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Sommaire du Carnet de Route:
01-
Les locomotives anciennes
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10 ème
jour - 1 ère étape: Les locomotives anciennes
(Les photos sont ici
)
Nous voici donc en Mongolie. Le Transsibérien a cédé la place au Transmongolien sans que nous ayons eu à changer de train l'écartement des rails étant le même ici qu'en Russie (1,52 m). Le Transmongolien, ligne ferroviaire qui relie Oulan Oude à Pékin via Oulan Bator, a été construit entre 1949 et 1961. J'attendais avec impatience le moment de visiter la Mongolie, en complément de mes différents voyages au Tibet. La religion dominante de ce pays est en effet le bouddhisme tibétain. La Mongolie s'étend sur un immense territoire de steppes (2,5 fois la France). Avec à peine 3 millions d'habitants, c'est le pays le moins peuplé du monde. L'essentiel de la population vit à Oulan Bator, la capitale; les autres agglomérations sont plus petites et la population non urbanisée est encore en grande partie nomade. Le nombre des nomades s'est néanmoins réduit ces dernières années par suite des calamités naturelles, sécheresse et hivers très froids, qui ont décimé les troupeaux; les éleveurs ayant perdu leurs bêtes n'ont plus eu d'autre ressources que d'aller accroître la population urbaine, surtout celle d'Oulan Bator, où ils vivent dans des conditions très précaires. Le climat de la Mongolie, située sur un plateau vallonné, entre la Sibérie et la Chine, est très rigoureux et, en dehors de l'élevage, l'agriculture y est difficile. Le pays n'en fut pas moins occupé dès une période très éloignée, comme en témoignent les vestiges monolithiques préhistoriques sur lesquels sont grossièrement représentés des personnages à bec d'oiseaux (l'aigle?) que l'on appelle pierres de cerf et qui pourraient être des hommages aux chefs tribaux; les cervidés, comme les aigles, jouent un rôle important dans la religion primitive de Sibérie: le chamanisme, en tant qu'intermédiaires avec le ciel. Au 13ème siècle, la Mongolie fut à la tête du plus grand empire jamais connu. Ensuite, cet empire se désagrégea et elle passa sous la tutelle de la Chine. En 1911, à la faveur de la révolution chinoise, le nord de la Mongolie accéda à l'indépendance (Mongolie extérieure), tandis que le sud restait dans l'orbite chinoise (Mongolie intérieure). La Mongolie extérieure noua des relations privilégiée avec la Russie. Après la révolution de 1917, la Mongolie extérieure connut une période de troubles pendant lesquels un baron balte, ancien officier du tsar quelque peu illuminé, Ungern von Sternberg, tenta de reconstituer l'empire de Gengis khan. Une révolution, conduite par Damdin Sukhbaatar, triompha en 1921 et, après la mort de Sukhbaatar (1923) et celle du Bogdo khan (1924), chef spirituel du bouddhisme mongol, et monarque de Mongolie depuis 1911, le pays devint une République populaire indépendante alignée sur l'Union soviétique. En 1992, la République populaire céda la place à un système démocratique, à mi chemin du régime parlementaire et du régime présidentiel. Si l'agriculture de la Mongolie est relativement pauvre, le pays dispose d'importantes ressources minières qui sont aujourd'hui exploitées par des entreprises multinationales. Le taux de croissance de l'économie du pays dépasse 17% et cela n'est pas sans conséquences démographiques, sociales et écologiques. Le développement économique très rapide accélère l'exode rurale vers les villes; il profite très inégalement à la population et contribue à modifier l'environnement par une exploitation minière intensive au détriment du nomadisme traditionnel. A titre d'exemple, signalons que les médailles des jeux olympiques décernées à Londres cette année ont été fabriquées à partir de minerais extraits en Mongolie. C'est à tout cela que je pense en regardant défiler sous mes yeux la steppe mongole: une plaine herbeuse parcourue de troupeaux de moutons, de chèvres, de vaches et de chevaux, fermée à l'horizon par des montagnes peu élevées. Mes lectures m'ont appris que les Mongols distinguent les animaux à longues pattes (chevaux, chameaux), capables d'aller pâturer loin, et les animaux à courtes pattes (bovins et ovins) qui paissent à proximité. Une autre distinction s'effectue sur la qualité du souffle des bêtes; il y a les animaux à museau chaud (chevaux, moutons) dont le souffle réchauffe l'hiver le nomade, et les animaux à museau froid. De temps à autres apparaît un village entouré d'une palissade, avec de petites maisons au toits colorés parfois d'un rouge très vif. .
Notre première visite est pour un musée en plein air où sont exposées d'anciennes locomotives utilisées par le Transmongolien. Il y a des locomotives à vapeur et d'autres au diesel. A l'avant de plusieurs d'entre elles un détail rappelle l'époque de l'Union soviétique: une étoile rouge et même une effigie de Staline. 2 ème étape: Le musée du Bogdo khan - Ancien palais d'Hiver (Les photos sont ici ) Notre seconde visite est pour l'ancien palais
d'hiver du Bogdo khan, Javsan Damba Hutagt VIII, dernier monarque de la
Mongolie. Les bâtiments de ce palais vert, comme on l'appelle aussi
parfois, en raison de sa couleur dominante, furent édifiés
de 1893 à 1906. Ils servirent de résidence au kutuktu
Bogdo Geghen qui devait devenir le khan du Tibet indépendant. Nationalisé
en 1924, après la mort du Bogdo khan, il fut restauré en
1961 et converti en musée en 1974.
Face à l'entrée du palais, un grand mur, orné de dragons sculptés, lui aussi typiquement chinois, est probablement chargé d'éloigner les mauvais esprits. On ne voit jamais ce genre de construction au Tibet et, si la demeure du kutuktu mongol ressemble à un monastère bouddhiste, ce n'est pas tout à fait un monastère tibétain. A l'entrée, on retrouve les gardiens des quatre horizons, les devaradjas ou lokapalas, le blanc, celui de l'est, avec son instrument de musique à cordes; le bleu ou vert, celui du sud, qui porte l'épée et règne sur les géants; le rouge, celui de l'ouest, avec son reliquaire et son serpent, le maître des najas à l'oeil courroucé; et enfin, le chef, celui du nord, celui qui entend tout et qui parfois chevauche un lion blanc, celui dont la couleur est le jaune, celui dont les deux attributs sont la mangouste crachant des joyaux et aussi une bannière, celui enfin qui marche à la tête des génies de la nature. Nous pénétrons à l'intérieur et je suis frappé d'emblée par un certain air d'abandon que l'on ne ressent pas au Tibet. De part et d'autre des passages dallés, l'herbe croît apparemment en liberté. Les bâtiments paraissent bien entretenus mais juste ce qu'il faut. Tous sont de style chinois. Dans les salles intérieures sont exposés
de nombreux tankas
sur lesquels je reconnais Mahakala,
le protecteur, au visage bleu, à la tête couronnée
de cinq crânes symbolisant les afflictions négatives des cinq
sagesses de Bouddha. Un autre tanka est consacré aux différents
événements de la vie de Bouddha; on y voit l'épisode
de la tentation de Mara, l'éblouissement de la vie, essayant de
détourner le sage de la recherche de l'illumination. Un autre tanka
représente Ganesh, divinité hindoue de la sagesse, de l'intelligence,
de l'éducation et de la prudence, divinité à tête
d'éléphant, que je n'ai jamais vue dans un temple tibétain.
Il y a aussi des objets ayant appartenu au Bogdo khan, dont un fauteuil. On trouve également des écritures bouddhistes et des instruments rituels: cymbales ressemblant à des casques de soldats anglais, trompe, conque, tambour, dordjé (diamant-foudre), gantha (clochette). Je réserverai un sort particulier aux statues, nombreuses et variées. J'ai remarqué une statuette dorée de Tsongkhapa, le réformateur qui fonda l'école gelugpa, au 15ème siècle, dont le hiérarque principal est le Dalaï lama; une intéressante statuette bleue de Mahakala entouré de flammes rouges; la statue d'un Panchen lama, second hiérarque de l'école gelugpa; et, enfin une statue dorée de Zanabazar, le premier Jebtsundamba kutuktu: cet illustre personnage, qui devint le premier chef spirituel de l'école gelugpa en Mongolie, était également un savant, un littérateur et un grand artiste, auteur lui-même de plusieurs statues, sans que l'on sache toujours lesquelles sont ses oeuvres. Dans d'autres salles du musée ont été recueillis des souvenirs du Bogdo khan. Certains objets proviennent de dons de chefs d'État étrangers. On y voit la calèche et la couche de son épouse, très bien conservées; plusieurs trônes accompagnés de mobilier; une yourte d'apparat très luxueuse et des vêtements typiquement mongols (chaussures à la pointe recourbée pour ne pas blesser le sol, habits aux longues manches, retournées en signe de distinction, qui furent pourchassées pendant le régime communiste...) (Une planche sur les vêtements traditionnels du Tibet tirée de l'histoire de Baabar est ici). Quelques observations recueillies au fil de mes lectures: la ceinture tenait une place éminente dans le costume mongol car elle était considérée comme le support de l'âme, on ne devait pas marcher dessus, on la plaçait sous son oreiller avant d'aller dormir, on ne la nouait jamais et on ne l'échangeait qu'entre amis pour créer des liens spéciaux; le chapeau était également très important parce qu'il symbolisait la grandeur de l'État et du peuple mongol; la pochette à tabatière jouait aussi un rôle non négligeable, beaucoup de Mongols fumaient, notamment de longues pipes de cuivre, d'autres prisaient et il était de bon ton de s'offrir du tabac à priser; en se mariant, les jeunes filles abandonnait leur ceinture et revêtaient un habit symbole de la perte de leur individualité; cet habit variait suivant les groupes. Le vêtement et la coiffure, certains traits particuliers du costume, les insignes ou des détails dans les ornements, fournissaient des indications sur la richesse de la personne, son statut social, son rang, la région d'où il provenait, sa situation familiale, et témoignaient aussi des croyances populaires issues du chamanisme, proscrit au 17ème siècle, mais toujours vivant dans le coeur du peuple. Aussi ne faut-il pas s'étonner que le pouvoir révolutionnaire se soit efforcé d'éliminer certaines habitudes vestimentaires. On remarquera que le Bogdo khan, en sa qualité
de moine gelugpa, aurait dû rester célibataire, comme le Dalaï
lama; je soulève le problème auprès de notre guide
qui reconnaît que j'ai raison, mais que le Bogdo khan était
aussi le roi de Mongolie et, qu'à ce titre, il lui fallait bien
une épouse; j'avoue que cette réponse ne me satisfait qu'à
moitié car elle manquerait de pertinence s'il s'avérait que
le Bogdo khan était marié avant l'indépendance de
la Mongolie (en 1911), alors qu'il n'en était encore que le chef
spirituel, précision que je n'ai pas les moyens de vérifier.
Sauf preuve contraire, je m'estime fondé à penser que l'obligation
de célibat n'est pas respectée, par les moines gelugpas de
Mongolie, de manière aussi stricte que par ceux du Tibet. Si cette
analyse s'avérait exacte, cela les rapprocherait des Niyngmapas
tibétains (coiffes rouges).
Après la visite de cet intéressant musée, nous nous rendons sur la colline du Mémorial Zaisan qui domine la ville. Celle-ci est un chantier de construction où s'élèvent déjà de nombreuses tours modernes. On est loin de la cité de yourtes, même s'il est encore possible d'en apercevoir entre les buildings et si un quartier leur est dédié: celui où affluent les nomades n'ayant plus de quoi vivre sur la steppe. Le mémorial Zaisan se dresse au sommet d'une colline du sud d'Oulan Bator. Il célèbre l'héroïsme des troupes soviétiques et mongoles qui luttèrent en 1939 contre une tentative d'invasion japonaise, laquelle fut repoussée, et qui combattirent, pendant la seconde guerre mondiale, les forces du 3ème Reich allemand. Au pied de la colline un char russe, dont la fabrication fut payée par la population mongole, rappelle que des unités mongoles pénétrèrent en 1945 à Berlin, aux côtés de l'Armée rouge. Sur les armes de la Mongolie, figurent des symboles bouddhistes et taoïstes, mais aussi deux bandes verticales qui représentent l'une la Russie et l'autre la Mongolie; le message est clair: la Russie et la Mongolie ne peuvent pas être séparées et leur union est un gage de force et de victoire. Pour notre guide, l'influence russe en Mongolie a eu des effets négatifs (la persécution de la religion) mais aussi des effets positifs (l'accès à la médecine européenne). Le Mémorial Zaisan est très visité et, au moment où nous allons le quitter, de jeunes sportifs vêtus de rouge parviennent jusqu'à nous: ils gravissent la colline en courant. Un bref passage par un magasin nous permet d'apprécier la qualité des cachemires mongols et des tissus en poils de chameaux, entre autres articles de fabrication locale. Le moment est venu d'apprécier la cuisine
mongole. Devant un buffet, on choisit les aliments crus que l'on amène
ensuite à cuire dans un bol. Je souhaiterais arroser mon repas de
bière Cengis, mais notre guide, supposée passer la commande,
oublie de vérifier que j'ai bien été servi. Je devrai
me contenter d'eau. Pour se faire excuser, notre guide offre de me payer
le soir une petite bière, ce que je refuse: sa faute est déjà
pardonnée. Je n'ai pas trouvé, posée auprès
de mon assiette, une pastille-serviette, comme une amie qui ira en Mongolie
un mois plus tard; on pourrait prendre cette pastille pour un médicament
destiné à faciliter la digestion, mais une fois débarrassée
de son enveloppe de plastique et plongée dans de l'eau, elle prend
du volume jusqu'à se transformer en serviette de papier humide parfumée
pour se nettoyer les mains. Cette amie a acheté en Chine des pastilles
qu'elle pensait être les mêmes, mais elle s'est aperçue
qu'un masque de beauté, à s'appliquer sur le visage, sortait
des pastilles chinoises, au lieu d'une serviette!
3 ème étape: Le musée Choijin - Ancien palais du frère cadet du Bogdo khan (Les photos sont ici ) Après le déjeuner, nous allons visiter le second palais qui fut l'habitation du frère cadet du Bogdo khan, Luvsan Haidav Choijin lama. A l'entrée, un panneau précise le nom du musée en langues russe, anglaise et mongole. C'est l'occasion de nous familiariser avec l'écriture mongole que j'ai déjà vue, je crois, au temple des Lamas à Pékin et probablement aussi ailleurs en Chine. Face à l'entrée, on retrouve le mur de protection contre les démons d'inspiration chinoise. Le palais du frère du Bodgo khan fut construit entre 1904 et 1908 sur le plan d'un monastère. On y trouve plusieurs maisons de style chinois, dispersées selon un ordre précis, probablement symbolique, à travers un espace clos. Des allées pavées conduisent d'un bâtiment à l'autre, à travers des carrés herbeux et arborés. L'ensemble est célèbre pour sa collection d'oeuvres d'art bouddhistes, ses tankas de soie et ses masques de danses cham. Dans l'un des pavillons, nous sommes accueillis par un musicien vêtu à l'ancienne qui joue d'un instrument à cordes local avec un long archet. Il est assis sur une sorte de tabouret. Les piliers peints en rouge sont décorés de dragons et de nuages; ils reposent sur des blocs de pierre, comme ceux des maisons tibétaines. Les bâtiments de ce palais, relativement bas, paraissent écrasés par un gratte-ciel de verre, de béton et de fer, qui dresse sa masse imposante derrière eux: le Blue Sky, saisissant contraste de l'opposition entre la Mongolie ancienne et la Mongolie moderne. A la sortie, j'achète, pour cinq euros,
une brochure illustrée très intéressante sur l'histoire
de la Mongolie (History of Mongolia de Baabar).
4 ème étape: La place Sukhbaatar (Les photos sont ici ) Nous nous rendons ensuite place Sukhbaatar, la place principale d'Oulan Bator, qui porte le nom du révolutionnaire qui fonda la République populaire de Mongolie. Cette place est un vaste quadrilatère pavé décoré de motifs géomètriques. Elle est bordée du côté sud par l'avenue de la Paix (Enkh Taivny Orgon Chölöö), artère principale de la ville. Sur cette artère se dresse fièrement la haute silhouette du Blue Sky, curieusement courbée comme un arc et partagé en deux, dans le sens de la hauteur, par une sorte de vallée. Au milieu de la place, s'élève la statue du héros rouge, Damdin Sukhbaatar, sur son cheval fougueux, à l'endroit dit-on où la monture urina, le 8 juillet 1921, lors d'une parade de l'Armée rouge mongole, événement historique qui fut perçu comme un présage favorable. Sur le socle de la statue, on peut voir un bas relief de cuivre retraçant un épisode de la lutte révolutionnaire. Au nord de la place, un large bâtiment à colonnade néo-classique abrite le parlement de Mongolie. Autrefois, le mausolée de Sukhbaatar était placé devant; il a été enlevé. Au milieu de la façade, trône aujourd'hui une imposante statue de Gengis khan (1155 ou 1162-1227) entourée de deux guerriers mongols à cheval. Sur chacune des deux ailes se trouvent les statues d'Ogodaï (1189-1241), le fils de Gengis khan, à gauche en regardant le bâtiment, et de Koubilaï khan (1215-1294), son petit-fils, fondateur de la dynastie yuan de Chine, à droite. A l'est de la place, un bâtiment rose entouré d'un péristyle de colonnes blanches, de style vaguement néo-grec, est un théâtre. Après le dîner, nous assistons
dans un théâtre à une représentation de danses
folkloriques sensiblement plus intéressante que celle d'Oulan Oude.
Parmi ces danses, je reconnais les danses masquées des rites bouddhistes
que j'ai déjà vues au Tibet (danses
tsam ou cham).
Nous dormirons cette nuit dans un hôtel très confortable de la capitale mongole. Le matin, une fois mon petit-déjeuner
pris, je fais un tour dehors. Puis je m'installe tranquillement dans un
des fauteuils de l'accueil, en attendant le départ. Sur la table
basse qui est devant moi, je prends le gros volume qui s'y trouve et le
feuillette. Il contient les reproduction de plusieurs oeuvres de peintres
mongols contemporains; j'en trouve qui sont très intéressantes.
Malheureusement, je n'ai pas souvenir du nom des artistes et je n'ai pas
pris de photos.
11 ème journée - 5 ème étape: Le monastère de Gandan (Les photos sont ici ) Notre première visite de la journée est pour le monastère de Gandan. Ce monastère était originellement situé au centre d'Oulan Bator. Il a été transféré à l'endroit qu'il occupe actuellement par le 5ème Bogdo Jebzudamba en 1838. Au cours du siècle suivant, le monastère avait pris de l'importance au point de comprendre neuf temples et instituts ainsi qu'une librairie et d'abriter une communauté d'environ 5000 moines. Le monastère devint alors un centre majeur d'apprentissage et de pratique du bouddhisme, non seulement pour la Mongolie mais aussi pour tous les bouddhistes du Grand Véhicule (Mahayana). En 1938, le régime communiste supprima les communautés religieuses en Mongolie. Il détruisit environ 900 monastères. Mais un grand nombre furent convertis en musées. Des moines furent tués, emprisonnés, forcés de rejoindre l'armée ou de devenir laïcs. Cinq temples du monastère de Gandan furent rasés. Les autres furent aménagés pour recevoir les officiels russes, voire transformés en granges et écuries pour leurs chevaux. En 1944, après une pétition présentée par plusieurs moines pour demander la réouverture de Gandan, celui-ci fut rendu au culte à condition qu'il fonctionne sous un contrôle strict du gouvernement socialiste. A partir de 1990, après la fin du régime communiste, le bouddhisme recommença à se développer et un ambitieux programme de restauration fut élaboré impliquant la participation de toute la Mongolie. Le monastère compte actuellement une dizaine de datsans* et temples et il héberge quelques 900 moines. * Écoles où l'on enseigne le bouddhisme (philosophie, médecine, tantrisme...) A l'entrée du monastère, des
enfants vendent des petits sachets de graines dont on ne comprendra la
signification qu'en pénétrant dans les cours intérieurs
où pullulent des pigeons: ces sachets de graines sont destinés
à les nourrir. Le monastère
comporte plusieurs pavillons édifiés à différentes
dates que nous n'aurons pas le temps de visiter tous. Sur les toits brillent
de nombreux cylindres dorés, bannières de la victoire remportée
par le bouddha contre les démons.
Depuis l'entrée, nous nous rendons en direction du Gandantegchenling au toit doré. Ensuite, nous nous dirigerons vers le datsan Janraisig. Chemin faisant, je remarque la présence, devant un temple, de lions des neiges tibétains, de batteries de moulins à prières en cuivre et en bois, moins nombreuses et surtout moins bien fournies qu'au Tibet, d'un beau chorten (stupa) blanc sur un haut socle carré. Voici quelques renseignements sur les différents
bâtiments.
En quittant Gandan, une fois notre visite achevée, nous passons devant quelques Mongols assis sur un banc. L'un d'eux est en habit traditionnel: bottes aux bouts redressés vers le haut, ample vêtement rouge, fermé sur la droite et serré à la taille par une ceinture, avec de longues manches aux revers bleus retournés, chapeau gris-bleu sur la tête. .
6 ème étape: Le parc national de Terelj (Les photos sont ici ) Nous nous dirigeons ensuite vers le parc de Gorkhi-Terelj (ruisseau-rhododendrons) qui a donné son nom à un soda. Il est situé à 80 km de Oulan Bator. Cette troisième plus grande zone protégée du pays est un endroit très populaire en Mongolie. La nature y garderait ses droits si le parc n'était pas déjà largement aménagé pour les touristes. Les visiteurs peuvent flâner tranquillement sur les prairies tapissées d'edelweiss et d'autres fleurs sauvages. La vue sur des formations rocheuses nues, avec en fond des montagnes couvertes de pins, est superbe. On peut s'y livrer à de belles randonnées, le long des rives boisées de ruisseaux de montagne, ou partager de nombreuses activité sportives: rafting, équitation, ski, escalade, camping, v. t. t. Certes l'entrée du parc est un peu trop aménagée, mais on peut s'éloigner des sentiers battus et les parties reculées comptent encore parmi les plus sauvages de Mongolie. La faune y est abondante: cerfs, ours, renards et loups. Nous passons auprès d'une ville construite à proximité d'une mine de charbon. Sur la colline, la présence d'un cimetière, révélée par ce que je pense être des ossements blancs épars, donne l'occasion à notre guide mongole d'aborder le sujet des funérailles. Les Mongols pratiquaient autrefois les funérailles célestes et donnaient, comme au Tibet, leurs morts à manger aux oiseaux et autres bêtes sauvages, sur la montagne. Mais, à la différence du Tibet, ils ne les coupaient pas en morceaux; ils se contentaient de les déposer sur le sol. Maintenant, les morts sont inhumés, mais les cimetières se trouvent toujours sur les collines, à l'écart des lieux d'habitation, là où on les déposait jadis. Nous nous arrêtons auprès d'un groupe de yourtes, plantées à proximité d'un monticule de cailloux surmonté de perches sur lesquelles flottent des morceaux de tissus multicolores. Ce genre de cairns est aussi présent au Tibet, en particulier au sommet des cols, où j'ai eu l'occasion d'en voir plusieurs. Lorsque je passe à côté de l'un d'eux, je ne manque jamais d'apporter ma pierre à l'édifice, et, cette fois-ci, je ne déroge pas à la règle. A côté, un Mongol caresse la tête d'un bel aigle apprivoisé, perché en haut d'un piquet. Autour de l'endroit, moutonnent des collines herbeuses creusées par une rivière. Au fond de la vallée, se blottit, de part et d'autre de la route, un village de yourtes blanches et de maisons aux toits bleus et rouges. Au-delà du pont qui enjambe la rivière, s'élèvent des sommets plus escarpés. Le coup d'oeil est charmant. Nous pénétrons dans des montagnes plus élevées. Les sommets sont maintenant rocheux et presque dépourvus de végétation. Parfois apparaissent des campements pour touristes. Nous descendons à nouveau de notre autobus pour que notre guide puisse nous montrer une curiosité naturelle: un énorme rocher qui a la forme d'une tortue. En sollicitant un peu l'imagination on pourrait certainement deviner aussi un personnage couché sur le dos dans une autre formation rocheuse à proximité. Nous parvenons bientôt à l'endroit où nous allons déjeuner, en pleine nature, à 1600 m d'altitude. Un campement de yourtes au pied de rochers nus contre lesquels vient mourir une prairie aux allures de pelouse. Dans une brèche, entre les rochers, pousse un peu d'herbe et croissent quelques sapins. L'endroit est tout à fait charmant. Nous prenons notre repas dans une grande yourte. Le plat principal consiste en morceaux de moutons cuits avec des pierres dans un bidon hermétiquement clos, sorte de cocotte-minute mongole. Les pierres, ramassées dans une rivière, ressemblent à d'épaisses ardoises. La viande est cuite sans assaisonnement; ce sont les pierres et les herbes mangées par les animaux qui donnent sont goût, très apprécié, à ce plat traditionnel délicieux qui s'appelle le horhog. Voici la recette de ce pot-au-feu mongol; elle est simple. Les ingrédients: viande de mouton, eau, légumes (pommes de terre, carottes, navet, ail...). Le matériel de cuisson: un bidon qui ferme bien et des pierres lisses pas trop grosses et en nombre suffisant. La cuisson dure environ deux heures et demi. On fait chauffer les pierres nettoyées sur un feu de bois jusqu'à ce qu'elles soient brûlantes. On coupe la viande en gros morceaux non désossés. On place les pierres dans le bidon et les morceaux de viande par dessus. On verse dans le bidon de l'eau pour faire du bouillon. On met les légumes épluchés et coupés en morceaux sur la viande. On ferme soigneusement le bidon puis on laisse cuire; normalement la chaleur des pierres devrait suffire, mais on peut aussi placer le bidon sur un petit feu. Au bout de deux heures et demi, on ouvre le bidon en évitant les jets de vapeur; on laisse celle-ci s'évacuer, puis on retire les pierres avec une pince de bois. On sert séparément le bouillon et la viande avec les légumes. Notre repas est arrosé de bière (payante) et de vodka (gratuite). 7 ème étape: Les sports mongols traditionnels (Les photos sont ici ) Après le déjeuner, nous assistons à une démonstration des sports mongols traditionnels: la lutte, le tir à l'arc, la course de cheval. La lutte se déroule sur la prairie, au pied d'une perche fichée dans un piédestal en bois, et en haut de laquelle flotte une manière de drapeau rouge. Les lutteurs se présentent d'abord en effectuant la danse de l'aigle, qui précède toujours le combat; il bombent le torse, pour évoquer la puissance du lion, et se claquent les cuisses, pour simuler le frottement des ailes. Ils sont très légèrement vêtus: un slip rouge, un embryon de veston, qui leur couvre à peine les épaules et le haut des bras, rouge ou bleu, et une paire de bottes noires. Leur corpulence est variable mais ils ne sont pas obèses: rien à voir avec le sumo. La cérémonie préalable accomplie, deux couples de lutteurs entrent en lice. Ils s'empoignent par les bras en cherchant à se déséquilibrer. Celui qui fait tomber l'autre a gagné. Ce n'est pas toujours le plus gros qui triomphe, l'habileté semble jouer un rôle aussi important que la force. Nous assistons ainsi à quatre combats en deux reprises. Le tir à l'arc oppose deux concurrents: un homme et une femme, vêtus de très beaux atours traditionnels. La compétition se déroule toujours sur la prairie. La cible est posée sur terre à une assez bonne distance. Il est difficile de suivre le vol de la flèche qui se déplace à très grande vitesse. Après plusieurs tirs, c'est la femme qui obtient la victoire. Nous sommes ensuite conviés à manger des pâtisseries mongoles et à boire du lait de jument. Je me contente de goûter aux gâteaux. La course de cheval consiste plutôt en une démonstration du travail des éleveurs. Cette démonstration à lieu un peu plus loin, derrière une barrière. Sur la prairie, plusieurs chevaux paissent. Un groupe de cavaliers se promène au milieu d'eux; certains sont jeunes (ne dit-on pas que les Mongols naissent à cheval?); malgré l'urbanisation, la plupart des gens, au pays de la steppe herbeuse, ont encore des attaches nomades. Plus loin, un groupe de yourtes tache de blanc le vert de la prairie, au pied d'une pente sur laquelle se dressent quelques pins rabougris. Les cavaliers s'apprêtent pour la course. Pendant qu'elle se déroulera, loin de notre regard, un cavalier nous montrera comment on attrape les chevaux avec le lasso mongol: une boucle de corde au bout d'une longue perche de bois. Nous assisterons aussi à la traite d'une jument; pour faciliter l'opération, on amène auprès d'elle son poulain, comme on le faisait aussi parfois chez nous autrefois avec les vaches. De la course proprement dite, qui s'est déroulée nous ne savons où, sur la steppe, nous ne verrons que l'arrivée. C'est avec le lasso mongol, ce noeud coulant au bout d'une perche, qu'étaient chassés, il n'y a pas si longtemps, les renards, pour ne pas abîmer leur peau, ou encore les loups, ramenés vivants dans la yourte, si j'en crois mes lectures, pour y être écorchés vifs, avant d'être relâchés sur la steppe où ils mouraient, gelés l'hiver, d'épuisement et de souffrance l'été; cette pratique cruelle correspondait-elle à un rite religieux? Le cheval mongol, petit mais robuste et trapu, continue de jouer un rôle important dans la société. On a longtemps mesuré les distances en journées de cheval et on dit aujourd'hui que les Mongols conduisent comme ils montent à cheval, c'est-à-dire avec audace. Nous retournons à Oulan Bator où nous retrouvons notre train. C'est à nouveau la steppe mongole qui défile sous nos yeux avec ses troupeaux de chèvres, de moutons, de chevaux, de yacks ou de vaches. De nombreux hauts pylônes nous intriguent. Il s'agit très probablement de relais, pour faciliter la transmissions des ondes, par dessus les collines, à travers cet immense pays presque désertique. Je remarque une perche ornée de morceaux de tissus colorés fiché dans le sol d'une prairie; c'est la preuve que le chamanisme est toujours présent en Mongolie; certes, les Mongols sont en majorité bouddhistes de rite tibétains, mais le chamanisme a repris de la vigueur depuis la chute du régime communiste, et ce n'est d'ailleurs nullement incompatible avec le bouddhisme tibétain, une religion qui doit beaucoup à celles qui la précédèrent. Nous allons passer notre dernière nuit
dans le train russe. Demain, nous serons en Chine. On fait circuler des
enveloppes pour les pourboires (guide russe, personnel du wagon, personnel
de la restauration...). J'épuise la plus grande partie de mes roubles,
ne gardant que le nécessaire pour régler mes consommations
consignées sur le carnet qui m'a été remis le premier
jour. Au restaurant, ce soir, c'est dîner de gala, ou plutôt
d'adieu, avec champagne russe et vodka, accompagné d'un concert
de musique mongole dispensé par deux musiciens en vêtements
traditionnels. Mais, au moment de régler la note, je m'aperçois
que la vodka n'est pas gratuite et il ne me reste plus assez d'argent russe;
certes, le serveur accepte les euros, mais je n'ai que des billets et il
ne peut pas me rendre la monnaie; heureusement, une voisine de table m'avance
cinquante centimes!
Notre guide russe nous distribue en souvenir un carnet rouge, de l'apparence d'un passeport touristique, rappelant notre voyage sur le Transsibérien et le Transmongolien. 12ème journée - 8 ème étape: Le désert de Gobi à l'aube (Les photos sont ici ) Au lever du soleil, nous nous arrêtons dans le désert de Gobi. Un troupeau de chameaux de Bactriane nous regarde avec une indifférence hautaine où l'on pourrait imaginer une pointe de mépris. Ces animaux laineux perdent leurs poils au printemps et celui-ci est ramassé par les chameliers pour en confectionner de chaudes bottes de feutre où en bourrer des coussins. Ils se laissent mener par le bout du nez: on leur perce la cloison nasale afin d'y passer un mors de bois pour les conduire. Il paraît qu'autrefois les chameliers fabriquaient des pantoufles en peau de mouton pour chausser leurs chameaux dont les pieds s'étaient usés dans les sables du désert. La bosse des animaux morts était utilisée pour remplacer le beurre avec le thé. Nous assistons au spectacle attendrissant d'un chamelon tétant sa mère, en faisant quelques pas dans le sable pour nous dégourdir les jambes. Le désert ici me semble moins sec que celui que j'ai traversé il y a six ans, lors de mon voyage sur la Route de la Soie. Il y pousse quelques touffes d'herbe qui suffisent à l'alimentation de sobres ruminants. D'ailleurs, ce désert n'est pas complètement inhabité: sur la pente d'une colline on aperçoit un campement de trois yourtes accompagnées d'une maisonnette. Les deux musiciens mongols s'installent sur des chaises et improvisent un concert en plein air, au milieu du cercle des touristes rassemblés pour les écouter. Nous reprenons le voyage un moment interrompu jusqu'à la dernière gare mongole. Là, nos valises sont portées par des militaires mongols jusqu'aux autobus qui attendent chaque groupe. Il ne faut pas se tromper car il y a un groupe Rose et un groupe Pink! Chacun prend soin de vérifier que ses bagages sont bien arrivés. Les autobus nous emmènent jusqu'au poste frontière d'Erlian, en Mongolie intérieure, c'est-à-dire en Chine. Le trafic entre la Mongolie intérieure et la Mongolie extérieure est intense et il faut faire la queue pour atteindre le poste frontière sur plusieurs files. Il faut prendre notre temps en patience, d'autant plus que notre file est bloquée, ce qui amènera notre chauffeur à faire une manoeuvre pour changer de file au bout d'un moment. Nous finissons par arriver au poste frontière, vaste comme un hall de gare. Ceux qui ont un visa individuel peuvent se mettre dans l'une des longues files d'attente qui se pressent devant les guichets. Pour ceux qui figurent sur la liste du visa collectif, dont je fais partie, notre accompagnateur-conférencier français va parlementer avec les gardes-frontières chinois pour connaître la procédure à suivre. Après quelques instants d'attente, on nous dirige sur un guichet spécial, où on nous appelle les uns après les autres. Les vérifications s'effectuent relativement rapidement, deux préposés s'occupant de notre groupe. Nous filons vers la gare où nous embarquons dans un train chinois flambant neuf. J'ai la bonne surprise de constater que je vais disposer d'un compartiment pour moi tout seul, alors que l'on m'avait promis la compagnie de trois autres voyageurs. Le train chinois est très confortable, beaucoup moins bruyant et mieux suspendu que le train russe, qui fut sans doute très luxueux du temps de l'Union soviétique mais qui commence à dater. Nous n'assisterons pas au changement des essieux, obligatoire lorsqu'un train russe poursuit son trajet en Chine, où l'écartement des rails (1,435 m) n'est pas le même qu'en Russie et en Mongolie (1,520 m); la Chine a adopté la voie normale ou étroite, alors que la Russie et les pays qui firent partie de son empire utilisent une voie large, dans le but de protéger la Sibérie d'éventuelles convoitises étrangères, notamment japonaises, ce qui rend impossible le passage des trains d'un système ferroviaire à l'autre sans adaptation. Nous quittons Erlian en début d'après-midi (15h40). Nous allons passer le reste de la journée et la nuit dans le train chinois. Il y a deux wagons restaurants et, comme les voyageurs du train sont divisés en quatre groupes, il y aura deux services, l'un à 18h30, l'autre à 19h45. Nous faisons partie du second service. En Chine, la boisson, bière ou eau minérale, est comprise dans le prix du repas. Je quitte la Mongolie en regrettant quelque
peu de n'y être pas resté plus longtemps. Je connais déjà
la Chine, où je me suis rendu à plusieurs reprises, et j'aurais
volontiers troqué un jour de plus en Mongolie contre un jour de
moins à Pékin, malgré tout l'intérêt
que je porte à la capitale chinoise.
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