Carnet  de  route  d'un  voyage  sur la route de la soie
juin-juillet 2006
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Sommaire du Carnet de Route: 

01- Paris-Pékin 
02- Pékin (les hutongs, le Temple du Ciel, Place Tien An Mien, la Cité Interdite, le Palais d'Été, la Grande Muraille) 
03- Urumqi (la fabrique de tapis, le monument chinois, le musée, le bazar, le jade, le Lac Céleste, la yourte, les Kazakhs) 
04- Kashgar (le mausolée d'Abakh Hoja, le bazar, la mosquée Idkha, la vieille ville, les grottes des Trois Immortels, la campagne) 
05- Turfan (le musée, les karez, les vignes et leurs séchoirs, Jiaohe, Gaochang, les grottes de Bezeklik, la vallée des raisins, la mosquée Emin) 
06- Dunhuang (la Grande Muraille, les grottes de Mogao, les dunes chantantes, le Lac du Croissant de Lune et sa pagode) 
07- Lanzhou (Au bord du Fleuve Jaune, la mère, les roues élévatrices, les radeaux, Xuang Zang, le pont Sun Yat Sen) 
08- Labrang (Linxia, Hui, Xiahe, Labrang) 
09- Xi'an (le musée, les guerriers de terre cuite, les Pagodes de l'Oie Sauvage, la Grande Mosquée, le bazar, les tours de la cloche et du tambour) 
10- Shanghai (le Temple du Bouddha de Jade, le Jardin Yuyuan, Nantoa, la soie, la rue piétonne, le Bund, la croisière, à travers la ville) 

Vous pouvez lire les notes à la suite où vous rendre directement à la rubrique souhaitée en cliquant sur l'un des numéros soulignés ci-dessus. 

Une carte commentée des routes de la soie est ici

 
1 er jour: Paris-Pékin - (Les photos sont  ici ) 

Départ de Paris Charles-de-Gaulle en début d'après-midi.  Escale de près de 2 heures à Francfort (vol Lufthansa). Départ pour Pékin en fin d'après-midi. Survol de la Baltique: une côte rectiligne; comme le sort m'a placé à côté d'un hublot, j'aperçois ce qui ressemble à un port, puis une île sur laquelle je suis incapable de mettre un nom et enfin une cité plus importante, peut-être Saint-Petersbourg, mais je n'en mettrais pas ma main au feu. Je me souviens avoir survolé cette ancienne capitale des tsars au cours de mon retour d'Australie, voici un an; je l'avais alors parfaitement reconnue; un peu plus tôt, nous étions passé au dessus du lac Ladoga et longtemps avant sur les bosses de l'Oural recouvertes de neige. Cette fois-ci, je ne verrai pas ces montagnes: il fera nuit; j'en profiterai pour somnoler.  

A mon réveil, nous surplombons une chaîne de montagnes aux sommets aigus, quelque part vers la Sibérie, peut-être l'Altaï, les montagnes d'or, je dirais plutôt de cuivre, tant elles sont rougeâtres, à peine saupoudrées de neige. Leur succède une zone de steppe, trouée de quelques lacs, et marbrée de quelques rares champs isolés; la Mongolie? Peut-être. Puis de nouvelles montagnes s'étendent sous l'avion; d'abord dénudées, elles se recouvrent peu à peu de végétation; des rivières, des vallées habitées apparaissent; nous sommes désormais en Chine. Une vaste étendue d'eau s'étale dans une plaine en bordure des montagnes. Celles-ci franchies, la densité de la population augmente brusquement; nous approchons de Pékin; malgré ma visite de la grande muraille, qui court de sommet en sommet, il y a six ans, je n'imaginais pas que de si hautes montagnes étaient voisines de la capitale de Chine. Les bourgades avec des toits colorés: rouges, bleus, jaunes... sont de plus en plus nombreuses; les routes, qui les joignent, tracent les mailles d'un filet irrégulier sur le sol maintenant partout cultivé. Les petites maisons de la banlieue, des entrepôts, des usines... défilent sous nos ailes. Nous atterrissons à Pékin, dans un aéroport à l'image du pays, qui ne m'impressionne guère puisque je le connais déjà. 

Les bagages de soute récupérés et les formalités accomplies assez rapidement, je me dirige vers la sortie, l'oeil fureteur, à la recherche du guide. J'aperçois la pancarte haut levée par un jeune homme, de l'autre côté des barrières; je le rejoins; il m'apprend que notre guide, une jeune femme, a dû s'absenter un moment; il la remplace un instant; elle va revenir bientôt; la voilà. Peu à peu, les autres membres du groupe arrivent; nous devrions être sept: trois couples et moi, qui voyage en solitaire; il manque un couple: venant du midi de la France, il a raté sa correspondance et nous rejoindra par le prochain vol. Nous faisons connaissance, entre nous et avec notre guide. Puis nous partons en bus pour notre hôtel. 
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L'itinéraire du voyage à l'intérieur de la Chine
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2 ème jour: Pékin - (Les photos sont  ici ) 

Nous y voici. Nous serons en bonne compagnie: au rez-de-chaussée de l'hôtel une pâtisserie française offre ses gourmandises aux clients; et pas n'importe laquelle: "Paris Patisserie", pain, gâteaux, café, avec, en prime, une image stylisée de la Tour Eiffel au fronton de la devanture. Après avoir installé nos bagages, nous être rafraîchi et avoir pris un peu de repos, il est pratiquement l'heure d'aller déjeuner. Nous nous rendons en bus au restaurant situé à proximité de la Place Tien An Men, derrière le musée. Je retrouve le Pékin que j'ai vu il y a six ans: larges et longues avenues qui se coupent à angles droit, immeubles modernes, propreté des rues... Peut-être y a-t-il un peu plus de voitures, mais je n'en suis même pas certain. 

La capitale de la Chine, avec ses 9 millions d'habitants, est loin d'être la ville la plus peuplée du pays. Mais elle est sans doute la plus étendue: sa superficie égale la moitié des Pays-Bas. Aux environs de l'an mille, elle appartint à une peuplade de nomades du nord de la Chine, les Khitans, d'où est issu le nom de Cathay, ancien nom du pays, et aussi celui des Chinois en russe: Khithais; mais avant notre ère les Han occupaient déjà les terres des environs de Pékin. Ce sont les Ming qui donnèrent le nom de Beijing à leur capitale; les jésuites francisèrent ce nom en Pékin au 17ème siècle sans tenir compte d'un changement de prononciation introduit par la dynastie mandchoue: de son dur (k) le j devant le i était devenu un son doux (tç ou j); sous le Kuomintang, Pékin devint Peiping; la capitale retrouva son nom traditionnel après la victoire des communistes en 1949. 

Au restaurant, mes compagnons de voyage, dont c'est la première visite en Chine, se familiarisent avec la cuisine chinoise et surtout la manière de servir les plats. Ceux-ci sont disposés tous en même temps ou presque sur un plateau tournant, au milieu de la table; chacun prend ce qui lui convient, dans l'ordre où il le souhaite, en faisant tourner le plateau, de préférence lorsque personne d'autre ne se sert. La soupe arrive généralement à la fin, ce qui déconcerte quelque peu les barbares au long nez que nous sommes, au moins la première fois; c'est pour mieux faire passer tout le reste. Le repas est arrosé de bière ou de coca-cola à la convenance; le premier verre est gratuit, les autres payants. A peu de chose près, tous les repas se dérouleront selon ce cérémonial. 

Notre guide nous quitte pour aller quérir à l'aéroport, le couple retardataire qui nous rejoint avant la fin du repas. Celui-ci achevé, nous quittons l'immense salle où nous venons de nous restaurer en jetant un dernier coup d'oeil aux décorations qui agrémentent son décor; le rouge y domine, comme sur le drapeau chinois; c'est la couleur du bonheur. 

Le bus nous emmène au nord de la Cité Interdite pour effectuer une ballade en cyclo-pousse dans les "hutongs", c'est-à-dire les ruelles de la vieille ville. Je m'en promets beaucoup car c'est une des attractions dont je n'ai pas bénéficié lors de ma précédente visite.  

Comme on voyage par couple et que je suis seul, je m'installe à côté de notre guide. Chemin faisant, nous devons nous arrêter devant la Tour du Tambour, la Tour de la Cloche, qui sonnaient jadis les heures de la cité murée, et le Palais Wang Fu, résidence princière restée intacte jusqu'à nos jours. C'est du moins ce qu'annonçait le programme qui nous a été remis. En fait, nous passerons devant ces édifices, mais nous ne nous y arrêterons pas. En revanche, nous pénétrerons dans un intérieur de ce vieux quartier. Nous y serons reçu cordialement par un couple âgé qui vit dans une pièce unique, relativement grande, laquelle sert à la fois de cuisine, de salle à manger et de chambre à coucher; l'ensemble ouvre sur une courette agrémentée d'un petit jardin; le tout est rustique, mais propre; les murs sont décorés de photos de famille et de tableaux où l'on reconnaît des images pieuses; nos hôtes sont chrétiens; un détail caractéristique attire notre attention: il s'agit d'une cage d'osier, de la taille de celle où l'on enferme chez nous les oiseaux; elle contient un soi-disant grillon de la corpulence et de l'aspect d'une cigale; on nous offre des pâtisseries et des fruits accompagnés de thé tandis que l'on répond à nos questions qui ne seront pas trop indiscrètes. Renseignements pris auprès du guide, ce logement est typique de celui des familles modestes de Pékin, qu'elles habitent dans les vieux quartiers ou dans des immeubles neufs. On est loin du luxe et de la richesse. J'imagine que les "Mingong", ces campagnards qui affluent de la campagnes vers les villes, pour y chercher fortune, en accomplissant des tâches harassantes, pour des salaires de misère, sont encore moins bien lotis; non pourvus, pour la plupart, de titres de séjour en ville, ils ne bénéficient pas des protections sociales qui y sont attachées et peuvent être renvoyés chez eux du jour au lendemain; on estime cependant qu'ils assurent près de 40% des revenus ruraux; ce sont, en quelque sorte, des travailleurs immigrés internes. Ces réflexions me ramènent à l'époque où, voici une cinquantaine d'années, débarqué seul à Paris de ma province natale, avec les 250 francs de mon salaire mensuel, je ne pouvais pas manger tous les jours à ma faim et devais me contenter d'une chambre de moins de 10 m2, sous les toits, pourvue, pour tout confort, d'un broc et d'une cuvette. 

Au cours de notre périple, nous avons le loisir d'observer la vie quasi campagnarde de ces quartiers hors du temps où les gens vaquent tranquillement à leurs occupations ou bavardent sur le pas de leur porte. Dans ces petites maisons, dont certaines sont maintenant transformées en musées, vécurent des personnages célèbres, comme l'épouse du docteur Sun Yat Sen, fondateur de la République chinoise, et les écrivains Lao She (1899-1966) et Guo Moruo (1892-1978). Nous passons le long d'un canal derrière lequel il me semble reconnaître les murs de la Cité Interdite. A part cela, le trajet est quelque peu décevant. Je n'ai pas vu grand chose de plus que ce que je connaissais déjà et le vieux Pékin n'a pas beaucoup changé, semble-t-il, ces six dernières années. Sans doute certaines demeures anciennes sont-elles tombées sous la pioche des démolisseurs; avec la proximité des jeux olympiques de 2008, ces destructions ne peuvent que s'accentuer; on peut le regretter car ce que gagnera la ville en modernité, elle le perdra en pittoresque. Mais n'est-ce pas ce qui se passe aussi chez nous? Pour ma part, je reconnais avec peine le petit village d'Auvergne où je suis né devenu aujourd'hui une cité dortoirs. Je n'aurai ni le culot, ni la mauvaise foi de reprocher aux Chinois de suivre l'exemple que nous leur avons donné. 

La journée se termine par la visite du Temple du Ciel dont les bâtiments, construits sous les Ming, furent restaurés sous les Qing (dynastie mandchoue). Il y a six ans, nous avions abordé le complexe par une longue et imposante esplanade, qui m'avait beaucoup impressionné, pour terminer par une galerie située de l'autre côté, à gauche du Pavillon des Prières pour de Bonnes Récoltes. Cette fois-ci, nous commençons par la galerie. J'y retrouve la même ambiance, même s'il me semble que la foule est moins fournie. Joueurs de cartes et musiciens s'y livrent à leurs activités favorites, comme il y a six ans; un couple y danse le tango! 

La Porte du Ciel franchie, nous nous trouvons devant le Pavillon des Prières pour de Bonnes Récoltes. Construit en 1420, sous la 18ème année du règne de l'empereur Ming Yongle, le bâtiment originel, de forme rectangulaire, utilisé pour les cultes du ciel et de la terre, fut d'abord nommé le Grand Pavillon pour les Sacrifices Rituels. En 1545, pendant le règne de l'empereur Ming Jiajing, il fut rebâtit sous la forme d'une rotonde coiffée d'un toit à trois avancées couvert de tuiles vernissées bleues, jaunes et vertes qui symbolisaient le ciel, la terre et le monde mortel (la forme circulaire, le chiffre trois et la couleur bleue évoquent le ciel); il fut alors renommé Grand Pavillon des Offrandes Sacrificielles. Reconstruit une fois de plus en 1751, à l'époque du règne de l'empereur Qing (mandchou) Qianlong, il fut surmonté d'un triple toit de tuiles vernissées, uniformément bleues, que l'on orna, à son sommet, d'une sphère dorée; il fut alors réservé aux prières de janvier pour l'obtention de bonnes récoltes et reçut son nom définitif. Cet édifice mesure 38,2 m en hauteur et 24,2 m de diamètre; ses étages supérieurs reposent sur d'immenses piliers qui symbolisent les quatre saisons, les douze mois de l'année, les douze divisions du jour et de la nuit ainsi que les constellations. Il est l'unique exemple existant du style architectural Ming Tang. Une remarque: il est fréquent que les bâtiments portent successivement plusieurs noms; en effet, lorsqu'ils sont détruit par un incendie, on les rebaptise, une fois reconstruits, afin qu'ils perdent le nom qui leur a porté malheur! 
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Le Temple du Ciel vu de la Terrasse Céleste (en l'an 2000)
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Là se bornera notre visite. Nous ne verrons ni le Mur de l'Écho, où les chuchotements se propagent et s'entendent à distance, ni la Terrasse Céleste de marbre blanc où les empereurs priaient en plein air, ni le Pavillon de la Voûte Céleste où ils revêtaient leurs habits de cérémonie religieuse. Tous ces édifices sont en cours de restauration; des échafaudages disgracieux les entourent; jeux olympiques obligent! Pour moi, le désappointement n'est pas très grand car je les ai déjà vus; quant à mes compagnons de voyage, ils ne savent pas ce qu'ils perdent et c'est dommage. Pour visiter convenablement Pékin, il est préférable d'attendre que les festivités olympiques aient eu lieu. Cet événement mémorable a entraîné l'élaboration de 142 projets urbains; une réplique du stade de France sera inaugurée en 2007; dix nouvelles lignes de métro seront ouvertes; trois lignes de trains de banlieue s'ajouteront à celles qui existent déjà; on ne peut donc pas s'étonner que les touristes rencontrent quelques difficultés, mais tout sera bien entendu achevé d'ici deux ans. 

Je note la présence d'une kyrielle de récipients de métal ajouré, probablement des brûle-encens, alignés de manière parfaitement rectiligne, le long d'une terrasse. Il me semble que les cours sont mieux entretenues que lors de ma précédente visite: on ne voit plus d'herbe entre les pavés. Nous contournons les bâtiments inaccessibles ce qui nous donne l'occasion de traverser des jardins boisés de beaux arbres centenaires au tronc noueux et torturé. C'est une manière de compensation. Abordé par la galerie, comme nous venons de le faire, la visite du Temple du Ciel présente à mon avis moins d'intérêt que dans l'autre sens. Le caractère monumental de l'ensemble et ses dimensions colossales ressortent beaucoup moins bien. Je me contente de ce que nous avons vu en me disant que, de toute manière, compte tenu du temps imparti, il eût été illusoire d'espérer effectuer la visite complète, sauf à l'accomplir au pas de course. 

Comme nous passons devant une banque avec un distributeur à l'extérieur, donc accessible, j'en profite pour essayer de retirer un peu d'argent. Notre guide m'accompagne pour m'assister dans cette délicate opération; mais, des deux langues disponibles sur l'écran, je ne comprends que l'anglais et elle n'entend que le chinois; conséquence, nous passons sans cesse de l'écran chinois à l'écran anglais et finissons par nous embrouiller; au bout de trois essais nous parvenons tout de même à nos fins et je repars avec 2000 yuans de plus en poche, c'est-à-dire 200 euros. Dans les grandes villes chinoises, il est possible de retirer ainsi de l'argent dans les distributeurs; mais ceux-ci ne sont pas légion et, par souci de sécurité, ils sont parfois situés, comme chez nous, dans un local fermé que nos cartes ne parviennent pas toujours à ouvrir. Il est aussi possible d'obtenir de l'argent au guichet des banques, lorsque ces dernières sont ouvertes; les temps d'attente peuvent être assez long suivant l'affluence et la diligence des employés qui ne font pas toujours preuve d'un zèle excessif.  

Au menu du dîner, l'incontournable canard laqué, servi dans une grande salle vide; une table a été dressée pour nous seuls dans un de ses coins; l'animal est rôti empli d'eau pour obtenir une peau croustillante et une chair moelleuse; c'est bon, mais j'ai préféré l'atmosphère plus intime du Canard Doré, place Tien An Men, où j'ai naguère apprécié cette succulente spécialité culinaire pékinoise. 

En soirée, sur la proposition de notre guide, nous avons décidé d'assister à une représentation de Kungfu. Comme elle n'est pas prévu au programme, nous devons la payer nous-mêmes. Nous ne le regretterons pas. Voici l'argument du spectacle. Dans un ancien temple, arrive un enfant; à travers la pratique du Kungfu et du Zen, il va devenir un maître et atteindre le but sacré de l'illumination. La première scène décrit l'arrivée du moine au temple et son initiation aux règles monacales; on lui donne le nom de Chun Yi (le pur). La seconde scène nous montre le petit moine étudiant ferme le Zen et le Kungfu; les années passent et il devient un homme. Dans la troisième scène, Chun Yi, à force de travail, est devenu dur comme du fer et il est à même d'accomplir des exploits. La quatrième scène remet hélas en cause les développement précédents; Chun Yi se laisse séduire par une splendide créature fruit de son imagination; il devient incapable de poursuivre son chemin sur la voie de l'illumination. La cinquième scène est encore plus désolante; notre moine, abandonne les pratiques bouddhiste; il est saisi d'un profond remords. Dans la sixième scène, pourtant, Chun Yi se ressaisit; il franchit la porte du temple, rituel glorieux de l'accomplissement; son apprentissage est maintenant terminé et il est devenu un moine guerrier capable de briser des barres de fer du tranchant de la main. La septième scène est celle de l'épilogue; le vieux maître se retire et nomme notre héros comme successeur; Chun Yi devient l'abbé du monastère. 
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Le spectacle de Kungfu
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Le spectacle, mélange virevoltant de religion, d'acrobatie, de force physique et de rêverie mystique ne laisse jamais le spectateur en repos. Une fois le rideau baissé, les artistes viennent poser devant les spectateurs pour les photos interdites au cours de leur exhibition. Dans un récipient sont présentés des morceaux de fer brisé preuve que ce que nous avons vu n'était pas de la frime. J'en emporte un comme souvenir. 
 

3 ème jour: Pékin (suite) - (Les photos sont  ici ) 

Le lendemain matin, mon déjeuner pris, comme je me suis levé de bonne heure, je flâne dans l'hôtel; les boutiques et le centre des affaires sont encore fermés; je me rabats sur le jardin chinois qui jouxte l'accueil: pavillon façon pagode, lampions rouges, bassin d'eau verdâtre, rocaille... Mes valises prêtes, je jette un coup d'oeil par la fenêtre de ma chambre: immeubles modernes derrière un écran de verdure et cheminée d'usine, toits bleus. Puis je me rends au centre des affaires essayer de lire et traiter les nombreux messages qui doivent m'attendre dans ma boîte aux lettres électroniques; cette fois, à la différence des déboires essuyés deux ans plus tôt au Yunnan, tout se déroule parfaitement; je n'éprouve aucune difficulté à me connecter, l'accès est rapide et, en moins d'une demi heure, pour une dépense raisonnable, j'ai achevé mon travail; visiblement la Chine est désormais passée au haut débit; à Pékin oui, me direz-vous, mais ailleurs? Et bien j'aurais la surprise de vérifier qu'il en va de même jusqu'au fond du Sinkiang. 
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La Place Tien An Men sans échafaudages en l'an 2000
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Nous nous rendons d'abord Place Tien An Men où, là aussi, plusieurs monuments sont engoncés dans de tristes échafaudages; les travaux préparatoires aux jeux olympiques battent leur plein. La place, autrefois interdite au commun des mortels, a été ouverte au peuple au lendemain de la révolution; un million de personnes peuvent s'y rassembler. La foule fait la queue devant le mausolée de Mao; c'est une surprise pour moi car, lors de ma précédente visite, il n'y avait personne. Je me demande si le culte de cette icône de la révolution, après une éclipse de quelques années, n'est pas en train de retrouver son second souffle. N'ai-je pas lu, juste avant mon voyage, que des Chinois de la diaspora, en Nouvelle Zélande, se sont indignés des propos tenus, dans la presse de leur pays d'adoption, contre le grand timonier; ils y voyaient une atteinte à la dignité de leur mère patrie! Pour en avoir le coeur net, je demande l'avis de notre guide; elle me répond que son admiration pour l'ancien président, bien que réelle, n'est pas sans limite; mais ces parents l'adulent. Tant de dévotion pour un personnage si critiqué chez nous à de quoi surprendre. Il faut pourtant se souvenir que Mao est le fondateur de la Chine moderne; avant lui, ce pays était soumis aux agressions des puissances occidentales et du Japon; il était en proie à des dissensions internes et aux déprédations des seigneurs de la guerre. Aujourd'hui, il faudrait être dément pour penser que la politique de la canonnière aurait encore la moindre chance de lui en imposer; ceux qui ne comprennent pas que l'humiliation est le principal moteur de l'histoire contemporaine ne peuvent rien entendre à ce qui se passe autour d'eux. Mao ne fut pas seulement communiste, c'était aussi un fervent nationaliste; comme l'empereur Qin Shi Huan Di, toujours vénéré après plus de 2000 ans, il a réussi le tour de force de réunifier la Chine et c'est probablement ce qui fait sa force et légitime l'engouement de tant de ses compatriotes. Figure contrastée, Mao fut l'homme de grands bouleversements, certes, mais aussi le dernier des dirigeants traditionnels; lettré, comme l'étaient les mandarins, ses successeurs sont maintenant des hommes d'affaires; une seconde révolution a eu lieu. 

Les sculptures monumentales de style soviétique à la gloire de la révolution sont toujours là. Des soldats passent au pas cadencé. De chaque côté de la place, je revois, à gauche, l'équivalent chinois de notre chambre des députés et, à droite, le musée qui, si ma mémoire est bonne, n'était pas achevé en l'an 2000, à moins qu'il n'ait été alors en travaux; entre les deux, l'obélisque érigé en l'honneur des héros de la révolution, lui aussi emmailloté. Le drapeau rouge frappé des cinq étoiles, une grande et quatre petites, flotte en haut de son mat; nous n'assisterons pas à la cérémonie du changement des couleurs, très prisée des Chinois; elle a lieu le soir et nous ne serons plus là. La dimension de la place et l'aspect imposant des bâtiments qui y figurent ne sont nullement en rupture avec le passé; il s'inscrivent au contraire dans le droit fil de la tradition; la Chine aime depuis toujours ce qui est immense: la Grande Muraille, la Cité Interdite, les Tombeaux des Ming en témoignent et nous aurons l'occasion de vérifier, au cours de notre voyage, que ce goût perdure. Nous approchons de la porte de la Cité Interdite surmontée de la photo du grand timonier. J'en profite pour le photographier, en arrière plan d'un lion chinois. 
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Pékin (image satellite): les lacs, la Place Tien Am Men, la Cité Interdite, la Colline du Charbon...
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Nous pénétrons dans l'ancien domaine réservé des empereurs chinois, isolé de la ville par de hautes murailles, en passant par une entrée diamétralement opposée à celle que j'avais prise lors de ma première visite. Koubilaï khan, un Mongol, fut le premier empereur à choisir Pékin pour capitale. Mais la Cité Interdite ne vit le jour que beaucoup plus tard, sous les Ming. Les souverains chinois y résidèrent pendant près de sept siècles. Elle renferme des bâtiments administratifs et des palais. L'ensemble compte 800 bâtiments, avec 9000 pièces, sur 720000 m2; il est trop vaste pour être visité en entier. Nous n'en verrons donc qu'une partie. 

Cette ville dans la ville a été conçue selon un plan rigoureux qui respecte les règles des palais chinois; elle s'adosse au nord, direction de l'étoile polaire, et s'ouvre sur le sud; l'étoile polaire, assimilée au souverain, est supposée représenter l'axe et le pivot du monde; sa couleur pourpre explique la couleur dominante des murs de la Cité qualifiée parfois de Cité Pourpre; l'agencement des différentes zones correspond à un plan rigoureux; au sud le pôle cosmique de l'univers, où se rendent les cultes les plus importants, ceux du ciel et de l'agriculture; au nord, en symétrie avec le ciel cosmique, le Temple de la Terre; de part et d'autre du palais, à l'est et à l'ouest, l'Autel des Ancêtres et celui des Récoltes, doublés par le Temple de la Lune et celui du Soleil. 

Dans la première cour, des militaires se livrent à des exercices qui nous rappellent le spectacle de Kungfu de la veille. Un peu plus loin, mon regard est attiré par un détail dont je ne me souvenais pas ou qui m'avait échappé la fois précédente: l'angle des toits est décoré de petits animaux qui sont invariablement au nombre de neuf, chiffre de l'empereur. D'une terrasse, nous bénéficions d'une vue panoramique sur une large partie des toits de la Cité; nous pouvons ainsi prendre la mesure de son étendue. Chemin faisant, je retrouve des souvenirs: les nombreux récipients de bronze parfois dorés qui étaient emplis d'eau pour lutter contre les incendies qui exercèrent plusieurs fois leur ravage dans ces constructions où le bois dominait; à leur base, un foyer était aménagé pour les chauffer l'hiver afin que le liquide qu'ils contenaient ne gelât pas. L'escalier qui conduit à l'intérieur des bâtiments est généralement flanqué de deux lions chinois assis sur leur arrière train: un mâle dont le pied de devant gauche repose sur un globe, une femelle dont le même pied repose sur un lionceau couché sur le dos; ces lions, inspirés de la statuaire perse sont parfois dorés. L'escalier comporte trois travées; la travée centrale, ornée de dragons sculptés, était réservée à l'empereur, fils du ciel et maître du temps, qui la parcourait dans son palanquin; les deux autres travées étaient empruntées par les personnes de la cour. Nous cherchons en vain du regard le bâtiment devant lequel furent tournés des épisodes du film Le Dernier Empereur; je l'avais repéré la première fois; cette fois, je ne le retrouve plus; il est vrai que là aussi des travaux sont en cours. 
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La Cité Interdite en l'an 2000
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Ces travaux ne nous empêcheront pas de voir le Pavillon de l'Harmonie Préservée. Construit d'abord en 1420, sous les Ming, ce pavillon fut détruit par le feu et reconstruit plusieurs fois. Ses poutres et ses colonnes originelles subsistent toutefois encore. Au début de la dynastie des Ming, il fut nommé le Pavillon du Comportement Scrupuleux. En 1562, sous les Qing (Mandchou), il fut rebaptisé Pavillon du Peuple Souverain puis Pavillon de l'Harmonie Préservée, en 1645. Ce pavillon compte neuf travées de large et quatre travées de profondeur, avec un toit à pignon et des avancées en saillie sculptées. Il s'étend sur 1240 m2. Pour le construire on utilisa une méthode spéciale: l'omission de six piliers à l'avant donne une impression d'espace. Au dessus du trône, au centre du pavillon, un tableau portant une inscription de l'empereur Qianlong est suspendu. Sous les Ming, l'empereur changeait de vêtements dans ce pavillon avant une cérémonie importante. Sous les Qing (Mandchou), l'empereur y banquetait en compagnie des princes, des ducs, des ministres et des représentants des minorités ethniques la veille du nouvel an lunaire et du festival des lanternes. Au début du règne des Qing, avant la rénovation des trois pavillons de l'arrière, les empereurs Shunzhi, Kangxi et Qing Ning Gong y vécurent et l'appelèrent Palais des Endroits Appropriés et de la Culture des Choses pour ce qui concerne les deux premiers, puis Palais de la Paix et de la Tranquillité pour le dernier. La cérémonie nuptiale de l'empereur Shunshi s'y déroula. En 1789, l'empereur régnant y supervisa l'examen final de sélection des fonctionnaires pour toute la Chine. Le nom actuel du pavillon est inspiré du Livre des Changements et signifie le maintien de l'harmonie entre toutes les choses de la terre afin d'obtenir une longue période de paix et de stabilité. 

Au delà des murailles s'élève une colline verdoyante. Il me semble y reconnaître des constructions de style tibétain. Notre guide me confirme que je ne me suis pas trompé.  

Plus loin se dresse la Porte de la Pureté Céleste. Également édifiée en 1420, sous les Ming, cet édifice fut ensuite détruit par le feu. Il fut reconstruit en 1655, sous les Qing (Mandchou). Cette porte, destinée à permettre l'accès à la cour intérieure, compte cinq travées de large et trois travées de profondeur. Son toit comporte une avancée unique en surplomb; il est couvert de tuiles vernissées jaunes. Le bâtiment s'élève, sur une assise de 1,5 m en marbre blanc, jusqu'à une hauteur de 16 m. De chaque côté de la porte se trouvent des panneaux vernissés en forme d'un caractère chinois évoquant vaguement un V renversé. Sous les Qing, l'empereur écoutait ici les rapports qui lui étaient lus par ses fonctionnaires. Cet édifice était couramment utilisé pour traiter les affaires de l'État; pourtant, après l'accession au trône de l'empereur Xianfeng, cet usage tomba en désuétude. 

Le Palais de la Pureté Céleste fut construit à la même date, toujours sous les Ming. Il fut rebâti en 1798, sous les Qing. Sous ces deux dynasties, les empereurs vécurent et traitèrent ici les affaires politiques. Après son accession au trône,  l'empereur Yongzheng habita toutefois le Pavillon de la Culture Morale mais les cérémonies officielles et la réception des ambassadeurs étrangers continuèrent de se tenir dans le Palais. Sous les Qing, le cercueil de l'empereur y était exposé comme une preuve de son passage paisible dans un autre monde; ensuite, le cercueil était porté jusqu'au Pavillon pour l'Observance de la Vertu Militaire situé dans le parc de la Colline du Point de Vue; la cérémonie funèbre s'achevait enfin par l'inhumation du corps de l'empereur défunt dans le mausolée impérial. La boîte de "l'Héritier Présomptif", un système secrètement élaboré par l'empereur Yongzheng, était placée derrière un tableau portant une inscription appropriée. Le nom de son successeur, écrit par l'empereur défunt lui-même, était conservé dans cette boîte. Les empereurs et les impératrices vécurent dans le Palais de la Pureté Céleste et dans le Pavillon de la Tranquillité Terrestre. D'après le Livres des Changement les noms de ces édifices se réfèrent au ciel et à la terre. La Porte de l'Excellence Solaire et la Porte de la Gloire Lunaire flanquent ces deux édifices afin de rappeler que le ciel et la terre tiennent leur éclat du soleil et de la lune et que le monde entier et ouvert et pacifique. 

Nous passons ensuite dans le Jardin Impérial. Ce jardin, aménagé lui aussi en 1420, sous les Ming, fut légèrement rénové sous les Qing (Mandchou). La plupart des bâtiments du jardin furent construits sous les empereurs Ming Jiajing et Wanli. Sous les Ming, le jardin était connu sous l'appellation de Jardin Derrière le Palais; il prit son nom définitif sous les Qing. Ce jardin mesure 130 m de l'est à l'ouest et 90 m du nord au sud; il couvre une superficie d'environ 12000 m2. On y rencontre des arbres comptant plusieurs centaines d'années, notamment des pins, et les glycines chinoises y prospèrent. Des rocailles exotiques y sont dispersées ça et là en plus de divers paysages artificiels reconstitués dans le goût chinois. Plus de 20 pavillons et tours de styles variés s'élèvent symétriquement à l'est et à l'ouest de l'axe central. Les chemins, à l'intérieur du jardin, sont méticuleusement pavés de cailloux colorés formant plus de 900 motifs. Les empereurs, les impératrices et les concubines impériales appréciaient beaucoup ce lieu et aimaient venir s'y distraire. Sous les Qing, on y choisissait les filles destinées au harem impérial. 

Ici s'achève notre visite de la Cité Impériale. Elle fut beaucoup plus brève que celle que j'eus la chance d'effectuer quelques années plus tôt. En particulier, les résidences des concubines ont été purement et simplement escamotées. Les contraintes horaires n'auraient pas permis de nous y rendre. 

Le programme prévoit ensuite l'ascension de la Colline du Charbon d'où l'on jouit d'une vue magnifique sur Pékin et la Cité Interdite. Nous n'irons pas plus loin que le pied de la pente, là où un empereur malheureux mit fin à ses jours. En 1644, l'armée insurrectionnelle paysanne de Li Zicheng entra à Pékin. Le dernier empereur Ming, Chongzhen, s'enfuit précipitamment de la Cité Interdite. Parvenu à la Colline du Charbon, il rédigea son testament et, conscient que ses meilleurs jours étaient derrière lui, il se pendit en présence d'un eunuque de la cour impériale Wang Cheng'en. Des détails quelques peu différents sur cet événement se trouvent dans les "Notes de Sanyuan" et les "Notes de l'année 1644"; l'espèce de l'arbre qui prêta une de ses branches à la pendaison est controversée: s'agit-il d'un pin, comme le prétendent les "Notes de l'année 1644" ou d'une variété de sophorier (arbre de l'écolier chinois), comme l'affirme la pancarte qui rappelle l'événement? Je n'ai pas de réponse à cette question d'un intérêt historique évident. 

Il est temps d'aller déjeuner. A la sortie, nous visitons un magasin de perles de culture. Une charmante hôtesse, après avoir testé notre ignorance, nous montre preuve à l'appui, en ouvrant une huître sous nos yeux, que chaque huître perlière peut produire plus d'une dizaine de perles; pour récompenser notre attention, elle nous en donne à chacun une; ensuite, passage obligé à la boutique. Cet intermède commerciale achevé, nous nous dirigerons vers le Palais d'Été. 

Le paysage du Palais d'Été, dominé par la Colline de la Longévité, s'étend en bordure du lac Kunming (lac de l'éternel printemps), un plan d'eau romantique artificiel, dont les déblais ont servi à construire la colline qui le surplombe. Ce paysage s'étend sur une superficie de 2,9 km2 dont les 3/4 sont couverts par les eaux du lac. Sur les 70000 m2 de surface construite se trouvent de nombreux palais et jardins de styles anciens variés; une impressionnante collection d'objets divers, dont la valeur est inestimable, s'y offre à la curiosité des visiteurs; justement renommé, ce lieu, placé sous la protection de l'État, est l'un des témoignages les plus saisissants de la grandeur de l'histoire et de la culture chinoise. Malheureusement, là encore, des travaux de restauration et le temps se conjugueront pour écourter notre visite; nous n'aurons qu'un faible aperçu de cet ensemble imposant que j'ai parcouru plus en détail lors de ma première visite. 

Le Palais d'Été, d'abord nommé Jardin des Clapotis Clairs, fut construit en 1750. Les forces franco-britanniques le détruisirent en 1860. Le gouvernement des Qing (Mandchou) (1644-1911) le reconstruisit à partir de 1886 en utilisant des fonds soustraits à la marine impériale et à d'autres lignes budgétaires où leur défaut se fit cruellement sentir. Deux ans plus tard, il fut rebaptisé Jardin de la Santé et de l'Harmonie. Il servit de lieu de retraite estivale pour l'impératrice douairière Cixi (Tseu Hi). En 1900, il fut à nouveau ravagé par les forces des huit puissances alliées, lors de leur invasion de la Chine. Les dommages causé furent réparés en 1902. Depuis la fondation de la République Populaire de Chine, le Palais d'Été a fait l'objet de plusieurs rénovations substantielles. Ses édifices les plus visités: les Quatre Grandes Régions, la Rue Suzhou, le Pavillon de la Scène Brillante, le Pavillon de la Sérénité et les Galeries Wenchang ont notamment été restaurés. 
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La Grande Galerie en l'an 2000
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Le Palais d'Été est de facture chinoise tant en ce qui concerne le dessin des jardins que l'architecture des bâtiments. Incorporant les scènes des paysage naturels qui l'entourent, il symbolise non seulement la grandeur de l'empire mais aussi la beauté de la nature en une combinaison qui illustre parfaitement le principe conceptuel des jardins chinois: l'ouvrage des hommes doit s'harmoniser avec celui du ciel. En décembre 1998, l'UNESCO inscrivit le Palais d'Été sur la liste des monuments faisant partie de l'héritage mondial avec les commentaires suivants: en premier lieu, le Palais d'Été constitue une éminente expression de la créativité artistique des concepteurs de jardins à la chinoise, lesquels incorporent des éléments naturels avec ceux qui sont issus du travail humain en un tout harmonieux; en second lieu, le Jardin d'Été résume la philosophie et la pratique de la conception des jardins chinois qui joua un rôle primordial dans la diffusion de cette forme de culture à travers l'Asie; en troisième lieu, le jardin impérial chinois, illustrés par le Jardin d'Été, est un symbole majeur de l'une des principales civilisations du globe.  

L'entrée est placé sous la protection des deux inévitables lions chinois; ils sont ici monumentaux, juchés sur des piédestaux en rapport avec leur dimension.  

Nous passons devant la Pierre du Dieu de la Longévité. Cette pierre fut apportée du Jardin Morgan, aujourd'hui situé sur le campus de l'Université de Pékin, lorsque le Palais d'Été fut reconstruit en 1885. La forme de cette pierre évoque celle du dieu de la Longévité, d'où son nom. Les jeunes Chinois aiment se faire photographier devant. 

Le Pavillon de la Bienveillance et de la Longévité fut construit sous le règne de l'empereur Qing (Mandchou) Qianlong, en 1750. Cet édifice fut appelé le Pavillon du Gouvernement Industrieux lorsque le Palais d'Été dans son ensemble prit le nom de Jardin des Clapotis Clairs. Il fut reconstruit sous le règne de l'empereur Guangxu, en 1886, après avoir été brûlé par les envahisseurs franco-britanniques en 1860. Il fut ensuite rebaptisé à partir d'une citation de Confucius selon lequel la bienveillance est source de longévité. L'impératrice douairière Cixi (Tseu Hi) et l'empereur Guangxu y traitèrent les affaires de l'État et y reçurent les hommages des ambassadeurs étrangers durant leur séjour sur les lieux. Il fut donc le principal bâtiment gouvernemental du Palais d'Été. Devant lui se dressent plusieurs animaux de bronze: une chimère, une grue, symbole de longévité, un dragon, symbole de la puissance impériale.  

L'empereur Guagxu prenait ses quartiers d'été dans le Pavillon des Vaguelettes de Jade. Il y lisait les placets qui lui étaient soumis et traitaient les affaires de l'état dans la pièce centrale qui avait été meublée avec un trône, un bureau de santal rouge, des glaces, des décors peints représentant des paysages et des éventails de plumes vertes émeraude qui symbolisaient le pouvoir impérial. Le 16 septembre 1898, l'empereur Guangxu y reçut en audience secrète le général Yuan Shikai, qui commandait alors un régiment impérial, dans l'espoir qu'il soutiendrait les réformes qu'il s'apprêtait à promouvoir. La pièce du nord-ouest servait de chambre à coucher à l'empereur. Devant cet édifices se trouvent plusieurs statues de bronze dans lesquelles on reconnaît des cerfs et des grues.  

Je remarque un portique vivement coloré qui masque en partie le lac. Du bord de celui-ci, on aperçoit au loin une île, rattachée à la terre ferme par un pont de marbre en dos d'âne comptant dix sept arches ainsi que divers édifices en réparation au flanc de la colline boisée, notamment la Pagode des Parfums. Nous contournons la monumentale Jonque de Marbre, une folie impériale, qui paraît flotter sur l'eau du lac; à ses côtés flottent des barques à moteur modernes, pas plus grosses que des poussins auprès d'une mère poule. La visite est terminée. 

Nous n'avons fait que longer la magnifique galerie couverte qui est interdite pour cause de réparation. C'est dommage car je m'en souviens comme d'un des meilleurs moments de mon passage précédent. Cette galerie, longue de 728 mètres, est aussi appelée La Galerie des Mille-Marches. Elle suit la rive nord du lac et conduit à Paiyun Dian (Palais des Nuages Ordonnés), où Cixi (Tseu Hi) aimaient organiser de grandes fêtes pour son anniversaire. Elle est décorée de 1400 scènes colorées, peintes sur bois, qui représentent des paysages connus du sud de la région du Yangzi, des événements historiques marquants et des personnalités célèbres.  

Nous n'avons pas non plus visité un pavillon transformé en une sorte de musée où je me souviens avoir photographié un portrait de l'impératrice douairière Cixi (Tseu Hi). 
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Tseu Hi au Palais d'Été en l'an 2000
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Nous partons maintenant pour Ju-Yon-Guan, auprès de la Grande Muraille, où nous allons passer la nuit. Nouvelle halte, cette fois dans un magasin de thé. Des explications nous sont fournies concernant les différentes sortes de thé proposées et leur propriétés médicinales; nous faisons connaissance aussi avec un petit bonhomme appelé "pee-pee boy", ou "pipi" si vous voulez; ce bambin de terre cuite, qui rappelle en plus petit le Manneken-Pis, doit être conservé au frais dans de l'eau froide; il urine comme un homme lorsqu'on lui verse de l'eau chaude sur la tête; ce serait un moyen de vérifier que l'eau du thé est à la bonne température; mais je ne m'y fierais pas trop. Ces explications sont suivies d'une dégustation des diverses variétés de thé qui sont excellentes. J'achèterai deux boîtes avec quelques tasses de porcelaine et je recevrai en cadeau un "pee-pee boy". Je ne serai pas le seul à dépenser ici quelques yuans bien employés. 

Nous nous arrêtons pour dîner. A l'entrée du restaurant, de gros poissons inconnus vont et viennent dans un aquarium; peut-être seront-ils au menu, baignant dans une de ces sauces rougeâtres, à la fois amères et sucrées, dont les cuisiniers chinois ont le secret et que je n'apprécie que médiocrement. En plus du verre de bière habituel, notre repas est accompagné d'un alcool de riz; comme la bouteille n'est pas finie, notre guide m'invite à l'emporter, ce que je fais; ce doit être une spécialité locale car je me souviens que, lors de ma visite précédente, nous avions eu droit au même alcool. 

Nous arrivons à la Grande Muraille; notre programme prévoyait un coucher du soleil sur les lieux; je m'en promettais beaucoup, étant venu là en matinée la première fois. Hélas, nous arrivons trop tard; la nuit est tombée; la dernière visite a déjà eu lieu. Il faut nous contenter d'une vision lointaine des fortifications éclairées qui courent le long des pentes de la montagne. Mais nous avons tout de même droit à un spectacle inédit; il s'agit d'une construction arachnéenne, fruit de l'imagination d'un artiste Italien, supposée, je pense, représenter un palais oriental, qui couvre d'une lumière de gloire des reproductions de statues inspirées de celles que l'on verra à Xi'an; ce palais féerique, probablement construit pour les futurs jeux olympiques, ouvrira, nous dit-on, ses portes sous huit jours. Nous allons jusqu'à l'hôtel, un complexe de plusieurs bâtiments plus ou moins enchevêtrés; il nous faudra gagner nos chambres, d'ailleurs spacieuses et confortables, à travers un interminable dédale de couloirs et de passages où il est facile de se perdre. 
 

4ème jour: La Grande Muraille - (Les photos sont  ici ) 

Levé de bonne heure le matin suivant, je me livre à une petite excursion apéritive autour de l'hôtel en attendant le petit déjeuner. Je photographie l'imposante forteresse qui barre la vallée et j'examine de plus près la construction italienne à la lumière du jour; cette architecture filiforme a quelque chose d'irréelle; franchement, je ne la trouve pas à sa place dans un endroit qui mériterait d'être mieux protégé des invasions d'une pseudo-modernité qui ne lui apportent rien. L'heure de se restaurer venue, je m'approche de l'endroit qui nous a été indiqué la veille et m'insère dans une file d'attente exclusivement composée d'Asiatiques; j'entre avec eux, je choisis une table et commence à m'approvisionner à un buffet qui n'offre que des spécialités du cru: légumes, nouilles etc; à peine ai-je commencé à manger qu'un membre de notre groupe vient m'interrompre; je ne suis pas dans la bonne salle; on nous a installé à l'écart, dans une pièce où nous sommes seuls; des nourritures compatibles avec nos goûts et nos estomacs occidentaux sont disposées au centre de notre table. 

Le petit déjeuner expédié, nous partons pour la Grande Muraille. La construction de ce gigantesque ruban de pierre, qui ondule comme la queue d'un dragon sans commencement ni fin, débuta 200 ans avant notre ère pour s'achever au 14 ème siècle; ensuite, des réparations l'entretinrent jusqu'au 17ème siècle; sa longueur avoisinait les 6000 km*, mais une partie seulement était en dur et a subsisté; on y rencontre des discontinuités, mais aussi des passages doublés ou triplés. Cette fortification monumentale était destinée à protéger la Chine de l'invasion des barbares nomades du nord qui la menaçait sans cesse; elle n'eut pas plus d'utilité que notre ligne Maginot. Nous y pénétrons par la puissante forteresse qui verrouille la vallée avec ses plates-formes de tir et ses casernes. 

* On sait, depuis 2009, que la longueur de cette muraille avoisine les 9000 km, grâce à la découverte de tronçons oubliés et à des mesures plus précises réalisées avec des instruments modernes. 
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Le côté de la Grande Muraille que nous n'avons pas vu (en l'an 2000)
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Nous devons être impérativement de retour assez tôt pour nous rendre à l'aéroport où nous devons prendre l'avion pour Urumqi. Le temps qui nous est alloué me semble trop juste pour une visite complète du site, d'après mon expérience; mais notre guide prétend qu'il est largement suffisant; son opinion s'avérera exacte sans toutefois me démentir et voici pourquoi: la partie est de la muraille, à mon avis la plus intéressante et aussi la plus facile, est fermée, sans doute pour cause de travaux préparatoires aux jeux olympiques; reste la partie ouest, où les escaliers sont plus raides, mais qui ne représente qu'une petite moitié de ce que j'ai parcouru lors de ma première visite. De passage sur une plate-forme, en haut de la forteresse qui barre la vallée, je remarque de vieux canons de fer que je ne me souviens pas avoir vus; il est vrai, qu'il y a six ans, la foule était beaucoup plus dense qu'à cette heure matinale et que des détails ont pu m'échapper. Nous gravissons les interminables marches plus ou moins hautes, plus ou moins régulières et plus ou moins usées, sous un soleil de plus en plus ardent. A peu près à mi chemin, je décide d'en rester là; mes jambes ont vieilli et je n'éprouve pas le besoin de grimper jusqu'en haut d'un site que j'ai déjà exploré; deux autres hommes de notre groupe me tiennent compagnie; l'un des deux mesure plus de deux mètres; cette taille fantastique pour les Chinois attire leur attention et des jeunes filles veulent absolument être photographiées à ses côtés; cette scène se reproduira si souvent au cours du voyage que notre géant finira par feindre de demander de l'argent aux amateurs. 

A la descente, je file en avant, en éclaireur, pour m'approvisionner en boisson et essayer de me rendre compte de la raison pour laquelle l'autre côté est fermé; ma quête restera vaine. Nous retrouvons notre guide au pied de la forteresse. Les boutiques qui y sont installées sont maintenant ouvertes et les marchands et marchandes attirent les chalands en poussant des cris assourdissants; on se croirait dans une volière. Nous retournons à l'hôtel prendre nos bagages et en route pour l'aéroport. Avant de prendre congé de notre guide, je lui demande de me rendre une service: il s'agit de m'indiquer comment demander du piment en chinois, un condiment dont je ne saurais me passer; service rendu: elle m'écrit les idéogrammes sur un morceau de papier avec la traduction phonétique à côté, La Jiao. Avec ce sésame, je devrais pouvoir m'en tirer sans trop de difficultés. 
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Piment en chinois: La Jiao
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A l'aéroport, une mauvaise surprise m'attend: la petite bouteille d'alcool à moitié vide que j'ai ramenée du restaurant m'est confisquée. Je croyais que l'interdiction des bouteilles en cabine ne portait que sur les bouteilles de trois quart de litre; je me trompais, toutes les bouteilles sont concernées, même les bouteilles en plastic si elles contiennent autre chose que de l'eau; le préposé au contrôle les débouche et les renifle. Est-ce l'alcool qui est prohibé dans les vols? Peut-être. Je ne sais pas encore que des explosifs liquides peuvent être transportés dans des bouteilles; je ne l'apprendrai qu'après mon retour, à l'occasion d'une tentative d'attentat déjouée à Londres. Les autorités chinoises voulaient-elles déjà se prémunir contre ce risque? Je l'ignore. 

Je quitte Pékin déçu. On ne visite pas une capitale aussi grande à la sauvette, en faisant l'impasse sur les tombeaux des Ming, une de ses attractions majeures, sans parler des nombreux temples dont celui des Lamas, sauvé de la destruction par les gardes rouges en y installant une garnison militaire, à l'initiative de Chou en Lai. Tout a été abordé de manière trop superficielle, faute de temps. J'ai gardé un souvenir beaucoup plus favorable de mon précédent séjour. 
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L'allée du Tombeau des Ming en l'an 2000
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Trois mille kilomètres séparent Pékin d'Urumqi; nous allons donc accomplir en sens inverse à peu près le tiers du chemin qui nous à conduit de Pékin à Paris; cela donne une idée de l'immensité de l'empire céleste; le voyage durera 4h30. Par chance, je suis à nouveau à côté d'un hublot et le ciel, modérément nuageux, me permet de découvrir le sol que nous survolons; pendant une grande partie du voyage, ce sera le désert de Gobi. Un plateau rougeâtre apparaît sous l'appareil suivi de zones montagneuses, coupées de dépressions, sans la moindre trace de végétation; des lieux cultivés finissent pourtant par se montrer au bout d'une plaine désertique: c'est une oasis; sa taille m'étonne, tant elle est grande; ma surprise va en s'atténuant car d'autres oasis, tout aussi imposants sinon davantage, ne tardent pas à traverser mon champ de vision; je n'imaginais pas une telle exubérance végétale au sein du désert; entre deux oasis défilent les vagues de dunes qui paraissent figées et que pourtant le vent déplace; la terre est uniformément ocre, mais avec des nuances plus ou moins prononcées de jaune ou de rouge; de temps à autre des traces de rivières se perdent dans les sables; des lacs, aux bords réguliers soulignés de blanc, s'assèchent sous le soleil; des montagnes dénudées, de teinte jaunâtre, ondulent bientôt sous l'avion; une plaine, d'abord désertique, leur succède; puis apparaissent quelques bâtiments, aux toits bleus et rouges, en bordure d'un vaste territoire cultivé; nous approchons de notre destination; la nature devient de plus en plus pimpante; une ville est là, où je crois deviner la présence d'une centrale nucléaire, au milieu des maisons. Nous arrivons à Urumqi 

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