux pieds de la colline, paraît d'ici relativement éloignée. En tous cas, Moscou semble avoir bien changé depuis 1812! 

Nous quittons la colline aux Moineaux et l'Université Lomonossov pour nous diriger vers le monastère de Novodievitchi. Au hasard de notre cheminement, nous passons devant un bâtiment en voie d'achèvement recouvert d'une coupole et je me demande s'il ne s'agit pas de celui que j'ai vu de haut depuis la colline des moineaux. Ensuite, c'est un autre bâtiment moderne en forme de yourte mongole ou d'igloo qui attire mon attention, puis un immeuble ancien classique, à façade jaune, dont l'entrée est ornée d'un fronton triangulaire à l'antique et d'une colonnade blanche, lequel abrite un musée d'Histoire 
  
10ème jour : A Moscou - Le monastère de Novodievitchi (Les photos sont  ici ) 
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Plan du monastère de Novodievitchi - Source : Internet. 1- Cathédrale de la Vierge de Smolensk (1524-1525) ; 6- Eglise de la Dormition ou de l'Assomption (1655-1658) ; 7- Tour-clocher (1689-1690) ; 8- Eglise-porche de la Transfiguration (1687-1688) ; 9- Palais Lopoukine (1687-1688) ; Palais Pevtcheskie? (17ème) ; 20- Monument funéraire des Prokhorov (20ème)
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Lors de mon précédent voyage à Moscou, j'ai déjà vu le monastère Novodievitchi, mais de l'extérieur sans pénétrer son enceinte, et depuis de nord, de l'ordre côté de l'eau sur laquelle on patine en hiver depuis longtemps si l'on en croit Tolstoï. Cette fois, je vais l'aborder de l'autre côte et rentrerai dans l'enceinte en traversant le porche de l'église de la Transfiguration. 

Le monastère de Novodievitchi est connu également sous le nom de monastère Bogoroditse-Smolenski. Novodievitchi, "la nouvelle Vierge", le distingue du couvent de l'Ascension (ou Starodievitchi, "l'ancienne Vierge"). Construit au 16ème siècle, il fut ensuite embelli, notamment sous l'impulsion de la demi-soeur de Pierre le Grand, la régente Sophie, mais il est resté presque inchangé à partir 17ème siècle. C'est en 1524 par le Grand-prince Vassili III le fit construire pour commémorer la conquête de Smolensk en 1514. Bâti comme une forteresse dans un méandre de la rivière Moskova, il devint l'une des pièces importantes de la partie sud de la ceinture défensive de Moscou. Lors de sa fondation, le couvent reçut une dotation de 3000 roubles et les villages d'Akhabinevo et Troparevo. Ivan le Terrible donna plus tard d'autres villages au couvent. Ce couvent doit sa célébrité aux nombreuses femmes de l'aristocratie russe qui y furent enfermées et dont certaines furent même contraintes de prendre le voile. Ce fut par exemple le cas de la femme de Fédor Ier, Irina Godounova qui y séjourna avec son frère Boris Godounov, lequel finit pourtant par s'emparer du pouvoir; ce fut également celui de l'une de bienfaitrices du monastère, la régente Sophie, qui avait comploté avec une partie des streltsy (mousquetaires) pour renversé Pierre le Grand, voire l'assassiner; lors d'une autre tentative des streltsy, en 1698,  le tsar obligea sa demi-soeur à prendre le voile sous le nom de Suzanne, et fit pendre des streltsy sous ses fenêtres; Pierre le Grand, qui souhaitait se débarrasser de sa première épouse, Eudoxie Lopoukine, pour convoler ailleurs, l'accusa de complicité avec les streltsy rebelles et la fit enfermer à Souzdal, avant qu'elle ne soit transférée à Novodievitchi; bien d'autres femmes encore subirent le même sort. Le couvent de Novodievitchi fut pris par une unité polonaise sous le commandement de Gosniewski en 1610-1611. Une fois le monastère libéré, le tsar lui affecta des gardes permanents (100 streltsy en 1616, 350 soldats en 1618). A la fin du 18ème siècle, il possédait 36 villages. En 1744, 14489 paysans en dépendaient. Au milieu du 17ème siècle, d'autres religieuses arrivèrent en provenance de couvents ukrainiens et biélorusses. Des religieuses plus âgées, qui appartenaient au mouvement des Vieux croyants, y trouvèrent refuge en 1721. En 1724, le monastère abrita un hôpital militaire pour les soldats et les officiers de l'armée russe et un orphelinat pour jeunes filles. En 1763, on y comptait 84 nonnes, 35 novices et 78 patients malades et serviteurs. L'État octroyait au couvent de Novodievitchi 1500 roubles, 1300 pièces de pain, et 680 roubles et 480 pièces de pain pour plus de 250 enfants abandonnés, chaque année. En 1812, des soldats français de l'armée de Napoléon tentèrent de détruire le couvent, mais les religieuses parvinrent à le sauver. En 1871, les frères Filatiev firent une donation pour établir une école d'orphelins d'origine non-noble. De plus, le couvent abritait deux hospices pour professes et novices. Le couvent de Novodievitchi regroupait 51 professes et 53 novices en 1917. Plusieurs personnages importants de Russie se firent inhumer dans l'enceinte de Novodievitchi aussi, en 1898, ouvrit-on un cimetière hors des remparts du monastère. Anton Tchekhov fut l'une des premières personnalités à y être enterré; la dépouille de Nicolas Gogol fut exhumée et vint y reposer à son tour. En 1922, les Bolcheviks fermèrent le couvent mais la cathédrale de la Vierge de Smolensk resta ouverte jusqu'en 1929. Le monastère devint d'abord un Musée de l'Émancipation de la Femme, puis un musée d'art et d'histoire en 1926. En 1934, on l'associa au Musée historique d'État, et la plupart de ses bâtiments furent transformés en appartements. Cela lui permit probablement d'échapper à la destruction. En 1943, lorsque Staline assouplit sa politique religieuse, l'Église orthodoxe fut autorisée à y ouvrir des cours de théologie. L'année suivante, le monastère devint un Institut théologique et le régime rendit la cathédrale de Smolensk, ou de la Vierge de Smolensk, au culte en 1945. La résidence du métropolite de Kroutitsy et Kolomna se trouve au couvent de Novodievitchi depuis 1980. Les religieuses revinrent au couvent en 1984. Il est actuellement sous l'autorité du métropolite de Kroutitsy et Kolomna mais certaines des églises et d'autres bâtiments monastiques sont toujours associés au Musée historique d'État. A l'époque soviétique, les plus hautes personnalités de l'État, telles que Pierre Kropotkine, Serge Prokofiev, Alexandre Scriabine, Dmitri Chostakovitch, Constantin Stanislavski, Fédor Chaliapine... étaient enterrées dans le cimetière situé à côté du monastère; Nikita Krouchtchev, écarté de la muraille du Kremlin à cause de sa personnalité contestée, y trouva aussi sa dernière demeure; on dit que les décorations en noir et blanc ornant sa tombe symbolisent ses côtés positifs et négatifs et invitent à la réflexion. En 2004, Novodievitchi a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. En 2015, le dimanche 15 mars, à 22h40, un incendie se déclara sur le clocher en travaux du monastère; les dégâts sont mineurs; la négligence des restaurateurs pourrait être à l'origine de l'incendie. 
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Billet d'entrée au couvent de Novodievitchi
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Comme je l'ai déjà dit, nous avons pénétré dans l'enceinte fortifiée de Novodievitchi, par le porche de l'église de la Transfiguration. Dès le porche franchi, sur la droite s'élève le palais Lopoukine, rouge et blanc, comme l'église de la Transfiguration, avec un cadran solaire sur le mur intérieur. Plus loin, des bâtiments bas, de couleur blanche, pourraient appartenir au palais Pevtcheskie (je ne garantis pas ma transcription en alphabet occidental); c'est d'après notre guide l'endroit où logeaient les personnes reléguées par le pouvoir. Nous nous dirigeons vers la cathédrale de Smolensk; cet édifice majestueux est en cours de réfection et il est entouré d'échafaudages; nous ne visiterons pas son intérieur; c'est dommage, car, d'après la documentation que j'ai consulté, il est très riche et il est sans doute l'endroit le plus attrayant du monastère; il s'y trouve de nombreuses oeuvres religieuses des 16ème et 17ème siècles, dont une iconostase à plusieurs registres et de somptueuses fresques réalisées par l'artiste Dimitri Grigorev; la cathédrale de Smolensk est surmonté d'une coupole dorée centrale entourée de quatre coupoles argentées disposées en croix moins volumineuses; ces coupoles reposent sur des galeries; le sous-sol de la cathédrale est constitué d'une voûte-caveau qui servit pour les inhumations du 16ème au 18ème siècle. Nous passons devant le monument funéraire de la famille Prokhorov, blanc et doré, avec un caractère oriental très marqué; puis devant une tombe dont je ne suis pas parvenu à déchiffrer le nom de l'occupant, avant d'atteindre celle d'Alexeï Nicholaïevitch Plechtcheïev; cet intellectuel russe, né à Kostroma le 22 novembre 1825 (4 décembre 1825 dans le calendrier grégorien), mourut à Paris le 26 septembre 1893 (8 octobre 1893 dans le calendrier grégorien); c'est un poète russe du 19ème siècle; membre du cercle de Petrachevski, il fut condamné à l'exil mais revint à Moscou en 1858, avant de retourner à Paris vers la fin de sa vie; il traduisit en russe les oeuvres de Heine et écrivit des contes et chansons d'enfants et des poèmes; son corps fut rapatrié dans son pays pour être enterré à Novodievitchi. Un peu plus loin, le tombeau d'un autre poète, Denis Davydov, est à-demi caché sous une sorte de cabane composée d'éléments d'échafaudage; Davydov, officier de cavalerie, noble d'origine tatare, servit d'abord dans les cuirassiers avant de passer dans les hussards, une arme qui lui convenait mieux et avec laquelle il se livra à la guerre de partisans contre la Grande Armée de Napoléon; son expérience en la matière l'amena à publier un livre intitulé Essai sur la guerre de partisans, traduit en français par Héraclius de Polignac, et publié avec un avant-propos du général Fortuné de Brack; mais il était également poète et même créateur d'un genre, la poésie à la hussarde; on imagine qu'il distrayait de sa verve son entourage autour des feux de bivouac; très célèbre en Russie, prisé du cercle de Pouchkine, comme des Décembristes, Tolstoï le choisit comme modèle pour son Vasily Denisov de Guerre et Paix. Nous atteignons l'église de la Dormition ou de l'Assomption, comme les autres églises, rouge et blanche, avec une coupole dorée d'assez faible dimension; c'est un édifice allongé, le long duquel se trouve des tombeaux de religieuses, dont celui d'une certaine Anastasia Vasilievna Yakouchkina (selon ma transcription alphabétique hésitante) qui remonte au 19ème siècle, d'autres tombes sont manifestement plus récentes. Nous pénétrons à l'intérieur de cette église, dans une vaste nef garnie de dorure, aux murs décorés de nombreuses icônes, au moment où un pope en habits sacerdotaux officie entouré de quelques fidèles debout. Notre visite de Novodievitchi s'achève ici. 

Un peu plus haut, j'ai évoqué l'assouplissement de la politique de Staline à l'encontre de l'Église orthodoxe, n'osant pas employer les termes après sa conversion que j'ai entendus de mes propres oreilles, ce dont j'ai été abasourdi, lors de ma première visite. Au cours de cette nouvelle visite j'ai abordé auprès de notre guide le sujet de la Vierge de Kazan, que Koutouzov emmenait en tête de ses troupes, et que Staline aurait fait tourner dans un avion autour de Stalingrad. Notre guide me confirme le fait en précisant qu'il existe des témoignages sérieux et crédibles, mais en me signalant qu'il ne s'agit pas de la Vierge de Kazan, mais de celle de Smolensk. 

En revenant vers la place Rouge, nous apercevons à nouveau le quartier des gratte-ciel récents, puis devant quelques bâtiments à façade plate, de l'époque soviétique, de caractère assez maussade, et qui n'ont à mes yeux ni la puissance, ni l'élégance des Sept Soeurs, les gratte-ciel staliniens, dont l'Université reste l'exemple le plus achevé. 

10ème jour : A Moscou - Le Goum et ses environs (Les photos sont  ici ) 

Notre bus nous laisse sur le pont qui enjambe la Moskova à l'arrière de Saint-Basile et à proximité de l'hôtel où j'ai séjourné en 2012. Il a déjà été question de ce pont plus haut. Nous y reviendrons à près la visite du Goum. Nous gagnons la place Rouge en passant entre La Tour du Sauveur de la muraille du Kremlin et Saint-Basile. Nous avançons jusqu'au tombeau de Lénine avant de prendre en diagonale en direction de la cathédrale de la Vierge de Kazan. Notre guide évoque avec nostalgie le temps de sa jeunesse, lorsqu'elle venait chaque semaine, cabas au bras, prendre place dans la queue des personnes qui se pressaient devant l'entrée du Goum. A l'époque, beaucoup de monde fréquentait ce grand magasin très populaire, où les habitants de Moscou, du plus riche au moins fortuné, pouvait acheter tous les produits qui s'y trouvaient, y compris le caviar, ce qui nous a déjà été affirmé à Saint-Pétersbourg. Aujourd'hui, les temps ont bien changé. Le magasin attire toujours du monde, mais beaucoup moins qu'à l'époque soviétique et notre guide nous invite à ne pas y effectuer nos achats. "Vous verrez, nous dit-elle, les prix ne sont jamais affichés et, si vous en demandez un à une vendeuse, vous aurez l'impression qu'elle vous donne un numéro de téléphone! On n'y trouve plus que des produits de luxe, très chers, hors de portée des Russes moyens et réservés seulement aux nouveaux riches. La plupart des visiteurs sont là pour voir, et pas pour acheter." Cela me rappelle certains super marchés ultra luxueux d'Amérique du Sud où viennent rêver les pauvres devant des produits merveilleux qu'ils ne pourraient s'offrir qu'en les volant! 

Nous voici arrivés à hauteur de la rue qui sépare Notre-Dame de Kazan du Goum. Le long édifice du magasin s'étire sur le côté est de la place Rouge, vers Kitaï-Gorod, la ville chinoise, quartier commerçant de Moscou. Les deux bâtiments qui composent le magasin furent édifiés au 19ème siècle, par l'architecte A. Pomerantzev, en respectant les formes et l'ornementation de l'architecture russe en harmonie avec les constructions anciennes de la place Rouge. A l'époque, on appelait ces deux bâtiments les Riady, c'est-à-dire les Galeries supérieures. En 1953, les galeries changèrent de nom et furent occupées par le plus grand magasin universel de la capitale russe, que l'on appela la Maison de commerce du Goum, ou, pour simplifier, le Goum. 

Au rez-de-chaussée de la façade du Goum, se sont installés des cafés et autres lieux de rendez-vous. De larges plate-bandes abondamment fleuries courent au pied des murs, non seulement sur la place Rouge, mais aussi dans la rue qui sépare le Goum de Notre-Dame de Kazan. Avant de pénétrer à l'intérieur de ce grand magasin, j'avise une icône sur l'un des murs extérieurs de Notre-Dame de Kazan. Le magasin, très étendu, comporte un étage. Il se présente sous la forme d'une longue et large galerie centrale s'éparant les boutiques ouvertes de part et d'autres, sous des noms plus prestigieux les uns que les autres, bien connus de la Jet Set. Cette galerie centrale s'élève jusqu'à la verrière du toit; elle est elle-même divisée au sol en deux chemins de circulation des visiteurs et clients par des plates-bandes fleuries qui répètent celles de l'extérieur ainsi que d'arbustes par d'autres ornements décoratifs conférant à cet espace commercial l'apparence d'un jardin intérieur. Le style est néo-classique avec le rappel d'éléments russes traditionnels d'un très bel effet. On a l'impression d'être dans un palais des mille et une nuits! La richesse du contenu des vitrines ne peut que renforcer cette impression, avec un bémol : il y a peut-être un peu trop de clinquant qui sent le nouveau riche. A l'étage, le déambulatoire est fermé par une balustrade avec une main courante en bois; des sortes de tambourins plats colorés pendent du plafond; d'un haut, on aperçoit une splendide fontaine entourée de fleurs et de feuilles. Il y a semble-t-il un autre étage, mais nous n'y sommes pas allés. Nous sommes sortis, à peu près au milieu du magasin, par un escalier, qui donne sous un porche admirablement voûté qui s'ouvre sur la place Rouge, juste en face du tombeau de Lénine. 

En suivant l'est de la place Rouge, un peu avant d'arriver à Saint Basile, on tombe sur une construction cylindrique en pierre qui ressemble à une estrade à laquelle on accède par un escalier. C'est le Lobnoïe Mesto; son nom est découle des mots russes "front" (lob) et "place" (mesto); en vieux russe lob signifiait rive raide. Cette estrade, que l'on pense avoir d'abord été construite en brique dans les années 1530, a été mentionnée pour la première fois en 1547, lorsque Ivan le Terrible s'y est adressé aux Moscovites. Par la suite, elle a été principalement utilisée pour annoncer les oukazes du tsar et pour les cérémonies religieuses. On dit aussi qu'elle servait de lieu d'exécution car elle ressemble terriblement à un échafaud permanent; mais cet usage est controversé et d'autres auteurs prétendent que les exécutions publiques avaient habituellement lieu ailleurs, derrière Saint-Basile, mais bien sûr à portée de vue de la Tour du Tsar. Dans la Russie tsariste, pendant la Semaine sainte, la procession des rameaux appelée "promenade à dos d'âne" se terminait au Lobnoïe Mesto, sur lequel une représentation du Calvaire était érigée; le tsar, à pied en signe d'humilité, conduisait le patriarche de Moscou, assis sur un âne, en procession des portes de la ville à la place Rouge. 

Nous passons le long de la cathédrale Saint-Basile devant lesquelles s'élèvent des tentes blanches, sphériques et pointues, qui me font penser au camp du Drap d'Or. Puis nous nous retrouvons sur le pont qui enjambe la Moskova à l'endroit où fut assassiné, le 27 février 2015, l'opposant libéral à Vladimir Poutine, Boris Nemtsov, dans des circonstances troubles. Cet endroit, marqué par la présence de photographies de Nemtsov, est toujours fleuri par ses partisans, d'ailleurs probablement assez peu nombreux en Russie en raison des souvenirs amers qu'ont gardé la plupart des Russes des expériences de Gorbatchev et d'Eltsine. Du haut du pont, par delà la Moskova, on aperçoit la Cathédrale du Saint-Sauveur que j'ai visitée en 2012 (voir ici), avec ses bulbes dorés. De l'autre côté de la Moskova, par rapport au Kremlin, on voit également de beaux immeubles classiques ainsi qu'un édifice religieux qui rappellent l'atmosphère de Saint-Pétersbourg. Sur la rive du Kremlin, on jouit d'une belle vue sur la muraille sud et toutes ses tours ainsi que sur la muraille est et ses tours jusqu'à la place Rouge (voir le plan du Kremlin ci-dessus). De l'autre côté du pont, au loin, se dresse à droite l'un des gratte-ciel stalinien, et, plus près à gauche, les églises du 17ème siècle, dont il a déjà été parlé, avec le chantier de création d'un nouveau parc. 

Notre bus nous reprend là. Nous perdons provisoirement un couple de notre groupe qui a trouvé un créneau pour assister à un spectacle du Bolchoï. Les autres se dirigent vers le restaurant Continental, Krasnopresnenskjaïa 12, où nous devons déjeuner à partir de 13h30. C'est le restaurant de l'hôtel Crowne Plaza Moscow, un grand bâtiment, pourvu d'un hall généreux au milieu duquel se dresse une horloge surmontée d'un coq. Tout cela très moderne, avec beaucoup de marbre. Le restaurant est à l'avenant; nous sommes servis dans une grande salle, dispersés autour de trois tables rondes, où notre groupe est quelque peu noyé; la cuisine est européenne, russe et végétarienne, mais notre repas est déjà retenu. 

A 14h30, nous avons le choix entre une visite du métro de Moscou et une visite de la Galerie Trétiakov (ou Tretiakov ou Tretyakov). Comme j'ai déjà vu quelques stations du métro lors de ma précédente visite, j'ai opté pour la galerie. 

Rapide et pratique, avec son réseau de radiales circonscrites d'une ligne périphérique, le métro est une indéniable réussite technologique. Avec l'augmentation brusque du nombre des voitures ces dernières années et l'engorgement du centre de Moscou, il est devenu plus indispensable que jamais. Mais c'est aussi un formidable témoignage d'histoire et d'architecture stalinienne, qui vaut une visite approfondie au même titre que d'autres monuments majeurs. Pour les Moscovites, il est "le plus beau métro du monde". Bien que mise à l'étude dès 1902 et envisagée dans les années 1920, sa construction ne commença qu'en 1932, sous l'impulsion de Staline. Elle s'inséra, en 1935, dans un plan plus large de reconstruction de la capitale. Il s'agissait, avec l'ouverture et l'élargissement des grandes avenues radiales et du périphérique de la ceinture des jardins, de faire entrer la Moscou villageoise dans une modernité plus en phase avec l'ambition industrielle du communisme. Dans ce cadre, le métro devint le chantier cardinal qui devait prouver au monde entier et à la population soviétique les capacités du nouveau régime. Pour cela, rien ne fut épargné, ni l'implication étroite du bras droit de Satline, Lazare Kaganovitch, dont le métro porta le nom jusqu'en 1955, ni les matériaux les plus coûteux, comme le marbre, le bronze ou l'acier inoxydable, ni la main d'oeuvre - en 1934, 70000 personnes travaillaient au Metrostrol - ni la charge idéologique : le chantier de construction fut doublé d'un chantier littéraire dans la grande tradition communiste, avec l'écriture par les travailleurs eux-mêmes d'une colossale Histoire de la construction du métro. La première ligne, Park Kultury-Sokolniki, fut mise en service en deux ans. Quant à la majeure partie du réseau du centre ville, sa construction fut achevée avant la mort de Staline, en 1953. Certaines stations furent construites à une grande profondeur, ce qui en fit de robustes abris contre les bombardements aériens. Les stations Okhotny Riad, Loubianka et Tchistye Proudy sont par exemple à plus de 30 m en dessous de la surface du sol. On aperçoit parfois, au détour d'un couloir, d'énormes portes métalliques ouvragées, étanches et coulissantes, prévues pour arrêter d'éventuels gaz de combat. Tout avait été prévu dans l'éventualité d'un futur conflit. Le métro servit d'ailleurs effectivement d'abri pendant la Seconde guerre mondiale et la station Kirovskaïa fut alors occupée par l'état-major de Staline. Pratiquement, toutes les stations du centre de Moscou valent un coup d'oeil, y compris celles situées au-delà de la ligne circulaire, comme la station Novoslobodskaïa, aux superbes vitraux. Les plus grands artistes du pays participèrent à leur décoration, tel Deïneka, un peintre, graphiste et sculpteur, engagé politiquement dans la révolution et artistiquement auprès du poète Maïakovski, qui réalisa les coupoles de la station Maïakovskaïa, et Lanceray, un architecte illustrateur descendant d'un artiste français émigré en Russie à l'époque tsariste, ancien  adepte du mouvement Le Monde de l'Art, ce qui ne l'empêcha pas d'être emprisonné sous l'inculpatiuon d'espionnage en faveur de la France à deux reprises. Le métro de Moscou, conçu pour être le palais du peuple, est un véritable temple souterrain du stalinisme architectural, d'un néoclassicisme empreint d'antiquité même s'il reste imprégné d'un certain modernisme révolutionnaire. Il est le meilleur témoignage de la volonté des dirigeants de l'époque de construire non seulement uile, mais également beau. Le début des années 1930 marqua l'abandon des tendances modernistes et constructivistes des années 1920, remplacées par les canons du classicisme prolétarien et le règne de la colonne dorique. Cette évolution se traduisit dans l'architecture des premières stations du métro. Cependant, lors du concours de 1934, pour la construction des stations Krasnye Vorota et Kirovskaïa (aujourd'hui Tchistye Proudy), les courants modernistes n'étaient pas encore totalement évincés. Si Ivan Fomine, fondateur du "dorique prolétarien", fut distingué pour la première station, la deuxième fut attribuée à Nicolas Kolli, un constructiviste qui avait participé avec Le Corbusier à la construction du Tsentrosoiouz, un bâtiment gouvernemental de Moscou construit en 1933. On retrouve donc, quelque peu perdu au milieu du néoclassicisme, des vestiges des tendances architecturales liées aux mouvements utopistes et modernistes des premières années de la révolution. La plus belle réalisation néoclassique est sans doute la station Komsomolskaïa, et des plus belles, tous styles confondus, la Maïakovskaïa, réalisation de Douchkine. 

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Des photos de quelques stations centrales du métro de Moscou sont visibles ici
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Après un court trajet en autobus, nous arrivons à proximité de la Galerie Tretiakov, sous la pluie. 

10ème jour : A Moscou - La Galerie Tretiakov (Les photos sont  ici ) 

La Galerie Tretiakov fut fondée à partir de la collection privée d'un riche marchand et fabricant de textile nommé Pavel Tretiakov, qui avait rassemblé la plus grande collection de peinture russe de l'époque, soit 1287 toiles. Cette galerie réunit aujourd'hui plus de 130000 oeuvres. Pavel Tretiakov, commença à acheter des oeuvres d'artistes russes en 1856 et s'intéressa aux Ambulants. Sa collection pris de l'importance, il décida d'agrandir son hôtel particulier, en acquérant des maisons voisines, et d'en faire un musée. Plus tard une ancienne église fut même rattachée au musée. En 1892, il fit don de ce musée privé d'art russe à la ville de Moscou et dirigea la galerie pendant les six dernières années de sa vie. Son frère, Serge, légua également un certain nombre d'œuvres. En 1913, la Doua de Moscou nomma Igor Grabar administrateur de la galerie. Le 3 juin 1918, un décret de Lénine transféra la propriété de la galerie à la Fédération soviétique de Russie en laissant Grabar à sa tête; il y resta jusqu'en 1927. De nombreuses collections privées, nationalisées par le régime soviétique, vinrent alors s'ajouter aux oeuvres collectionnées par les deux frères. En 1928, un système de ventilation et de chauffage y fut installé, et, en 1929, l'électricité y fit son entrée. En 1941, les précieuses oeuvres d'art, soigneusement emballées, furent envoyées à Novossibirsk, loin des périls de la guerre, dans un train de 17 wagons. Le 17 mai 1945, la Galerie Tretiakov rouvrit ses portes au public. Pendant les années, 1980-1992, sous l'administration de Y. K. Korolev, l'affluence des visiteurs devint telle qu'il fallut songer à de nouveaux agrandissements, ce qui entraîna la fermeture de quelques salles entre 1986 et 1995. La galerie s'est ensuite étendue à un nouveau bâtiment, la "Nouvelle Galerie Tretiakov", où sont regroupées les oeuvres postérieures à 1912; nous ne nous y sommes pas rendus. Le musée reçoit plus d'un million et demi de visiteurs par an. 

A la descente du bus, les parapluies des personnes prudentes, fleurissent comme les fleurs d'un jardin s'épanouissent sous une ondée. Ceux qui n'ont pas de parapluie, se débrouillent comme ils peuvent. Pour ma part, après l'expérience de la visite pluvieuse du Kremlin, j'ai pris la précaution de prendre mon Kway. Nous complétons une file d'attente qui s'est formée devant l'entrée de la galerie. Les voûtes de tissus multicolores y forment une sorte de tapis ondulé d'un assez bel effet. La façade de l'édifice est étonnante, quoique typiquement russe; elle fut réalisée d'après les dessins de l'artiste Victor Vasnetsov; elle s'agrémente, en hauteur et en son centre, d'un bas-relief représentant Saint-Georges et le dragon. Sur la gauche s'élève une statue de Tretiakov. Et sur un mur, toujours à gauche, on peut lire, gravé sur une plaque de marbre, le décret de Lénine qui fit de la galerie un musée national. 
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La statue de Tretiakov à l'entrée de la galerie d'art qu'il a fondée
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Une fois à l'intérieur, nous sacrifions au rituel du dépôt des objets et vêtements encombrants au vestiaire. Ensuite notre guide nous invite à le suivre à l'étage supérieur. Nous allons commencer la visite à partir du 17ème siècle. L'art antérieur, principalement dédié à l'iconographie, est gardé volontairement pour la seconde partie de la visite. Les premiers tableaux, comme cela a déjà été dit ne devrait pas être plus anciens que le 17ème siècle. J'en photographie deux représentant des personnages que je ne suis pas parvenu à identifier.  

Suivent deux autres tableaux de Louis Caravaque datant du 18ème siècle. Le Français Louis Caravaque n'était pas spécifiquement peintre; il s'adonna à cet art en Russie et devint assez célèbre pour peindre les deux impératrices qui figurent dans la galerie :  Élisabeth 1ère de Russie, fille de Pierre le Grand, dite la Clémente, et Anne 1ère Ivanovna (peinte en 1730), nièce de Pierre le Grand. Ces deux tableaux sont remarquables par la manière dont ils font ressortir le caractère des deux impératrice, bienveillante et cultivée pour Élisabeth, hautaine, peu cultivée et autoritaire, quoique paresseuse, pour Anne qui déchira la charte que les nobles qui l'avaient portée au pouvoir voulaient lui imposer (pour ces deux impératrices, se reporter à l'histoire de la Russie, ici). 

Suivent des tableaux de Vladimir Loukitch Borovikovski datant de la fin du 18ème siècle et du début du 19ème siècle : Portrait de Maria Lopoukhina (1797), Portrait d'Alexandre Kourakine (1801-1802), Portrait de D. A. Derzhavina (1813). Borovikovski est un peintre d'origine ukrainienne, élève de Levitski (ou Levitsky), qui domina la peinture russe de son époque. Alexandre Borissovitch Kourakine (1752-1818) est un homme politique russe, président de la noblesse de Saint-Pétersbourg de 1780 à 1783, vice-chancelier de 1796 à 1798, membre honoraire de l'Académie russe en 1798, sénateur en 1801, membre du Conseil privé en 1807, ambassadeur en place à Paris de 1808 à 1812. Il est appelé Kouraguine dans Guerre et Paix de Tolstoï. Le tableau qui représente Kourakine remonte à l'époque de Paul 1er dont on aperçoit le buste; on notera également la présence d'une croix de Malte qui rappelle que Paul 1er était grand-maître de l'Ordre. Mais le tableau le plus intéressant de la série reste cependant le Portrait de Maria Lopoukhina apparentée à la famille de Tolstoï; le thème principal du tableau est l'harmonie de l'être humain avec la nature; la jeune femme est représentée devant un parc ancien, son coude gauche appuyé sur un rebord de marbre; la tendre couleur de son visage fait écho aux roses qui frôlent son bras gauche; la couleur du tronc des arbres rappelle celle de ses cheveux; celle de sa ceinture s'harmonise à celle du ciel; le regard ambigu que jette la jeune personne est plein de vie et de sous entendus; une remarquable poésie se dégage de cette œuvre unique; jamais l'art du portrait n'avait été porté à une telle perfection jusqu'alors en Russie et ce tableau a suscité une juste et durable admiration. 

Suivent des tableaux d'Oreste Kiprensky (début du 19ème siècle). Portrait de Pouchkine (1827), Portrait de la comtesse Catherine Rospotchine, Portrait du comte Rospotchine. Kiprensky est un portraitiste romantique russe. Le portrait du poète Pouchkine est son oeuvre la plus connue. Les portraits du comte et de la comtesse Rospotchine ont attiré mon attention car ce sont ceux des parents de la comtesse de Ségur. En 1812, le comte Rospotchine brûla son château afin que les troupes françaises ne puissent pas s'y installer. Gouverneur de Moscou, il prit toutes les mesures nécessaires pour que la ville soit incendiée et qu'il soit impossible de lutter contre le sinistre. Si le sacrifice des ses propres biens est un acte civique indéniable, il n'en va pas de même de l'incendie d'une ville par quelqu'un qui n'en est ni le propriétaire ni le souverain, et cet acte fut diversement accueilli en Russie. 

Suivent des tableaux de Karl Brioullov (ou Bryullov) (19ème siècle) : Bethsabée au bain (1832), La cavalière (1832), Autoportrait (1848). Brioullov, appelé par ses amis "le grand Karl", fut le premier peintre russe de stature internationale; il est considéré comme une figure clé dans la transition du néoclassicisme au romantisme en Russie. Bethsabée est l'épouse d'Urie le Hittite puis du roi David; elle est la mère de Salomon. Son personnage apparaît dans le deuxième livre de Samuel, au chapitre 11, et dans le premier chapitre du livre des Rois; le thème de Bethsabée au bain a été traité par de nombreux artistes peintres de nus. Le tableau de La cavalière a été peint pendant le séjour heureux de Brioullov en Italie; c'est à ce moment que son art atteignit la perfection; les personnages représentés sont Giovannina et Amazilla Paccini, de l'entourage de la comtesse Samoilova; l'artiste célèbre la beauté du monde et les joies de la vie; la jeune Giovaninna maîtrise parfaitement sa monture ce qui suscite l'admiration de sa petite soeur Amazilla, appuyée à la rambarde d'un petit balcon; la scène, pleine de vie et d'énergie, contraste avec le formalisme des portraitistes précédents. 

Suit un tableau monumental du peintre néo-classique Alexandre Ivanov (19ème siècle) : La venue du Messie ou l'Apparition du Christ au peuple (1837-1857). Ivanov fut le peintre religieux le plus influent de son époque. Il consacra une vingtaine d'années à La venue du Messie ou l'Apparition du Christ au peuple (1837-1857), à Rome, où il était boursier de l'Académie. Il réalisa cette oeuvre à portée morale et philosophique, avec l'ambition d'affiner la sensibilité de son public et de susciter en lui de nobles aspirations. Pour atteindre ce but, il choisit la scène qui représentait à ses yeux l'épisode le plus important de l'évangile. Ivanov, estimait que l'apparition du Messie à l'homme le fit renaître et le disposa à chercher son accomplissement dans un perfectionnement moral toujours plus grand. Le centre du tableau est occupé par le Christ qui apparaît seul sur une légère élévation. Plus bas, sur le devant du tableau et en son milieu, Saint-Jean-Baptiste prêche une foule qui l'entoure. On y remarque des apôtres, mais surtout une grande diversité de gens qui symbolisent l'humanité entière réconciliée : des riches et des pauvres, des bons et des méchants, des amis et des ennemis... Sur la droite, des scribes et des pharisiens portent la contradiction. L'artiste a minutieusement rendu les poses, les attitudes, les expressions, les vêtements ou la nudité. Un des personnages les plus attachants est l'esclave qui, pour la première fois, après tant de souffrances vécues, voit venir enfin à lui une lueur d'espérance. La beauté et la grandeur du paysage environnant ajoute à la majesté de l'événement, mais la précision minutieuse des personnages et leur apparence hiératique rendent l'ensemble quelque peu figé. Dans la pensée de son auteur, cet immense tableau ne fut en réalité jamais achevé. Au fil du temps Ivanov douta que l'accomplissement personnel suffise à résoudre les problèmes de la société. 

Suivent deux tableaux de Constantin Makovski (deuxième moitié du 19ème siècle) : Portait de S. L. Stoganova (1864), Dans le studio de l'artiste (1881). Constantin Makovski fut l'un des peintres les plus influents de sa génération; il participa au mouvement réaliste russe de la société des Ambulants. Les Ambulants ou Itinérants est le terme donné au mouvement réaliste apparu en Russie en 1863 et qui exista jusqu'aux années 1890, en réaction contre l'enseignement, les sujets et les méthodes de l'Académie impériale des beaux-arts de Saint-Pétersbourg; les peintres ambulants pratiquaient essentiellement une peinture de genre à caractère social ou historique, ainsi que le portrait, le paysage russe et un peu de natures mortes; plusieurs d'entre eux participèrent également au mouvement démocratique russe. Constantin Makovski naquit dans une famille d'artistes. Son tableau Dans le studio de l'artiste (1881) montre un intérieur raffiné qui regorge d'objet de luxe et inspire un sentiment d'opulence. Le peintre y a placé son fils âgé de quatre ans, Sergei, qui devint plus tard un critique d'art célèbre, un historien de l'art un essayiste et un éditeur. Sergei, en parlant de son père, dit qu'il n'avait pas son pareil pour saisir une image et la reproduire sans hésitation ni repentir. Malgré son réalisme, Constantin Makovski n'en donne pas moins souvent une image idéalisée de la Russie de son temps. 

Suit un tableau de Genrikh (Henryk) Semiradsky (Siemiradzki) (fin du 19ème siècle) : Danse entre les épées (1881). Semiradzki est un peintre de style académique, d'ancêtres polonais, né en Ukraine et sujet de l'Empire russe, particulièrement connu pour ses représentations de scènes de l'antiquité gréco-romaine et du Nouveau Testament. Héritier de la culture de plusieurs nations, il exposa dans la plupart des grandes capitales d'Europe, et peut-être considéré comme un symbole de l'unité de la culture européenne. Dans son tableau Danse entre les épées, il a su admirablement capter les nuances de la clarté solaire qui ravivent les couleurs du paysage et joue avec l'ombre sur le corps de la danseuse nue entre les lames fichées au sol.  

Suivent trois tableaux de Arkhip Kuinji (Kuindzhi ou Kouïndji) (fin du 19ème siècle) : Bois de bouleaux (1879), Clair de lune sur le Dniepr (1880), Matin sur le Dniepr (1881). Kuinji est un peintre paysagiste ukrainien d'origine grecque-pontine, issu d'une famille modeste. Son tableau Bois de bouleaux créa l'événement lors de son exposition au septième salon des Ambulants, parmi les critiques aussi bien que parmi les autres peintres; jamais on n'avait vu jusqu'à présent traiter de cette manière en Russie l'ombre et la lumière, ni peindre avec un tel mépris du détail; on pourrait évoquer une sorte d'impressionnisme russe, mais un impressionisme plus rude que celui des peintres français. Dans Clair de lune sur le Dniepr, Kuinji innove encore en utilisant des matières nouvelles (goudrons) pour intensifier l'éclat de la lumière sur l'eau du fleuve. Il ne souhaitait pas vendre ce tableau qu'il gardait dans son atelier. Un jour un visiteur qu'il ne reconnut pas lui proposa de le lui acheter. Il refusa d'abord avec opiniâtreté, mais le visiteur insistant, il finit par lui dire que, de toute manière, il ne serait pas en mesure de payer la somme que valait ce tableau. Le visiteur lui demanda alors à combien se montait l'enchère. Pris de court, Kuinji répondit par un montant pharaonique. A sa grande surprise, le visiteur acquiesça, paya et emporta le tableau. C'était le grand-duc Constantin, grand-amiral de la flotte impériale russe, un Romanov libéral, qui ne se sépara jamais du tableau qui l'accompagna dans toutes ses croisières. 

Suivent quatre tableaux de Ivan Kramskoï (Kramskoy) (fin du 19ème siècle) : Portrait du poète ukrainien Taras Shevchenko (1871), Le Christ dans le désert (1872), Portrait de Léon Tolstoï (1873), L'inconnue (1883). Kramskoï est non seulement un grand peintre mais également un critique d'art russe, ainsi qu'une très importante figure intellectuelle des années 1860-1880, chef de file du mouvement de l'art démocratique russe (les Ambulants). L'inconnue est l'un des tableaux du 19ème siècle les plus populaires en Russie. Son titre a donné court à bien des interrogations. En fait, il s'agirait d'une version russe de la Dame aux camélias et l'inconnu serait une de ces prostituées de luxe que l'on appelait les demi-mondaines. L'auteur l'a peinte avec toutes la richesse et l'élégance de l'art réaliste, non sans s'interroger sur les frontières qui séparent la beauté physique de la beauté morale. A une époque où l'on commençait à aborder les questions de l'émancipation féminine et de l'égalité entre les sexes, sujets qui interpellaient la littérature, la philosophie et la pensée sociale, les artistes démocrates privilégiaient la beauté intérieure plutôt que la beauté extérieure. Avec L'inconnue, Kramskoï, dont le style est généralement marqué par un certain puritanisme, s'écartait de la norme en osant audacieusement célébrer la sensualité. 

On a vu que la peinture russe à ses débuts s'est essentiellement consacrée à l'art du portrait. Au 19ème siècle, sans abandonner ce filon, elle élargit son champ d'intérêt vers l'art du paysage. Suivent ainsi deux tableaux de Ivan Aïvazovsky (deuxième moitié du 19ème siècle) : La neuvième vague (1850), L'arc-en-ciel (1873). Aïvazovsky est un peintre russe d'origine arménienne. Ce maître de la peinture de marine a marqué les périodes romantiques et réalistes de l'art russe. Il a jouit d'une réputation internationale. J'ai entendu parler de lui pour la première fois dans un recueil d'Aragon (je cite un vers de mémoire : "Marines de Jongkind et d'Aïvazovsky"), publié dans les années 1950, lors de sa tentative de retour au classicisme. Dans L'arc-en-ciel, l'artiste met en scène l'opposition de l'homme en lutte contre les forces hostiles et écrasantes des océans. C'est un thème romantique qui se prête bien au talent d'Aïvazovsky lequel sait parfaitement rendre ces instants de haute tension. A l'époque où il peignit ce tableau, il était parvenu au sommet de son art. D'un pinceau libre, frôlant à peine la toile, il évoque l'arc-en-ciel qui déploie ses couleurs dans les lourds nuages de la tempête et l'écume projetée en l'air qui les estompent tandis qu'une lumière crue souligne la crête des vagues. Ce chef-d'oeuvre, en terme d'harmonie et de judicieuse utilisation des nuances, reste l'un des meilleurs tableaux peints sur le même thème. 

Nous pénétrons ensuite dans une salle dédiée à Mikhaïl Vroubel (Vrubel) (fin 19ème - début 20ème siècle). Une immense fresque y est suspendue aux cimaises. Je pense que cette fresque a trait à La Princesse cygne, personnage féminin d'un opéra de Rimsky-Korsakov, sans en être tout à fait certain. Un second tableau, très connu, Le démon assis (1890), l'accompagne. Vroubel, artiste maudit, malade et tourmenté, dont on a dit qu'il avait vendu son âme au diable, travailla beaucoup pour le théâtre; il s'illustra dans le symbolisme et l'Art nouveau et il est considéré comme le plus grand représentant de ce dernier mouvement en Russie. Obsédé par l'image du démon, un thème provenant de la poésie de Lermontov, qui connut un regain de popularité à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, Vroubel s'employa, tant par la peinture que le dessin et la sculpture, à en donner une représentation. Il existe trois versions peintes de l'image du démon : Le démon assis, où un jeune titan lutte entre l'espérance et le désespoir, Le démon volant et La démon chu, brisé et mourant, mais incroyablement beau. Pour donner plus d'éclat à ces tableaux, le peintre introduisait de la poudre de bronze dans ses couleurs mais, avec le temps, le métal s'est terni et nous ne pouvons donc plus les admirer dans leur état originel. Dans Le démon assis, Vroubel met en scène le déchirement de son âme de génie méprisée du grand public; le conflit intime entre la force et la faiblesse, l'espérance et le désespoir, se lit sur le visage du démon, s'exprime par son attitude et le mouvement de ses mains qui paraissent se repousser l'une de l'autre; le tableau est empli de symboles, à gauche un coucher de soleil rougeoyant, quasiment brûlant; à droite de grandes fleurs traitées en à plat qui évoquent les ailes de l'ange déchu et font penser à l'art de la mosaïque byzantine que l'artiste étudia à travers les modèles de Kiev et de Ravenne. 

Suivent quatre tableaux d'Ivan Chichkine (Shishkin) (deuxième moitié du 19ème siècle) : Coupe de bois (1867), Forêt de pins dans la province de Viatka (1872), Champ de blé (ou de seigle) (1878), Un matin dans une forêt de pins (1886). Chichkine est un peintre réaliste célèbre pour ses paysages, mais qui fut également un excellent dessinateur et un graveur renommé. Il travailla et se perfectionna en Suisse et en Allemagne et exposa dans plusieurs pays européens (notamment à Paris et Vienne). Un matin dans une forêt de pins est typique de sa manière. Les arbres vigoureux symbolisent la force de la nature. Ils sont tronqués à leur sommet ce qui laisse supposer qu'ils seraient bien trop grand pour tenir dans un tableau. Cette astuce permet également de circonscrire la scène dans une sorte d'espace clôt, quasi intime, qui donne au spectateur l'impression de se trouver lui-même à l'intérieur du tableau, en face d'une famille d'ours qui jouent autour d'un arbre mort. Les ours ont été peint par Constantin Svastika (Savitsky); ce dernier aurait reçu en paiement le quart de la valeur du tableau; il aurait même apposé sa signature sur l'oeuvre avant de la retirer. Champ de blé (ou de seigle) me fait irrésistiblement penser à la peinture réaliste socialiste qui sera la norme sous Staline. 

Suivent trois tableaux de Victor Vasnetsov (fin 19ème - début 20ème siècle) : Ivan Tsarévitch chevauchant le loup gris (1888-1889), Le Tsar Ivan le Terrible (1897), Bogatyrs (1881-1898). Vasnetsov se spécialisa dans les représentations mythologiques et historiques; il est considéré comme l'un des peintres les plus influents de l'art russe de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle. Ivan Tsarévitch chevauchant le loup gris  se réfère à un célèbre conte russe Ivan Tsarévitch (Le prince Jean) qui inspira L'oiseau de feu à Stravinski; le tableau  montre Ivan parti à la recherche de l'oiseau de feu qui a volé les pommes d'or du jardin du roi; on le voit, chevauchant dans une forêt, en compagnie d'une jeune femme, le loup gris, son ami et son protecteur. Le caractère d'Ivan le Terrible inspira plusieurs artistes russes; dans le tableau de Vasnetsov, Le Tsar Ivan le Terrible (1897), le tsar, qui descendait un escalier, s'est arrêté, plongé dans ses pensées, ou attendant ce qui vient derrière lui; son vêtement de brocard fourré se détache nettement d'un décor plus sombre où l'on perçoit sur le mur l'image d'un ange à la trompette sans doute évocation du jugement dernier; l'expression du tsar est empreinte de suspiscion et laisse supposer une humeur sombre; toutefois il se dégage aussi du personnage une forte impression de puissance et de grandeur; l'oeuvre de Vasnetsov s'inscrit parfaitement dans la suite des légendes, des poésies et des contes folkloriques inspirés par le farouche tsar. Bogatyrs est l'un des tableau les plus célèbres de Vasnetsov; il représente des chevaliers mythiques de la Russie : Dobrynya Nikitich, Ilya Muromets et Alyosha Popovich; l'artiste mit 17 ans à l'achever dans un studio spécialement construit pour lui par S. Marmontov; il a donné à ses trois héros l'image qui est la leur dans la mythologie russe; le paysage qui s'étend derrière eux renforce l'impression de puissance qui se dégage de leur présence; ils sont bien là pour protéger la terre russe, leur mère patrie; Tretiakov fit l'acquisition de ce tableau tardivement; il s'entendit avec Vasnetsov pour déterminer l'endroit où il serait accroché et il y est encore aujourd'hui. 

Suit un tableau de Vasili (Vasily) Vereshchagin (fin 19ème siècle) : Ils ont triomphé (1871 - 1872). Vereshchagin, connut comme peintre orientaliste et peintre de batailles, pourrait être qualifié de citoyen du monde; il voyagea beaucoup, notamment en Orient, deux fois en Inde, et rapporta des pays visités les éléments de son inspiration. Dans ses tableaux, il représente avec beaucoup de fidélité, la nature, les bâtiments, les couleurs, les types humains et leurs costumes, enfin tout ce qu'il a vu, ce qui en fait de véritables documents d'ethnographie. Ils ont triomphé en fournit une excellente illustration. 

Suivent deux tableaux de Vasili Sourikov (Surikov) (fin 19ème - début 20ème siècle) : Le matin de l'exécution des Streltsy (1881), La boyarine Morozova (1887). Sourikov est un peintre réaliste russe membre du groupe des Ambulants; il acquit une grand réputation comme peintre de sujets historiques. Le matin de l'exécution des Streltsy se réfère aux difficultés rencontrées par Pierre le Grand pour imposer son pouvoir et ses réformes à une partie de l'armée soulevée par la régente Sophie contre lui; le tableau est consacré au matin de l'exécution des rebelles réprimés par Pierre le Grand; sur la Place Rouge, devant Saint-Basile, où les rebelles vaincus vont être mis à mort, se pressent  des charrettes contenant les futurs suppliciés; un foule les entoure, leur famille mais aussi d'autres Russes amenés là par compassion pour les victimes; du côté du Kremlin, se tient l'armée fidèle au tsar et des dignitaires, avec peut-être le tsar lui-même à cheval; une atmosphère tragique et angoissante émane de cette scène; on pourrait presque entendre les murmures de désapprobation s'élevant de la foule; Sourikov a admirablement su combiner l'histoire compliquée du début du règne de Pierre le Grand avec l'idée qu'il se faisait du caractère du peuple russe; ce tableau fut le premier que son auteur exposa au salon des Ambulants. Tretiakov l'acquit et entama d'étroites relations avec le jeune artiste à qui il acheta encore Menshikov (Menchikov) à Beryozovo (Beriozovo) puis La boyarine Morozova. Menchikov à Beriozovo est basé sur l'histoire d'un parvenu, pâtissier de son métier, qui joua un rôle militaire et politique important sous Pierre le Grand, dont il fut le favori, et sous Catherine 1ère, veuve de Pierre le Grand, qu'il contribua à porter sur le trône; devenu tuteur du nouveau tsar, Pierre II, à la mort de Catherine 1ère, il abusa de son crédit et fut victime des intrigues du prince Alexis Dolgorouki; Pierre II le destitua de ses fonctions, le déchu de ses titres, confisqua ses biens et l'exila avec sa famille en Sibérie, à Beriozovo. La boyarine Morozova se réfère à un épisode de la lutte des vieux croyants contre la réforme du patriarche Nikon; Sourikov, encore enfant avait entendu parler de cet épisode de l'histoire russe et cela l'avait profondément marqué; il a peint la boyarine, qui vient d'être arrêtée, enchaînée, allongée sur un mauvais traîneau de planches et de rondins disjoints sur lesquels a été placée une litière de paille; dans cet équipage indigne d'elle, on la promène à travers les rues recouvertes de neige de Moscou pour l'humilier publiquement avant son entrée forcée au couvent de Borovsk, où, refusant de se convertir à la réforme, elle sera privée de nourriture jusqu'à la mort; le visage de la boyarine et son regard sont empreint du fanatisme d'une dévotion outrée et de la volonté de ne jamais céder à ses persécuteurs; en signe de défi, elle lève deux doigts, une allusion au différend entre les vieux-croyants et les partisans du patriarche Nikon au sujet de la bonne façon de se signer; sur les traits des gens qui la regardent passer ou l'accompagnent se lisent divers sentiments reflétant la gamme des opinions contradictoires qui les animent à l'égard de la boyarine et de ses adversaires. (Voir l'Histoire de la Russie ici) 

Suivent trois tableaux d'Ilia Répine (fin 19ème - début 20ème siècle) : La régente Sophie (1879), Portrait de Moussorgski (1881), Portrait de Léon Tolstoï (1887). Répine est le fils d'un ancien cosaque devenu marchand de chevaux et d'une institutrice; il se consacre d'abord à la peinture d'icônes; il adhère au mouvement des Ambulants et devient l'un des peintres réalistes les plus célèbres de Russie dans les années 1870; il reflète dans sa production picturale la diversité de la vie qui l'entoure, embrasse toutes les dimensions de la réalité contemporaine, aborde les thèmes qui traversent la société et réagi avec célérité à l'actualité. La plasticité de son langage pictural lui est personnelle, mais il s'ouvre aussi à différents styles, depuis celui des peintres espagnols et hollandais du 17ème siècle jusqu'à ceux d'Alexandre Ivanov ainsi qu'à des éléments de l'impressionnisme français sans éprouver pour lui une attirance réelle. Son oeuvre s'épanouit dans les années 1880; il compose alors une galerie de portraits de ses contemporains, travaille comme peintre d'histoire et de scènes de genre; dans la peinture historique, il est attiré par la possibilité d'exprimer la force émotionnelle de la scène représentée; il trouve aussi son inspiration dans la peinture de la société contemporaine, et, même quand il dépeint un passé légendaire, il reste un maître de la représentation de l'immédiat, en abolissant toute distance entre le spectateur et les héros de son oeuvre. La régente Sophie se réfère à l'épisode de la révolte des Streltsy déjà évoquée ci-dessus à propos de Vasili Sourikov; le personnage de Sophie, enfermée au couvent de Novodievitchi, est bien campée; son visage exprime l'autorité et la colère; on imagine que ce n'était pas une personne commode; à travers la fenêtre de sa geôle on aperçoit les cadavres des Streltsy pendus sous ses yeux pour avoir comploté avec elle contre Pierre le Grand. Le Portrait de Moussorgski fut peint peu de temps avant la mort du compositeur, à 42 ans; on y voit un homme fatigué, déçu probablement par l'indifférence de ses compatriote à l'égard de sa musique, ruiné par l'abolition du servage, et la santé minée par l'abus d'alcool. 

Sur ces tableaux s'achève la visite de l'étage supérieur. Bien entendu, je n'ai présenté que quelques oeuvres, parmi toutes celles devant lesquelles nous sommes passés. Ces oeuvres sont celles qui nous ont été présentées et commentées par notre guide. Je ne les ai classées ni par école, ni par ordre chronologique, mais dans l'ordre où nous les avons vus, et je n'ai retenu que celles que j'avais photographiées et qui sont donc visibles sur ce site. 

Maintenant, redescendons à l'étage inférieur, vers les icônes. 
 
Le mot icône provient du mot grec eikon qui signifie image. Les plus anciennes sont byzantines et datent des 5ème et 6ème siècles. Les icônes russes sont peintes sur du bois (souvent du tilleul) encollé de tissu avec de la colle d'esturgeon et recouvert d'un mélange crayeux (levkas). Les dorures sont faites à la feuille d'or et la peinture consiste souvent en de la tempera (émulsion) à l'oeuf et à base de pigments minéraux; elle est appliquée avec un pinceau en poils de martre. La peinture à l'huile de lin (olita) donne à l'oeuvre une profondeur incomparable mais a tendance à noircir avec le temps. Dans l'église, l'iconostase sépare l'autel de la nef; en son centre se trouve la porte du tsar. Les icônes sont disposées en plusieurs rangées (traditionnellement cinq, mais leur nombre peut varier), dont le rang des patriarches et des prophètes de l'Ancien Testament en haut, le rang dit de la Déesis (ou Déisis : thème chrétien fréquemment représenté dans l'art où la Vierge et saint Jean-Baptiste sont représentés de part et d'autre du Christ et prient pour le salut des fidèles) ainsi que le rang de Fête au milieu, puis le rang local en bas. L'icône la plus vénérée est toujours la première à droite de l’iconostase. Il ne faut pas croire que l'on trouvait seulement des icônes dans les lieux du culte; bien des isbas en possédaient aussi, la plupart du temps de taille plus modeste. L'art de l'icône était masculin, les femmes se contentant de représenter les sujets religieux en broderies. La confection des icônes était régie par des règles strictes et la signification des couleurs ainsi que de certains objets représentés renfermaient un sens symbolique : un buisson ardent exigeait l'alliance de la couleur rouge, celle du feu, et de la couleur verte, celle des feuilles; la Sainte Trinité était parfois évoquée par la réunion d'un château (le Père), d'un arbre (le Fils) et d'une montagne (le Saint-Esprit). Les peintres devaient suivre sans s'en écarter les règles d'une tradition remontant parfois jusqu'à l'école byzantine. Réduire l'icône à un objet d'art reviendrait à la vider de son véritable sens. L'icône est une parole peinte. Elle annonce par les couleurs ce que l'Évangile proclame par la parole et le rend présent. Elle est donc l'un des aspects de la Révélation divine et de la communion avec le créateur. L'icône est plus qu'un simple objet du culte, c'est une fenêtre sur l'autre monde. Selon le théologien et iconographe Ouspenski "elle ouvre une vision immense qui embrasse le passé et l'avenir dans un présent constant". L'icône représente un symbole incarnant l'idée éternelle. Elle "parle" aux paroissiens, souvent illettrés, en sa langue particulière. Les gens "lisent" les histoires, reconnaissent les visages selon des détails répétitifs et les couleurs spécifiques des habits, ils devinent le sens des messages d'après ces couleurs, les gestes et les poses des Saints. Pour accentuer la nature sacrée des sujets, les peintres modifiaient les proportions : le visage devenait petit, le corps était allongé, des parties particulières des habits ou des couleurs étaient mises en relief etc. Dans la facture de l'icône on utilisait "la perspective inversée" : les objets plus importants étaient peints plus grands que les objets d'une seconde importance. De cette manière, on aspirait à l'essentiel : établir un lien spirituel entre l'homme et Dieu. Les fidèles prêtent également parfois aux icônes une puissance bienfaitrice, variable selon le saint représenté; son influence s'exerce dans un domaine précis comme la guérison, la chance, etc. Ils prient devant l’icône, déposent un cierge et embrassent la vitre qui la protège.    

A l'entrée de l'étage du bas se trouvent des mosaïques anciennes dont notre guide nous raconte l'histoire. Ces mosaïques appartenaient à un couvent dont je ne me souvient plus le nom; après la révolution, ce couvent fut démoli et les personnes chargées de ce travail estimèrent que ces témoignages du passé, pour eux sans valeur artistique, ne méritaient pas d'être conservés. La plupart furent donc détruites et celles qui purent être sauvées ne représentent qu'une infime partie de ce trésor perdu. En face, est exposée une belle fresque sculptée sur pierre ou des guerriers auréolés navrent un ennemi de la foi qui a mordu la poussière. 

Jusqu'au 17ème siècle l'art en Russie se développa exclusivement dans le cadre de l'iconographie. Plusieurs écoles, avec chacune leurs caractéristiques propres, se formèrent dans des régions et des villes différentes : novgorodskaya (de Novgorod), vladimiro-souzdalskaya (de Vladimir et Souzdal), yaroslavskaya (de Yaroslavl), moskovskaya (de Moscou) etc. Les peintres d'icônes les plus célèbres furent Théophane le Grec (vers 1340-1410), Andreï Roublev (vers 1360- 1429 ou 1430) et Dioniasi (ou Dionysius) (vers 1440-1503 ou 1506). Tout en respectant les règles, chaque école se distingue par des caractéristiques particulières et les peintres y ajoutent évidemment leur touche personnelle. 

Au cours de la visite, notre guide à attiré notre attention sur certaines oeuvres significatives ou très réputées. Personnellement, j'en ai remarqué quelques autres. Souvent, si l'école est connue, le peintre ne l'est pas, car bien des artistes ne signaient pas leur oeuvre, et il m'est aussi arrivé de ne pas retrouver le titre! Voici donc l'essentiel de mon échantillon, présenté dans l'ordre où j'ai vu les icônes :  

Saints Boris et Gleb (milieu du 15ème siècle) - École de Rostov-Souzdal; ces deux saints, qui font partie de l'histoire russe (voir l'Histoire de la Russie ici), ont été choisi pour thème par plusieurs peintres d'icônes. 

Bataille entre les Novgorodiens et les Souzdaliens (fin 15ème siècle) - École de Novgorod; encore un sujet historique. 

La Nativité de la Vierge (milieu du 14ème siècle) - École de Novgorod; un sujet souvent traité par les peintres d'icônes. 

Paternité avec une sélection de Saints (fin du 14ème siècle) - École de Novgorod. 

Christ Pantocrator entre la Vierge et Saint Jean l'Évangéliste (14ème siècle); le Christ Pantocrator est un Christ divin, en Majesté ou en Gloire dans les cieux, au lieu de sa version humaine souffrant sur la croix; ce thème a été souvent traité par les peintres d'icônes. 

Théophane le Grec : Notre-Dame du Don (1380-1390) - École de Moscou. De l'autre côté du panneau figure La Dormition de la Sainte Mère de Dieu. Cette icône révérée se réfère à l'assistance miraculeuse qu'aurait reçue Dimitri Donskoy lors de la victoire qu'il remporta à Koulikovo (voir l'Histoire de la Russie ici). Ce nom fut attribué à l'icône en 1563 et le monastère Donskoy de Moscou fut fondé en 1591 pour l'honorer. La plasticité de l'image et la palette de couleurs sont typique de la manière de Théophane le grec qui travailla en Russie pendant une trentaine d'années et forma de nombreux élèves. Sur cette icône, la Vierge porte l'enfant Jésus sur son bras droit et appuie sa joue contre la sienne, dans l'attitude de la Vierge de la tendresse; deux autres attitudes ont eu la faveur des peintres d'icônes : l'attitude de la Vierge du signe dans laquelle la Vierge lève les mains comme pour prier, et l'attitude de la Vierge conductrice, dans laquelle elle tient l'enfant Jésus sur son bras gauche en le désignant de sa main libre (voir ci-dessous Ouchakov).  

Andreï Roublev : La Sainte Trinité (1425-1427) - École de Moscou. Le maître russe peignit cette icône pour Saint Serge de Radonège. Le sujet est tiré de la Bible. Il s'agit de la scène où Dieu apparut à Abraham sous les apparences de trois personnes. Roublev montre trois anges assis à la même table pour signifier que Dieu est une trinité, et non pas trois personnes distinctes et qu'il est à la fois le Père, le Fils et le Saint-Esprit. L'Église orthodoxe russe accepta cette représentation comme conforme au dogme au milieu du 16ème siècle et autorisa l'icône de Roublev à servir de modèle pour de futurs peintres religieux. L'icône elle-même resta au monastère de la Trinité Saint-Serge jusqu'à la révolution de 1917. En 1918-1919, les nouvelles autorité estimèrent que sa restauration était nécessaire. Une fois les travaux achevés, on jugea qu'un tel chef-d'oeuvre devait être montré au plus grand nombre dans un cadre digne de lui. C'est pourquoi, il fut confié à la Galerie Trétiakov  en 1929. 
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Source : le film de Tarkovski - Andreï Roublev (1966)
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Andreï Roublev : Icônes retrouvées dans un escalier. Voici l'histoire de ces icônes telle que notre guide nous l'a racontée. Anatoli Lounatcharski devenu  commissaire du Peuple à l'Instruction publique, en 1925, après la révolution d'octobre, confia à une personne de confiance le soin de chercher à travers la Russie toutes les oeuvres d'art perdues afin de les répertorier, de les restaurer si nécessaire et de les ajouter au patrimoine culturel de la nouvelle Union soviétique. On adjoignit à cette personne quelques gardes rouges qui avaient reçu l'ordre formel de lui obéir en tout ce qu'il demanderait. C'est ainsi qu'au cours de ses recherches la petite troupe découvrit dans un village ces icônes dans un triste état, victimes d'un usage tout à fait iconoclaste. Les paysans, qui avaient cru trouvé de simples planches barbouillées, ignorant de quoi il s'agissait et ne soupçonnant pas leur valeur, les avaient converties en marches d'un escalier qu'il foulaient quotidiennement de leurs pieds boueux. 

Andrei Roublev : Christ en Majesté (1408) - École de Moscou. 

Dionysius : La Crucifixion (1500) - École de Moscou. Je ne pouvais pas laisser à l'écart ce peintre d'icônes, un des plus importants qui soit avec Théophile le Grec et Roublev. Comme je n'ai rien photographié de lui, j'ai mis à contribution le guide abrégé que j'ai acheté à la fin de la visite et dont les couvertures figurent en pas de cette page. La Crucifixion est considérée comme l'icône la plus réussie de ce maître. Elle fut peinte pendant sa période nordique, alors qu'il vivait et travaillait dans le monastère Kirillo-Belozersky (monastère Saint Cyrille du lac Blanc) que nous avons visité, près de Goritsy. L'icône fit pendant longtemps partie du rang de Fête de l'iconostase de la cathédrale de la Sainte Trinité du monastère Saint Paul Obnorsky près de Vologda. La datation et l'attribution à Dionysius furent déterminées à partir d'une inscription découverte au revers de l'oeuvre. En 1927-1928, l'icône fut nettoyée d'apports ultérieurs et l'analyse de la facture originale permit d'établir des similarités essentielles avec la célèbre fresque de Dionysius qui se trouve dans la cathédrale de la Nativité de Theotokos du monastère Saint Pherapontus. En accord avec la tradition, au centre de l'icône s'élève la croix plantée sur le Golgotha avec le Christ agonisant cloué à ses bois. A la droite de son fils, la Vierge Marie est entourée par trois Saintes femmes. Saint Jean et Saint Loginus, le centurion, sont sur la gauche. Sous la barre horizontale de la croix on peut reconnaître des allusions allégoriques à l'Ancien Testament tandis qu'au dessus de cette barre deux anges se lamentent. 
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Le Jugement dernier (troisième quart du 15ème siècle) - École de Novgorod. 

Simon Ouchakov (Ushakov) : La Sainte Vierge Eleoussa Kikkskaya (1668). Auteur d'une célèbre vierge de Vladimir, Ouchakov est un peintre d'icône du 17ème siècle qui fait le lien avec la nouvelle forme de peinture qui émerge alors en Russie sous l'influence de l'Occident. On l'a vu, l'art de l'icône ne disparaîtra pas pour autant; Répine lui-même, peintre de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle s'adonna d'abord à la peinture des icônes. La Saint Vierge Eleoussa Kikkskaya représente la mère du Christ dans l'attitude de la Vierge conductrice (voir ci-dessus Théophane le Grec). 
 
Mandylion ou image d'Edesse (première moitié du 14ème siècle) - École de Rostov-Souzdal; encore un sujet souvent traité sous forme d'icône. Le Mandylion ou Image d'Edesse est, selon une tradition chrétienne, une relique consistant en une pièce de tissu rectangulaire sur laquelle l'image du Christ (ou Sainte Face) a été miraculeusement imprimée de son vivant. Pour l'Église orthodoxe, il s'agit de la première icône (dans le sens d'image). 

Athanase de Moscou : Bénie soit l'armée du Roi des cieux (voir ci-dessous). Une icône guerrière de 4 m de long qui célèbre la prise de Kazan sur les Tatars par Ivan le Terrible. Les anges emportent les soldats tués au combat. Les lances foisonnent. Les chevaux sont tous différents. Mais la composition de l'ensemble, quelque peu figée, ressemble plutôt à une célébration qu'à une bataille.  

On a pu remarquer que bien des icônes traitent de sujets historiques en mêlant ceux-ci à la religion. N'oublions pas cet art de l'icône est celui de la Sainte Russie et que Moscou est la troisième Rome, pour l'Église orthodoxe russe, après Rome et Constantinople, le dernier bastion de la vraie foi! 
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Notre visite est terminée. Nous retirons nos affaires au vestiaire. J'achète un guide abrégé de la Galerie Tretiakov en anglais; je le paye avec ma carte bleue sans faire attention que, si la somme en rouble semble assez élevée, elle est dérisoire une fois convertie en euros; ma carte est tout de même acceptée. Notre guide nous rassemble pour nous compter. Tout le monde est là et il nous dit : "comme au temps de l'Union soviétique : je n'ai perdu aucun espion occidental"! 

Sur le chemin du retour à notre bateau, j'ai une fois de plus l'occasion de photographier la statue de Karl Marx, Place de la Révolution, mais cette fois-ci avec un oiseau sur l'épaule et un autre sur la tête. 

A 17h30, ceux qui ont prévu d'y aller prenne le bus pour se rendre à un spectacle de cirque. A 18h30, les autres, dont je suis, sont invités à prendre l'apéritif aux bars Sonate et Concerto; cocktail du jour : Vladimir. A 19h30, une réunion est organisée en Salle de Conférence pour préparer notre départ pour la France. A 19h30, dîner au Restaurant Symphonie. A 21 heures, ambiance musicale au bar Sonate, et film : "Un nouveau russe" en cabine sur le téléviseur. Les passagers ayant choisi l'option spectacle de cirque dînerons à 22h15. 

11ème jour : A Moscou 

A 4h30, réveil. Petit déjeuner au restaurant Symphonie. Les valises, muni dun carton d'identification, doivent être mises dans le couloir avant de se rendre au restaurant. A 5h15, vérification des bagages sur le quai avant le départ en bus. A 5h30, départ vers l'aéroport, en compagnie de notre professeur de russe, Macha. A 8h45, envol sur Air France 1145. Adieu Moscou. 
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En quittant la Russie, rappelons quelques habitudes russes qui peuvent surprendre des étrangers. Commençons par les rapports humains qui, dans l'espace public russe, n'apparaissent pas de prime abord très chaleureux. Ils se métamorphosent pourtant lorsque l'on passe dans l'espace privé, où les masques tombent plus facilement. L'âme slave, faite pour s'épanouir dans des conditions de vie parfois rudes, ne s'embarrasse pas de politesses inutiles. Les « bonjour », « s'il vous plaît » et autres « merci » sont néanmoins appréciés par ceux à qui ils s'adressent. Dans leurs rapports entre eux, les Russes sont plus instantanés; les longs préliminaires ne sont pas de mise avant qu'une vendeuse mal embouchée n'invective un acheteur indécis ; mais une autre sera tout aussi rapide à échanger avec lui trucs et conseils. Venons-en maintenant à quels usages et coutumes traditionnels. La cérémonie du pain et du sel pour accueillir les invités a été décrite au début de ces notes; elle n'est plus aujourd'hui aussi courante qu'autrefois. La principale fête orthodoxe est Pâques; les oeufs de Pâques décorés sont tenus pour une revanche sur le carême. La naissance du Christ est bien évidemment fêtée aussi, seulement, il n'y a pas de père Noël, ou plutôt, il porte un autre nom; c'est papa Gel, accompagné, non pas de Blanche Neige, mais de la Fille des Neiges, personnages inspirés des fêtes païennes slaves christianisées; le sapin de Noël tiendrait son origine d'une vieille croyance slave selon laquelle les âmes des morts se réfugieraient dans les arbres. Les clochettes sont sonnées pour éloigner l'esprit malin qui se glisse à couvert dans l'ombre de l'hiver. On se déchausse en entrant dans les maisons, où il y a toujours des chaussons qui attendent ceux qui arrivent; l'hiver et ses boues expliquent amplement cette coutume. On ne sert jamais la main d'un visiteur sur le pas de la porte, cela porte malheur, car le seuil protège contre les forces maléfiques du monde extérieur; on se salue donc soit dehors soit dans la maison. On ne pose pas une bouteille vide sur la table, mais par terre. Et comme chez nous, les vendredi 13, les chats noirs, les miroirs brisés tiennent leur place dans l'arsenal bien fournis des superstitions russes. S'embrasser n'est pas habituel entre personnes qui se connaissent peu. Enfin, on l'a déjà dit, l'alliance se porte en Russie à la main droite; l'absence d'une bague à l'annulaire gauche d'une charmante jeune femme russe ne signifie donc pas qu'elle est célibataire! 

Pour plus de détails sur Moscou, le Kremlin, la place Rouge et le monastère de Novodievitchi voir les notes du voyage de 2012

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