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Pour faciliter la compréhension de la constitution de la nation chinoise et de l'expansion de sa civilisation, des cartes qui schématisent son évolution sont disponibles ici. |
La légende
Pangu créa l'univers en séparant le ciel et la terre, puis il dispersa ses membres qui devinrent le soleil, la lune, les étoiles, le vent et les nuages dans le ciel, les montagnes, les rivières, le sol et les plantes sur la terre. Selon une autre version, le monde naquit de la mort de Pangu, son souffle devenant le vent et les nuages, son œil gauche le soleil, son œil droit la lune, ses quatre membres les points cardinaux, son sang et ses humeurs le Fleuve Jaune et le Fleuve Bleu. Pangu s'apparenterait au géant Ymir de la mythologie nordique ou au Purusha de la mythologie indienne; ce mythe serait parvenu en Chine à partir de de l'Inde via le Tibet; il pourrait être d'origine tokharienne. Ensuite, la déesse Nüwa créa l'homme. Chaoshi apprit à l'homme à construire sa demeure. Suiren lui montra comment faire du feu en frottant deux morceaux de bois. Fuxi domestiqua les animaux et apprit à l'homme à chasser et à pêcher; il introduisit les premiers éléments de civilisation en inventant le mariage; l'observation du ciel et de la terre l'amena à élaborer les huit trigrammes d'où naquit l'écriture chinoise, alors l'homme n'eut plus besoin de nouer des ficelles pour consigner les faits; Fuxi rédigea le premier livre ("Livre des Mutations" ou Yi Jing). Shennong, le divin laboureur, inventa l'agriculture et dota l'homme de la charrue; il découvrit les herbes médicinales et il est tenu, à ce titre, pour le père de la phytothérapie; on lui attribue le "Traité des Matières Médicinales" (Bencao); il enseigna l'art de la poterie; il est aussi à l'origine du commerce et des échanges. Les hommes vivaient alors sans règles
ni lois, sans récompenses ni châtiments; l'égalité
et l'entraide régnaient entre eux. Les enfants portaient le nom
de leur mère car la liberté des moeurs interdisait la connaissance
du père. Le passage de cette société matriarcale à
la société patriarcale s'effectua graduellement. Des clans
se formèrent. Deux communautés se créèrent
en amont du Fleuve Jaune: celle de Huangdi, l'empereur jaune, alias Ji,
alias Xuanyuan, et celle de Yandi alias Jiang, descendant de Shennong.
Ces deux communautés eurent maille à partir avec les tribus
Jiuli et Miao. Elles se livrèrent entre elles trois sanglantes batailles
avant de fusionner et de donner naissance à l'ethnie des Han qui
se considèrent comme les descendants de Huangdi. On attribue à
ce dernier la rédaction du "Classique de la Tradition de l'Empereur
Jaune" (Nei Jing); il aurait créé les rites et
la médecine.
La préhistoire . -3000000: début du paléolithique (pierre taillée). Au cours de cette période, apparition de formes d'art sur les murs des grottes. -800000: homme de Lantian: premier homo erectus chinois. -500000: homme de Pékin: outils de pierre. .
-280000: homme de Jinniushan: premier homo sapiens chinois. -100000: naissance de la société matriarcale. Les hommes se livrent à la chasse et à la pêche, les femmes à la cueillette. -35000 à - 18000: des armes de chasse en os datant de l'époque paléolithique ont été trouvées dans le sud de la Chine, dans le Guizhou, sur le site de Ma'ashan (Science et Avenir - avril 2016 - N° 830). -33000: homme de Tianyuan (près de Pékin); les restes, découverts récemment, laissent supposer une contribution morphologique africaine ce qui prouverait que le passage d'Afrique vers les autres continents se serait produit en plusieurs phases (Le Monde - 4 avril 2007) . -18000: apparition de l'arc et de la flèche en Chine. -12000: homme de Maludong. En 1989, un fémur vieux de 14000 ans est découvert dans une grotte de Chine, à Maludong. Les chercheurs ne se penchèrent vraiment sur lui qu'à partir de 2012. Ils découvrirent alors avec surprise que les caractéristiques de cet os laissaient penser qu'il avait appartenu à un hominidé beaucoup plus ancien du type homo habilis ou homo erectus qui vivaient voici 1,5 millions d'années. Cette découverte suggèrerait que certains hominidés primitifs ont pu coexister très longtemps avec des espèces plus récentes lorsque l'environnement leur était favorable. Mais ce n'est encore qu'une hypothèse qui demande à être étayée par des preuves et des études scientifiques plus poussées. .
-12000 à -2000: néolithique (pierre polie). Apparition de la religion et de nouvelles formes d'art: musique, peinture, sculpture, poterie décorée ainsi que de symboles précurseurs de l'écriture. -8000: domestication des animaux: premier exemple d'élevage de la volaille (poules) dans la province du Hebe. L'agriculture se développe (culture du millet). La division du travail prend des formes nouvelles: aux hommes le travail des champs, aux femmes la fabrication des tissus, inspirée de celle des claies de bambous, et l'entretien des vêtements, avec des aiguilles en os. Dans la seconde moitié du néolithique, le tour du potier voit le jour. -7000: le premier breuvage fermenté existe déjà en Chine (découverte de 2004 - Science et Avenir - avril 2016 - N° 830). -6500 à -6000: civilisation de Cishan (nord de la Chine) - outils de pierre: broyeurs et faucilles denticulées; poterie décorée. -6000 à -5200: civilisation de Peiligang (Henan) - site de Jiahu - Les zones résidentielles sont séparées des zones d'inhumations; les cadavres ne sont plus brûlés comme autrefois - culture du millet - nombreux outils de pierre, faucilles denticulées, rouleaux; poteries pour le stockage et la cuisine. .
-5800 à -5400: civilisation de Dadiwan (Gansu et Shaanxi) - une agriculture primitive continue de se développer - des offrandes pour la vie post-mortuaire accompagnent le défunt; ces offrandes sont soigneusement rangées, ce qui dénote un goût prononcé pour l'ordre et la hiérarchie. Cette civilisation s'apparente à celles de Cishan et de Peiligang. Trois civilisations majeures émergent
dans la Chine du loess, cette fine terre jaunâtre qui s'avère
particulièrement fertile, dans la vallée du Fleuve Jaune:
à l'ouest, celle de Yangshao, près de Xi'an, (poterie rouge
peinte), à l'est, celle de Longshan, dans le Shandong, (poterie
noire, travail du jade, vases tripodes) et, enfin, celle de Liangzhu (utilisation
du jade et de l'os, socs de charrue et faucilles en pierre). Plus au nord,
la culture du Gobi, qui s'étend de la Mandchourie au Sinkiang,
est caractérisée par ses outils de pierre taillée
microlithiques et sa poterie brune, grossière, à motifs géométriques
incisés (voir carte).
-5000 à - 3000: civilisation de Yangshao: les rites funéraires s'apparentent à ceux de la civilisation de Dadiwan. -4000: village de Banpo (Shaanxi - culture de Yangshao): les habitations sont semi-souterraines; les murs bas sont en clayonnage revêtu d'argile; les toits de chaume coniques ou pyramidaux sont soutenus par des piliers de bois; le sol de terre battue est damé et plâtré; un foyer en occupe le centre. Le village est entouré d'un mur; les fours et le cimetière des adultes sont à l'extérieur; les enfants sont inhumés dans des urnes enfouies dans le sol du village. La société est encore matriarcale, mais elle se transforme progressivement et devient patriarcale vers la fin de la période néolithique. .
-4500 à -3000: civilisation de Longshan - les tombes reflètent la hiérarchie; celles des personnes de rang élevé contiennent des objets de jade et des poteries. -3300 à -2200: civilisation de Liangzhu - le culte des ancêtres se développe dans le nord de la Chine. Les ancêtres seront supposés détenir d'importants pouvoirs et pourraient alerter les vivants s'ils étaient mécontents ou souffraient dans l'au-delà; l'interrogation des ancêtres sera hiérarchisée: on s'adressera aux morts récents pour les choses peu importantes et aux plus anciens pour les affaires de grand intérêt. -3000: apparition de riches sépultures dans la zone de Longshan suggérant un degré avancé d'organisation sociale. Cette civilisation se propage vers l'ouest et fusionne avec celle de Yangshao. -2677 à -2597: période supposée de la découverte de la soie par l'impératrice Xiling Shi, première femme de l'empereur jaune. Voici ce que raconte la légende: l'impératrice buvait son thé sous un mûrier; un cocon tomba dans sa tasse; comme elle essayait de le retirer, un fil fin mais solide s'en détacha; la soie venait de voir le jour. -2500: apparition d'une écriture archaïque gravée sur des os. En 2008, des archéologues chinois qui examinent des os d'animaux exhumés 4 ans plus tôt, dans le district de Changle, province du Shandong, à l'est de la Chine, y découvrent des signes gravés datant d'environ 4500 ans qui pourraient correspondre aux balbutiements d'un système d'écriture. Les premières dynasties -2000 à -500: âge du bronze et apparition des premières monarchies dans le bassin du Fleuve Jaune: les puissantes corporations de forgerons confèrent un caractère magique à leurs travaux et entourent la fonte d'un rituel ésotérique; l'alchimie naissante se confond avec la métallurgie. Quelques tombes de l'élite contiennent des vases de bronze et des cercueils laqués. -2070 à -1600 (?): dynastie des Xia (Hsia) dans la Chine du nord (vallée du Fleuve Jaune - voir carte). La démocratie clanique cède la place à une monarchie héréditaire d'essence divine. Invention du calendrier et début des observations astronomiques dans le but de favoriser l'agriculture; mise en place de systèmes d'irrigation; fabrication de vin de céréales. Invention de la poterie grise obtenue par aspersion d'eau à la sortie du four; évolution vers l'écriture des signes gravés sur les os divinatoires; instruments de musique en pierre et en poterie; découverte de l'acupuncture. Pour nombre d'auteurs, la dynastie des Xia aurait un caractère légendaire, son fondateur, Yu, aurait arrêté le déluge; selon les Annales chinoises, Yu aurait passé treize ans de sa vie à faire creuser des canaux et à lutter contre leur ensablement. Pour d'autres, la dynastie des Xia, représentative d'une culture néolithique tardive, pourrait être d'origine indo-européenne (tokharienne); le dernier empereur de cette dynastie se serait livré à la débauche en parcourant des forêts décorées de viandes et en navigant sur des bassins emplis de vin, accompagné de ses nombreuses concubines. -1600 à -1046 (?): dynastie
des Shang (Chang). Les Shang,
issus du cours inférieur du Fleuve Jaune, chassent les Xia décadents
du pouvoir, à la suite d'une guerre décisive où ils
triomphent grâce à leurs armes de bronze. Leur avènement
sonne le glas de la préhistoire chinoise. Bâtisseurs, les
Shang construisent des villes fortifiées et de grands palais; les
demeures sont orientées vers le sud. Bien que l'aire de leur autorité
politique soit mal connue, on pense que leur influence s'étendait
de la Mongolie jusqu'à la vallée du Yang Tsé Kiang
(Fleuve Bleu) (voir carte).
Une noblesse héréditaire voit le jour. La population se divise
en deux classes: celle des nobles, qui habitent des cités-palais,
et celle des paysans, qui cultivent la terre autour des villes. La noblesse
s'adonne aux fonctions religieuses, à la chasse et à la guerre;
les prisonniers sont considérés comme du gibier. Les paysans
défrichent les forêts qui recouvrent une grande partie du
pays. La population est regroupée en clans dominés par la
noblesse guerrière qui fait allégeance à un roi supposé
descendre de Shangdi, le maître du ciel; à la mort du roi,
ses frères lui succèdent, avant que la couronne n'échoit
à son fils, après le décès du dernier frère
cadet.
L'agriculture se développe (blé, millet, riz) ainsi que l'élevage (chevaux, boeufs, moutons, cochons, chiens, vers à soie). L'industrie du bronze est florissante (vases quadripodes); celle de la poterie s'affine (invention d'une porcelaine rudimentaire); la soie et le lin sont tissés. L'existence de greniers à grains royaux laisse supposer un certain contrôle de l'activité économique par l'État. Le char à timon, attelé de deux chevaux, est en usage. Des échanges existent avec les régions côtières. Un début de commerce entre l'Occident et l'Orient se développe par la route des caravanes qui traverse les oasis alors peuplées par les Tokhariens (d'origine indo-européenne). Le désert semble jouer en Chine le rôle que tient la mer pour l'Egypte. La société, organisée sur la base de structures claniques, comme indiquée ci-dessus, est esclavagiste: des esclaves sont enterrés vivants avec leurs maîtres défunts ou sacrifiés aux ancêtres; la religion est dominée par le culte de ces derniers; leurs esprits sont invoqués à tous propos; la scapulomancie, interrogation des os divinatoires gravés de signes, et la plastomancie, étude des écailles de tortues, sont en grande faveur. Des méthodes de numération et de calcul sont utilisées; la chronologie apparaît; l'année comporte 12 ou 13 mois. La base du système d'écriture chinois s'élabore. Des constellations sont identifiées et les premières observations d'éclipses de lune et de soleil sont réalisées. Les Shang finissent par sombrer dans la jouissance
et la tyrannie; leur dernier roi, Di Xin, est vaincu par Wu, le chef d'une
bourgade rebelle du Shaanxi, Zhou; le vainqueur fonde une dynastie nouvelle.
-1046 à -770: dynastie des Zhou (Tcheou) de l'ouest (voir carte). Les Zhou, membres d'une peuplade agricole soumise aux Shang, ont détrôné ces derniers en s'alliant aux tribus voisines; les populations restées fidèles aux anciens souverains sont déportées au Henan. Le monarque des Zhou, fils du ciel, tient son pouvoir d'un mandat céleste, croyance qui perdurera jusqu'à la fin de la monarchie chinoise. Un système de lignées est constitué pour diriger le royaume; la grande lignée est constituée par les fils aînés qui succèdent à leur père sur le trône; les petites lignées sont constituées par les cadets et les enfants des concubines. Les frères du roi sont nommés à la tête des provinces; leur fonction est héréditaire et ils dupliquent le système des lignées à leur niveau. Une conception domaniale de la société
s'élabore; les grandes agglomérations sont encore inconnues
en Chine. Une période de prospérité caractérise
cette dynastie qui fait définitivement entrer la Chine dans l'époque
historique. Les Zhou maintiennent pendant trois siècles les traits
caractéristiques de la culture des Shang avant de s'en émanciper
pour donner naissance à une civilisation plus originale. L'économie
se développe mais reste basée sur l'esclavage; l'industrie
du bronze donne naissance à de magnifiques objets sur lesquels un
début d'écriture relate les événements importants;
des instruments de musique en bronze sont utilisés (cloches, tambours);
la musique et la danse, très prisées, s'intègrent
dans les rites de la cour et servent de moyen de domination sur les classes
populaires à qui elles sont interdites; elles font partie de l'éducation
des élites; les inscriptions gravées sur les os cessent progressivement
d'être utilisées à des fins divinatoires pour retracer
les faits des familles régnantes. Des objets de jade, finement sculptés,
sont déposés sur le corps des défunts, cette pierre
étant supposée protéger de la corruption. Les sacrifices
humains sont interdits; ils sont remplacés par des figurines en
céramique ou des objets symboliques, ce qui vaut à la dynastie
une réputation de justice, de pondération et de sagesse.
L'interrogation des os divinatoires se poursuit. Alors que les Shang devaient
leur pouvoir à leur maîtrise de l'industrie du bronze et à
la puissance militaire qui en découlait, les Zhou tiennent le leur
de la supériorité de leur organisation. Pourtant, les derniers
monarques, tyranniques et cruels, sont affaiblis par les dissensions familiales
et le roi You, abandonné par ses vassaux, est massacré au
pied du mont Lishan (Lintong - Shaanxi).
-770 à -256: dynastie des Zhou (Tcheou) de l'est. La capitale est transférée à l'est par le nouveau roi. Cette dynastie recouvre deux périodes distinctes: -770 à -476: période
des Printemps et Automnes (voir carte).
L'autorité centrale sort affaiblie de l'expansion de la civilisation
chinoise; le recul de la forêt et la disparition du gibier modifie
les comportements; la chasse se marginalise et les ressources en espaces
défrichables se raréfient; un système féodal
se met en place; le roi est le suzerain d'une centaine de provinces vassales
qui se font la guerre les unes contre les autres, pour se procurer les
meilleures terres, et construisent des murailles, pour protéger
leurs territoires des incursions barbares; le souverain ne dispose bientôt
plus que d'un pouvoir moral. Deux puissances émergent: les Qi et
les Jin qui dominent tour à tour la scène. Puis apparaissent
d'autres puissances, celles de Chu, de Wu et de Yue; la dernière
finit par devenir prépondérante, après bien des luttes.
Cette période d'anarchie féodale est dommageable au petit
peuple; quantité de seigneurs sont assassinés par leurs serfs;
mais, en même temps, les guerres favorisent les échanges entre
les États des plaines centrales et les nationalités minoritaires
de la périphérie. Au point de vue artistique, notons la production
de vases tripodes et la fonte du bronze à la cire perdue; au point
de vue militaire, l'arbalète commence à être utilisée
et les chars de guerre sont progressivement remplacés par la cavalerie.
-476 à -221: période des Royaumes combattants (voir carte). Les dizaines d'États précédents se réduisent à sept: le Qin, le Chu, le Yan, le Qi, le Han, le Zaho et le Wei. Le Wei est d'abord prépondérant; mais les autres se liguent contre lui et, après une série de luttes, le Qi devient le plus puissant. Le Qin, qui ne paie pas de mine, est laissé de côté par les autres, lesquels méprisent cet État de barbares, dirigé par d'anciens maquignons, uniquement intéressés par les gains matériels, ne respectant aucune règle morale et qui doivent leur fortune à leur connaissance des chevaux qui a valu à un de leurs ancêtres, originaire de l'ouest de la Chine (Gansu), la faveur d'un roi guerrier; le Qin en profite pour se renforcer, en s'appuyant sur des lettrés et des légistes venus d'autres régions; sous l'impulsion de Chang Yang, il se dote d'une nouvelle organisation sociale et politique, d'un système pénal rigoureux et embrigade la paysannerie contrainte de servir dans l'armée: le concept de soldat-paysan apparaît et la distinction entre le civil et le militaire s'efface ; dans l'armée, la promotion s'effectue à la tête d'ennemi coupée; le Qin conquiert des territoires sur le Han, le Wei et le Chu; ce dernier État, puissant au début de la période, la termine affaibli, à cause de l'autocratie de ses nobles et de ses dissension internes. Une alliance de tous les autres royaumes contre le Qin échoue; une autre alliance, conduite par le Yan, élimine le Qi; le Han ne parvient pas à se maintenir au niveau des autres; le Zaho se dote d'une puissante cavalerie, il inflige d'abord une sévère défaite au Qin mais finit par être battu; ses 400000 soldats sont enterrés vivants sur ordre du générBai Qi du Qin. -267: le prince Anguo est désigné comme héritier du royaume de Qin. -259: le futur unificateur de la Chine naît vers - 259, sous le nom de Zhao Zheng (ou Cheng), à Handan, capitale du Zhao. Il est le fils du prince Yi Ren, alors otage au royaume de Zhao, lui-même fils de Anguo et petit-fils secondaire du roi Zhaoxiang de Qin. L'enfance du nouveau né n'est pas de tout repos dans une ambiance de guerres et de conspirations. Il est protégé par un riche marchand, Lü Buwei, lettré et ambitieux. La mère de Zhao Zheng, Zhaoji, a été concubine de ce marchand et celui-ci l'a offerte à Yi Ren. -256: le Qin s'empare de la région de Luoyang; il avait conquis un peu plus tôt le Sichuan. Lü Buwei intrigue afin que l'épouse principale du prince Anguo, qui n'a pas d'héritier, adopte Yi Ren . Cette machination aboutit et Yi Ren, sous le nom de Zi Chu, prend place, ainsi que son fils, dans la lignée des princes héritiers. Lü Buwei entreprend alors des démarches pour libérer Zi Chu (ex Yi Ren) de sa condition d'otage, à renforts d'argent. Il y arrive mais Zi Chu retourne au Qin en laissant derrière lui Zhao Zheng et Zhaoji, dans une situation précaire et dangereuse. -251: le roi Zhaoxiang de Qin meurt. Son fils le prince Anguo lui succède brièvement sur le trône mais disparaît rapidement. Zi Chu devient le nouveau roi de Qin, sous le nom de Zhuangxiang. Les autorités du royaume de Zhao consentent alors à laisser partir Zhao Zheng et sa mère qui gagnent Xianyang. Désormais nommé Ying Zheng, le jeune prince est le nouvel héritier du trône, et Zhaoji la reine de Qin. Lü Buwei est nommé Chancelier. Le règne du roi Zhuangxiang ne dure que trois ans. -247: à la suite de ces décès successifs et suspects, Ying Zheng monte sur le trône de Qin. Il n'a que treize ans et il est tenu à l'écart; le royaume est gouverné par une régence assurée par sa mère et Lü Buwei dont le couple s'est reformé. Le temps passant, Lü Buwei est amené à fournir à Zhaoji un soi-disant eunuque pour assouvir des ardeurs sexuelles qu'il ne se sent plus capable d'assumer. La reine donne deux enfants avec ce singulier eunuque, lequel rêve de remplacer le jeune roi. -238: Ying Zheng (ex Zhao Zheng), qui a vent du projet de complot qui se trame contre lui, s'allie avec Lü Buwei pour le déjouer ce complot. L'eunuque et son armée tombent dans un piège. L'armée est massacrée, l'eunuque imprudent est exécuté ainsi que plusieurs milliers de ses partisans, ses deux enfants sont assassinés, Lü Buwei, exilé, se suicidera, et la reine Zahoji est placée en résidence surveillée. A 22 ans, Ying Zheng règne enfin sur le Qing. Décidé à unifier la Chine, il se dote d'une armée d'un million d'hommes qui vont tour à tour défaire les six autres royaumes combattants, malgré les attentats que ses rivaux tenteront contre lui. Pour arriver à ses fins, il n'accordera de places qu'au mérite et non plus à la naissance, y compris en faisant appel à des étrangers; il assurera la prospérité du Qin par de gigantesques travaux d'irrigation. -230: Wang Jian du Qin
conquiert le Han qui est transformé en commanderies.
Après avoir triomphé de son dernier rival, Ying Zheng prend le nom de Qin Shi Huang Di, le Premier empereur (ou, pour mieux dire, le plus grand, l'égal des dieux); il décide que ses successeurs s'appelleront le second, le troisième... et il pense avoir fondé une dynastie éternelle. Pour assurer leur triomphe, les armées de Qin Shi Huang Di se sont servies d'une arme redoutable dont la flèche perce les cuirasses: l'arbalète, inventée par une minorité conquise. Dès cette époque les Chinois empruntent à l'étranger des techniques de pointe qu'il améliorent. Cependant, ils savent se montrer également très ingénieux. C'est ainsi qu'on a eu la surprise de découvrir, dans la fosse où furent enterrées les guerriers devant accompagner l'empereur dans l'au-delà, des épées de bronze intactes; pour percer ce mystère, des analyses poussées furent réalisées et on s'aperçut que leur lame avait été "chromées" pour empêcher l'oxydation; la Chine connaissait donc un procédé de chromage, plus de 2000 avant l'Europe occidentale! Toutes ces guerres, très meurtrières, auraient coûté plus d'un million de morts à la Chine de l'époque. La période des Royaumes combattants
est une ère de profonds changements sociaux et intellectuels. Les
guerres constituent un puissant facteur de progrès; il faut innover
constamment, et sur tous les plans, pour se défendre et conquérir,
afin d'atteindre le but ultime de tous les belligérants: l'unification
de la Chine. La lutte des sept royaumes pour la suprématie les amène
à promouvoir les talents. Certains personnages, sages ou ambitieux,
sont choisis comme conseillers par les princes. Par ailleurs, les intellectuels,
stimulés par la crise que traverse le pays, s'efforcent d'imaginer
des solutions pour remédier au désordre. De multiples écoles
philosophiques fleurissent: confucianisme, mohisme (Mozi
ou Mo Di (-468 à -376): amour universel et
promotion des hommes de talent), taoïsme, légisme (Han
Feizi: synthèse des différents courants de pensée),
yin et yang, logiciens (Gongsun Long), stratèges
(Sun Wu ou Sunzi
ou Sun Tzu: stratégie et tactique militaires)*,
éclecticiens (Lü Buweï: expériences
historiques et synthèse des courants de pensée)... De nombreux
ouvrages fondamentaux sont rédigés. Les deux principaux auteurs
sont Confucius et Lao-Tseu. Ils
eurent l'un et l'autre de nombreux disciples (Zhuangzi,
Mencius, Xunzi...)
Confucius (-551 à -479) développe une pensée de l'action centrée sur la réalité sensible. Sa méthode est scientifique, son but le bonheur du peuple. Indifférent à la religion, Confucius élabore une morale fondée sur la nature de l'homme et les exigences de la société. Il pense qu'il est possible de remédier aux désordres de son époque en revenant aux anciennes valeurs reposant sur la bonne conduite, le li, qui consiste essentiellement à pratiquer la politesse, les bonnes manières et à observer les rites religieux et profanes. Le prince doit agir sur la société par son exemple et baser son pouvoir sur l'ordre et sur la justice. Confucius préconise la bienveillance et le gouvernement vertueux; les rites doivent avoir pour objet le maintien de la tradition et de l'ordre social; la musique participe à la culture de l'esprit; la compétence, la connaissance et l'érudition sont valorisées car elles prédisposent à la bienveillance; la bonne gouvernance consiste à rechercher la stabilité et l'harmonie; l'éducation du peuple est une impérieuse nécessité; rites, musique, tir à l'arc, conduite de char, calligraphie et calcul sont les disciplines principales de l'enseignement scolaire. Les contraintes sociales doivent être acceptées comme un fait de nature; chaque individu doit obéir à ses supérieurs et montrer l'exemple à ses subordonnés; la continuité est tenue pour un bienfait et toute innovation sociale ou politique est dangereuse. Cette philosophie fonda l'ordre politique de la Chine pendant des siècles. Lao-Tseu
(5ème siècle avant J. C.) est une sorte de Platon chinois
qui ne voit de réalité que dans l'idée pure; rien
n'existe en dehors des concepts. Le dao, la voie, est le principe
d'ordre qui s'applique à la totalité du cosmos et en assure
l'unité; les hommes doivent vivre en harmonie avec lui sans porter
atteinte aux lois qui régissent l'univers. Lao-Tseu préconise
donc l'inaction, la victoire du faible sur le fort et le contrôle
de la violence par la douceur; le meilleur gouvernement est celui qui sait
se faire ignorer. Cette philosophie du renoncement, peut-être inspirée
par l'hindouisme, favorisera l'essor du bouddhisme.
L'opposition des doctrines brièvement exposées ci-dessus reflète les contradictions de la société chinoise de l'époque, notamment la lutte entre la monarchie unificatrice et un monde féodal visant au maintien des prérogatives des potentats locaux. La monarchie confucianiste finira par l'emporter ce qui se traduira par d'importantes réformes favorisant l'émancipation des serfs. En rénovant la pensée confucéenne, Mencius, considéré parfois comme un Machiavel chinois, dotera les partisans du centralisme monarchique d'une idéologie efficace. Les légistes, qui remplaceront les nobles auprès du prince, favoriseront l'évolution. Des formes d'organisation sociale plus élaborées verront le jour; la paysannerie sera embrigadée par groupe de familles avec instauration d'un principe de responsabilité collective. L'activité économique se développera dans les villes où les commerçants seront de plus en plus nombreux. Malgré tous ces progrès, les guerres se poursuivront, pendant des siècles, en employant des méthodes de terreur et d'extermination qui contrasteront avec l'épanouissement d'une civilisation raffinée. La littérature voit naître l'histoire ("Annales des Printemps et des Automnes" rédigées par Confucius) et la poésie (Qu Yuan: -340 à -278). La science et la technologie font de grands progrès notamment dans l'astronomie, non encore complètement indépendante de l'astrologie, (découverte des comètes, "Calendrier Sifen" le plus précis de l'époque: année de 365 jours et 6 heures, "Horoscope de Ganshi"...); la médecine, s'affranchit de la religion et se débarrasse de la sorcellerie: les premiers traités médicaux apparaissent; l'étude des poisons, la recherche d'un élixir de longue vie, la diététique, la culture physique et la sexologie sont à la mode; la théorie des cinq éléments s'élabore, elle imprégnera tous les systèmes de connaissance chinois; la métallurgie se développe (apparition d'objets en fer dont la charrue, 1600 ans avant qu'on ne la connaisse en Europe); sous l'influence du taoïsme, l'alchimie se sépare de la métallurgie et s'oriente autour de trois pôles: transmutation des métaux, études cosmologiques et recherche de l'immortalité; un appareil d'orientation, le Sinan, est inventé. Au plan artistique, notons les vases de bronze à forme d'animaux mythologiques et les coupes de cristal, les carillons de bronze... la disparition des sacrifices humains conduit à remplacer les serviteurs esclaves par des statuettes, les mingqi, dans les rituels funéraires. Hérodote (-484
à -425) mentionne l'existence de la Chine pour la première
fois en Occident.
-221 à -206: dynastie
des Qin (Ts'in): première unification
de la Chine par l'empereur Qin Shi Huang Di qui, sans s'en douter, donne
son nom au pays (Chine vient de Qin - voir
carte).
Qin Shi Huang Di rêve d'immortalité; il parcourt les côtes de Chine orientale afin de trouver des remèdes propres à lui prolonger l'existence, et envoie vers les mythiques Îles des Immortels une vaste expédition menée par Xu Fu accompagné de 3000 filles et garçons vierges, de gardes et de vivres; selon certains auteurs, des navigateurs chinois seraient alors parvenus jusqu'aux côtes américaines. Il entreprend la construction d'un immense mausolée où des milliers de guerriers de terre cuite veilleront sur lui. Malgré tous ses efforts, la vie lui échappe et la crainte de la mort le rend de plus en plus tyrannique. Le système seigneurial a été anéanti, mais la population, accablée de charges et affamée, contrainte de servir dans l'armée et de participer aux grands travaux, vit dans la terreur; la suppression de la diversité culturelle des sept royaumes n'a pas suffi à conférer à la nation chinoise son unité raciale, linguistique, économique et sociale; des révoltes éclatent; elles sont férocement réprimées. Qin Shi Huang Di sombre dans la méfiance; il soupçonne ses proches; dès sa prise du pouvoir, on l'a dit, il a déjà éloigné son chancelier, qui s'est suicidé, et a placé sa mère en résidence surveillée. A demi dément, peut-être par suite des potions qu'il prend pour devenir immortel, il fait fouetter le sommet des montagnes dont les génies n'ont pas répondu favorablement à ses requêtes! .
-213: Qin Shi Huang Di ordonne une répression violente contre les confucéens, anciens serviteurs des rois déchus, ennemis de longue date du légisme et partisans des valeurs traditionnelles, qu'il accuse de conspirer contre lui. Ils sont arrêtés puis enterrés vivants sur la colline où il décide de brûler leurs écrits; aucune trace du passé ne doit subsister, à l'exception des ouvrages de médecine, d'agriculture et de divination, afin que tout commence avec le règne du premier empereur! C'est, en plus radical, une préfiguration de la révolution culturelle. -210: mort de Qin Shi Huang Di en tournée d'inspection; le cadavre est ramené dans la capitale en cachette; le véhicule qui le transporte est accompagné de chariots de poissons pour masquer l'odeur de mort qui s'en exhale. Le Premier ministre, un eunuque selon certains, contraint le prince héritier au suicide. Il favorise ainsi l'accession au trône du second fils de l'empereur défunt, en comptant bien gouverner à sa place. Le comportement du nouveau pouvoir, ignoble et cruel, entraîne une révolte de conscrits; ceux-ci, retardés par la pluie, étaient menacés de mort par les décrets impériaux; cette rébellion met le feu aux poudres; des armées de paysans insurgés se constituent; deux généraux prennent la tête des révoltés; les représentants de l'empereur sont exécutés; ses armées sont battus et Qin II lui même est assassiné par le général Zhao Gao qui porte au pouvoir Ziying sous le nom de Qin III; à peine intronisé, ce dernier fait tuer Zhao Gao. Le général des paysans, Liu Bang, bat les troupes de Qin III qui capitule. Qin Shi Huang Di, reste un personnage très important de l'histoire de la Chine, même si l'image qu'il a laissée est loin de faire l'unanimité. Il faut se souvenir toutefois que la plupart des écrits parvenus jusqu'à nous sur son règne datent de la période des Han qui ont succédé à sa dynastie. Ils ne sont donc peut-être pas totalement objectifs. D'autres renseignements sur Qin Shi Huang Di et son armée de terre cuite sont ici -202 à 9: dynastie des Han antérieurs ou de l'ouest (voir carte). Liu Bang restaure l'autorité et, après une série de combats, il triomphe et fonde la dynastie des Han qui s'installe à Chang'an (Xi'an), à l'ouest, d'où le nom de la dynastie. Les lettrés sont d'abord écartés au profit des chefs de bande qui ont participé à la conquête du pouvoir; mais leur compétence les ramène bientôt sur le devant de la scène, plus puissants que jamais. Les Han adoucissent les lois oppressives des Qin et remettent à l'honneur les anciennes traditions des Zhou; ils combinent les méthodes de gouvernement des deux dynasties précédentes, comme la rotation des postes, les emplois à court terme et la promotion au mérite. Ils maintiennent l'État centralisé des Qin mais, à côté des préfectures et des districts, ils tolèrent d'abord des principautés et des marquisats qui jouissent d'un certain degré de souveraineté, notamment de forces armées personnelles; ces entités sont dirigées par des membres de la famille impériale ou par des dignitaires ayant contribué à la conquête du pouvoir. Les fiefs forment une unité religieuse par la création d'un dieu du sol propre; l'investiture est conférée suivant l'ancien rite de la terre et des herbes; leurs possesseurs doivent rendre hommage à l'empereur. Menaces pour l'autorité centrale, ils seront ultérieurement réduits à merci, non sans résistance; privée alors d'influence publique, l'aristocratie s'adonnera à la protection des arts ou sombrera dans la crapulerie, buvant, organisant des combats de coqs ou enlevant des femmes et des filles, pour en faire des concubines. Une exception doit cependant être faite pour les marquis, lesquels ont accès aux fonctions administratives, dont sont écartés les autres nobles, ils se confondent ainsi avec les lettrés et échappent, comme eux, à la corvée et à la bastonnade, en cas de condamnation. Grâce au contrôle de la Route de la Soie, l'industrie des soieries prend son essor; l'empire connaît un développement économique accéléré; les relations avec l'étranger favorisent l'émergence d'une classe de riches marchands tandis que l'exploitation des mines (sel, fer, cuivre) fait la fortune des industriels; cette évolution est cependant contrariée par la fiscalité qui frappe lourdement commerçants et industriels, jalousés par les mandarins lettrés; seuls ces derniers sont habilités à devenir propriétaires terriens, à condition d'acquérir des parcelles privées ou en friche; la redistribution de la fortune par la fiscalité s'effectue largement à leur profit; la classe moyenne est laminée; les nouveaux riches accaparent les terres et prennent la place de l'ancienne noblesse, menaçant ainsi la stabilité sociale; l'orientation du travail vers la production d'objets de luxe, au détriment des cultures vivrières, constitue un autre effet pervers de cette situation. Dans un premier temps, les Han adoptent la philosophie de l'inaction de Lao-Tseu; la réduction des taxes et des corvées encourage le développement de l'économie sociale (période de Paix et de Prospérité de Wen-Jing). De nouvelles réformes dépossèdent la noblesse de ses anciens privilèges judiciaires et sociaux; la fonctionnarisation de l'Administration conduit à la mise en place d'un système fiscal plus efficace et moins arbitraire; la Chine s'oriente vers un État de droit. L'émancipation de la paysannerie entraîne un exode rural en direction des villes; des mesures sociales sont prises pour combattre la misère (secours aux vieillards et aux infirmes, établissement de colonies agricoles pour les chômeurs). Malgré ce début d'urbanisation, la société chinoise reste profondément attachée à la terre; les citadins continuent de considérer le village de leurs ancêtres comme leur véritable foyer et les nantis acquièrent des domaines pour devenir propriétaires terriens. La médecine
se développe; dans une tombe mise à jour sur le site de Mawangdui
a été découvert un texte appelé "Recettes
pour cinquante-deux maladies", daté de 168 avant notre ère,
dans lequel figure notamment un remède contre le paludisme; il est
accompagné d'autres documents se rapportant à 283 autres
traitements médicaux.
Contemporaine de l'empire romain, la dynastie des Han dominera la Chine pendant quatre siècles au cours desquels s'affronteront deux grands courants de pensée: un courant moderniste, ouvert aux changement et au progrès, et un autre de tendance ritualiste, prônant le retour aux traditions. Animés par les lettrés en charge de l'Administration, ces deux courants sauront rester pragmatiques en s'efforçant de déterminer le meilleur moyen d'assurer la stabilité des institutions. -196: instauration d'examens
pour la sélection des lettrés.
-156 à -87 (ou -141 à
-87): règne de Wudi: le nouvel
empereur adopte la philosophie confucianiste; c'est la fin de l'inaction;
la nouvelle doctrine, celle des trois règles, proclame la suprématie
du souverain sur les sujets, du père sur le fils et du mari sur
la femme; elle s'impose comme une véritable dictature intellectuelle;
les élites en sont toutes issues ce qui contribue à l'unification
de l'empire; les mandarins lettrés, recrutés par concours,
occupent les postes administratifs. L'empereur, monarque absolu, éprouve
le besoin de légitimer son pouvoir en lui conférant l'onction
des dieux; il s'affirme plus que jamais comme étant le "fils
du ciel". La philosophie confucianiste régira l'Administration
chinoise jusqu'à l'effondrement de l'empire, au début du
20ème siècle. Wudi lutte contre les Xiongnu dans le nord
et met au pas les ethnies minoritaires du sud.
-139: Wudi envoie son émissaire Zhang Qian négocier une alliance avec les Yuezhi, un peuple de l'ouest, qui lutte contre la suprématie des Xiongnu sur les steppes d'Asie centrale. Les Han s'intéressent aux florissantes civilisations urbaines d'Asie centrale (Ferghana, Bactriane, Parthie). La possession des chevaux de ces régions représente une ressource vitale pour l'armée chinoise qui combat les nomades. La Chine s'efforce d'affermir son contrôle sur la Route de la Soie en refoulant les Huns, originaires du nord de la Mongolie, et en affaiblissant la Bactriane grecque. Une armée est levée parmi les chômeurs urbains pour garnir la Grande Muraille et progresser vers l'ouest et le sud, avec l'aide des Scythes, alors alliés de la Chine. -130: le poids excessif de la fiscalité diminue son rendement alors que la politique d'expansion et de conquêtes s'avère de plus en plus coûteuse. Un impôt sur la fortune est institué, puis l'État se lance dans la création de monopoles publics, notamment sur le commerce du fer et du sel, tandis que la production d'alcool est taxée; des greniers impériaux sont ouverts pour acheter les céréales à bas prix pendant les périodes d'abondance et les revendre cher aux époques de disette. Une forme d'étatisme économique est en train de naître. La fraude fiscale est punie de mort. Pour se procurer des ressources, l'empereur instituera plus tard la vénalité des titres nobiliaires. -124: création à Chang'an d'une École d'Administration où sont enseignés aux futurs fonctionnaires les Six Canons du confucianisme. -111: les troupes de Wudi accèdent à la mer par la conquête de Canton et de celle du Vietnam du nord; l'influence de la Chine marquera durablement l'ancienne civilisation Dông Son de ce dernier pays. La Chine se dote d'une marine et devient une nation maritime. -108: les troupes
de Wudi pénètrent en Corée organisée en quatre
provinces; des colonies chinoises s'installent dans la nouvelle conquête.
-99: l'historien Sima Qian (-145 à -86) est castré pour avoir défendu un général battu par les Xiongnu. Il n'en poursuit pas moins la rédaction de ses monumentaux "Mémoires historiques" (130 volumes) dans lesquels il tente de découvrir les relations entre l'univers et l'humanité. S'il faut l'en croire, le magicien Li Xaoiun aurait communiqué à Wudi le secret de l'immortalité, ce qui n'empêchera pas l'empereur de mourir après une longue vie bien remplie; il laissera l'image d'un des plus grands dirigeants que la Chine ait connus et plusieurs de ses successeurs s'inspireront de sa conduite. -80 à -30: les Grecs sont chassés d'Asie sous les assauts des Scythes, des Huns et des Chinois. L'influence grecque cède la place à l'influence chinoise. -77: le royaume de Shanshan (Loulan), au nord du Taklamakan, passe sous influence chinoise. -60: le résident de Chine à Kashgar porte le nom de "Protecteur général des régions occidentales". Une manière de mondialisation est en place grâce à l'essor du commerce international. Elle favorise la formation des grands empires. -57: la Chine impose son protectorat à l'île japonaise de Kyou-shou. Le Japon, dont la civilisation est à peine embryonnaire, est encore morcelé en une centaine de petites royautés. -20:
il est à peu près certain que des émissaires de
l'Empire du Milieu parviennent à Rome sous le règne d'Auguste,
comme le laissent entendre les écrits de l'historien Florus. Une
Route de l'Or, par laquelle transite, jusqu'à la capitale de l'empire
romain, le métal précieux de l'Altaï, pour y être
converti en bijoux, est déjà en service.
Sous les successeurs de Wudi, la stabilité et la prospérité de l'empire sont assurées pendant un temps. Mais, vers la fin de la période, la puissance impériale décline à cause de la confiscation des terres et de la réduction en esclavage des paysans; la pression fiscale accrue favorise la corruption; l'étatisme fait évoluer la monarchie vers l'autocratie et sape l'État de droit; les bases morales de la société sont détruites par l'avènement d'une philosophie défavorable à la vertu et à l'éducation; ces mesures impopulaires entraînent une série de troubles tandis que le bouddhisme apparaît dans les plaines centrales de Chine, via la Route de la Soie. 9-24:
usurpation de Wang Mang. Ce dernier, un neveu de l'impératrice-mère,
profite de la mort de l'empereur Yuandi pour détrôner son
successeur et s'emparer du pouvoir. Il tente d'augmenter la main-mise de
l'État sur l'économie; il met l'accent sur le caractère
précieux de l'être humain, abolit le servage et redistribue
les terres, décrétées inaliénables, entre les
familles pauvres; des prix maximum sont fixés et l'État régule
les marchés; l'impôt, qui frappait la propriété
foncière, est étendu au commerce et aux professions libérales;
l'enrichissement indu des fonctionnaires est puni de la confiscation des
biens; ces réformes provoquent mécontentement et désorganisation;
d'autre part, la pression des Xiongnu oblige les populations du nord à
se réfugier dans le centre du pays tandis que les militaires des
provinces éloignées usurpent le pouvoir. La Chine s'enfonce
dans l'anarchie et la misère provoque des jacqueries; des révoltes
paysannes (armée de Lulin et armée des sourcils rouges) éclatent
pour chasser l'usurpateur et rétablir la dynastie légitime.
Chang'an prise, Wang Mang est tué.
25-216: dynastie des Han postérieurs ou de l'est: un des généraux vainqueurs de Wang Mang, Liu Xiu, se proclame empereur Guangwudi des Han. Il renforce le pouvoir central tout en améliorant le sort des serfs et des paysans. Les réformes fiscales de Wang Mang sont abolies et le nombre des agents de l'État réduits. L'ordre est rétabli mais la population chinoise est passée de 50 millions à 21 millions d'habitants! L'empire a perdu une partie de ses possessions en Asie centrale et sur les côtes. Par ailleurs, le nouvel empereur s'est appuyé sur les propriétaires terriens que Wang Mang cherchait à exproprier; cette nouvelle caste nobiliaire va peser sur le pouvoir dans le sens de la restauration du féodalisme. Chang'an, partiellement détruite par suite des troubles civils, est abandonnée, comme capitale, au profit de Luoyang, située plus à l'est, d'où le nom de la nouvelle dynastie. Ce transfert rapproche le pouvoir des nouveaux centres de développement du sud et de l'est (vallées du Yang Tsé Kiang et du Huaihe), où affluent les populations d'origine han, tandis que le nord et l'ouest tombent progressivement sous la coupe des tribus d'éleveurs nomades. L'apparition du moulin à eau, la généralisation
de l'emploi des outils de fer, le développement de l'artisanat et
l'ouverture de voies commerciales entraînent une ère de prospérité.
Mais la menace des Xiongnu au nord et à l'ouest oblige l'empire
à intervenir pour les contenir.
42: conquête du Tonkin et reprise de la maîtrise des régions côtières. 60: les Huns, écrasés à l'est, vers la mer d'Aral, par les Ou-Soun, de race indo-européenne, alliés aux Chinois, se dirigent vers l'ouest. 70: le protectorat sur les routes caravanières de l'Asie centrale est rétabli. 73-94: le général chinois Ban Chao (32-102) s'empare du bassin du Tarim et des oasis de Sérinde sur les Xiongnu. Selon certaines sources, il aurait avancé jusqu'à la Caspienne et conquis l'Ukraine et le territoire des Parthes; cependant, il n'a probablement pas dépassé l'Asie centrale. Plus de 50 États de l'ouest se soumettent aux Han; Ban Chao, commandant en chef des régions de l'ouest, dont les troupes cantonnent à Qiuci (Sinkiang actuel), est nommé marquis de Dingyuan; il envoie un émissaire, Gan Ying, à Rome. La Chine, avec 60 millions d'habitants, équilibre
à l'est les 70 millions d'habitants de l'empire romain à
l'ouest; la paix chinoise en Orient fait pendant à la paix romaine
en Occident.
100: rédaction du premier dictionnaire chinois. 106-125: règne de Andi, invention du papier*. Les premiers essais de fabrication du papier datent des Han occidentaux; Cai Lun fait le bilan des expériences passées et produit du papier avec des chiffons, de vieux filets et des écorces d'arbres. * D'après un guide du Sinkiang, le papier aurait été inventé par un Ouïgour. 127: Ordos, en Mongolie, point de contrôle pour l'accès aux pâturages des peuples nomades turco-mongols, notamment des Xiongnu, est prise par les Chinois qui la colonisent. 159: mise à mort du ministre Leang Yi qui laissera dans l'histoire le souvenir d'un personnage fastueux renommé pour la beauté de son parc de plaisance. 166: arrivée de marchands syriens en Chine. Le commerce de la Chine avec le monde romain se développe. La Route de la Soie connaît un nouvel essor. 169: la dynastie entre en décadence; la centralisation évolue vers la bureaucratie; les eunuques tiennent le haut du pavé et s'en prennent aux fonctionnaires qui tentent de lutter contre la corruption; 600 à 700 dignitaires sont tués, destitués ou exilés; 1000 élèves du Collège impérial sont arrêtés. Les grands propriétaires fonciers et les gouverneurs militaires provinciaux prennent de plus en plus d'importance; les premiers obtiennent à leur profit une exemption d'impôt qui contribue à accroître les difficultés. Le taoïsme s'organisme afin d'enrayer la décadence morale de l'empire. 184: la mauvaise administration et une série de calamités naturelles réduisent la population à la misère. Zhang Jiao, le "Maître vertueux", chef de la secte taoïste des Taiping Tao (Doctrine de la Justice), lève une armée paysanne, en promettant l'avènement prochain du "Ciel jaune"; dénoncé, il doit déclencher trop tôt la révolte de ses affiliés, les "Turbans jaunes"; ceux-ci, mal organisés, ne peuvent résister à l'armée impériale; la révolte est noyée dans le sang et Zhang Jiao meurt de maladie. Mais les provinces profitent des troubles pour devenir autonomes. 189: le président de la cour suprême de justice prend le parti des mécontents et fait massacrer 2000 eunuques du palais. L'empereur étant un enfant, les généraux prennent le pouvoir et la Chine est plongée dans le chaos. Sous les Han, la classe des commerçants et des industriels se développe, des mines de sel et de métaux sont exploitées, le riz devient plus abondant, le thé fait son apparition mais la généralisation de son usage n'interviendra que plus tard, lorsque les invasions barbares auront contraint la cour à se réfugier dans le sud; de nouveaux progrès sont accomplis dans les arts, en astronomie*, en mathématiques et en médecine: Chun Yuyi répertorie les maladies qu'il sait soigner, Zhang Zhongjing invente la symptomatologie, le chirurgien Hua Tuo pratique l'anesthésie générale au chanvre indien (cannabis) et utilise l'acunpucture; le sismographe est inventé par Zhang Heng. La calligraphie devient un art à part entière, une élégante combinaison de la peinture abstraite et de la littérature. Les parcs de plaisance, de tradition depuis l'antiquité dans les propriétés foncières, agrémentés de plans d'eau artificiels et de fausses montagnes, dotés de kiosques de repos et comprenant parfois un zoo d'animaux rares, préfigurent le jardin chinois du futur. Vers la fin de la dynastie des Han orientaux, le taoïsme se perfectionne ("Livre de la grande Paix") et intègre des éléments de sorcellerie populaire. Jusqu'alors, la civilisation chinoise s'est développée dans le bassin du Fleuve Jaune (Huanghe); la poussée des barbares amène la création d'un nouveau pôle plus au sud, dans le bassin du Fleuve Bleu (Yang Tsé Kiang). Les rites funéraires restent comparables à ceux de la période Qin, mais les objets déposés dans les tombes impériales ont un caractère de moins en moins militaire. * L'astronomie, invention occidentale,
aurait été amenée en Chine via les Indes, même
si l'observation des astres a commencé dans l'Empire du Milieu longtemps
avant notre ère.
La dissolution de l'empire et les incursions barbares: les turbulentes peuplades des marches apportent un sang neuf à une société qui se désagrège. La Grande Muraille s'avère de peu d'efficacité pour arrêter les envahisseurs du nord. Trois régions économiques vont émerger: celle du moyen Fleuve Jaune, celle du bas Yang Tsé Kiang, le Fleuve Bleu, (autour de Nankin), celle du bassin rouge au Sichuan. Devant la poussée des barbares (Hu en chinois), beaucoup de paysans fuient vers le sud qu'ils contribuent à peupler et à développer. Les envahisseurs adopteront les principes de gouvernement chinois qu'ils mâtineront de leur propre tradition. 216-280: période des Trois Royaumes (voir carte). Après la défaite des "Turbans jaunes", les généraux vainqueurs se déchirent entre eux pour la conquête du pouvoir. Les grands propriétaires fonciers fortifient leurs manoirs et lèvent des armées privées; l'empire est livré à l'anarchie. Trois personnages finissent par émerger: Cao Cao, Liu Bei et Sun Quan, qui prennent la tête de trois royaumes. 208: le général
des Han Cao Cao est battu par les Sun de Jianye (Nankin) qui imposent la
division de la Chine.
265-316: dynastie des Jin (Tsin) de l'ouest: 280: Wudi conquiert le Wu et restaure l'unité de l'empire. Les armées privées sont dissoutes. Le nouveau maître de la Chine confère le titre de princes aux membres de sa famille et leurs confie des territoires. Les nomades du nord (Xiongnu ou Huns, Proto-Mongols et Tibétains, Turcomans et Tartares) sont autorisés à s'établir à l'intérieur de la Grande Muraille, où ils fournissent de la main d'oeuvre et des mercenaires pour l'armée, en une évolution parallèle à celle de l'empire romain en Occident. Les conditions d'un nouvel éclatement, le grand émiettement, sont ainsi réunies. Après la mort de Wudi, la discorde éclate entre huit princes de sa famille pourvus de fiefs; l'économie se disloque; la population est décimée, pendant la période de guerre civile précédente, elle a déjà régressé jusqu'à 29 millions d'habitants. 304: un prince fait appel aux Xiongnu pour lutter contre un autre qui s'appuie sur les Tartares. 304 à 439: plusieurs petits États, dirigés par des princes barbares, voient le jour dans le nord; la plupart n'auront qu'une existence éphémère; cette période de morcellement et de troubles civils est celle des Seize Royaumes: Cheng Han, Zhao antérieurs, Zhao postérieurs, Liang antérieurs, Liang postérieurs, Liang de l'ouest, Liang du nord, Liang du sud, Qin antérieurs, Qin postérieurs, Qin de l'ouest, Yan antérieurs, Yan postérieurs, Yan du nord, Yan du sud, Xia. 308: un Xiongnu se proclame empereur des Han à Pingyang. Cet événement se répercute en Occident où les grandes invasions vont détruire l'empire romain sous la pression des barbares venus de l'est comme la Chine se désagrège sous les assauts des barbares du nord. 311: un général xiongnu, après d'effoyables massacres, s'empare de Luoyang et de l'empereur des Jin Huaidi; Un nouvel empereur des Jin est intronisé à Chang'an (Xi'an). 316: un général xiongnu s'empare de Chang'an et le nouvel empereur abdique; c'est la fin de la dynastie des Jin de l'ouest sous la pression des Xiongnu. 316-420: dynastie des Jin (Tsin)
de l'est: une nouvelle dynastie Jin
voit le jour à Jiankang (Nankin, la capitale du sud qui, au cours
de l'histoire de Chine, rivalisera désormais d'abord avec X'ian,
ensuite avec Pékin); elle contrôle le sud et les riches zones
côtières et s'appuie sur les propriétaires fonciers;
elle profite de l'émigration des paysans du nord et connaît
un remarquable essor économique et démographique. Une série
de guerre l'oppose aux royaumes du nord, notamment aux Qin antérieurs
qui règnent à Chang'an (Xi'an).
Le nord subit une effroyable décadence ponctuée de pillages et de massacres. La Corée et le Japon sortent de la mouvance chinoise. Les barbares vainqueurs adoptent progressivement les coutumes des vaincus et se civilisent. Mais cette assimilation reste parfois superficielle et les cours des royaumes barbares sont ensanglantées par une suite de meurtres et de complots. Les événements tragiques favorisent le développement du renoncement taoïste qui ouvre la voie au bouddhisme. Cette religion est finalement adoptée par une partie des princes barbares. L'anarchie et la destruction massive des populations poussent ces dernières à se réfugier autour des seigneurs locaux ou des monastères entraînant un renouveau du féodalisme. La corruption gagne un clergé assoiffé de jouissances comme le reste de la société. Le luxe criant des seigneurs contraste avec la misère de la paysannerie. Ge Hong (283-343), illustre médecin et alchimiste de la dynastie des Jin, publie le "Livre des prescriptions pour les urgences". Il y parle d'un médicament, à base d'armoise annuelle, une plante de la famille des ambroisies dont on tirera plus tard l'absinthe, pour soigner le paludisme. Cette plante est connue pour ses propriétés médicinales depuis l'antiquité chinoise; elle apparaît déjà dans un document sous les Han (voir ci-dessus). 366: début de l'aménagement des grottes de Mogao. L'art bouddhique commence à se développer en Chine, à proximité de Dunhuang, point de convergence de deux routes de la soie. Il est encouragé par certaines dynasties barbares du nord. L'influence de l'art du Gandhara (Afghanistan et Pakistan) est importante. 383: après des alternances de succès et de revers, les Jin de l'est triomphent des Qin antérieurs à la bataille du Feishui. Mais ce qui reste de l'empire de Chine, désormais coupé de l'Occident, se replie sur lui-même, l'ancienne Route de la Soie étant aux mains des barbares. 385: Fu Jian, chef des Qin antérieurs est tué à Chang'an (Xi'an); son royaume s'effondre; les tribus du nord entrent dans une suite de guerre qui durera quarante ans. La Chine du nord, dominée par les barbares, est morcelée en six royaumes. La situation économique, sociale et politique se stabilise en Chine du sud où le pouvoir des Jin de l'est se renforce. 399-411: une insurrection paysanne dirigée par Sun En et Lu Xun ébranle le pouvoir des Jin orientaux. 420-589: La période troublée
des dynasties du sud et des dynasties du nord
425: les Huns hephtalites, des bords de la Caspienne, envahissent la Bactriane soustraite aux Sassanides (Perse). 439: au nord, les Tuoba,
après avoir fondé le royaume des Wei, commencent à
réunifier la région. Des réformes renforcent les pouvoirs
locaux et favorisent la paysannerie. Les Tuoba sont les chefs des Dangxiang,
nomades du nord-ouest (sud-ouest de la Mongolie); cette ethnie s'implanta
d'abord sur le plateau du Qinghai-Tibet; elle le quitta par la suite pour
se rendre plus à l'est (musée du Sinkiang).
498: fondation de l'église nestorienne en Perse. 502: au sud, Xiao Yan
renverse les Qi et crée la dynastie des Liang sous le nom d'empereur
Wudi. Adepte du bouddhisme, il mène une vie simple et paisible.
Mais il pressure aussi terriblement la population pour construire des temples
et suscite ainsi de nombreuses révoltes (troubles de Hou Jing).
555: introduction de la soie à Constantinople depuis la Chine. 557: au sud, le général Chen Baxian, qui vient de mâter les troubles de Hou Jing, dépose l'empereur et fonde la dynastie des Chen. 560: les Huns sont écrasés en Bactriane par l'alliance des Perses et des Turcs. La sécurité est restaurée sur les routes caravanières. 577: au nord, le fils
de Yuwen Tai, Yuwen Jue, destitue l'empereur et se proclame empereur des
Zhou du nord; le confucianisme est encouragé au détriment
du bouddhisme et du taoïsme qui sont interdits; les terres des monastères
sont confisquées; l'entrée dans les ordres est sévèrement
réglementée; les esclaves sont libérés. Les
Zhou du nord, devenus très puissants, triomphent des Qi du nord
et réunifient la région.
Les troubles et les guerres continuelles qui caractérisent cette période favorisent l'essor du bouddhisme, qui prêche la paix et la concorde, malgré l'opposition des Wei du nord (taoïstes) et des Zhou du nord (confucianistes). De nombreux pèlerins chinois se rendent aux sources de la nouvelle foi; d'autres vont propager le bouddhisme au-delà des mers, peut-être jusqu'au Mexique; une chronique de l'époque des Ming rapporte que l'amiral Chen Ho toucha la côte ouest d'un continent inconnu, Fou Tchang, qui était peut-être l'Amérique et des poteries japonaises de l'époque Jomon (3ème-1er siècle avant notre ère) auraient été trouvées en Équateur. L'art bouddhiste s'exprime dans les grottes (Mogao, Yungang, Longmen). Le taoïsme s'enrichit d'emprunts au bouddhisme et au confucianisme. Quelques athées commencent néanmoins à s'opposer aux religions ("Essai sur l'extinction de l'âme" de Fan Zhen). Le médecin Wang Shuhe rédige un "Traité du pouls"; Huang Fumi vulgarise l'acupuncture dans son ouvrage, le "Zhen Jiu Yi Jing"; Ge Hong développe des techniques de longévité, analyse des pathologies nouvelles (dont la variole), dresse une liste des médicaments faciles à trouver et peu coûteux, notamment à base de plantes; Tao Hongjing répertorie la pharmacopée chinoise. Des mathématiciens déterminent que la valeur de pi se situe entre 3,1415926 et 3,1415927; d'autres inventent une méthode de calcul du volume de la sphère. Le "Calendrier de Daming" fixe la durée de l'année à 365,24281481 jours, soit avec une différence de 50 secondes par rapport à la science moderne. Ma Jun perfectionne le métier à tisser; il invente la roue d'irrigation et le chariot de boussole. Des traités d'agronomie sont publiés. Sous les Wei du nord, les gens du commun sont autorisés à faire des offrandes à quatre générations d'ancêtres. 589-618: dynastie des Sui (Souei):
réunification de la Chine.
600 (environ): les Radhanites, des marchands juifs, nouent des relations commerciales entre l'Occident (France) et la Chine par voie terrestre et maritime. Elles dureront jusqu'à l'an mille. La Route de la Soie est alors dominée par les commerçants sogdiens et le restera jusqu'au 8ème siècle; l'influence des Sogdiens s'accroît et leur langue devient celle de la diplomatie et des bazars, du Moyen Orient jusqu'en Chine, à la place des langues de l'empire kouchan. 604-618: règne de Yangdi qui enverra à maintes reprises des émissaires vers les régions occidentales, imitant en ceci l'empereur Han Wudi. 608 et 609: premières ambassades du Tibet en Chine. 609: Yangdi quitte Chang'an
pour une inspection de six mois dans les territoires de l'ouest; il participe
à la foire internationale de Ganzhou, à laquelle sont conviés
les marchands des pays occidentaux.
On notera que les restaurateurs de l'empire
(Sui et Tang) viennent du nord, donc des régions barbares. Cependant,
les populations nomades se sont assimilées, en transmettant
aux Chinois des traits importants de leurs modes de vie (usages de la vie
quotidienne, musique, divertissements). La chasse, l'équitation
et l'escrime complètent désormais la formation du lettré,
lequel abandonne partiellement ses préjugés contre les militaires
et les marchands. Les Tang se voudront chinois; ils calqueront leur gouvernement
sur celui des Han et ils adopteront leur culture.
L'apogée de l'ancienne civilisation chinoise 618-907: dynastie des Tang, avec Chang'an (Xi'an) comme capitale (voir carte). L'empire, ouvert sur l'extérieur, assimile les apports des cultures étrangères avec lesquelles il est en contact pour enrichir la sienne. L'empire romain étant désormais cantonné à l'Orient de la Méditerranée, la Chine, seul grand empire encore entier, devient l'unique pôle d'attraction du monde. Des réformes démocratiques sont mises en oeuvre; la propriété terrienne est nationalisée pour être redistribuée aux cultivateurs qui paieront un fermage à titre d'imposition; elle retournera à l'État lors de la mort du cultivateur*; un service militaire obligatoire est institué qui sera remplacé ensuite par une armée de métier; le pouvoir est fortement centralisé; l'État organise l'enseignement dans les moindres villages; les cultes sont réformés et le nombre des monastères et de leurs moines strictement contrôlés; la liberté religieuse est tolérée (à l'exception des pratiques magiques) malgré l'établissement d'un culte national: la nouvelle dynastie adoptera le bouddhisme, mais la morale confucianiste continuera d'inspirer les élites; la noblesse héréditaire est abolie; une école est créée pour la formation des lettrés, parmi lesquels se recruteront, par examens, les fonctionnaires; les emplois sont ouverts à tous les sujets; la sécurité retrouvée, l'amélioration de l'éducation, la combinaison du communisme agraire et de la liberté commerciale, favorisent la prospérité économique et l'éclosion d'une brillante civilisation. L'expansionnisme de la nouvelle dynastie l'amène à rétablir l'influence de la Chine au Japon et en Corée, à consolider sa suzeraineté sur une partie de la péninsule indochinoise et à occuper les régions de l'ouest (futur Sinkiang). Mais elle se heurte à un autre empire asiatique alors en formation: le Tibet. * Il est intéressant d'observer que, dès cette époque et même avant, la terre est considérée en Chine comme un bien qui doit rester collectif. Cette notion inspirera la révolution maoïste au 20ème siècle. Par tradition, dans l'Empire du Milieu, la démocratie semble être plus égalitaire que libérale. Le modernisme des autres mesures politiques prises par les Tang n'a pas besoin de commentaires. 624: création du
Grand Service Médical qui supervise les études de médecine
et organise la recherche. Un statut agraire, inspiré de celui des
Wei du nord, redistribue la terre aux paysans sur une base viagère;
malheureusement, un siècle plus tard, la pression fiscale et le
rétablissement progressif des grands domaines, notamment monastiques,
battront en brèche cette réforme utile et pousseront une
partie de la paysannerie sur les routes où elle se livrera au brigandage
pour survivre.
626: le prince héritier et son frère cadet, qui avaient ourdi un complot contre Li Shimin, sont assassinés par ce dernier qui pousse son père, l'empereur Gaozu, à démissionner; Li Shimin prend le pouvoir sous le nom d'empereur Taizong. Le nouveau maître de la Chine s'entoure d'hommes de talent et accepte leurs conseils. "Le peuple est à l'empereur, ce que l'eau est au bateau; il le porte, mais peut le renverser." Le code pénal est à nouveau simplifié dans un sens moins draconien. Une politique sociale est mise en oeuvre pour faire face aux périodes de calamités agricoles. C'est la période de Paix et Prospérité de Zhenguan. Les Tujue orientaux (Turcs), profitant des dissensions de la famille impériale, attaquent la Chine et parviennent jusqu'aux portes de Chang'an (Xi'an); ils sont repoussés. 627-645: voyage aux Indes du moine bouddhiste Xuan Zang qui rapporte des textes sacrés à Chang'an (Xi'an). 630: Taizong soutient les révoltes des tribus de Mongolie contre le qaghan Xieli des Tujue orientaux; ce dernier tombe entre les mains des troupes chinoises; les Turcs orientaux se soumettent à la Chine. 633?: Songtsen Gampo, empereur du Tibet, entre en guerre contre l'empereur de Chine qui lui refuse la main d'une princesse de sa maison. 638: fondation de l'église nestorienne de Chine. L'empire sassanide (Perse) dépêche un ambassadeur à la cour de Chine pour l'appeler à l'aide contre les Arabes. L'Islam fait irruption sur la scène politique du monde. 640: annexion de Gaochang
(Sinkiang actuel). Les Turcs orientaux étant
éliminés, la conquête des régions de l'ouest,
sur les Turcs occidentaux, est en marche.
651: mort de Songtsen Gampo. Sous son successeur, l'empire tibétain poursuit son expansion territoriale et s'empare du contrôle de la Route de la Soie. 655: l'empereur Gaozong dépose la reine Wang et donne le titre de reine à Wu Zetian. Cette dernière a ourdi une cabale pour parvenir à ses fins: elle a étranglé sa fille dans son berceau et accusé la reine Wang de ce crime. La nouvelle reine conseille sagement l'empereur, mais elle empoisonne son fils aîné et dépose son second fils pour que le troisième succède à l'empereur. 661: Péroz, dernier empereur sassanide (Perse), demande une aide militaire aux Tang contre les Arabes. La cour des Tang crée le gouvernorat de Perse à Zaranj (actuellement en Afghanistan), dont Péroz devient gouverneur. 670-674: Péroz
arrive personnellement à la cour des Tang. On lui donne le titre
de "Général martial et garde du flanc droit".
683: mort de Gaozong,
Li Xian lui succède, mais c'est Wu Zetian qui exerce le pouvoir;
elle est soutenue par le clan bouddhiste.
690: Wu Zetian se proclame impératrice des Wu Zhou. Elle sera l'unique impératrice féminine et régnera 50 ans. Elle matera toutes les révoltes; une centaine de nobles de la famille des Tang seront exécutés ainsi qu'un grand nombre d'officiers et de fonctionnaires. Elle s'entourera d'hommes compétents, mais pas toujours honnêtes, et encouragera le peuple à lui adresser des remontrances. Wu Zetian favorise le bouddhisme et se fait même passer pour une réincarnation d'Avalokitesvara. Elle soutient le développement de l'agriculture, mais elle accable les contribuables d'impôts pour édifier des temples. Elle fait construire une tour pourvue d'une horloge flanquée d'un pilier métallique représentant le Mont Meru afin de devenir symboliquement le Maître du Temps et de l'Espace. Elle lutte fermement contre l'empire tibétain. Les deux puissances, chinoise et tibétaine, prétendent à l'hégémonie politique et religieuse. 691: une terrible tempête met à bas la Tour du Temps et l'effigie du Mont Meru. La Tour est reconstruite pour être à nouveau détruite par le feu en 694. 692: les Chinois reprennent Kucha, Kashgar, Yarkand et Khotan aux Tibétains. La Chine contrôle à nouveau la Route de la Soie. Wu Zetian poursuit la pacification des régions de l'ouest (Sinkiang actuel). 705: alliance sino-turque pour faire pièce à une alliance arabo-tibétaine. Wu Zetian tombe malade; à sa mort, Li Xian restaure la dynastie des Tang. 708: impuissant à reconquérir la Perse, Péroz revient à la cour des Tang où on lui attribue le titre de "Général inspiré et gardien du flanc gauche"). Il meurt peu après. Les Perses ont apporté à la Chine le lion stylisé, caractéristique de la statuaire chinoise, et le jeu de polo, pratiqué aussi bien par les femmes que par les hommes. 710: la Chine, redoutant une invasion, cède au Tibet une parcelle de son territoire revendiquée par ce dernier pays au motif qu'il est nécessaire aux ablutions de la princesse chinoise que le monarque du Royaume des Neiges vient d'épouser. 712: naissance du grand poète chinois Thou Fou (Du Fu). Xuanzong accède au pouvoir après une suite de péripéties sanglantes: la reine Wei et sa fille, la princesse Anle ont empoisonné le stupide et médiocre empereur Zhongzong, en s'inspirant de Wu Zetian; Li Longji, fils de Li Dan, les a ensuite fait tuer par la garde impériale; Li Dan, redevenu empereur Ruizong, cède le trône à Li Longji qui devient l'empereur Xuanzong. Sous son régne, la prospérité est rétablie et la population chinoise croît fortement; c'est l'âge d'or de Kaiyuan. Mais la crise sociale s'approfondit: les grands propriétaires fonciers dépossèdent les petits paysans qui sont déplacés vers les frontières pour contrôler les ethnies minoritaires. 714: tentative avortée d'invasion de la Chine par les guerriers tibétains. 723: Xuanzong institue la conscription ce qui accroît les charges de l'État. L'empereur attaque les ethnies minoritaires: Qidan, Zhao du sud et Dasi; il essuie des échecs. 727: nouvelle tentative tibétaine d'invasion de la Chine: elle est couronnée de succès; les Tibétains se livrent au pillage. 729: unification des six
royaumes Baï et création du royaume de Nanzhao (Yunnan),
avec l'encouragement des Tang qui y voient un rempart potentiel contre
les Tibétains.
Le développement du commerce et l'essor de l'économie ont permis l'accumulation d'énormes richesses très inégalement partagées. La répartition équitable des terres est remise en cause par la constitution de vastes domaines aux mains des plus fortunés; l'État s'efforce en vain de lutter contre ce phénomène qui menace la paix sociale. Le monopole sur le commerce des métaux est rétabli; des impôts frappent les plus riches; les biens des couvents sont expropriés. Après une longue période de troubles, marquée par la révolte des marchands de Canton, qui saccagent la cité avant de s'enfuir, la paix civile est rétablie, mais les invasions étrangères ravagent le pays. 751: défaite des
forces chinoises face à l'expansion musulmane à la bataille
de Talas. Cet événement entraîne la mise en sommeil
de la Route de la Soie.
762: un coup d'État fait perdre la vie à Suzong; Daizong lui succède. An Lushan est assassiné par son fils, qui est lui même tué par Shi Shiming, lequel perd la vie à son tour, des mains de son fils, Shi Chaoyi. 763: Shi Chaoyi se suicide, après avoir été battu par l'armée impériale. La capitale chinoise, Chang'an (Xi'an), est conquise par les armées du Tibet et du khan ouïgour Bögü; un usurpateur est installé sur le trône de Chine; mais, après le rapide départ des envahisseurs, il est renversé; son règne éphémère n'aura pas duré plus de deux semaines. Tous ces événements ont affaibli les Tang qui doivent abandonner les régions de l'ouest (Sinkiang actuel). Ils auraient entraîné une régression de la population de 50 à 17 millions d'habitants! La dynastie des Tang entre en décadence. 770: mort de Thou Fou (Du Fu). 778: Alliance du Tibet avec le Siam pour attaquer le Sichuan. 780: l'usage de la monnaie s'est répandu au point que les impôts sont désormais prélevés en numéraire et non plus en nature; les commerçants font usage de lettres de change (fei qian ou argent volant). 783: signature d'un traité
de paix sino-tibétain: la Chine abandonne le Kokonor au Tibet.
L'empereur du Tibet, Trisong Detsen, s'efforce de contenir la poussée musulmane à l'ouest. Il essaie d'envahir les possessions d'Haroun al-Rashid. Ce dernier s'allie alors à la Chine. Les troupes tibétaines sont refoulées et la menace musulmane assombrit la fin du règne de l'empereur tibétain. 794: le royaume de Nanzhao échappe à la tutelle du Tibet. Il s'allie à la Chine et le général Li Mi est désormais honoré par les Baï qui lui demandent pardon de l'avoir tué. Au cours du 8ème siècle, le bouddhisme s'est complètement intégré aux pratiques religieuses chinoises, aux côtés du confucianisme des lettrés et du taoïsme de la noblesse. Il a été adapté à la civilisation chinoise. 822: signature d'un traité
de paix sino-tibétain. La Chine reconnaît l'occupation du
Gansu par les Tibétains. La Route
de la Soie est à nouveau contrôlée par le
Tibet. Mais l'expansion musulmane a considérablement réduit
son activité.
843: le pouvoir commence à s'inquiéter
de la prospérité des monastères bouddhistes dont la
plupart échappent à l'impôt.
851: établissement de relation entre la Chine et l'Inde. 875: un soulèvement populaire, dirigé par Huang Chao, précipite la désagrégation de l'empire. Sous les Tang, la Chine atteint un rayonnement sans précédent. Sa capitale, Chang'an, située à l'extrémité orientale de la Route de la Soie, est une des plus importantes villes du monde; son urbanisme est imité pour la construction des capitales de la Corée (Pyongyang) et du Japon (Nara). Le bouddhisme se développe et plusieurs sectes apparaissent; mais le taoïsme reste encore vivace. La littérature est en plein essor, notamment la poésie (Li Bai, Thou Fou, Bai Juyi...); un grand nombre de contes merveilleux sont publiés; l'empereur Taizong promeut la rédaction de l'histoire officielle. La musique emprunte à celle des minorités et à l'étranger. Le théâtre de marionnettes et l'acrobatie sont très populaires. Une école de calligraphie est ouverte pour préparer aux examens impériaux. L'imprimerie par gravure (xylographie) voit le jour. La peinture, notamment dans les grottes, décrit des scènes de la vie quotidienne avec beaucoup de réalisme. Les mathématiciens résolvent l'équation cubique. La porcelaine blanche voit le jour. En astronomie, la découverte de l'instrument de l'écliptique par Yi Xing et Liang Lingzan permet de mesurer le mouvement des étoiles; la sphère armillaire de Yi Xing est la première horloge astronomique du monde. La médecine se spécialise en médecine générale, chirurgie, pédiatrie, traitement des cinq sens, diagnostic, massage... On décrit systématiquement et précisément de nombreuses maladies: lèpre, variole, rougeole, gale, dysenterie aiguë et chronique, choléra, hydropisie, maladies carentielles (béribéri, héméralopie, rachitisme, goitre), maladies vénériennes, tuberculose pulmonaire et osseuse, adénopathie cervicale, diabète, tumeurs; la thérapeutique chirurgicale connaît déjà le traitement de la cataracte, le traitement orthopédique des fractures, l’extraction des séquestres osseux; la carie dentaire est traitée par obstruction et plombage (amalgame mercuriel). Les soldats portent un ingénieux bouclier de papier; les feuilles, rigidifiées et encollées entre elles grâce à des résines, sont découpées et réunies en plaquettes en forme d'épaisses écailles assemblées comme les tuiles d'un toit de sorte que l'ensemble ressemble à une tunique intégralement constituée de deux couches de plaquettes articulées; cette sorte de cotte est à l'épreuve des flèches de l'époque qui ne parviennent pas à percer plus que l'épaisseur d'une écaille; les soldats sont ainsi pourvus d'une protection légère et qui ne gêne pas leurs mouvements. La société chinoise de l'époque
est très ouverte et sort transformée de sa confrontation
avec l'étranger; elle subit l'influence des modes vestimentaires,
alimentaires, artistiques et religieuses véhiculées sur les
différentes voies de communications qui relient l'Empire du Milieu
au monde extérieur, notamment celles de la Perse, de l'Inde, de
l'Asie centrale et du Tibet.
Les coutumes, les vêtements, la coiffure, la danse, la musique des
contrées occidentales font leur apparition et la cour comme le peuple
les apprécient. Les riches Chinois jouent au polo. Les femmes s'émancipent,
elles portent le chemisier étroit, à décolleté
profond, laissant apparaître une partie de la poitrine, la jupe longue
ornée de motifs et le foulard de soie transparent, voire des
vêtements d'hommes, elles se fardent; ces changements vestimentaires,
partiellement inspirés de l'étranger, symbolisent la tolérance
et l'ouverture d'esprit qui prévalent dans l'empire. L'usage de
la chaise et du tabouret gagne les couches populaires; on mange du riz
pilaf à Chang'an et on aime y boire du vin de l'ouest. Pour propager
le bouddhisme, les moines montrent des images ou racontent des histoires
dont certaines sont inspirées du folklore chinois traditionnel;
la religion nouvelle s'adapte au pays. Des immigrés venus de l'ouest
sont élevés à la dignité de mandarins.
Le prestige de la Chine ne souffre nullement de
cette influence de l'étranger, au contraire: les contrées
présentant tribut à sa cour sont de plus en plus nombreuses.
Décadence, morcellement et montée en puissance des peuples du nord 907-960: période des cinq dynasties du nord et des dix royaumes: la Chine est à nouveau morcelée. Le Sichuan et le bas Yang Tsé Kiang continuent de se développer tandis que de nouveaux barbares, les Qidan, menacent le nord. 907: le général Zhu Wen oblige l'empereur Aidi à abdiquer à son profit. La dynastie des Tang cède la place à celle des Liang postérieurs. A partir de cette date 15 pouvoirs vont se succéder et cohabiter pendant 72 ans. Les dynasties des Liang postérieurs, Tang postérieurs, Jin postérieurs, Han postérieurs, Zhou postérieurs apparaissent dans les plaines centrales; la plus brève de ces dynasties ne durera pas plus de 3 ans et la plus longue une dizaine d'années. Parallèlement, une dizaine de petits États, les dix royaumes, voient le jour (Wu, Tang du sud, Wuyue, Chu, Min, Han du sud, Shu antérieurs, Shu postérieurs, Ping du sud, Han du nord). Des guerres incessantes ruinent le pays. Malgré sa proscription par les Tang sur le déclin, le bouddhisme se maintient au nord du pays et il reste une importante force spirituelle, mais les arts qu'il inspire déclinent sensiblement. 916: Abaoji se proclame
empereur Taizu du Liao, un État des Qidan, nomades de Mongolie.
938: une révolte conduite par Ngo Quyen profite des dissensions internes de la Chine pour obtenir l'indépendance du Vietnam. 946: les Qidan du Liao
détruisent l'empire du félon Shi Jingtang. Les plaines centrales
sont ouvertes aux incursions des barbares pillards du nord.
960-1126: dynastie des Song du nord: nouvelle unification menacée par les peuplades du nord (voir carte). La Chine, relativement isolée, se transforme en une monarchie absolue autoritaire qui tire sa légitimité d'une sorte de syncrétisme religieux; l'empereur s'assimile aux dieux et prophètes des religions pratiquées dans le pays. 961: l'empereur Taizu invite les principaux généraux à un banquet, les enivre et les convainc qu'il est préférable de vivre entouré de chanteuses et de danseuses plutôt que de partager les ennuis du pouvoir; il se débarrasse, par la ruse ou la force, de tous les gouverneurs militaires locaux. Un système d'administration civile est mis en place. Les finances, les affaires militaires et la justice sont placées sous le contrôle direct du palais impérial; un censorat contrôle l'activité des fonctionnaires. Taizu tente de refouler les Qidan et de reconquérir les 16 préfectures des Jin; ses troupes sont par deux fois vaincues. 979: les Dangxiang (Tuoba,
originaires du plateau tibétain, rappelons-le) aident les Song du
nord à anéantir les Han du nord.
1004: le Liao attaque les Song; le général en chef des agresseurs est tué, mais les Song, apeurés, négocient avec leurs adversaires et, par le Traité d'alliance de Chanyuan, acceptent de leur verser un tribut annuel. 1006: Li Deming, fils
de Li Jiqian, se rapproche des Song du nord qui achètent une paix
de 30 ans avec leurs turbulents voisins.
1042: l'empereur Renzong
des Song offre un nouveau tribut au Liao en échange d'une paix de
cent ans.
1044: Li Yuanhao, dont
le Xia souffre d'une grave crise économique, accepte de renoncer
au titre d'empereur en échange du versement d'un nouveau tribut
par les Song du nord.
1067: accession au trône
de Shenzong des Song du nord. Le nouvel empereur confie le pouvoir aux
novateurs et lance un important train de réformes inspirées
par une idéologie égalitaire et universelle (loi sur l'agrohydraulique,
prêts d'argent et de semences, mise en place d'un système
de milice, possibilité de rachat du service militaire, régulation
des marchés par l'État, imposition sur la base de l'arpentage
des terres, instruction obligatoire afin que tous puissent accéder
aux plus hauts emplois...). Ces mesures visent à améliorer
le bien être du peuple plutôt qu'à assurer la puissance
de l'État; elles soulèvent la réprobation des conservateurs
comme celle des progressistes qui les jugent trop timorées.
1113: Wanyan Aguda devient
chef des Nüzhen, de race toungouse, du nord-est de la Chine, pour
lors soumis au Liao.
1120: insurrections paysannes
de Fang La et Song Jiang; la situation sociale se détériore;
le pouvoir des Song du nord est au bord de l'abîme.
1115-1234: la dynastie des Jin chasse les Song du nord (voir carte). 1115: Wanyan Aguda devient empereur Taizu des Jin. Il organise son État sur la base de la famille (un mouke: 300 familles, un meng'an: 10 moukes). Les meng'ans et les moukes chassent en période de paix et servent dans l'armée en période de guerre. 1125: l'empereur du Liao tombe aux mains des Jin; une partie de son armée, conduite par Yelu Dashi, s'enfuit vers l'ouest. C'est la fin du Liao. Les Song du nord, alliés pour un temps aux Jin, en profitent pour récupérer les 16 préfectures. 1126: Les Jin s'emparent de Kaifeng, capitale des Song du nord; les deux derniers empereurs, Huizong qui a abdiqué et Qinzong qui lui a succédé, ainsi que 3 000 personnes de la cour sont emmenées en captivité vers le nord. Les plaines centrales sont mises à sac. 1130: apparition, en Chine du nord, de la secte du Lotus blanc, une fraternité clandestine, créée par un moine qui s'inspire du thème messianique du bouddha de l'avenir (Maitreya) non sans emprunter certaines notions au manichéisme. Les sociétés secrètes de ce genre paraissent être nées avec la civilisation chinoise. Elles regroupent les laissés pour compte de la société et tous ceux qui contestent le pouvoir en place. Elles ont leur règles internes, leurs croyances, inspirées des traditions populaires, leurs rites initiatiques, leur code de conduite et leur justice interne en marge de l'État. Elles ne sont pas sans rappeler la franc-maçonnerie de nos pays et joueront un rôle important dans l'évolution politique du pays, notamment en combattant les dynasties étrangères. 1131: Yelu Dashi se proclame empereur du Hala Qidan ou Liao de l'ouest. 1127-1279: la dynastie des Song
règne dans le sud avec pour capitale Hang-tcheou; la civilisation
chinoise du sud se tourne vers la mer et connaît une ère de
prospérité, de développement intellectuel et moral,
mais aussi de fausse sécurité et de démobilisation.
Le nord est aux mains des Jin avant de passer sous le contrôle des
Mongols. La Chine est à nouveau divisée.
1153: les Jin transfèrent leur capitale à Yanjing (Pékin). 1154: diffusion du premier papier-monnaie, le jiaozi. 1162: accession au trône
de Xiaozong. Il réhabilite Yue Fei et tente de reconquérir
le nord. Il échoue.
1200: les Mongols attaquent le nord de la Chine. Cette agression est motivée par de raisons commerciales: nomades, les Mongols ne peuvent survivre sans se procurer auprès d'autres peuples les biens qu'ils ne peuvent ni produire, ni conserver; la baisse des échanges, constatée à cette époque, constituent pour eux une menace grave qui les oblige à intervenir. 1206: fondation de la Confédération mongole par Gengis khan après dix ans de guerres tribales. Il réorganise la nation mongole et demande à un savant ouïgour, son prisonnier, de la doter d'une écriture. 1215: conquête de Yanjing. Une fois la ville prise, Gengis khan la restitue aux Chinois et retourne dans son pays chargé de butin. Contrairement à une opinion répandue, sans doute n'a-t-il jamais songé à une monarchie universelle; l'empire s'est créé de lui même, par suite d'une succession de conflits visant à obtenir pour les Mongols de fructueux accords commerciaux. 1219: les armées mongoles s'avancent jusqu'à la mer Caspienne, la Crimée et le nord-ouest de l'Inde. Les territoires conquis sont organisés en khanats dirigés par les fils de Gengis khan. 1226: mort de Gengis khan, empereur Taizu de la dynastie des Yuan. 1234: sous la poussée
des Mongols, les Jin ont dû abandonner leur capitale et se réfugier
successivement dans plusieurs villes. L'empereur Aidi abdique, avant de
se pendre; son successeur, Wanyan Chenglin, meurt le même jour, alors
qu'il livre bataille aux Mongols. La dynastie des Jin a vécu. Elle
avait introduit le port de la natte qui sera repris plus tard par les Mandchous.
La conquête de la Chine du nord entraînera la mort de 18 millions
de personnes (d'après les estimations de Koubilaï khan).
1245-1246: voyage de Jean
du Plan Carpin.
1253-1259: conquête
par les Mongols de l'Iran et de la Syrie. L'empire mongol relie l'Orient
à l'Occident et donne une impulsion nouvelle aux échanges
entre les continents via la Route de la
Soie. Les découvertes chinoises (papier, poudre, imprimerie...)
vont ainsi pouvoir parvenir jusqu'en Europe.
Sous les Song, l'agriculture accomplit des progrès notable, notamment grâce à la construction d'ouvrages hydrauliques. La sidérurgie se développe. Le tissage de la soie s'affine; les brocards de Shu jouissent d'une grande renommée; la porcelaine se vend à l'étranger; les céladons du Shaanxi atteignent leur perfection. Le commerce extérieur est florissant: la venue en Chine de plusieurs Européens le confirme. Le premier papier-monnaie voit le jour. L'État intervient dans l'économie en s'assurant le monopole de nombreux produits (sel, thé, alcool). Le déplacement de la dynastie du nord vers le sud promeut cette dernière contrée. L'armée se dote d'armes à feu de plus en plus perfectionnées. L'abondant réseau hydraulique du sud facilite les communications. Des échanges par mer s'effectuent avec la Péninsule arabique et l'Indonésie. Les peuplades qui envahissent le nord se sédentarisent et se civilisent; leurs produits rivalisent bientôt avec ceux de la Chine. Une nouvelle philosophie, le néo-confucianisme, tente une synthèse entre le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme; un humanisme est en train de naître; la raison, essence de toutes choses, leur préexiste; elle fonde l'ordre social que l'on doit se résigner à accepter; la métaphysique est interprétée à la lumière de la science; la destinée humaine trouve sa place dans l'évolution de l'univers; le déterminisme historique qui en découle exercera une influence sclérosante sur la pensée chinoise des siècles suivants. Plusieurs ouvrages historiques importants sont rédigés et une nouvelle discipline, l'épigraphie (analyse des textes des stèles), voit le jour. La publication de quatre encyclopédies, compilations des oeuvres littéraires et historiques, est encouragée par l'empereur. En poésie, le ci, apparu sous les Tang, atteint son apogée. Les huaben, récits populaires, se perfectionnent et annoncent l'avènement du roman. Sous les cinq dynasties une première académie de peinture impériale est ouverte. La calligraphie est prisée des Song du nord. Plusieurs découvertes majeures pour l'humanité illustrent cette période: celle de l'imprimerie avec des caractères mobiles, celle de la poudre et celle de la boussole; selon une légende, l'invention de la boussole remonterait à Huangdi; il est avéré que l'on parle pour la première fois de l'utilisation d'un appareil d'orientation, le Sinan, à l'époque des Royaumes combattants; mais la boussole n'est employée pour la navigation qu'à partir des Song; certains auteurs affirment même qu'il s'agit d'une invention arabe. Entre autres découvertes, n'oublions pas celles de l'odomètre, de l'horloge hydraulique et du bateau à roue avec pédalier tandis que la fabrication de jonques de haute mer, munies de gouvernail, d'étambot, d'ancre, de treuil et de voilure, permettent, la boussole aidant, l'expansion commerciale jusque dans l'Océan Indien. La médecine accomplit de nouveaux progrès. Qian Yi est le plus grand des pédiatres chinois; il distingue, le premier, la varicelle, la rougeole, la scarlatine et la variole. La médecine légale fait son apparition avec le "Recueil pour laver les injustices" (Xi Yuan Ji Lu) de Song Ci; on assiste à un renouveau de l'anatomie et aux premières dissections. La pharmacopée s'enrichit de médicaments exotiques (mandragore, myrrhe, thériaque, fenugrec, opium). Wang Wei Yi, à la fois médecin et sculpteur, rédige un compendium d'acupuncture et fond deux "hommes de bronze" permettant le repérage aisé des points d'acupuncture. La croissance démographique et l'évolution
de la société favorisent l'urbanisation. Une bourgeoisie
florissante, issue de la classe commerçante, se développe
et se dote d'une culture originale. Les villes grandissent; une vie nocturne
y apparaît avec des lieux de distraction et de débauche; les
temples de Wenchang, un fantôme terrible du Sichuan devenu protecteur
des candidats aux examens impériaux, se dressent dans les cités,
dont plusieurs comptent plus de 50000 habitants. L'invention de l'imprimerie
favorise la diffusion de la culture, même auprès des femmes,
pourtant encore considérées comme des êtres humains
inférieurs; les servantes, les concubines et les prostituées
se négocient sur des marchés; les femmes doivent se couvrir
la tête lorsqu'elles sortent et il est interdit aux veuves de se
remarier. Les Liao, les Xia et les Jin poursuivent une politique raciste
décourageant les mariages inter ethniques afin de préserver
la suprématie des vainqueurs.
1279-1368: dynastie mongole des Yuan avec Pékin pour capitale: le passage de la "Tornade mongole" a réunifié l'Empire du Milieu; elle l'a même étendu en imposant sa suzeraineté au Tibet et en conquérant le Yunnan (voir carte). La prospérité et la puissance de la Chine étonnent les étrangers. L'autoritarisme du régime et son caractère policier s'avèrent néanmoins favorables aux libertés économiques et religieuses, pour autant qu'elles ne menacent pas le pouvoir. Le bouddhisme devient la religion officielle. Le déterminisme historique des Song fait figure d'idéologie d'opposition. 1271-1295: voyage de Marco
Polo. On dit qu'il rapporta de Chine notamment les nouilles et les raviolis,
mais ce ne serait qu'une légende et le voyageur vénitien
ne serait jamais parvenu jusqu'à ce pays.
1287: l'armée de
Koubilaï khan défait celle de son oncle, le prince chrétien
Nayan, qui lui contestait le pouvoir. D'après des récits
du temps, Nayan avait fait orner de la croix ses drapeaux.
1293-1328: séjour de Jean de Montcorvin à Pékin dont il devient archevêque chrétien en 1307. 1294: mort de Koubilaï
khan. Il a en vain tenté d'envahir le Japon, l'Annam, le Zancheng,
la Birmanie et Java. Durant les quarante années qui suivent, neuf
empereurs se succèdent sur le trône; les membres de la famille
royale se disputent le pouvoir avec acharnement.
1314-1328: voyage d'Odoric de Pordenone (Friou) à Pékin. D'après le père Huc, ce missionnaire franciscain se soumettait à de sévères mortifications, portait un corset en mailles de fer et vivait volontiers dans la solitude. Il quitta son monastère pour se rendre à Constantinople, puis à Trébizonde, ensuite à Ormuz où il s'embarqua pour la côte du Malabar. Parvenu aux Indes, il y apprit le martyr de quatre religieux franciscains qui se dirigeaient vers la Chine. Il ouvrit leur cercueil, rassembla leurs os, et se mit en devoir d'amener ces restes des martyrs jusque dans le pays qu'ils comptaient convertir afin de leur permettre d'exercer, malgré la mort, leur salutaire apostolat. Durant son voyage, il s'endormait la tête sur ce précieux fardeau qui lui servait d'oreiller. Il passa ainsi par Ceylan, Sumatra, Java et Bornéo avant de toucher le sud de la Chine. De là, il remonta vers Pékin (Kanbalik) en évangélisant. Il resta trois ans dans la capitale de l'empire mongole puis, franchissant la Grande Muraille, il se rendit en Asie centrale. Il serait ensuite allé jusqu'à Lhassa, à une date non précisée mais qui devrait se situer vers le milieu des années 1320. Il serait revenu à Pise, en 1330, après avoir franchi l'Himalaya, via les Indes et la Perse. 1330-1346: l'explorateur berbère marocain Ibn Battûta effectue un long voyage qui le mène à La Mecque, en Turquie, sur la mer Noire, en Asie centrale, en Inde puis à Pékin par Ceylan et l'Indonésie. 1355: Han Ling'er se proclame
roi sous le nom de Xiaoming à Bozou; la décomposition du
pouvoir est telle que les provinces tombent aux mains de seigneurs de la
guerre indépendants.
Au Japon, à la suite de guerres intestines, se constituent des bandes de pirates qui commencent à entreprendre des raids sur les côtes chinoises. Les Yuan font de Pékin une ville modèle; les constructions sont savamment ordonnées, les rues larges et un système d'égouts draine la cité; celle-ci attire beaucoup d'étrangers; outre ceux qui sont cités ci-dessus, un Marocain, Ibn Battûta, un envoyé du pape, Marignolli, y sont aussi venus ainsi que de nombreux marchands, missionnaires, émissaires et scientifiques. Les religions (bouddhisme, taoïsme, islam, christianisme, judaïsme...) y coexistent en paix. Plusieurs ethnies (Han, Mongols, Hui, Ouïgours, Hala, Yutian, Tibétains...) y cohabitent. La capitale est le centre commercial, intellectuel et administratif de l'empire; elle est reliée aux régions reculées par un réseau de routes jalonnées d'auberges (les zhanchi); sur ces voies de communications, un service de postes, les jidipu, transmet rapidement les dépêches officielles. La poésie s'enrichit d'une nouvelle forme d'expression, le sanqu; le théâtre est particulièrement florissant, notamment avec le zaju, un genre dramatique associant, chant, danse et jeu scénique. La peinture exprime les sentiments et les goûts personnels; elle se combine harmonieusement avec la calligraphie. Grâce au bleu de cobalt venu d'Iran, la porcelaine blanche et bleue si prisée fait son apparition. Vingt sept observatoires astronomiques sont construits à travers la Chine; le "Calendrier de prévision du temps" de Guo Shoujing évalue la durée de l'année à 365,2425 jours, c'est-à-dire avec une précision de 26 secondes. Les vastes dimensions de l'empire des Yuan favorisent l'essor de la géographie. La culture du coton se développe et l'industrie cotonnière prospère grâce à l'utilisation du rouet mu par la force hydraulique; de nouveaux instruments de filage et de tissage voient le jour; les tissus sont aussi beaux que des peintures. Des mines de charbon sont mises en exploitation pour la première fois dans le monde. Une véritable encyclopédie agricole illustrée est publiée. En médecine, l'accent est mis sur la diététique par Hu Sihui et le classique traité de médecine chinoise Nan Jing est imprimé. Les Yuan poursuivent une politique raciste;
mais, compte tenu des dimensions de l'empire et de la résistance
des peuples soumis, les cultures s'interpénètrent, les traditions
s'influencent et une certaine fusion des populations s'opère, même
si l'aristocratie mongole maintient ses coutumes nomades. Cependant, la
conquête mongole de l'Asie, sur un peu plus d'un siècle et
demi, aurait provoqué la mort de 40 millions de paysans faisant
reculer la surface cultivée au profit des forêts et contribuant
ainsi au maintien de l'équilibre écologique.
La restauration d'une monarchie nationale 1368-1644: dynastie des Ming (ce nom, qui signifie clair, serait en relation avec le manichéisme). Les Ming, d'origine Han, élisent successivement pour capitale Nankin puis Pékin (voir carte). La paysannerie tire d'abord profit de l'avènement d'une nouvelle dynastie issue de ses rangs; la terre est distribuée selon un principe égalitaire; ce rituel est respecté en Chine à chaque changement de régime, mais il est sans lendemain; les commerçants, qui se sont enrichis sous les Yuan, n'ont au contraire pas à se réjouir de l'accès au pouvoir de leurs nouveaux maîtres, pas plus que les religions étrangères qui sont désormais persécutées. La Chine se lance dans un vaste mouvement nationaliste et xénophobe; elle se ferme sur elle-même, revient vers ses origines et réhabilite la prestigieuse époque des Tang; le déterminisme historique des Song, mis au service de l'absolutisme impérial, bénéficie d'un regain de faveur; l'hégémonie de cette idéologie va bloquer le développement technologique de la Chine; au début de la nouvelle dynastie, ce pays est encore en avance sur l'Occident; à son déclin, le retard accumulé sera énorme. La route de l'ouest étant à nouveau bouché par l'expansion islamique en Asie centrale, la Chine se tourne vers la mer; d'importantes expéditions maritimes sont lancées; le commerce chinois essaime lentement à travers l'Asie du sud-est. Malgré l'opposition du nouveau régime, les premières tentatives de pénétration coloniale occidentales ont lieu. Le changement de dynastie entraîne un affaiblissement de la tutelle chinoise sur le Tibet que plusieurs voyages du Karmapa auprès de l'empereur de Chine ne parviendront pas à enrayer. Mais l'Empire du Milieu ne renonce pas à l'idée d'exercer sa suzeraineté sur le Royaume des Neiges. La nouvelle dynastie réorganise l'administration
dans un sens centralisateur. Au sommet, trois bureaux sont créés
pour les affaires administratives, les affaires juridiques et les affaires
militaires. Au niveau des provinces, la même division existe. Au
niveau local, les préfectures et les districts subsistent avec un
certain nombre de départements relevant directement du pouvoir central.
A l'échelon inférieur, un li regroupe cent onze foyers
et se subdivise en dix jia; la population, recensée et répertoriée
par métiers et fonctions, est ainsi étroitement encadrée.
Le Censorat, chargé du contrôle des fonctionnaires, la Cour
Suprême et le ministère de la Justice deviennent les "Trois
Organes de la Justice"; toute affaire importante leur est déférée;
un "Code des Ming", inspiré de celui des Tang, sert de base
à l'administration de la justice; parallèlement, les "Grands
Édits" compilent la jurisprudence pour éclairer les magistrats.
La propriété étatique de la terre est confirmée
par la loi et une politique d'économie dirigée est mise en
oeuvre. Une réforme monétaire vise à contrôler
l'inflation en échangeant périodiquement les billets en circulation,
qui ont cours forcé, et en les frappant d'une taxe lors de l'échange.
Une Garde impériale, chargée de la protection de l'empereur,
est créée; son bureau des commissaires est chargé
de juger les grands criminels d'État. L'armée est réorganisée
et placée dans des garnisons; en cas de guerre, ses chefs sont nommés
à titre provisoire; en temps de paix, les officiers n'ont guère
qu'un rôle administratif. La religion bouddhique, réorganisée,
devient un instrument de gouvernement; l'empereur est l'intermédiaire
entre son peuple et les divinités, quelle que soit la religion.
1370: Hongwu nomme ses vingt-quatre fils et petits-fils à la tête des provinces à travers le pays. 1371: l'armée des Ming, après avoir défait les Xia, entre au Sichuan. 1372: construction des fortifications de Jiayuguan, au Gansu, (Grande Muraille), pour contenir les incursions barbares. Une guerre d'extermination est entreprise contre les Mongols. 1373: publication du code des Ming, inspiré de celui des Tang, qui consacre le retour à l'étatisme et le rétablissement du mandarinat, lequel constituera, au fil du temps, une nouvelle noblesse foncière. 1380: le Premier ministre, soupçonné de complot, est exécuté; ses complices ne tardent pas à subir le même sort. L'Empereur décide désormais de tout. 1387: les dernières poches de résistance des Yuan s'effondrent; les Mongols sont refoulés vers le nord. La Chine est pratiquement réunifiée sous le sceptre des Ming. 1393: exécution du général Lan Yu. La répression cause la mort de plus de 50000 personnes dont plusieurs dizaines de nobles. Il s'agit de se débarrasser des vainqueurs des Mongols dont la puissance inquiète l'empereur. Hongwu se montre extrêmement méfiant et le pouvoir commence à passer aux eunuques. Mais il s'attache à améliorer les conditions de vie de la paysannerie et favorise le développement de l'agriculture. Un système de recensement (huangce et yulin tuce) améliore la connaissance de la population et la perception des impôts. 1398: mort de l'empereur Hongwu (titre posthume: empereur Gaodi, glorifié sous le nom de Taizu). 1399: accession au trône de Zhu Yunwen sous le nom de Jianwen. Zhu Di, quatrième fils de Hongwu, menacé de destitution, se révolte. 1402: Jianwen disparaît sans laisser de trace. Zhu Di devient l'empereur Yongle. Les partisans de Jianwen sont massacrés par milliers. Le nouvel empereur accroît le pouvoir des eunuques qui sont nommés à la tête de presque toutes les branches de l'Administration; une sorte de bureau des délations leur est confié pour faire la chasse aux éventuels opposants. Yongle s'entoure aussi de personnes compétentes qui constituent le Cabinet impérial, noyau de l'Administration. 1403: l'ancienne capitale des Yuan est rebaptisée Beijing (Pékin) et des travaux sont entrepris pour la rénover. 1405-1407: sur ordre de l'empereur, une flotte de 200 navires, partie de Suzhou, explore le Champa (Annam), Java et Calicut, avant de revenir à Nankin. 1407, 1409, 1413, 1417: premiers voyages du navigateur chinois Zheng He dans l'Océan Indien. .
1420: les travaux de construction du nouveau palais impérial à Pékin s'achèvent. 1421: Pékin devient la capitale politique, administrative et religieuse des Ming. La ville est divisée en trois parties: la cité intérieure, la cité impériale et la cité interdite. 1421 et 1431: derniers voyages de Zheng He dans l'Océan Indien. Au cours de ses six voyages, il atteint l'Afrique, la Mer Rouge et le Golfe Persique. Ces expéditions poursuivent des buts économiques (promotion des produits chinois) et politiques (exaltation de la puissance impériale); des voies commerciales maritimes s'ouvrent. L'empereur Yongle réunit 3000 savants pour rédiger la "Grande Encyclopédie" qui porte son nom. A cinq reprises il tente de conquérir la Mongolie et consolide sa domination sur les régions éloignées. Des émissaires sont envoyés dans les régions de l'ouest (Sinkiang), en Asie centrale, dans les îles de la Sonde, dans l'Océan Indien et au Tibet. Le rétablissement de l'influence chinoise sur les régions de l'ouest, après la disparition de Tamerlan, rouvre la Route de la Soie. L'Annam est conquis en punition des incursions qui perturbaient les régions frontalières. L'introduction depuis l'Amérique de la patate douce, de l'arachide et du maïs favorise l'expansion démographique. Mais la situation de la paysannerie se détériore, entraînant un afflux de population misérable dans les villes, notamment à cause de la reconstitution des grands domaines. 1424: mort de l'empereur Yongle pendant le retour de sa cinquième expédition en Mongolie (titre posthume: empereur Wendi, glorifié sous le nom de Taizu, puis Chengzu). Son règne restera le plus brillant de la dynastie des Ming. 1426-1435: règne de l'empereur Xuande. Les Oirats soumettent toutes les tribus mongoles et deviennent à nouveau une menace pour la Chine. 1449: les Oirats déclarent la guerre aux Ming. Les soldats chinois subissent défaite sur défaite et l'empereur Yingzong finit par tomber entre les mains de ses ennemis. Un nouvel empereur accède au trône et les troupes chinoises réorganisées triomphent des Oirats qui renvoient à Pékin l'empereur prisonnier. La construction des forteresses défensives va être réactivée; la Muraille de Chine recevra la forme qui lui restera; un tiers de la population de la Chine, qui compte alors une centaine de millions d'habitants, aurait été employé à sa construction; ce travail, accompli dans des conditions rigoureuses, par une population sous-alimentée, aurait causé la mort de plusieurs millions de personnes et il était considéré comme une punition. 1482: le général Hsu Ning extermine un détachement mongol coincé contre les remparts de la Grande Muraille. 1488: Vasco de Gama arrive à Calicut. Les grandes découvertes européennes complètent l'épopée nautique de Zheng He. Les routes maritimes vont bientôt supplanter les routes terrestres de la soie. 1490: en dépit des mesures prises pour juguler l'inflation, une nouvelle crise financière secoue la Chine et menace la stabilité de l'empire. Une refonte du système monétaire et la distribution gratuite de vivres aux plus démunis calme pour un temps l'effervescence. Mais des mouvements ouvriers n'en éclateront pas moins dans les centres d'artisanat. 1517: ambassade portugaise à Canton. 1522-1566: règne de l'empereur Jiajing. Les Tatars, sous la conduite de Dayan, supplantent les Oirats qui tombent en décadence, peut-être par suite de leur conversion au bouddhisme tibétain. 1547: Zhu Wan entreprend
de lutter contre les incursions des pirates japonais sur les côtes
chinoises; ces derniers, qui bénéficient de la complicité
de potentats locaux, sont de plus en plus entreprenants. Zhu Wan sera acculé
au suicide par ses adversaires.
1557: les Portugais s'installent à Macao. C'est le début de la colonisation de la Chine. 1565: bataille de Nan'ao
au cours de laquelle les pirates japonais sont défaits.
Qi Jiguang est appelé au nord pour lutter contre les incursions Mongols. Plutôt que d'aller combattre ces derniers sur leur steppe, où les chances de victoire seraient douteuses, il conçoit un plan basé sur la combinaison de la défensive et de l'offensive. Pour cela, la Grande Muraille doit être reconstruite et constituer un moyen de signalisation et de logement de puissantes forces destinées à se porter sur les points menacés à travers les passages ouverts entre les fortifications qui doivent arrêter les envahisseurs barbares sans gêner les sorties des troupes chinoises. Un effort de construction gigantesque est entrepris; beaucoup d'hommes épuisés le paient de leur vie, mais les Mongols sont vaincus. Ce succès entraîne l'arrêt de travaux jugés trop coûteux maintenant que le péril est écarté. 1571: Altan demande à l'empereur Longqing de lui accorder le titre de prince moyennant quoi il se soumet et accepte de payer tribut. 1580: le père Ricci arrive à Macao. Il sera ultérieurement autorisé à se rendre à Pékin. 1583: Victime d'une intrigue de cour, Qi Jiguang est destitué de son poste. Son grandiose projet de Grande Muraille ne sera jamais achevé. Nurhachi unifie les différentes tribus nüzhen (mandchous). 1588: Mort de Qi Jiguang. Nurhachi défait les troupes de Jianzhou; sa puissance ne cesse de croître et l'empereur le couvre de titres afin de se l'attacher. 1592-1597: expédition japonaise en Corée. 1601: Nurhachi crée le système des huit bannières basée sur l'organisation tribale des niulu; chaque niulu compte 300 personnes, 5 niulu forment un jiala (bataillon) et 5 jiala un gushan (bannière); chaque bannière est dotée d'un pavillon de couleur différente. Cette organisation militaire vaut pour le temps de paix comme pour le temps de guerre. Les chefs (ezhen) des huit bannières décident conjointement des affaires de l'État. La puissance mandchoue est en train de prendre forme. Chah Abbas le Grand (1588-1629), souverain safavide de Perse, entretient d'excellentes relations avec la Chine et l'Occident; son pays sert en quelque sorte de trait d'union entre l'est et l'ouest. 1610: les jésuites, qui exercent une influence réelle en raison de leurs apports technologiques et scientifiques, obtiennent la reconnaissance officielle du culte catholique dans l'empire chinois. 1616: Nurhachi se proclame
Hetuala grand khan sous le nom de Tianming des Jin postérieurs.
1621-1627: règne
de Xizong; son favori est l'eunuque Wei Zhongxian qui se conduit de manière
tyrannique.
1624: les Hollandais s'emparent de Taiwan. 1625: les Ming, aux mains
des eunuques, envisagent d'abandonner à Nurhachi tout le territoire
au nord de la Grande Muraille.
Des Danois se fixent à Canton, malgré l'opposition des Portugais. 1631: Li Zicheng devient
général d'assaut.
Le missionnaire allemand Schall dote la Chine d'une fonderie de canons. 1637: Yang Sichang, ministre des affaires militaires, force Zhang Xianzhong à la reddition et contraint Li Zicheng à fuir au Henan, dans les montagnes. Une première flotte britannique arrive en Chine. 1639: Zhang reprend le
combat.
Li Zicheng, dont l'armée se recrute,
prend l'offensive et entre à Xi'an où il se proclame Grand
Shun sous le nom de règne de Yongchang. Le 18 mars, son armée
paysanne entre à Pékin. Le dernier empereur des Ming, Chongzhen,
s'enfuit précipitamment de la Cité Interdite. Parvenu à
la Colline du Charbon, il rédige
son testament puis il se pend en présence d'un eunuque de la cour
impériale, Wang Cheng'en. Le prince Fu est intronisé empereur
Hongguan des Ming à Nankin, par des fonctionnaires impériaux.
Pendant ce temps, un général ming, Wu Sangui, ouvre aux Mandchous
le passage de Shanhaiguan, dans l'espoir qu'ils l'aideront à reprendre
Pékin, pour le compte des Ming. Li Zicheng se porte au devant des
envahisseurs. Battu, il rentre à Pékin, où il célèbre
à la hâte son couronnement, le 29 avril. Le lendemain, il
se retire à Xi'an avec son armée. Il livre ensuite une guerre
sans merci à Zhang Xianzhong
qui est tué en combattant.
Sous la dynastie des Ming, de profonds changements sociaux bouleversent la société chinoise. Les pratiques anciennes, fondées sur le travail et le respect des anciens, cèdent la place au commerce et au culte de l'argent. L'appât du gain, le goût du jeu, le désir de consommer toujours davantage exercent leurs effets corrupteurs sur l'échelle sociale et les abus se multiplient. Les anciennes hiérarchies sont mises à mal; les nouveaux riches tiennent le haut du pavé; le luxe s'épanouit ostensiblement; les humbles, souvent misérables, sont méprisés. Les eunuques prennent une part de plus en plus active à la conduite de l'État, tant et si bien que des hommes se font castrer pour accéder au pouvoir; les fonctionnaires corrompus s'organisent en factions, qui s'affrontent pour l'obtention des prébendes. Certains empereurs s'adonnent à la jouissance alors que d'autres tombent dans la dévotion, cependant qu'au nord et sur les côtes, les Mongols et les Japonais imposent leurs lois. Plusieurs tentatives de redressement ont pourtant lieu, notamment celles de Zhang Juzheng, qui fait cadastrer tout le pays, afin d'améliorer la fiscalité, et renforce les défenses du nord. Mais ces efforts méritoires n'ont pas de suite et, après lui, sous l'empereur Shenzong, les affaires gouvernementales sont laissées presque à l'abandon; cet empereur, dont l'épouse n'a pas eu d'enfant, choisit comme héritier le fils d'une concubine; il en résulte des oppositions et la naissance de partis qui se livrent à une lutte sans merci; l'exil, la mort ou la prison attendent les vaincus. Cette époque est cependant favorable à la croissance démographique et la population chinoise dépasse les 100 millions d'habitants (150 millions vers 1600, selon d'autres estimations). Elle est aussi celle d'un renouveau intellectuel; Wang Souren (1472-1528) met l'accent sur l'individu, sur la subjectivité et sur la libération de la nature humaine; Li Zhi (1527-1602) souhaite promouvoir le libre développement de la personnalité et va jusqu'à prôner l'égalité entre l'homme et la femme, ce qui est considéré comme une hérésie. L'essor du commerce, l'arrivée des étrangers, notamment les jésuites, donnent son impulsion initiale à l'esprit scientifique. Li Shizen (1518-1593) rédige une volumineuse encyclopédie des plantes médicinales qui intéressera Charles Darwin, il y mentionne la syphilis qui vient de faire son apparition en Chine; Yang Jizhou publie une encyclopédie de l'acupuncture; Chen Yu Fa est l'auteur d'un traité de massothérapie pédiatrique, véritable manuel de secourisme, dans lequel on trouve des éléments de kinésithérapie et des conseils pour l'utilisation des moxas. Un membre de la famille impériale Zhu Zaiyu (1536-1611) consacre sa vie à l'étude et réalise plusieurs découvertes, toujours d'actualité, en musique et en astronomie; Xu Guangqi (1562-1633) se frotte aux missionnaires chrétiens, traduit des ouvrages occidentaux et s'intéresse à l'astronomie et à l'agriculture; Xu Xiake (1586-1641) tire de ses nombreux voyages, dont il rédige le récit, de précieux enseignements géographiques; Song Yingxing (1587-1661) utilise, pour écrire son encyclopédie de l'agriculture et de l'artisanat, une approche qui s'apparente à celle de la science moderne. Pourtant la Chine prend du retard sur l'Occident en matière de progrès technique et tend à se spécialiser dans les produits de luxe (soieries, porcelaine). La Chine à nouveau conquise 1644-1912: dynastie mandchoue des Qing (Ts'ing): la nouvelle dynastie se présente moins en conquérante qu'en administratrice. Les institutions ne sont pas bouleversées; elles sont simplement amendées. Les Mandchous adoptent cependant une politique raciste; les mariages mixtes sont interdits et le port de la natte devient obligatoire; le service militaire est aboli et seuls les soldats mandchous seront les gardiens de l'ordre et les défenseurs du pays. Pour affermir leur pouvoir, les empereurs s'appuient sur l'étranger et favorisent, dans un premier temps, la pénétration occidentale en Chine; ils réduisent aussi la puissance des mandarins en démantelant les grandes propriétés foncières qu'ils ont acquises, grâce à leurs prévarications, sous les Ming; le pouvoir veillera ensuite à ce quelles ne se reconstituent pas; la terre est distribuée aux cultivateurs qui deviennent propriétaires; de nouvelles cultures, comme le tabac, sont introduites et le pouvoir procéde à l'organisation d'un système de greniers d'État. 1644-1683: conquête de la Chine par les Mandchous sur les Ming. Le chef des eunuques est décapité et 4 000 eunuques sont chassés de la Cité impériale. Mais la conquête du sud sera plus laborieuse que celle du nord en raison de l'opposition des grandes villes marchandes. Une fois conquises, ces dernières seront soumises à un régime d'occupation militaire pour briser toute velléité d'autonomie. 1644: la Russie, alliée aux Mongols, commence à montrer des visées expansionnistes en direction de la Chine. 1645: Li Zicheng disparaît tué ou converti au bouddhisme dans un monastère; les deux versions circulent. Le port de la natte est imposé par les Mandchous. Les Chinois y voient un humiliant signe de servitude qui rappelle les Jin du nord au 12ème siècle. Les Mandchous confisquent les terres du nord de la Chine et réduisent les paysans rudement traités à l'esclavage. Les velléités de résistance sont réprimées par la décapitation. Nankin tombe au pouvoir des Qing. Le prince Lu est fait "Superviseur national" tandis que le prince Tang est proclamé empereur Longwu des Ming à Fuzhou. 1646: Longwu est capturé
par les Qing et meurt peu après. Le prince de Gui est intronisé
empereur Yongli des Ming du sud à Zhaoqing (Guangxi). Il régnera
plus de 16 ans.
1652: le Dalaï lama est reçu en grande pompe à Pékin, mais l'empereur mandchou, qui souhaite affirmer son pouvoir sur les hauts plateaux, ne perd aucune occasion de rappeler sa prééminence à son invité. 1653: arrivée du premier ambassadeur russe à la cour de Pékin. 1659: Zheng Chenggong
entreprend une opération combinée, par terre et par mer,
pour s'emparer de Nankin. Il échoue. Zheng s'efforce alors d'accroître
sa puissance par le commerce et le contrôle de la mer. Pour le contrecarrer,
les Qing contraignent les populations côtières à émigrer
d'au moins 15 kms à l'intérieur des terres. Cette variante
de la terre brûlée entraîne de lourdes conséquences
pour Macao.
1667-1722: règne de Kanxi
(K'ang-hi): il réunifie la Chine,
y compris Taiwan, et rétablit sa tutelle sur le Tibet.
L'empire prend sa taille et sa forme définitives,
sous réserve d'aménagements administratifs futurs (voir
carte).
1673-1681 - Rébellion des Trois feudataires 1673: Kanxi combat les
velléités séparatistes des princes. Wu Sangui, qui
a favorisé, sans doute involontairement, la conquête du nord
de la Chine par les Mandchous est devenu un véritable pro-consul
en Chine du sud. Son armée, nombreuse est de plus en plus coûteuse
pour le trésor chinois et il refuse de la réduire. Kanxi
le convoque à Pékin où il ne se rend pas. Kanxi furieux
décide de le contraindre par la force. Il abolit les vice-royautés
du sud pour priver le rebelle d'éventuels alliés. Ce dernier
fait assassiner les fonctionnaires pro-Mandchous. La rébellion des
Trois Feudataires (Wu Sangui et ses alliés)
tourne à la guerre civile!
1676: un moine tibétain, Goldan, s'impose aux Dzungars (tribu mongole du Turkestan) et rêve de reconstituer l'empire de Gengis khan. Les alliés de Wu Sangui commencent à se décourager. 1678: le 23 mars, malgré ses défaites Wu Sangui se proclame empereur des Zhou. Il décède quelques mois plus tard. Les descendants de Zheng Chenggong (Koxinga) profitent de la situation pour relancer les raids de piraterie depuis Taiwan. Le décret de 1662, qui éloigne la population des côtes est remis en vigueur, avec des conséquences à nouveau désastreuses pour Macao. Une nouvelle ambassade portugaise est envoyée auprès de Kanxi. Elle amène comme cadeau à l'empereur une lionne grosse qui délivre plusieurs lionceaux, ce qui est interprété comme un heureux présage. 1679: le petit-fils de Wu Sangui, lui succède et devient l'empereur Honghua. 1681: en décembre, assiégé dans sa capitale, Honghua se suicide. La rébellion des Trois Feudataires est terminée. Plusieurs chefs se suicident, d'autres sont jetés en prison ou exécutés. 1683: Taiwan menaçant la sécurité de l'empire chinois, une flotte est mise sur pied pour conquérir l'île. Elle quitte la Chine le 8 juillet. Elle s'empare d'abord des Pescadores avant d'aborder Taiwan le 3 octobre. L'île tombe rapidement aux mains du général Shi Lang. La Chine est réunifiée. La piraterie cesse. Une nouvelle ère de paix et de prospérité commence. 1685: les Russes sont
chassés de Yaksa, dans le bassin du fleuve Heilongjiang.
Arrivée à Pékin des jésuites envoyés
par Louis XIV.
1692: les jésuites français obtiennent de l'empereur un édit de tolérance autorisant la religion catholique; respectueux des traditions chinoises, les jésuites vont néanmoins s'employer à introduire en Chine le modernisme occidental, notamment dans les domaines scientifique et militaire. La Chine, alliée aux Qoshots (tribu mongole), qui contrôlent le Tibet, écrase les Dzungars du Turkestan. La Mongolie extérieure, qui était soumise aux Dzungars, devient vassale de la Chine mandchoue. La Mongolie intérieure était déjà annexée. Vers la fin du 17ème siècle apparaît, en Chine du sud, une nouvelle société secrète, la Triade, ou fraternité de la Terre et du Ciel, qui conteste la domination mandchoue et oeuvre pour la restauration de la dynastie des Ming. Cette secte persistera jusqu'à nos jours mais, entre temps, elle se transformera en organisation mafieuse. 1704: condamnation des rites chinois par le pape: la tentative d'évangélisation de la Chine va échouer par suite de la maladroite intransigeance du Saint-Siège, résultat des intrigues de prêtres espagnols et portugais jaloux des jésuites français. 1708: naissance du 7ème
Dalaï lama. Le 6ème a disparu dans des circonstances mystérieuses;
une créature des Qoshots a été intronisée à
sa place; Pékin prend parti contre l'intrus contesté et se
prononce en faveur du 7ème, qui s'est placé sous sa protection,
au monastère de Kumbum (Kokonor).
1722: Mort de Kanxi, Yongzheng
lui succède; les Qoshots en profitent pour déclarer la guerre
à la Chine. Ils sont battus. Le nouvel empereur, alarmé par
la lutte que se livrent Anglais et Français pour la colonisation
des Indes, expulse les missionnaires étrangers; l'armée chinoise
perd les créateurs de son artillerie; les conséquences futures
de cette mesure vont s'avérer désastreuses.
1735-1796: règne de Qianlong
(K'ien-long).
1792-1793: ambassade anglaise de lord Macartney. L'Europe industrielle naissante commence à s'intéresser à cet empire immobile d'Asie qui intrigue et passionne. On peut supposer que l'Angleterre profite des troubles qui ont éclaté en France pour évincer définitivement cette puissance qui avait pris pied dans l'Empire du Milieu par le truchement de ses missionnaires. 1791: le général
chinois Fu Kang'an écrase les Népalais qui tentaient d'envahir
le Tibet sous l'instigation des Britanniques. Le Népal doit reconnaître
la suzeraineté de Pékin.
La politique de sinisation est poursuivie dans le Yunnan, le Guizhou, le Guangxi, le Sichuan, le Hubei et le Hunan. Une révolte des Miaos éclate au Sichuan, au Hunan et au Guizhou. La secte du Lotus blanc ensanglante le Sichuan, le Henan et le Shanxi. Les rébellions sont matées et les chefs des tribus sont mis au pas. Certaines minorités sont anéanties et leurs chefs conduits captifs à Pékin. Les pays voisins de la Chine (émirats de Kaboul et de Boukhara, Annam et Siam) font acte d'allégeance à l'Empire du Milieu. 1799: mort de Qianlong.
La période qui va de Kanxi à Qianlong est connue comme celle de "la Paix et de la Prospérité". La population de la Chine représente alors le tiers de la population mondiale et sa balance commerciale est fortement excédentaire. L'économie mondiale est partagée entre l'influence des puissances maritimes occidentales (Angleterre, Portugal, Espagne, Pays-Bas, France) et l'influence continentale de la Chine, autour de laquelle s'est organisé un ensemble immense et cohérent (Corée, Asie du sud-est, Asie centrale). Qianlong, soucieux de connaître par lui même la réalité, accomplit de nombreux voyages dans son empire. Admirateur de son aïeul, Kanxi, il s'efforce de l'imiter et promet même de le surpasser. Pourtant, vers la fin de son règne, il devient arrogant et peu entreprenant. Le pouvoir est exercé par un favori, Heshen. Les postes officiels sont vendus; une atmosphère de corruption annonce déjà le déclin de la dynastie. Sous les premiers empereurs mandchous, le pouvoir se renforce dans le sens d'une monarchie absolue. Les fonctionnaires sont recrutés par concours de manière très formaliste; le néo-confucianisme est l'idéologie dominante. Le pouvoir favorise la compilation des oeuvres littéraires marquantes de tous les temps, mais en les soumettant à la censure et en écartant les textes qui lui déplaisent. Des historiens sont condamnés à mort et exécutés; un auteur décédé est exhumé pour être réduit en poudre; sous Qianlong, une phrase mal interprétée peut conduire au supplice. Pour mieux contrôler le pays, celui-ci est progressivement fermé au commerce étranger; après la rupture avec les jésuites, la Chine va stagner alors que l'Occident connaît un développement intellectuel et technologique sans précédent. La croissance économique est insuffisante, compte tenu de l'explosion démographique, et de nombreux Chinois sont contraints de s'exiler, d'abord en Asie du sud-est, puis ensuite ailleurs, où ils nourriront une diaspora qui s'emparera du commerce dans de nombreux pays. 1800:
l'empereur déconseille à ses sujets l'usage de l'opium, cette
"ordure étrangère".
Nouvelle ambassade britannique ( Lord Amherst) à Pékin pour tenter d'entrebâiller les portes de la Chine. Il y est reçu de manière humiliante; comme les autres diplomates, il est contraint de se coucher à plat ventre pour saluer l'empereur. Sur le chemin du retour, il s'arrête à Sainte-Hélène pour voir Napoléon qui aurait prophétisé à cette occasion: "Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera." Pendant tout le 19ème siècle, la progression coloniale des puissances occidentales en Asie sera guidée par le souci de pénétrer dans une Chine perçue comme un immense potentiel commercial. 1830: alors que de grands dangers menacent l'Empire du Milieu, celui-ci, imbu de la supériorité de sa civilisation, est mal préparé à les affronter. Le gouvernement central, isolé de la population, manque de ressources, aussi bien financières que militaires; les 18 provinces, en situation de quasi autonomie, en absorbent la majeure partie. La conscience nationale est affaiblie par la division du pays et la présence, à la tête de l'État, d'une monarchie étrangère. La population atteint 200 millions d'habitants (430 millions en 1850, selon d'autres estimations), mais son immense majorité vit à la campagne dans des conditions proches de la misère. Le commerce, orienté principalement vers l'Asie centrale, tourne le dos à la mer, d'où vient la menace. Une noblesse oisive et pléthorique, membre de la famille impériale, dilapide une fraction importante de la richesse nationale; les fonctionnaires, recrutés comme au 14ème siècle, mal rémunérés, se dédommagent par la corruption. La religion, enfin, et le sentiment de puissance, découlant de l'immensité de l'empire, incitent à la passivité. 1832: Selon le père Huc, à la suite de calamités naturelles, une grande famine décime la population de certaines régions de Chine. 1839: première
guerre de l'opium. Au nom du libre échange, l'Angleterre
entend imposer à la Chine l'achat de l'opium provenant de ses colonies
de l'Inde. Londres espère réaliser de fabuleux profits et
aussi rééquilibrer sa balance commerciale déficitaire
avec l'empire du milieu. La Chine refuse de se soumettre à une exigence
qui se traduirait par l'intoxication de sa population, sa dégénérescence
et qui, au final, entraînerait sa soumission aux puissances occidentales;
des cargaisons d'opium sont brûlées dès leur arrivée
sur le sol chinois.
1844: les dignitaires des grands monastère du Tibet réclament l'intervention de l'empereur de Chine pour se débarrasser du régent qui exerce le pouvoir durant la minorité du Dalaï lama dont le comportement les indispose. Pékin ne perd pas cette occasion de rétablir son autorité. Par le Traité de Whampoa (24 octobre 1844), la France impose à la Chine des privilèges voisins de ceux obtenus par l'Angleterre à Nankin. Ce traité permet aux Français de commercer avec les Chinois dans cinq ports différents. 1846: la guerre de l'opium
a entraîné une réaction de l'opinion publique chinoise
à l'encontre de tout ce qui vient de l'Occident, y compris le christianisme.
Le 20 février 1846, le gouvernement français de Louis-Philippe
1er impose à la Chine un édit de tolérance en faveur
de la religion catholique. Cet édit n'est qu'un moyen de gagner
du temps pour le gouvernement impérial chinois et la persécution
des chrétiens reprendra bientôt fournissant un prétexte
à de nouvelles interventions occidentales.
1852: l'Angleterre prend pied en Birmanie; ce pays lui servira de base pour une tentative de pénétration en Chine; celle-ci échouera. 1856: le Tibet devient tributaire du Népal. La Chine, en proie à la guerre civile, n'est pas en mesure de relever l'affront. La fouille d'un navire pirate par la flotte chinoise entraîne des difficulté avec les autorités britanniques. Un nouveau conflit menace. 1856 à 1873: insurrection musulmane à Dali (Yunnan), conduite par le sultan Du Wenxiu. 1857-1860: seconde
guerre de l'opium. Les premières concessions n'ont pas calmé
les appétits occidentaux. La Chine, toujours en proie à la
guerre civile, doit faire face également à une guerre étrangère.
Pékin est conquise; le Palais d'Été
est mis à sac.
1857: Traité d'Aïgoun: la Chine cède la région du fleuve Amour à la Russie qui rêve d'un débouché maritime en Asie. Ce sera Vladivostok. 1860: Traité de Pékin entre la Chine d'une part, l'Angleterre, la France, les États-Unis et la Russie d'autre part. L'Empire du Milieu est contraint d'ouvrir onze nouveaux ports aux étrangers. Les douanes chinoises vont être pour longtemps contrôlées par les Anglais. Les Occidentaux obtiennent même des privilèges de juridictions qui s'appliquent non seulement à leurs ressortissants mais également aux Chinois qu'ils poursuivent; la souveraineté chinoise est démembrée. Les étrangers pénètrent dans un pays qu'ils tiennent pour arriéré; de part et d'autre, l'incompréhension totale est grosse de conflits futurs. En attendant, ayant obtenu ce qu'ils voulaient, en profitant de l'affaiblissement du pouvoir mandchou, les Occidentaux aident ce dernier à triompher des rebelles t'ai-p'ing. La Chine ne renoncera jamais à recouvrer les territoires perdus et, au 21ème siècle, elle continuera encore à se plaindre des spoliations imposées par les grandes puissances impérialistes. 1861: mort de l'empereur
Xianfeng à Chengde, où il s'est réfugié pour
fuir les envahisseurs. Son fils, Zaichun, âgé de 6 ans lui
succède sous le nom d'empereur Tongzhi.
1864: tentative d'incursion de la Russie dans les régions de l'ouest (Sinkiang actuel). L'empire des tsars domine déjà le Turkestan occidental. Il appuie la sécession de l'émir de Kashgar, qui a profité des embarras de la Chine, en proie à la guerre civile, pour proclamer l'indépendance du Turkestan oriental. 1866: Doudart de Lagrée et Francis Garnier explorent le Mékong pour frayer un passage à la France vers la Chine, à partir de la Cochinchine. Ils parviennent jusqu'à Dali, au Yunnan, encore sous l'autorité du sultan rebelle Du Wenxiu. 1868: une mission diplomatique chinoise est envoyée à l'étranger afin de percer le mystère des intentions occidentales à l'égard de la Chine. L'expansion commerciale et l'arrivée de nombreuses missions religieuses motivent cette initiative. 1869: début de l'ère Meiji au Japon. Ce pays se transforme en adoptant des réformes inspirées de l'Occident, lesquelles suscitent bientôt ses appétits colonialistes, alors que la Chine tente de se protéger en se refermant sur elle-même. 1870: fronde de la population chinoise contre les missionnaires français soupçonnés d'arracher le coeur des mourants et d'enlever les enfants abandonnés à T'ien Tsin (Tianjin); un orphelinat est saccagé, des convertis chinois et des religieuses sont massacrés; une cinquantaine de personnes perdent la vie. Les canonnières occidentales rétablissent l'ordre. 1871: la France, qui a d'autres chats à fouetter après la chute du Second Empire et la Commune, se contente d'exiger des excuses après le massacre de T'ien Tsin. 1872: Francis Garnier, en congé de l'armée française, se rend en Chine afin de poursuivre l'exploration du cours du Mékong et de servir de médiateur entre le pouvoir impérial chinois et les rebelles musulmans de Dali. Il envisage même d'aider les troupes chinoises à mater la rébellion musulmane qu'il soupçonne d'être encouragée par les intrigues anglaises. Il espère ainsi obtenir des autorités de Pékin l'autorisation de se rendre au Tibet dans le but d'y découvrir les origines des grands fleuves asiatiques. On pourrait s'étonner de l'engagement d'un militaire explorateur français dans une querelle interne à la Chine si l'on ignorait que Francis Garnier souhaite pour la France un rôle accru dans cet immense empire dont il anticipe les promesses futures. Dans cette perspective, il est partisan d'imposer au Tonkin un protectorat français afin d'ouvrir une voie commerciale en direction du Yunnan en empruntant le Fleuve Rouge dont la navigabilité a été prouvée par un audacieux négociant, Jean Dupuis. Dans l'hypothèse d'un État musulman séparé au Yunnan, cette artère perdrait évidemment beaucoup de son intérêt comme moyen de pénétration en Chine. Il convient de préciser, qu'au même moment, les Anglais travaillent à un projet de route commerciale à partir de la Birmanie. En cette fin du 19ème siècle, la Chine excite les convoitises de bien d'autres puissances occidentales. 1873: sur le chemin du Tibet, Francis Garnier séjourne à la mission de You-yang, au Sichuan. Les pères Mabileau et Rigault y ont perdu la vie, la mission ayant été attaquée à la suite d'une rixe qui a dégénéré en véritable guerre entre une famille chrétienne et une famille païenne lesquelles ont reçu, en bons féodaux, le renfort de la pègre locale. Le chargé d'affaires français à Pékin a menacé les Chinois d'envoyer une canonnière rétablir l'ordre, menace vaine car aucune voie navigable ne permet d'atteindre la bourgade. L'évêque a demandé une enquête et, en attendant, il a refusé l'inhumation des victimes car, en Chine, l'enterrement clôt définitivement toute action en justice! Le journal tenu par Francis Garnier fourmille de descriptions pittoresques des lieux qu'il traverse et de leurs habitants. En empruntant des escaliers de marbre glissant, il escalade un enchevêtrement de montagnes dont les fleuves souterrains font trembler le sol. Les torrents sortent en cascade d'une grotte pour se précipiter dans une autre. Un aubergiste ingénieux a construit sa maison en travers de la route pour obliger les voyageurs à y passer. Les minorités autochtones, décimées par les conquérants chinois, sont en voie de disparition; mais on trouve, paraît-il, dans les grottes, des coffres remplis de manuscrits couverts d'une écriture alphabétique qui, à défaut d'être européenne, comme le pensent les Chinois, pourrait être d'origine tibétaine. Le pouvoir central corrompu se désintéresse du développement des provinces totalement abandonnées à l'initiative privée. Une grande misère y règne; si on enterre scrupuleusement, par tradition, les cadavres des mendiants morts de faim dans les rues, il ne vient à l'idée de personne de les nourrir pour les garder en vie. Les inondations fréquentes rendent la vie encore plus précaire. Cependant, les endroits épargnés par les guerres intestines jouissent d'une certaine prospérité et la population, inventive et très active, mériterait certainement un meilleur sort. Les dirigeants locaux sont responsables, parfois sur leur tête, des incidents qui surviennent dans les territoires de leur ressort: aussi s'évertuent-ils à ce qu'aucune information ne remonte jusqu'au pouvoir central. Les missionnaires catholiques sont mal préparés à exercer leur apostolat dans un milieu qu'ils ne comprennent pas; en dehors de la religion, ils paraissent à peu près dépourvus de culture et des connaissances qui leurs seraient utiles dans un pays si différent du leur; intolérants autant que crédules, ils tiennent les religions locales et le Bouddha, qualifié de poussah, comme autant de manifestations diaboliques; ils exorcisent les possédés du démon à coups de gourdin! Les prêtres chinois semblent beaucoup plus intelligents et instruits que leurs collègues européens. Francis Garnier tient l'écriture hiéroglyphique chinoise pour une des principales causes du retard du pays; l'effort démesuré qu'elle exige pour être parfaitement maîtrisée ne permet pas une large démocratisation de son apprentissage, même si la plupart des Chinois savent lire les principaux idéogrammes; elle vise à peindre la pensée plus qu'à reproduire la parole et contribue à maintenir le pouvoir excessif des lettrés. L'explorateur français se montre favorable à la propagation de l'écriture phonétique d'inspiration occidentale; elle serait un vecteur du progrès et favoriserait l'expansion coloniale; la France, protectrice des missions chrétiennes, ne pourrait qu'y trouver avantage. Parmi les singularités végétales rapportées, on notera l'arbre à huile, l'arbre à suif, dont le gras sert à fabriquer des bougies, et l'arbre à savon dont les fruits sont employés pour la lessive. Avant d'avoir atteint le Tibet, Francis Garnier est rappelé en Indochine pour rouvrir les communications avec la Chine à travers le Tonkin en proie à une révolte contre les entreprises coloniales françaises. Il s'empare de la citadelle de Hanoi mais, isolé et en butte aux assauts des Pavillons noirs, il finit par être tué et par avoir la tête coupée. Le sultan Du Wenxiu de Dali, vaincu par les troupes impériales à la suite d'une trahison, est décapité. Les Hui, qui ont soutenu la rébellion, entrent dans l'anonymat en se réfugiant dans les villages baï. La répression de l'insurrection musulmane est terrible. De nombreuses personnes, hommes, femmes et enfants, en sont victimes. Des prisonniers sont massacrés après leur reddition en dépit des promesses de pardon qui leur avaient été faites pour les amener à cesser le combat. Des villes naguère florissantes sont détruites et les visiteurs du Yunnan pourront s'apitoyer sur leurs ruines (Gervais-Courtellemont). 1874: le Japon s'empare de Taiwan. Mort opportune de l'empereur Tongzhi, au moment où il atteint sa majorité. L'impératrice douairière Cixi (Ts'eu-hi) porte au trône un enfant de quatre ans, l'empereur Guangxu, et continue d'exercer le pouvoir. 1876: Convention sino-britannique de Zhifu. Cinq nouveaux ports sont ouverts aux Britanniques et la Chine s'engage à fournir des passeports aux ressortissants anglais pour se rendre au Tibet. Dans la seconde moitié du 19ème siècle, à la suite des déboires essuyés sur le plan international, un mouvement se dessine en Chine afin de tirer profit des progrès réalisés à l'étranger; c'est le Mouvement pour l'Introduction du Savoir-faire occidental. Mais il ne rencontrera pas le succès du Meiji au Japon. Le pouvoir des Mandchous, toujours considérés comme des barbares par les Chinois, est de plus en plus difficilement supporté. 1877: la Chine, maintenant
pacifiée, reconquiert les régions de l'ouest (Sinkiang
actuel).
1881: la Chine, suzeraine de l'Annam, désavoue le traité franco-annamite qui avalisait la présence français en Indochine. Les Pavillons Noirs (ex T'ai-p'ing) harcèlent les Français. Le Traité de Saint-Pétersbourg règle le problème des frontières entre l'empire russe et l'empire chinois au Turkestan. 1884: création officielle par la Chine de la région du Xinjiang (Sinkiang) qui n'avait pas jusqu'alors d'existence juridique. 1884-1885: guerre franco-chinoise
au sujet du Tonkin; après avoir essuyé un échec à
Langson, qui provoque la chute du ministère Jules Ferry, les troupes
françaises finissent par triompher.
La Triade participe à la lutte contre les tentatives coloniales françaises tandis qu'une autre société secrète, celle des Barbes rouges, s'oppose aux Russes en Mandchourie. 1885: par le Traité de T'ien-tsin ou Tianjin (9 juin), la Chine reconnaît le protectorat français sur le Vietnam, renonce à sa suzeraineté sur l'Annam et ouvre deux villes du sud-ouest au commerce français. 1889: Guangxu atteint sa majorité. Mais Cixi (Ts'eu-hi) continue de manoeuvrer en coulisses. 1890: à la Conférence de Calcutta, la frontière entre le Sikkim et le Tibet est fixée entre la Chine et l'Angleterre, sans la participation des Tibétains. L'Angleterre reconnaît ainsi implicitement la suzeraineté de la Chine sur le Royaume des Neiges. 1892: dans son récit de voyage "De Paris au Tonkin à travers le Tibet inconnu", l'explorateur français Bonvalot donne une description saisissante de la Chine de l'époque. C'est le pays de la misère et de la faim où la lutte pour la vie rend les hommes féroces et sans pitié pour les faibles. Une seule préoccupation agite les esprits: comment ne pas mourir de faim! L'altruisme y semble un sentiment inconnu. Les porteurs misérables sont payés en opium par l'entrepreneur de transport; la drogue permet de faire l'économie d'un repas. Mais les Chinois sont aussi présentés comme les êtres les plus ingénieux du monde; dans leur monde où tout est rare, on tire aussi partie de tout. C'est ainsi que la mèche des lampes qui éclairent les voyageurs la nuit est faite de la moelle d'un jonc! 1895: défaite de la Chine contre le Japon en Corée. Les troupes chinoises sont intervenues dans le pays, à la demande de son roi, pour mater une insurrection; les Japonais ont contré les Chinois et la marine de ces derniers n'a pas été en mesure de résister à celle de l'Empire du Soleil Levant; la moitié de la flotte chinoise a été coulée à l'embouchure du Yalu; les crédits qui auraient dû être affectés à la marine ont été détournés au bénéfice d'une cour corrompue et pour reconstruire le Palais d'Été. La base navale de Lushun est conquise par les troupes nippones. Par le Traité de Shimonoseki, la Chine reconnaît la tutelle japonaise sur la Corée, cède Formose (Taiwan), les Pescadores et la presqu'île de Liaodong; l'Empire du Soleil Levant rejoint les Occidentaux dans le cercle des pays prédateurs de la Chine. Les difficultés de l'Empire du Milieu, dans l'incapacité de payer sa dette de guerre au Japon, incitent les pays sollicités à réclamer de nouvelles concessions; le partage des zones d'influence entraîne le dépècement de la Chine sans que cette dernière n'ait son mot à dire. Les Européens obtiennent des territoires à bail, des concessions de voies ferrées et se répartissent les zones d'influence: Russes dans le nord, Allemands au Shandong, Anglais dans la vallée du Yang Tsé Kiang, Français dans le sud-ouest. Entrée en scène du docteur Sun Yat-sen (Sun Zhongshan). Cet intellectuel, qui a étudié aux États-Unis, fonde un mouvement pour le redressement de son pays et la fondation des États-Unis de Chine. Une première tentative d'insurrection avorte dans l'oeuf et Sun Yat-sen doit se réfugier au Japon. 1896: création du "Journal des Affaires du Temps" par K'ang Yeou-wei, à Canton. Ce dernier fait parvenir des mémoires au jeune empereur qui s'enthousiasme pour les réformes proposées. Guangxu appelle auprès de lui le libelliste. Un puissant mouvement de transformation de la société chinoise voit le jour, stimulé par les dernières défaites. 1897-1898: développement des concessions étrangères à Shanghai. 1898: tentative de réforme (K'ang Yeou-wei). L'empereur Guangxu prend la tête du mouvement réformateur, mais il se heurte aux conservateurs partisans de l'impératrice Cixi (Ts'eu-hi). Le 16 septembre, l'empereur reçoit en audience secrète, au Palais d'Été, dans le Pavillon des Vaguelettes de Jade, le général Yuan Shikai, qui commande un régiment impérial, dans l'espoir qu'il soutiendra les réformes; mais ce dernier joue double jeu et fait avorter la tentative impériale. Un coup d'État est déclenché par l'impératrice et les partisans du changement sont exécutés, jetés en prison ou déportés; l'empereur est séquestré dans un palais de la Cité Interdite dont il ne sortira qu'à sa mort. 1900: deuxième tentative d'insurrection dirigée de l'étranger par Sun Yat-sen. Elle échoue après quinze jours de combats à Huizhou. De nombreux groupes révolutionnaires se créent et contestent par voie de presse l'idéologie des partisans de la monarchie. 1900-1901: révolte
des Boxers. Pour lutter contre les interventions étrangères,
qui les vexent et parfois les privent de leurs terres, les Chinois réagissent
en créant des associations de boxe qui se transforment en mouvement
politique du Yihetuan. A la cour, un parti est favorable au mouvement et
l'autre, celui de l'impératrice, lui est opposé. Un insurrection
contre la présence étrangère finit par éclater;
les missions et les Chinois convertis au christianisme sont attaqués;
des voies de chemins de fer, construites par les étrangers, sont
détruites, sous le prétexte qu'elles traversent des cimetières;
Cixi (Ts'eu-hi) feint d'adhérer au mouvement. Les légations
étrangères sont assiégées pendant près
de deux mois, ce qui entraîne l'envoi d'un corps expéditionnaire
occidental et japonais pour en venir à bout. L'empereur d'Allemagne
Guillaume II prend la tête de la répression et engage ses
troupes à répandre la terreur et à n'accorder ni quartier,
ni prisonnier, selon l'ancien usage des Huns! La Chine est à nouveau
à feu et à sang; le Palais d'Été
subit, une fois de plus, les exactions des troupes étrangères,
conduites par un général allemand, qui autorise trois jours
de pillage (il y en aura plus!). Cixi (Ts'eu-hi) s'enfuit à Xi'an.
Un nouveau traité accroît encore plus la main-mise étrangère
sur la Chine qui doit acquitter une lourde indemnité de guerre.
La Russie s'empare de la Mandchourie.
1901: Cixi (Ts'eu-hi) paraît s'orienter vers la réforme. Cela n'ira pas loin. Cependant, l'intrusion des Occidentaux dans le monde fermé de la Chine lui apporte de nombreux éléments de progrès qui ne resteront pas sans lendemain. De profonds changements se préparent contre le pouvoir en place, dans une certaine confusion, et tout annonce qu'ils ne s'effectueront pas sans violence. 1902: la Russie se rapproche de la Chine et lui rétrocède la Mandchourie. Un projet de condominium sino-russe sur le Tibet serait envisagé. Des troupes russes et chinoises pourraient s'installer sur le toit du monde, aux portes de l'empire des Indes. Le bruit en court à Londres. Mais il est propagé en Inde par un moine japonais, Kawaguchi, de retour du Tibet, où il est allé étudier des textes sacrés. Le gouvernement japonais, qui se prépare à un conflit avec l'empire des tsars, n'est peut-être pas totalement étranger à cette rumeur. 1904: invasion britannique au Tibet. Le Dalaï lama s'enfuit en Mongolie. Le Royaume des Neiges va être pour un temps soumis à la tutelle anglaise. La Chine assiste impuissante à cet événement. 1904-1905: la guerre russo-japonaise, en terre de Chine, sans intervention de ce pays, se termine par la défaite des Russes. L'Empire du Soleil Levant, qui annexe la Corée, devient la première puissance asiatique. 1905: la Chine entreprend la construction d'un télégraphe destiné à relier au Sichuan la ville de Chamdo (Kham, Tibet), un important noeud de communications. Pékin envisage de coloniser la région et d'en exploiter les ressources minières. L'arrivée massive de colons chinois suscite une violente réaction de la population locale. Les derniers événements déclenchent un sursaut de la monarchie impériale agonisante. Le général Yuan Shikai est chargé de moderniser l'armée. Les chemins de fer passent sous le contrôle de l'État. Des émissaires chinois sont envoyés en Occident, afin d'y étudier les méthodes de gouvernement, en vue de la rédaction d'une constitution pour calmer les impatiences populaires. Le 24 avril 1905 est aboli la pratique punitive du lingchi. Celle-ci consistait à administrer une dose d'opium à un condamné à mort afin de prolonger son supplice que l'on appelait la "mort languissante". La dernière personne à subir ce supplice fut Fu-Zhu-Li que l'on démembra vivant avant de le décapiter le 10 avril 1905. Sun Yat-sen, après un séjour en Europe, fonde le parti de "La Ligue de Chine" et "Le Journal du Peuple" dans lequel il défend des opinions nationalistes, populaires, socialistes et républicaines. Il va s'appuyer sur la bourgeoisie urbaine du sud, sur les étudiants de retour de l'étranger et sur l'opulente diaspora chinoise. De nombreux soulèvements agitent les provinces. 1906: Traité de Pékin entre la Chine et l'Angleterre. La suzeraineté de la Chine sur le Tibet est réaffirmée; Pékin solde les indemnités de guerre dues par le Tibet, suite à l'invasion de ce pays par les troupes anglaises en 1904. Le Traité russo-britannique de Saint-Pétersbourg, qui consacre la volonté de paix des deux puissances en Asie, confirme la suzeraineté de la Chine sur le Tibet. Un mouvement constitutionnel se développe dans les sphères politiques de Chine. La victoire du Japon contre la Russie montre que les Asiatiques peuvent résister avec succès aux empiétements des Européens. 1907: mécontente de la concurrence commerciale que lui impose l'Angleterre au Tibet, la Chine interdit l'usage des roupies indiennes à l'ouest des terres sous son contrôle et envisage la création d'une banque à Lhassa. 1908: promulgation d'une "Constitution impériale". Après bien des atermoiements, le 13ème Dalaï lama vient à Pékin, où il est depuis longtemps invité par Cixi (Tseu Hi) pour discuter de la difficile question du Tibet convoité par les puissances européennes. Une délicate question de protocole se pose: lequel des deux potentats aura la prééminence sur l'autre? Une solution bâtarde est trouvée: le Dalaï lama se pliera au protocole imposé aux membres de la famille impériale; cette solution ne satisfait évidemment personne, chacun estimant être supérieur à l'autre! L'impératrice décerne au pontife tibétain des titres honorifiques empoisonnés et, suprême humiliation, elle lui garantit le paiement d'une rente, comme à un haut fonctionnaire. En novembre, Guangxu et Cixi (Ts'eu-hi) meurent subitement. Les Chinois voient dans ces deux morts inattendues une vengeance du Dalaï lama. Puyi, âgé de trois ans, devient l'empereur Xuantong; son père Zaifeng (1883-1951), prince de Chun, exerce la régence; il écarte Yuan Shikai et nomme des Mandchous à tous les postes de responsabilité. Nouveau traité sino-britannique signé à Calcutta; la Chine se porte garante de l'application des accords au Tibet. 1909: une armée chinoise entre au Tibet pour faire respecter les accords sino-britanniques. Le second amban est destitué. Il aurait tenté de négocier avec l'entourage du Dalaï lama. Des émeutes, orchestrées par les monastères de Ganden, Sera et Drepung, éclatent à Lhassa. Le général chinois Zhong s'empare de la ville et pille le Potala dont les trésors sont envoyés en Chine. Les conseils provinciaux, réunis à l'instigation de Sun Yat-sen, réclament la tenue d'une assemblée nationale. 1910: l'armée chinoise de Zhao Erh-Feng entre à son tour à Lhassa. L'intention des Chinois est d'arrêter le Dalaï lama et de mettre à mort trois de ses ministres. Le Dalaï Lama s'enfuit en Inde. Le régent désigne une assemblée
provisoire pour rédiger une constitution. La majorité de
cette assemblée se prononce pour la création d'un parlement.
La cour promet de donner suite à cette suggestion en 1913, tout
en réprimant le mouvement constitutionnel.
Lors de leur avènement, les Mandchous
tentent d'imposer leur coutumes vestimentaires aux Han (crâne rasé
et port de la natte). Devant, les résistances, ils finissent par
accepter des compromis et un mélange des genres en résulte.
Au plan gastronomique, l'association des meilleures recettes des
deux ethnies aboutit au banquet Man-Han qui combine le goût des Mandchous
pour les rôtis et celui des Han pour les soupes; ce banquet monumental
comporte jusqu'à cent dix plats divisés en cinq parties.
Au plan artistique, le style en vigueur sous les Ming continue d'être
développé avec des apports occidentaux; la porcelaine chinoise
jouit d'une réputation mondiale, mais son succès, en augmentant
démesurément la demande, conduit à la production en
série de pièces sans invention. L'art paysagiste connaît
un essor remarquable avec la conception des jardins chinois (Suzhou et
Hangzhou). La construction de nombreuses résidences, pour la cour
et aussi pour les particuliers aisés, favorise une architecture
qui tombe parfois dans l'extravagance. Pékin, brûlée
lors de la chute des Ming, est reconstruite dans un sens symbolique; l'empereur
est le centre du monde et toutes les artères convergent vers lui.
Sous l'influence de l'Occident, la Chine se modernise; l'industrie et les
moyens modernes de communication apparaissent (chemins de fer); des réformes
sont introduites dans l'éducation. On l'a vu, la monarchie favorise
la petite propriété terrienne, gage de stabilité sociale;
pourtant, au fil du temps, les grands domaines se reconstituent, sous la
double pression du manque de compétitivité de l'agriculture
et de la formation d'un capitalisme national; l'appauvrissement de la paysannerie
fournira des arguments et des troupes à la révolution maoïste.
Au crépuscule de la monarchie, l'Empire du Milieu compte environ
400 millions d'habitants (430 millions en 1850, selon d'autres estimations).
La République 1911: révolution démocratique
du docteur Sun Yat-sen. Une première
insurrection a échoué en avril 1911; elle est suivie d'autres
révoltes contre la main-mise des intérêts étrangers
sur les chemins de fer et les ressources naturelles de la Chine; la plus
importante se déroule au Sichuan; une autre, déclenchée
intempestivement, par suite de l'explosion prématurée de
bombes, dans la concession russe de Hankou, entraîne l'exécution
de plusieurs dirigeants; finalement, la rébellion militaire de Wuchang
(Wuhan) triomphe, après vingt-quatre heures de lutte acharnée,
en octobre 1911. Ces mouvements se déroulent essentiellement parmi
les populations urbaines du sud; la Triade, les Gelaohui, bien implantés
dans l'armée et la Bande rouge de Shanghai jouent un rôle
dans le soulèvement. Yuan Shikai est nommé Premier ministre
par la monarchie aux abois; il annonce l'avènement d'une monarchie
parlementaire. Sun Yat-sen rentre d'exil et devient président par
intérim du mouvement insurrectionnel républicain. Deux conceptions
du pouvoir: la monarchie parlementaire, au nord (Pékin), et la république,
au sud (Nankin), s'affrontent dans un pays à nouveau divisé.
A la faveur des troubles consécutifs à la révolution, les Chinois sont chassés du Tibet. Des événements similaires ont lieu en Mongolie; un accord sino-russe reconnaît la souveraineté de la Chine sur la Mongolie extérieure mais cette dernière obtient l'autonomie et la Russie exercera sur elle une sorte de protectorat. Les autorités républicaines chinoises élaborent la doctrine des cinq races; la Chine est un pays composé de Chinois, de Mongols, de Mandchous, de Musulmans et de Tibétains; cette doctrine inspirera la politique chinoise jusqu'à nos jours. 1912: proclamation de la République à Nankin; les troupes monarchistes entrent en lutte contre la République mais, travaillées par les émissaires de Yuan Shikai, qui espère tirer pour lui les marrons du feu, elles manifestent contre la dynastie mandchoue. Les négociations entre le pouvoir monarchique et les insurgés républicains échouent; le dernier empereur, Puyi, destitué, conserve ses prérogatives religieuses assorties d'une liste civile; il continue de résider dans la Cité Interdite. Le général Yuan Shikai devient président de la République. Sun Yat-sen, abandonné par la bourgeoisie des villes, qui se méfie de ses options socialistes, s'efface et fonde le Kuomintang. Le pouvoir républicain quitte Nankin pour Pékin, afin d'affirmer la continuité gouvernementale; la République, entérinée par l'empereur, est l'héritière légitime de la dynastie mandchoue. Un traité russo-japonais répartit
les zones d'influence sur la Mongolie entre les deux pays. La Chine en
est exclue.
1913: le Kuomintang remporte les élections. Yuan Shikai, inquiet, fait assassiner un de ses dirigeants, Song Jiaoren, pressenti pour devenir chef du gouvernement, et commence à réprimer le mouvement, avec l'aide de l'étranger; un consortium financier international prête de l'argent au nouveau pouvoir; les États-Unis, présidés par Wilson, s'en retirent, car le président américain refuse d'imposer à la Chine des conditions incompatibles avec son indépendance. Plusieurs chefs militaire se soulèvent contre l'arbitraire de Yuan Shikai; leur résistance est rapidement étouffée. Le Dalaï lama proclame unilatéralement l'indépendance du Tibet; la tutelle britannique sur ce pays est renforcée par la révolution chinoise. 1914: le 4 avril, la région de Touva, au sud de la Sibérie, devient un protectorat russe. Avant l'effondrement de l'empire mandchou, cette région appartenait à la Chine. Yuan Shikai dissout le parlement et déclare le Kuomintang illégal. Il promulgue une constitution dictatoriale; inspiré par l'exemple de Napoléon III, il rêve de se faire proclamer empereur. La révolution démocratique est en train d'échouer faute d'une base politique suffisante dans le pays. Elle a été appuyée par les États-Unis, pour des raisons idéologiques, et par d'autres pays, pour des raisons la plupart du temps inavouables: on espère, ici que l'anarchie favorisera la main-mise des intérêts étrangers (Angleterre), là qu'elle permettra un démembrement du pays propre à satisfaire les appétits (Russie, Japon)! L'accord qui met fin de la Conférence de Simla (27 avril), entre la Chine, la Grande-Bretagne et le Tibet, aboutit à des conclusions qui ont donné lieu à plusieurs lectures. La Chine tout d'abord, qui soutient que le Tibet fait partie intégrante de son territoire, n'a pas signé cet accord dont les clauses ne s'appliquent donc qu'à la Grande-Bretagne et au Tibet. Pour certains auteurs, l'indépendance du Tibet y est confirmée, mais d'autres contestent ce point de vue. En fait, pour Alexandra David-Neel, la Grande-Bretagne est en train de s'emparer progressivement du Tibet. Le droit de suzeraineté de la Chine sur un Tibet autonome est également reconnu, selon d'autres auteurs (mais ce serait une finesse de la Grande-Bretagne pour écarter la Russie du Tibet!); de plus, des régions du Tibet historique, à l'est et au nord, sont directement placées sous administration chinoise. 1914-1918: La Première Guerre mondiale Le 15 août, le Japon déclare la guerre à l'Allemagne. Il profite de l'opportunité que lui offre le conflit européen pour tenter de s'emparer des concessions allemandes en Chine. Son apport à la lutte contre les empires centraux restera marginal; cet allié de l'entente servira d'abord ses propres intérêts. En novembre 1914, l'armée japonaise s'empare du port de Tsingtao, une concession allemande en Chine. Tokyo refuse d'envoyer des troupes en Europe et espère profiter de l'enlisement de la guerre en Occident pour renforcer son emprise en Asie. 1915: en janvier, le Japon soumet de nouvelles exigences à la Chine, les vingt-et-une demandes. Il exige le contrôle de la Mandchourie, du Shandong (riche provine autour de Tsingtao), les mines de fer de Hanyeping... Afin d'obtenir l'appui nippon pour accéder au trône, Yuan Shikai accède en partie aux revendications japonaises, ce qui fait pratiquement de la Chine une colonie japonaise. Il se proclame empereur sous le nom de Hongxian (Grande Constitution). Cette humiliation diplomatique et la restauration de la monarchie provoquent une insurrection populaire, appuyée par une partie de l'armée, sur fond de xénophobie. Plusieurs provinces font sécession. Des conflits entre la Chine et le Tibet entraînent un déplacement des frontières, au détriment de la Chine, avec la médiation des Britanniques. Fondation à Shanghai de la "Revue de la Jeunesse" organe du Mouvement de la culture nouvelle qui prône la démocratie, la lutte contre la monarchie et la dictature militaire; ce mouvement remet en cause les idéologies du passé (confucianisme) au profit d'une approche moderne scientifique; il se montre favorable à l'égalité entre les sexes et à la liberté individuelle. 1916: Yuan Shikai est
contraint de renoncer au trône et meurt de désespoir peu de
temps après. Son successeur rappelle le parlement dissout par l'apprenti
dictateur; un conflit éclate entre le législatif et l'exécutif,
tandis que des généraux s'opposent pour prendre le contrôle
de l'État. La Chine, morcelée par les chefs militaires, les
fameux seigneurs de la guerre, est en proie à l'anarchie. Mais l'esprit
national et révolutionnaire reste vivace et se renforce.
1917: le 17 février, le torpillage par la marine allemande de l'Athos, qui transportait des travailleurs chinois à destination de la France, cause la mort de 600 personnes. Pendant la Première guerre mondiale, 140000 travailleurs chinois ont été envoyés en France et en Grande-Bretagne par la Chine pour fournir de la main d'oeuvre. Les conditions de transport à fond de cale étaient si éprouvantes que nombre de ces malheureux périrent au cours du voyage qui pouvait durer jusqu'à trois mois. Les rescapés livrés à la France furent dispersés sur tout le territoire. Ceux attribués à la Grande-Bretagne se retrouvèrent souvent dans les zones proches des combats; à la fin de la guerre, ces étrangers furent mal vus par la population des régions occupées regagnant ses foyers. Un général conservateur partisan des Qing, Zhang Xun, profitant du désaccord qui s'est élevé entre le président de la République et son Premier ministre quant aux puissances à soutenir dans le conflit européen, envoie environ 5000 hommes de troupes à Pékin. Le 1er juillet 1917, cette armée contre-révolutionnaire des "Tresses longues" rétablit Puyi dans sa fonction d'empereur, ce qui suscite une réaction unanime des républicains et des seigneurs de guerre. Le 13 juillet suivant, Duan Qirui, ex Premier ministre démis, pousse Puyi à abdiquer de nouveau, douze jours après son intronisation. Le 14 août, la Chine déclare la guerre à l'Allemagne; elle espère ainsi être mieux en mesure de résister aux appétits japonais qui suscitent aussi l'inquiétude des États-Unis. Duan Qirui tente d'imposer sa dictature. Sun Yat-sen rentre du Japon, où il s'était réfugié, après l'interdiction du Kuomintang, et prend la tête de l'armée pour la défense de la constitution républicaine, contre Duan Qirui; mais, devant l'hostilité des seigneurs de la guerre, il est rapidement contraint de se retirer; la Chine, dont le sud et le nord sont à nouveau dirigés par des pouvoirs qui s'affrontent, s'enfonce dans le désordre. Le gouvernement de Pékin contrôle trois provinces et une partie de deux autres, celui de Canton deux provinces; le reste est aux mains des seigneurs de la guerre. Les puissances occidentales reconnaissent le gouvernement de Pékin, ce qui, conjugué à leur partialité en faveur du Japon, pousse les autorités de Canton dans les bras des soviétiques. 1918: publication par Lou Sin (Lu Xun) du "Journal d'un fou", première nouvelle en langue courante, dans le cadre du mouvement de la culture nouvelle. Le Japon occupe la Mandchourie; un général
chinois, Tchang Tso-lin, va y établir un troisième gouvernement
rival de ceux de Pékin et de Canton.
1919: des troubles anti-occidentaux agitent la Chine. Ce pays, qui espérait retrouver la pleine possessions des concessions allemandes sur son territoire, n'a eu droit qu'à deux strapontins à Versailles, et les concessions allemandes ont été attribuées au Japon, lequel obtiendra en outre un siège permanent au conseil de la Société des Nations, ce qui s'avèrera plus tard une façon d'amener un loup dans une bergerie. La Chine abroge l'accord sino-russe de 1912 relatif à la Mongolie extérieure. Elle va profiter des troubles consécutifs à la révolution bolchevique pour tenter de reprendre pied dans ce pays. L'exemple du Japon, devenu si rapidement une puissance de premier plan, tire l'ancien Empire du Milieu de sa torpeur et l'amène à s'engager à son tour sur la voie d'un nationalisme jusqu'alors étranger à sa tradition. 1920: défaite de l'armée anti-communiste du baron Ungern von Sternberg qui rêvait de rétablir l'empire mongol. La Mongolie extérieure retombe sous la tutelle de Moscou. 1921: fondation du Parti communiste chinois (1er juillet), dans le prolongement de la vague de revendications modernistes de 1915. Pendant cette période, la Chine s'ouvre sur l'extérieur et de nombreux changements ont lieu dans le domaine sociétal (évolution des moeurs, émancipation des femmes, modifications dans l'habillement: les hommes quittent la robe pour le pantalon...). La Chine s'occidentalise. 1922: Sun Yat-sen, qui bénéficie d'un grand prestige moral, rétablit le Kuomintang à la conférence de Shanghai; il l'organise en s'inspirant du Parti communiste russe. Les adhésions affluent. Une grève des marins éclate à Hong-Kong pour protester contre l'abandon de la Chine par les Alliés au profit du Japon. Une cellule du Parti communiste chinois est créée à Paris, autour de Chou En-lai. 1923: des émeutes éclatent à Shanghai où les produits anglais et japonais sont boycottés. Des conseillers soviétiques arrivent en Chine. 1924: premier congrès du nouveau Kuomintang à Canton (Guangzhou); Sun Yat-sen le préside; le parti est réorganisé sur le modèle bolchevik sur les conseils du soviétique Borodine; des représentants du Parti communiste participent aux travaux. Création d'une armée révolutionnaire nationale destinée à réunifier la Chine et à reconquérir le nord. 1925: Sun Yat Sen, auréolé du prestige que lui doivent les avantages obtenus lors de négociations avec les soviétiques, pour liquider l'héritage tsariste, est reconnu comme leader par Pékin, il s'y rend pour mourir aussitôt; Tchang Kai-chek (ou Tchang Kaï Chek) lui succède, à la tête du Kuomintang. Plusieurs incidents commencent à miner l'unité des révolutionnaires nationalistes et communistes. La police britannique tire sur des grévistes à Shanghai; des émeutes anti-anglaises secouent les grandes villes du sud de la Chine. 1926: l'armée révolutionnaire nationale commence à reconquérir les provinces sur les seigneurs de la guerre. La société secrète des Piques rouges est approchée par les révolutionnaires de la 3ème Internationale (communiste). Elle participera activement à la résistance anti-japonaise. 1927: création en avril à Shanghai, à l'initiative du Kuomintang, de la Société pour le Progrès Commun, par des membres de la pègre locale, dont le fameux Du Yuesheng. Cette Société est une organisation paramilitaire destinée à briser par la force les mouvements sociaux organisés par le PC chinois. Le 12 avril, une répression sanglante commence, avec la complicité des autorités coloniales. La répression anticommuniste s'étend à l'ensemble de la Chine. Elle est orchestrée par Tchang Kai-chek, menacé de destitution par les soviétiques. Deux coups d'État décapitent le Parti communiste à Shanghai et Wuhan; la société secrète de la Bande verte, dont Tchang Kai-chek serait l'un des affiliés, aux côtés de Du Yuesheng, participe à la répression; des milliers de militants sont emprisonnés ou exécutés; le mouvement communiste est provisoirement vaincu. La réunification est compromise. Un gouvernement nationaliste, présidé par Tchang Kai-chek s'installe à Nankin. Un soulèvement communiste, dirigé par Chou En-lai (Zhou En-lai), éclate à Nachang; des insurrections paysannes forment les embryons de ce que sera plus tard l'armée rouge. Le Japon élabore un plan de protectorat de l'Asie. Ses troupes débarquent à Shanghai mais doivent se retirer sous la pression des États-Unis; la Chine est avertie que Tokyo ne tolérera pas sa présence au nord de la Grande Muraille. 1928: Tchang Kai-chek, devenu président de la République, est reconnu par les grandes puissances. Il exerce un pouvoir dictatorial basé sur l'existence d'un parti unique de modèle soviétique; aux yeux des idéologues du régime, la Chine n'est pas mûre pour la démocratie; l'essentiel est d'améliorer la vie du plus grand nombre par l'industrialisation et la reconstitution de la petite propriété. Mais le programme de développement économique de la Chine inquiète le Japon, dont les produits sont déjà boycottés, et qui tire sa prospérité de ses exportations. L'armée, réorganisée par des militaires allemands, pourchasse avec énergie les communistes; des dizaines de milliers d'entre eux (300000?) sont massacrés dans la région de Canton. L'Allemagne profite du discrédit de l'Angleterre pour élargir son influence en Chine. Les troupes nationalistes entrent à Pékin. Tchang Tso-lin est assassiné en Mandchourie, probablement à l'instigation de Tokyo, qui souhaite prendre le contrôle de cette province, mais s'y heurte aux intérêts russes. 1928-1929: plusieurs régions tombent au pouvoir des troupes communistes. 1929: de juillet à décembre 1929, un conflit armé oppose l'URSS à la Chine, représentée par un seigneur de la guerre dans un pays divisé, à propos du chemin de fer chinois de l'Est (CER) géré conjointement par les deux pays depuis un accord du 31 mai 1924. Outre des incidents de frontière, tout commence par des émeutes antisoviétiques à Harbin, capitale de la Mandchourie, où le consulat soviétique est pris d'assaut en juillet. Les Chinois arrêtent le directeur général du CER ainsi que des ressortissants soviétiques. Les soviétiques usent de représailles en arrêtant à leur tour des Chinois en URSS; ils adressent une protestation à la Chine, le 13 juillet; celle-ci reste sans réponse. Le 19 juillet, l'URSS suspend ses relations diplomatiques avec la Chine, expulse les diplomates chinois et ferme la ligne ferroviaire. Les fonds de la compagnie sont transférés à New-York. Des démonstrations militaires d'intimidation ont lieu contre les Chinois. Le 6 août, l'URSS se prépare à une action militaire. Celle-ci débute le 17 août et dure jusqu'à fin novembre. Le 17 novembre une puissante armée soviétique envahit la Mandchourie. Les forces chinoises sont sévèrement battues. Le gouvernement nationaliste de Nankin (Tchang Kai-chek), décide d'ouvrir des négociations de paix le 26 novembre. Le 13 décembre est signé le protocole de Khabarovsk qui restaure le statu quo ante de 1924. Cette victoire soviétique crée la surprise en Occident. Tchang Kai-chek semble maîtriser pour un temps la situation. 1931: premier congrès des Soviets de Chine à Ruijin (Jiangxi); il proclame la création du gouvernement central provisoire de la République soviétique chinoise. A Canton, la gauche du Kuomintang se dissocie de la politique anti-communiste de Tchang Kai-chek et crée un gouvernement insurrectionnel. Le 18 septembre, une voie de chemin de fer japonaise est détruite à Moukden, en Mandchourie. Les Japonais prennent prétexte de cet incident pour envahir la région et y rétablir l'ordre. En fait, Tokyo est fortement soupçonnée d'avoir organisé l'attentat. Le Japon redoute en effet qu'une réunification de la Chine, sous l'égide du Kuomintang, ne fasse obstacle à ses projets d'expansion en Asie. Le boycottage des produits japonais, parti de Shanghai, s'étend à tout le territoire chinois. 1932: la Chine est plus morcelée que jamais; deux régimes antagonistes (nationaliste et communiste) contrôlent de larges parties du pays; le Japon occupe la Mandchourie; le reste est aux mains des seigneurs de la guerre. Le pouvoir nationaliste est contesté dans ses rangs par des généraux progressistes, hostiles à la répression du mouvement communiste, qui l'accusent de collusion avec les envahisseurs nippons. Après des incidents dans la concession japonaise et dans Shanghai, la ville est bombardée par l'aviation japonaise. Le 5 janvier, les forces nippones tentent de s'emparer de la partie chinoise de la cité. Elles se heurtent à une vive résistance de l'armée révolutionnaire nationale. A la S.D.N., les États-Unis demandent aux pays membres de ne pas reconnaître les conquêtes japonaises, mais la France et l'Angleterre s'opposent à ce que des sanctions frappent l'Empire du Soleil Levant. Finalement un accord de cessez le feu est trouvé sous l'égide de la Société des Nations. Mais cet accord, trop favorable aux Japonais, est mal accueilli par les Chinois. Le 5 mai, Tchang Kaï Chek est contraint par les Japonais de signer un protocole mettant fin au boycottage. Le 18 février 1932, après l'invasion japonaise de la Mandchourie, l'État du Mandchoukouo est créé. Officiellement indépendant, sous la direction de l'ancien empereur de Chine Puyi, il tombe en fait sous la domination japonaise. L'Empire du Soleil Levant ne s'en tiendra pas là. Les négociations avec le Tibet
sont dans l'impasse; ayant échoué à obtenir la reconnaissance
de la Société des Nations (S.D.N.), le Dalaï lama est
disposé à composer et à reconnaître la suzeraineté
chinoise, mais avec qui traiter dans un État dont les dirigeants
sont insaisissables?
1933: au Tibet, mort du 13ème Dalaï lama. Tchang Kai-chek reconnaît l'empire du Mandchoukouo et retire les troupes chinoises à proximité de la Grande Muraille (trêve de Tangku). Ce recul devant les exigences nippones est vigoureusement dénoncé par les communistes qui accusent les nationalistes de brader la Chine. Au Sinkiang, une révolte des indépendantistes ouïgours est violemment réprimée par les nationalistes, avec l'intervention de Moscou, dans une ambiance guerrière confuse ponctuée de retournements d'alliance où les troupes soviétiques sont amenées à combattre dans le même camp que des troupes monarchistes russes réfugiées là. L'URSS prend pied dans la région et y gagne en influence. Les Japonais s'emparent de la passe de Shanhaiguan, puis prennent Chengde. Pékin est menacée. Cette fois, à la S.D.N., ce sont les États-Unis qui refusent de s'associer à d'éventuelles actions contre l'agresseur. 1934: Tchang Kai-chek déclenche le "Mouvement pour une vie nouvelle", à l'imitation de l'U.R.S.S., sous le slogan: "bienséance, droiture, intégrité et honneur"; une certaine prospérité résulte des réformes économiques et monétaires décidées par son gouvernement. Les traités léonins imposés à la Chine impériale sont renégociés et ce n'est évidemment pas du goût de tout le monde. Pendant ce temps, la dictature du prolétariat est mise en place dans les zones sous contrôle communiste où des changements radicaux sont introduits (loi agraire, loi sur le travail, loi sur le mariage...); Mao Tsé Toung préside le Comité exécutif central et Tchu Te (Zhu De) est à la tête du Comité militaire. L'armée nationaliste prend l'offensive contre les bastions communistes. L'armée rouge entreprend la Longue Marche (25000 km pour les deux colonnes de l'armée soit environ 12500 km pour chacune d'entre elles), entrecoupée de combats, notamment contre les Hui et les Tibétains; elle se dérobe aux coups des nationalistes pour gagner le sanctuaire de Yan'an, au nord du Shaanxi, d'où elle repartira à la conquête du pays; pendant la marche, l'instruction des soldats se poursuit. Au cours du périple, les communistes franchissent le Yang Tsé Kiang au même endroit que Koubilaï khan six siècles plus tôt (Lijiang et Saut du Tigre). La Chine nationaliste profite de la mort du 13ème Dalaï lama pour renouer des négociations avec les autorités tibétaines; celles-ci reconnaissent la tutelle chinoise mais entendent que l'armée et les relations internationales demeurent en leur pouvoir. Pour avoir une idée de la situation de la Chine à cette époque, et du climat qui y prévaut, vous pouvez lire le résumé du récit de l'explorateur Guibaut, en cliquant ici. Le Japon élabore une sorte de doctrine Monroe asiatique; il s'oppose à toute aide de l'Occident à la Chine. 1935: les Japonais contraignent les autorité du nord de la Chine à signer un accord de retrait de leurs troupes au nord de la Grande Muraille, suite à l'assassinat de deux journalistes nippons dans la concession de Tianjin. La Mongolie intérieure tombe à son tour sous la tutelle japonaise. Des manifestations étudiantes éclatent à Pékin contre l'impuissance du gouvernement nationaliste à protéger le pays des envahisseurs. Tchang Kai-chek établit le quartier général anti-communiste du nord-ouest à Xi'an pour détruire la base communiste de Yan'an. Il se montre plus soucieux de réprimer le mouvement communiste que de lutter contre les envahisseurs japonais. 1936: découverte du tulkou du défunt Dalaï lama dans une zone de l’Amdo sous administration chinoise. Les négociations dureront trois ans avant que l'enfant puisse regagner Lhassa, encore faudra-t-il payer une rançon au seigneur de la guerre Ma Bufeng qui sévit à Linxia. Des généraux nationalistes entrent
en insurrection à Xi'an pour contraindre Tchang Kai-chek à
faire la paix avec les communistes, afin de lutter avec eux contre les
Japonais. Tchang, un moment arrêté, est contraint de céder;
des négociations couronnées de succès ont lieu à
Xi'an avec les représentants du P.C.C. dirigés par Chou En-lai.
Ce rapprochement entre nationalistes et communistes n'est pas vu d'un bon
oeil par le Japon qui anticipe de nouvelles menaces sur ses intérêts
commerciaux.
Signature d'un pacte antikomintern (contre le communisme) entre Tokyo et Berlin. La confrontation Chine-Japon entre dans une phase plus active dans le contexte nouveau d'un front anti-fasciste; Moscou engage les communistes chinois à s'unir aux nationalistes contre l'ennemi commun; et Londres, pour éviter un tête à tête Moscou-Nankin, se rapproche de Tchang Kai-chek. 1937: le 7 juillet, les Japonais provoquent un nouvel incident, pendant de celui de Moukden, l'incident du pont Marco Polo, afin de se donner un prétexte pour intervenir en Chine au nom du rétablissement de l'ordre. Pendant la nuit de ce jour là, à seize kilomètres de Pékin, des militaires japonais s'entraînent comme d'habitude au bout du pont Marco Polo (le pont de Lugou). Mais cette fois-ci, les manoeuvres ont été exécutées sans préavis, ce qui alarme les soldats chinois présents de l'autre côté du pont. De brefs coups de feu sans conséquence sont échangés, avant que la situation ne soit clarifiée par les supérieurs des deux bords. L'incident aurait pu en rester là, mais les Japonais prétendent que l'un d'entre eux a disparu, qu'ils soupçonnent un enlèvement et ils demandent l'autorisation de fouiller les villages chinois alentours. Cette autorisation leur est refusée. Les malentendus s'enchaînent. Des renforts arrivent sur les lieux. La situation s'envenime et les Japonais s'emparent du pont. La guerre est officiellement déclarée le 28 juillet. Le 7 août, Pékin est prise par les Japonais. Puis c'est au tour de Tianjin (Tien Tsin), le 31 juillet, après des bombardements et de violents combats. Entre le Japon, disposant d'une armée terrestre de 450 000 hommes, appuyée par plus de deux millions de réservistes, dotés d'un matériel moderne, et d'une marine parmi les plus puissantes du monde, l'une et l'autre pourvues d'une excellente aviation, la Chine, peut aligner deux millions d'hommes, mal armés, mal entraînés et quasiment dépourvus de marine, d'aviation et de canons. Bien que les 150 000 hommes de l'armée communiste du général Chou De, rompus aux techniques de guérilla et bien entraînés, renforcent l'armée nationalistes, les forces sont manifestement déséquilibrées au détriment de la Chine. A Shanghai, une cité violemment antijaponaise, les nippons procèdent à une première attaque stratégique aérienne. Les assaillants débarquent le 8 août, appuyés par le feu de leur marine. Les forces chinoises se défendent avec âpreté, du 13 août jusqu'en novembre, avant d'être débordées par le nombre, après d'autres débarquements effectués au nord et au sud de la ville. Ironie du sort, les civils chinois cherchent à se réfugier dans les concessions étrangères détestées en une cohue où périssent de nombreuses personnes. Les Japonais marchent ensuite sur Nankin, alors capitale de la Chine nationaliste, où ils entrent le 13 décembre. Lors du sac de cette cité martyre, des dizaines de milliers de personnes sont massacrées, dans des conditions abominables, enterrées vivantes, violées, brûlées vives... les Chinois parlent d'au moins 250 000 victimes, nombre qui est même porté à 300 000 par le Mémorial édifié depuis, ordre de grandeur des pertes causées par les deux bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki; ces évaluations sont contestées par les Japonais; les rares témoins occidentaux confirment la tuerie; la Croix rouge relève 40 000 corps*. La torture et les exécutions sommaires sont encouragées par les autorités ultra-nationalistes et bellicistes de Tokyo et les troupes impériales sont furieuses de la résistance opiniâtre et meurtrière que leur ont opposée les soldats chinois. Les victoires japonaises contraignent le gouvernement nationaliste à fuir au Sichuan. Bon nombre d'entreprises prennent le chemin de l'ouest. Environ deux cent mille personnes ont été sauvées par quelques Occidentaux (Américains et Européens) encore présents à Nankin lors de l'arrivée des Japonais. Ces Occidentaux ont créé une zone de sécurité réservée aux civils et interdite à toute troupe qu'elle soit chinoise ou japonaise. Ils portent à leur tête le représentant de Siemens dans la ville, un Allemand, John Rabe, qui vit en Chine depuis une trentaine d'année et admire Hitler, de loin et sans trop connaître la situation réelle de son pays natal. Les Occidentaux obtiennent l'accord de la Chine pour ce qui concerne la zone de sécurité, mais pas celui du Japon. Alors, John Rabe, membre du parti nazi, envoie un télégramme à Hitler pour lui demander d'intervenir auprès de ses alliés de Tokyo afin de calmer leur ardeur meurtrière. Aucune réponse ne lui parvient; mais peut-être le télégramme a-t-il été intercepté par les services secrets nippons car l'armée japonaise respecte dans un premier temps la zone de sécurité. Puis ils la bombardent et l'envahissent, tout en respectant la grande croix gammée que John Rabe a judicieusement étalée sur l'abri de son jardin. Beaucoup de Chinois envahissent alors la demeure protégée; il y aura jusqu'à 600 personnes réfugiées dans le jardin. Ailleurs, les viols et les massacres se poursuivent, mais à une moindre échelle, jusqu'en 1938. De retour en Allemagne, John Rabe espère rencontrer Hitler; mais il en est rapidement dissuadé : son pays n'est plus celui qu'il a quitté avant la Première guerre mondiale. Il entreprend alors une tournée de conférences, appuyées de photos et de projections, sur les massacres de Nankin. Celle-ci tourne court et il est arrêté. Rendu à la liberté, après la Seconde guerre mondiale, il connaîtra la misère et terminera sa vie en janvier 1950, ne subsistant plus que grâce à l'aide de Chinois de Nankin qui se souviennent des secours qu'il leur a généreusement octroyés, lesquels le considèrent comme un Bouddha vivant. * D'après les sources
les plus récentes, il y aurait eu plus de 100 000 morts et les pertes
de la guerre sino-japonaise s'élèveraient à 24 millions
de morts, c'est-à-dire à plus du tiers des pertes globales
de la seconde guerre mondiale.
Les Japonais comprennent qu'ils ne viendront pas aussi facilement à bout de la Chine qu'ils le pensaient et leur offensive marque alors une pause dont ils profitent pour rassembler du ravitaillement en vue des futures offensives. Vers la fin de l'année 1937, l'URSS envoie des renforts aériens (aviateurs et avions) à l'armée nationaliste chinoise. Tokyo propose à la Chine un plan de paix qui prévoit son démembrement et la main-mise des intérêts nippons sur son économie. Tchang Kai-chek refuse et se prépare à une guerre longue; son Premier ministre, Wang Jingwei, en désaccord avec lui, démissionne et se réfugie à Hong Kong. Aucun pays n'est en mesure d'intervenir significativement en faveur de la Chine dans un monde qui se prépare au second conflit mondial. 1938: les Japonais reprennent l'offensive, depuis Nankin, en direction du nord de la Chine, en poussant une pointe sur l'important noeud ferroviaire de Siu-Tcheou, pour opérer leur jonction avec les troupes venant de Pékin et Tien Tsin, tandis qu'une autre pointe avance vers le sud-ouest, en visant notamment Han-Keou. Des centaines de civils chinois, effrayés par les exactions des envahisseurs, se réfugient à l'ouest, jusque dans des territoires autrefois tibétains. En avril 1938, les troupes chinoises remportent, avec l'appui discret d'aviateurs soviétiques, l'importante victoire de Tai-Tchouang, dans la province du Shandong, où les Japonais, un temps encerclés, perdent 20 000 à 30 000 morts. Le moral des soldats chinois s'en trouve remonté, mais ils ne peuvent pas stopper définitivement l'avance japonaise. A la fin du mois de mai, les envahisseurs venus du nord atteignent les rives du fleuve Jaune. Les Chinois détruisent les digues du fleuve. De vastes zones, envahies par les eaux arrêtent la progression de l'ennemi. Chongqing, au centre de la Chine, sur le Yang Tsé Kiang, en amont du site qui deviendra plus tard le barrage des Trois Gorges, devient la capitale de la Chine nationaliste. A l'automne 1938, les Chinois ne sont pas en mesure de chasser les Japonais de leur territoire, mais ces derniers ne sont pas non plus assez forts pour conquérir rapidement la Chine, l'Ouest montagneux et dépourvu de routes dignes de ce nom opposant un obstacle plus sérieux que ceux qu'ils ont affrontés jusqu'à présent. Ils se décident donc à lui imposer un blocus économique en s'emparant des principaux ports chinois. Courant octobre, des troupes japonaises, débarquées non loin de Hong Kong, s'emparent de Canton. La perte de ce port, après celle de Shanghai, prive la résistance chinoise du principal moyen de ravitaillement qui lui restait sur la mer. Mais la Chine ne se résigne pas. Le 25 octobre 1938, Han-Keou tombe; privés de l'une de leurs plus riches régions, les Chinois sont appelés par leur président à pratiquer la politique de la terre brûlée. Après l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne, un diplomate chinois en poste à Vienne, Ho Feng Shan, prend sur lui de délivrer des visas pour Shanghai, dont les concessions occidentales ne sont pas occupées par les troupes japonaises, à environ 18 000 Juifs qui sont ainsi sauvés des futurs camps d'extermination nazis. 1939: Londres s'engage à ne pas s'opposer à la politique de Tokyo en Chine. Le Japon occupe le 5ème de la Chine et contrôle 42% de sa population; mais ses troupes ne sont pas assez nombreuses pour s'écarter des grandes villes et des voies de communications; ailleurs, des dizaines de milliers de partisans s'organisent pour harceler l'occupant; l'envahisseur se livre à des opérations amphibies pour renforcer le blocus maritime de la Chine et aussi pour se préparer à de futures conquêtes. L'influence du mouvement communiste s'étend, malgré la politique de confinement poursuivie par Tchang Kai-chek; dans les zones sous administration communiste, la propriété privée est préservée, mais le Parti organise le travail collectif de la population et recense les souhaits de réformes des paysans, des ouvriers, des petits bourgeois et des capitalistes patriotes, afin d'élaborer sa plate-forme de conquête révolutionnaire du pouvoir. Parallèlement, sous la pression des événements, Tchang Kai-chek assouplit sa politique autoritaire et promet une démocratisation du pays à la fin des hostilités. 1940: Wang Jingwei (ou Wang Tsing Wei), ancien Premier ministre de Tchang Kai-chek, et son concurrent pour la direction du parti nationaliste, pensant que tout est perdu, passe du côté des Japonais et crée un gouvernement de collaboration avec l'envahisseur à Nankin. Le Japon, écarte les intérêts étrangers et se met en mesure d'exploiter les ressources de sa nouvelle conquête au profit de son économie de guerre. Tchang Kai-chek profite d'un moment de répit pour dissoudre toutes les associations communistes; désormais nationalistes et communistes continueront la lutte contre le Japon chacun de leur côté au grand dam de l'efficacité. A partir de juin, la défaite de la France menace le ravitaillement de la Chine via l'Indochine, menace qui se concrétise dès l'été 1940. Il ne reste plus que la liaison terrestre de la route de Birmanie. Le 18 juillet 1940, l'Angleterre, qui doit faire face seule à l'Allemagne nazie après la défaite de la France, ferme, à la demande de Tokyo, cette unique voie d'accès de la Chine pour s'approvisionner de l'extérieur. Roosevelt intervient pour qu'elle soit rouverte. Ce sera le cas le 18 octobre 1940, après la victoire de l'aviation britannique sur l'aviation allemande pendant la bataille d'Angleterre. Mais l'invasion de la Birmanie par les Japonais la fermera à nouveau. 1941: en juillet 1941, Roosevelt demande au Japon l'arrêt de ses actions en Asie du Sud-Est. Celles-ci continuant, il met l'embargo sur les produits américains destinés au Japon, ce qui prive ce dernier d'acier et de pétrole. La riposte nippone sera Pearl Harbor. L'Amérique, en guerre contre les pays de l'Axe, va aider les combattants chinois, y compris les communistes. Des bases aériennes américaines sont ouvertes dans les zones non occupées du sud de la Chine. Mais, malgré les exhortations en sens contraire du général Stilwell, émissaire américain, Tchang Kai-chek emploie ses meilleures troupes pour bloquer les régions communistes; il se discrédite ainsi auprès d'une partie de l'opinion publique chinoise en apparaîssant moins patriote que Mao. 1942: les troupes chinoises contribuent à la lutte contre le Japon en Birmanie. Deux petites armées chinoises, sous les ordres du général américain Stilwell, Joe Vinaigre, chef d'état-major de Tchang Kai-chek, sont envoyées dans la partie centrale de ce pays où elles font preuve d'une remarquable aptitude dans les combats défensifs, en mars et avril, mais elles ne peuvent empêcher la prise de Lashio par les Japonais, le 29 avril 1942, ce qui entraîne à nouveau la fermeture de la route de Birmanie. Elle est remplacée par un pont aérien complété ultérieurement par la route de Ledo (Inde) plus au nord. Les rescapés battent alors en retraite vers le Yunnan ou à travers l'Himalaya dans des conditions très rigoureuses. Dès lors, la guerre sino-japonaise n'est
qu'une succession de raids et d'offensives sporadiques marquées
par de nombreuses actions de guérilla sur les arrières de
l'occupant, tandis que communistes et nationalistes chinois s'opposent
dans des querelles fratricides qui font le jeu de l'ennemi. La propagande
attise l'animosité des deux camps. S'il faut en croire des informations
recueillies au musée de Kunming,
après trois jours de sanglants affrontements, l'Armée
Populaire de Libération (communiste) triomphe des Japonais,
qui sont contraints de battre en retraite, sous les bombes américaines.
D'après des sources occidentales, l'Armée populaire de
Libération du Nord-Ouest, en restant passive, aurait objectivement
nui à la cause chinoise en permettant aux Japonais de lancer des
attaques visant à priver de riz les zones nationalistes pour les
affamer, information contestée évidemment par l'autre camp.
Cependant, les Américains profitent de ce répit pour former
l'armée chinoise et l'entraîner à utiliser les armes
modernes qui lui sont livrées, tout en se demandant si le régime
de Tchang Kai-chek, qu'ils jugent corrompu, maintiendra jusqu'au bout la
Chine dans la guerre. Pour sortir de l'impasse où il se trouve,
laquelle immobilise plus d'un million de ses soldats, le Japon envisage
quant à lui une offensive finale de grande envergure, mais la pression
qu'exercent sur lui les forces américaines dans le Pacifique ne
lui permet pas de la mettre en oeuvre.
1943: un projet d'ouverture d'une route militaire d'approvisionnement entre l'Inde et la Chine via le Tibet inquiète Lhassa qui réplique en expulsant le représentant de la Chine. Les troupes de Tchang Kai-chek s'apprêtent à envahir le Tibet à partir du Sichuan pour construire la route. Les pressions de l'Angleterre ont raison de l'opiniâtreté tibétaine et le pire est évité. Les Russes interviennent au Sinkiang. Londres y ouvre des consulats pour contrebalancer une influence soviétique grandissante. 1944: création, au Sinkiang, d'une République du Turkestan oriental sous influence soviétique. Moscou tente d'opposer un nouveau Dalaï lama à celui de Lhassa; cette manoeuvre échoue. 1945: l'armée chinoise lance une vigoureuse offensive qui libère une grande partie du territoire chinois, avant la capitulation de l'Empire du Soleil Levant assommé par l'explosion des deux bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki. La Chine nationaliste retrouve un rang élevé au plan international: elle occupe le 5ème siège permanent du Conseil de Sécurité de la jeune Organisation des Nations Unies (O.N.U.). Un Traité d'amitié est signé entre la Chine nationaliste et l'Union soviétique; Staline est loin d'être un maoïste; depuis longtemps il conseille au dirigeant communiste chinois de se montrer conciliant; la révolution paysanne de Mao lui semble hétérodoxe par rapport au marxisme. Replacée dans son contexte historique, cette révolution peut être analysée comme une des multiples révoltes paysannes qui ont secoué périodiquement la Chine; Mao s'inscrit dans la continuité de l'histoire de son pays et c'est probablement l'une des clés de son succès. On notera que la révolution chinoise n'est pas la première révolution paysanne du 20ème siècle; elle a été précédée par la révolution mexicaine de 1911 dont le mot d'ordre était: Terre et Liberté. Puyi, abandonné de ses protecteurs nippons et condamné à mort par Tchang Kai-chek pour trahison, est livré par les soviétiques à Mao, qui le fait rééduquer. La Chine nationaliste occupe le Vietnam du nord. Elle cède bientôt la place aux troupes françaises du général Leclerc, en échange de l'abandon des droits français sur la Chine. Durant la guerre, Roosevelt, hostile à la présence française en Indochine, avait proposé à Tchang Kai-chek d'administrer ce pays; le leader chinois s'était prudemment récusé. Une tentative de réconciliation entre
nationalistes et communistes a lieu, avec la médiation des États-Unis.
Mao et Tchang se rencontrent; un arrangement pour former un gouvernement
de coalition semble en vue.
1946: échec de la tentative de réconciliation. Les accords passés entre l'Union soviétique et le gouvernement nationaliste, notamment sur la Mandchourie, renforcent l'intransigeance de Tchang Kai-chek; tandis que l'aide américaine aux nationalistes rend méfiant Mao Tsé Toung. La guerre civile reprend. Les communistes procèdent à un partage des terres, dans le droit fil de la tradition chinoise, dans les régions qu'ils contrôlent. Les propriétés moyennes ne sont pas touchées et les propriétaires reçoivent leur lot comme les autres. Cette politique mesurée, malgré quelques troubles vite calmés, rallie la majorité de la paysannerie au Parti communiste. L'Assemblée nationale, réunie par Tchang Kai-chek, adopte une constitution élaborée à partir des idées de Sun Yat-sen et des exemples anglais et américains, sous la pression de Washington. Les communistes refusent de participer aux travaux de cette Assemblée, tant que les troupes américaines n'ont pas quitté la Chine. 1947: le gouvernement nationaliste de Nankin décrète la mobilisation générale pour écraser la rébellion communiste; mais celle-ci s'est renforcée pendant la guerre et ne cesse de recruter de nouveaux adeptes. En face d'elle, le Kuomintang est divisé entre plusieurs courants et, si de nombreux intellectuels sentent la nécessité de réformes, nul n'est capable de proposer un programme cohérent, susceptible d'établir en Chine un régime démocratique; dans un premier temps tout au moins, le Parti communiste, certes dominé par Mao Tsé Toung, mais où des opinions divergentes s'expriment, et qui place à la tête des conseils locaux des personnes pour les deux tiers élues par la population, paraît plus respectueux de la démocratie que son adversaire. Au demeurant, les oppositions idéologiques entre les deux camps ne sont pas aussi importantes qu'on pourrait le supposer; tous les deux défendent résolument l'indépendance nationale et sont partisans du socialisme d'État reposant sur un parti unique; les forces qui les soutiennent constituent la différence essentielle: le Kuomintang s'appuie sur la bourgeoisie urbaine de l'est, le Parti communiste sur la paysannerie, et cette dernière représente 80% de la population, dont 20% seulement sont propriétaires; cette paysannerie pauvre, ruinée par l'arrivée des produits étrangers, reçoit en outre le renfort des ouvriers des villes, dont les salaires sont érodés par l'inflation, et celui des intellectuels formés à l'étranger, sensibles à l'idéologie révolutionnaire; la base nationaliste est donc beaucoup plus réduite que celle des communistes et c'est vraisemblablement ce qui va assurer la victoire de ces derniers, malgré leur apparente faiblesse économique (toutes les grandes entreprises sont aux mains des nationalistes) et militaire (300 000 hommes plus ou moins bien armés, sans marine ni aviation, contre 2,5 millions d'hommes équipés à neuf et pourvus d'une petite marine et d'une aviation bien exercée). Par ailleurs, on l'a déjà dit, la révolution maoïste ne marque pas une rupture avec la tradition chinoise; elle s'inscrit au contraire dans la continuité historique du pays; Mao est le successeur des leaders paysans qui, au cours des siècles, furent à l'origine de presque tous les changements de régime en Chine. Le 28 février 1947, un massacre est perpétré à Taiwan par l'armée nationaliste. De 10 000 à 20 000 civils sont tués ou "portés disparus" au cours des mois suivant, notamment dans les villes de Taipei, Kaohsiung, Keelung ... Tchank Kai Shek laisse la situation se détériorer afin de pouvoir éliminer l'intelligentsia taïwanaise et juguler ainsi toute opposition au Kuomintang. Ces événements marqueront durablement l'île de leur empreinte. 1948: le gouvernement de Nankin est rapidement réduit à défendre les endroits les plus importants. Au début, les armées nationalistes remportent quelques succès. Mais les troupes communistes, qui se renforcent, grâce à l'aide soviétique, et se recrutent dans la population, volent bientôt de victoire en victoire. L'économie des régions contrôlées par le camp nationaliste s'effondre; une inflation démesurée précipite sa désagrégation. Des mouvements étudiants éclatent dans les villes; des soldats nationalistes passent à l'ennemi; Tchang Kai-chek, contraint de s'appuyer sur un régime policier, est incapable de promouvoir la moindre réforme; les États-Unis, s'apercevant qu'ils ont joué un mauvais cheval, l'abandonnent. C'est le tournant décisif de la guerre civile. Un bref armistice ne permettra pas de surmonter les antagonismes et la guerre reprendra bientôt scellant le destin des nationalistes. 1949: Pékin tombe
au pouvoir des communistes sans combat. Tchang Kai-chek démissionne
au profit de Li Zongren. Les forces maoïstes franchissent le Yang
Tsé Kiang et prennent Nankin, le 23 avril; ce qui subsiste des troupes
nationalistes se réfugie à Taiwan. Canton, le dernier bastion
nationaliste, s'effondre en octobre.
La République populaire 1949: Proclamation de la République populaire de Chine à Pékin, le 1er octobre. Cette proclamation a été précédée, en septembre, par la réunion d'une "Conférence politique consultative du peuple chinois", où de nombreuses organisations non communistes étaient représentées. Elle est suivie de la promulgation d'une constitution d'inspiration soviétique où demeure toutefois, sous la forme d'un censorat modernisé, une trace de la tradition chinoise. Un gouvernement comprenant des non communistes est formé. La guerre continue, mais la Chine va bientôt être réunifiée, sous la houlette de Mao Tsé Toung, Taiwan, Hong Kong et Macao mises à part. Le Sinkiang reviendra à la Chine sans opposition des soviétiques, pour lors alliés de la nouvelle république. Visite de Mao Tsé Toung à Moscou. L'U.R.S.S. renonce aux droits qu'elle possédait encore en Chine en vertu des traités. 1950: l'île de Hainan est conquise par l'armée populaire sur les nationalistes. L'armée populaire chinoise commence à pénétrer dans les régions frontalières du Tibet. Loi sur la réforme agraire en vue d'abolir définitivement les séquelles du régime féodal; loi sur le mariage consacrant l'émancipation des femmes; mouvement de création des coopératives agricoles. Une économie mixte voit le jour en Chine: un secteur nationalisé coexiste avec des entreprises capitalistes. Des grands travaux sont entrepris; l'économie se redresse, mais cette embellie est remise en cause par la guerre de Corée. Traité d'amitié sino-soviétique. Les autres pays du bloc communiste ne tardent pas à reconnaître le nouveau régime et à nouer avec lui des relations diplomatiques. La République populaire est également reconnue par de nombreux États non communistes. Début de la guerre de Corée; le Nord envahit le Sud; le conflit a été précédé par de multiples incidents de frontières, qui auraient fait plus de cent mille morts, sur le 38ème parallèle. Les forces des Nations-Unies, dirigées par le général américain Mac Arthur, ripostent à l'invasion du sud, pénètrent en Corée du Nord et s'approchent du fleuve Yalu, qui marque la frontière entre la Chine et la Corée. La Chine, qui se sent menacée, intervient. La guerre entraîne un durcissement de la répression des ennemis du peuple (Directive du Parti communiste pour l'écrasement des activités contre-révolutionnaires). Des milliers de personnes, jugées par des foules en délire, sont exécutées dans une ambiance de liesse populaire, qui rappelle l'époque de la Terreur, sous la Révolution française. Voici quelques chiffres concernant la situation démographique de la Chine à l'aube du pouvoir communiste: population: 475 millions d'habitants; revenu par habitant: 25 dollars; longévité moyenne: 25 ans; mortalité par tuberculose: 450 par 100 000 habitants. La Chine, pays le plus peuplé du monde, est aussi un de ceux où le niveau de vie est le plus bas, la durée de vie la plus faible et la mortalité la plus élevée. 1951: un accord
en 17 points entre les délégués tibétains
et chinois admet la souveraineté de la Chine sur le Tibet. Il valide
l'entrée des forces armées chinoises et donne compétence
au gouvernement chinois en matière de relations extérieures.
En compensation, la Chine s'engage à ne remettre en cause ni la
religion, ni le gouvernement du pays.
Un premier plan quinquennal est élaboré, sur le modèle de ceux de l'U.R.S.S., pour moderniser l'économie chinoise. L'étatisation totale de l'économie est différée et le commerce reste privé pour l'essentiel. Les énormes ressources consommées par la guerre de Corée et l'impossibilité d'obtenir des crédits de l'étranger pour financer le développement industriel gênent la réalisation du plan. Mais il ne s'en achèvera pas moins un an avant la date prévue. Les deux mouvements, contre la corruption, le gaspillage et la bureaucratie, ainsi que contre les pots-de-vin, la fraude fiscale, le détournement des biens de l'État et le vol des informations économiques, entraînent des purges et des exécutions capitales. L'armée chinoise refoule les troupes de l'ONU jusqu'au 38ème parallèle. Mac Arthur envisage l'emploi de l'arme atomique; désavoué par Truman, il est remplacé par Ridgeway qui stabilise le front. La guerre de Corée contribue à maintenir la division de la Chine, Taiwan étant désormais placée sous la protection militaire des États-Unis; en contre-partie, l'influence chinoise est restaurée dans la péninsule coréenne. Début des négociations de paix à Kaesong (Corée). 1952: un plan de réalisation du socialisme sur une période de 10 à 15 ans est adopté par le Parti communiste chinois. 1953: un armistice est signé en Corée. La guerre se termine sans vainqueur ni vaincu; la Chine communiste fait son entrée en fanfare dans l'arène internationale; les Occidentaux apprennent, à leurs dépens, que la puissance militaire chinoise a cessé d'être méprisable. Signature d'un Traité d'assistance de l'Union soviétique pour le développement de l'économie chinoise. 1954: réunion d'une assemblée chargée de donner une nouvelle constitution à la Chine. Le Dalaï lama et le Panchem lama en font partie. La légitimité de l'existence des partis bourgeois, associés au Parti communiste, est réaffirmée pendant une phase transitoire. Les dirigeants chinois croient trouver dans la collectivisation de l'agriculture, pour la mécaniser et la rendre plus productive, le moyen de dégager les ressources nécessaires au financement de l'industrialisation; cette seconde réforme agraire permettra également de lutter contre l'esprit petit bourgeois et individualiste de la paysannerie; elle s'écarte de la prudence observée au début de la révolution, mais son application se réalisera par étapes sur une durée de 5 à 10 ans; en attendant, des monopoles publics sont créés pour la commercialisation des produits agricoles. Ces réformes ne donnent pas les résultats escomptés; elles créent même un début de pénurie alimentaire. L'expansion démographique rapide (600 millions d'habitants au milieu des années 50?) augmente les difficultés d'approvisionnement et entraîne des déplacements de populations en direction des régions les moins peuplées, par exemple au Sinkiang. Cette région, de désert et d'oasis, est également un lieu de déportation des condamnés, de sorte que l'ethnie han, fortement minoritaire au début du 20ème siècle, y représente, à la fin de celui-ci, 40% de la population. Un mouvement similaire s'accomplit en direction du Tibet. Le nouveau régime poursuit la politique de sinisation des régions périphériques entreprises depuis des siècles par les empereurs. La Chine continentale manifeste son intention de ramener Taiwan dans le giron de la mère patrie et la Chine nationaliste celui de reconquérir le continent; un nouveau conflit menace. Eisenhower désamorce cette bombe en imposant à Tchang Kai-chek l'abandon des îles Taschen aux communistes en échange de la protection de Taiwan, dont le comportement devra dorénavant être purement défensif. La Chine communiste, qui a aidé le Viet-Minh à triompher des troupes françaises au Tonkin, participe à la conférence de Genève qui régle le sort de l'ex-Indochine française. 1955: les réformes économiques se heurtent à des résistances au Tibet où un mouvement insurrectionnel se développe. La Chine communiste participe à la conférence des non-alignés de Bandung (Indonésie) où un front anticolonialiste voit le jour. 1956-1957: les Cent Fleurs: Mao invite les intellectuels et les artistes à user de la plus grande liberté créatrice; cette initiative, va dans le sens de la liberté d'expression; elle est destinée à lutter contre le dogmatisme qui s'est emparé de la critique révolutionnaire; elle est bien accueillie par les milieux intellectuels; mais elle amène aussi à se démasquer les éléments qui s'écartent de la ligne du parti et facilite la répression. Création de sociétés d'entreprises à capitaux mixtes, privés et publics, afin d'assurer la transition vers une économie socialiste. Directive du Parti communiste sur la campagne de rectification de l'idéologie et du style de travail qui encourage la critique et l'autocritique; elle débouche sur de multiples mises en cause et sur l'éviction de nombreux militants qualifiés de contre-révolutionnaires, parfois arbitrairement. Au cours des années 50, l'enceinte de Pékin, considérée comme un vestige du féodalisme, est rasée. 1958-1961: le
Grand Bond en Avant et les Communes populaires (2ème plan quinquennal).
Ce programme vise, d'une part, à stimuler, en un temps record, la
production par l'accélération de la collectivisation agricole,
l'élargissement des infrastructures industrielles et la réalisation
de projets de travaux publics d'envergure et, d'autre part, en atomisant
les capacités de production industrielle, à créer
des entités autonomes capables de résister individuellement,
en cas d'invasion; il est dicté par la volonté de faire face,
dans les meilleures conditions, à une agression jugée inévitable
par Mao, dont le pays est tenu à l'écart des instances internationales
par l'Occident. Irréaliste, ce grandiose projet débouche
sur un fiasco; trois années de calamités naturelles viennent
s'ajouter à cet échec et le pays échappe de peu à
l'effondrement complet de son économie. Ce sont les campagnes qui
pâtissent le plus du chaos que ce programme génère;
on peut même estimer qu'elles sont sacrifiées au profit des
villes en drainant vers ces dernières ce qui reste de biens consommables.
Cette politique erronée est d'autant plus grave que la Chine est
un pays essentiellement agricole et que c'est donc la grande majorité
de la population qui en supporte les conséquences désastreuses.
Elle est par ailleurs paradoxale puisque la révolution maoïste
a d'abord été une révolution paysanne et qu'en l'appliquant
le pouvoir se coupe de sa base de soutien initiale. Par ailleurs, la pénurie
de vivres confère aux dirigeants locaux un quasi pouvoir de vie
et de mort sur leurs administrés, et certains ont tendance à
en abuser, ce qui est bien loin de l'idéologie communiste! Les communes
populaires feront l'objet de plusieurs réajustements au cours des
années suivantes. Enfin, les directives maoïstes seront diversement
appliquées d'un lieu à un autre sur cet immense territoire;
parfois, elles ne le seront même pas du tout.
Les autorités chinoises lancent la campagne des "Quatre Liquidations" (rébellion, opposition politique, privilégiés, exploiteurs). Début de la brouille avec l'Union soviétique:
Mao refuse de suivre le tournant politique pris par Kroutchev. Ce dernier
a par ailleurs déconseillé au leader chinois de collectiviser
brutalement l'agriculture en tirant argument des résultats catastrophiques
qu'une telle politique a entraînés en Russie. Les difficultés
entre les deux grands pays communistes résultent aussi de conflits
purement nationaux pour la domination du communisme international.
1959: une émeute antichinoise éclate à Lhassa. Impuissant à la calmer, le Dalaï lama s'enfuit (ou est enlevé) et se réfugie en Inde. 1960: rupture sino-soviétique. Le torchon brûlait depuis longtemps entre les deux grandes puissances communistes dont la plus ancienne, l'Union soviétique, a rompu avec les pratiques staliniennes. Au différend idéologique initial (révolution rurale paysanne versus révolution ouvrière urbaine) s'en ajoute un autre plus grave: les Russes penchent pour la coexistence pacifique entre le capitalisme et le communisme; les Chinois pensent qu'une confrontation entre les deux systèmes est inévitable. La suspension brutale de l'aide russe accroît les difficultés économiques de la Chine. 1961: une rébellion militaire éclate au Honan, par suite des difficultés économiques. 1961-1962: participation de la Chine aux conférences de Genève sur le désarmement. Le rôle international de la nouvelle puissance asiatique est définitivement reconnu. 1962: conflit des frontières entre la Chine et l'Inde. Ce dernier pays, dont les défenses ont été percées, est menacé d'invasion. Mais Pékin retire ses troupes, après avoir donné une leçon à son adversaire. 1963-1965: années de stabilisation et de restauration de la prospérité économique. Mao Tsé Toung, affaibli par l'échec du Grand Bond en Avant s'efface provisoirement mais reste à la tête du Parti communiste. 1964: le gouvernement du général de Gaulle noue des relations diplomatiques avec la Chine populaire. Début des expériences nucléaires chinoises dans la région du Lop Nor. La croissance économique est repartie. 1965: création de la Région Autonome du Tibet qui est amputée d'une importante partie du Tibet historique, directement rattachée à la Chine. Il convient de rappeler que le démembrement du Tibet a commencé depuis longtemps, sous l'empire. Période des "Trois Contre" (rébellion,
corvées, servage) et des "Deux Réductions" (fermages
et taux d'intérêt).
1966: lancement du 3ème plan quinquennal (1er janvier). . 1966-1968: Révolution Culturelle: Mao, critiqué au sein du Parti, par suite de l'échec du Grand Bond en Avant, incite la jeunesse à se révolter contre la hiérarchie; il s'appuie sur les gardes rouges pour éliminer ses adversaires, supposés réactionnaires, voire agents des renégats moscovites. Armés du Petit Livre Rouge résumant sous forme d'aphorismes la pensée de Mao, les gardes rouges s'en prennent aux "Quatre Vieilleries" (idées, culture, coutumes, habitudes); c'est, en premier lieu, le confucianisme qui est visé. La Chine devient la proie d'un gigantesque monôme; les autorités en place sont mises en cause; toute trace du passé doit être abolie; plusieurs militants de bonne foi, critiques à l'égard du gauchisme, sont exclus, et même exécutés, pour cause de révisionnisme; le combat idéologique cède la place aux affrontements physiques*. Chou En-lai exerce une influence modératrice et sauve tout ce qu'il peut; Mao tolère ses interventions car il sait qu'il ne peut pas se passer de sa compétence; il pense aussi, sans doute, avoir un jour besoin de son appui, pour contenir l'impatience des leaders gauchistes. Une fois les adversaires du Grand Timonier éliminés, la pagaille prend fin par l'envoi des gardes rouges urbains se ressourcer à la campagne, en participant aux tâches des paysans, avant-garde du prolétariat, selon la doctrine maoïste. Les pertes en vies humaines de cette période troublée sont difficiles à évaluer les chiffres avancés variant énormément. * Dans son ouvrage "Stèles
rouges - Du totalitarisme au cannibalisme", l'écrivain dissident
chinois Zheng Yi , aujourd'hui réfugié aux États-Unis,
fait état de nombreux cas de cannibalisme. Le récit qu'il
en donne fait dresser les cheveux sur la tête; certaines victimes
auraient été découpées encore vivantes, des
morceaux de chair humaine auraient été cuits avec du cochon,
le foie aurait été particulièrement apprécié
et la cervelle aurait été sucée comme on sirote une
boisson fraîche avec une paille; il est évidemment impossible
de vérifier l'authenticité des innombrables détails
cités. Cependant, il n'est pas sans intérêt de rappeler
que l'anthropophagie, à des fins rituelles ou thérapeutiques,
ne constituait pas une nouveauté en Asie. Des cas furent également
rapportés à d'autres périodes de l'histoire chinoise
et, au Cambodge,
les Khmers rouges, comme leurs adversaires, ont été accusés
de manger le foie de leurs adversaires.
La seconde guerre du Viêt Nam bat son plein. Les combattants du Viêt-cong s'enterrent pour échapper aux bombes américaines. Mais ils succombent en masse au paludisme véhiculé par les moustiques qui pullulent dans les abris imprégnés d'humidité. Hô Chi Minh sollicite l'aide de la Chine de Mao pour lutter contre ce fléau. L'Académie chinoise des sciences médicales se plonge dans les nombreux traités de médecine du passé. La vieille recette de Yong He est exhumée. Des recherches sont entreprises pour extraire les principes actifs de la plante miraculeuse. Mais ce n'est pas chose facile. 1969: incidents sino-soviétiques
sur le fleuve Wusuli (Oussouri) ainsi qu'au Sinkiang.
Lin Piao semble dominer le 9ème congrès du Parti communiste.
Début du réchauffement sino-américain. Les États-Unis
prennent acte du fait que le monde communiste, en train de se fragmenter,
n'est plus aussi monolithique qu'avant et que cette situation nouvelle
offre une opportunité de l'affaiblir en appuyant cette tendance.
Proclamation en Chine des "Quatre Libertés Fondamentales" (pratique religieuse, petit commerce, prêts à intérêt et engagement de domestiques). Lin Piao, qui a vigoureusement secondé Mao pendant la révolution culturelle, rêve trop ouvertement de lui succéder; en outre, il s'oppose au rapprochement qui se dessine avec Washington; il est limogé et meurt dans un accident d'avion, alors qu'il tentait de fuir en Mongolie. 1972: visite du président américain Richard Nixon à Pékin. Les États-Unis prennent acte de la position de la Chine sur Taïwan; le principe d'une seule Chine ne sera plus évoqué, mais Washington reste garant d'une détermination pacifique du statut de l'île. Mme Tu parvient à trouver un moyen efficace d'isoler le principe actif de la plante préconisée par Yong He pour soigner le paludisme. L'artémisinine voit le jour et Mme Tu recevra un prix Nobel en 2015! En attendant, les soldats du Viêt-cong guérissent et, trois ans plus tard, ils entreront dans Saïgon. 1973: Deng Xiao Ping est réhabilité; il n'est pas sans intérêt de remarquer que cet artisan de l'ouverture, dont la carrière traversera des hauts et des bas, refait surface avant la mort de Mao, mais après la disparition de Lin Piao; Deng Xiao Ping est un ami de longue date de Chou En-lai qui va prendre de plus en plus d'importance en raison de l'état de santé de Mao. Dixième congrès du Parti communiste chinois. Le président français Pompidou se rend en visite officielle en Chine. 1975: Deng Xiao Ping devient vice-président du Parti communiste chinois. Une nouvelle constitution est adoptée en Chine. Des dispositions, relativement restrictives, accordent la liberté d'expression linguistique aux minorités nationales. Des prisonniers politiques sont libérés. Mort de Tchang Kai-chek, le 6 avril 1975. Le leader nationaliste sera progressivement déboulonné de son piédestal au fur et à mesure que le temps s'écoulera. Les Taïwanais remettront en cause son pouvoir dictatorial et son rôle historique fera l'objet d'une appréciation critique. Visite en Chine du président américain Gerald Ford. 1976: mort de Chou En-lai (8 janvier); ses obsèques sont l'occasion d'une manifestation de sympathie de ses partisans très critique à l'égard de ses adversaires; Hua Guofeng lui succède comme Premier ministre. Deng Xiao Ping est à nouveau privé de tous ses mandats. En juillet, le séisme de Tangshan, l'un des plus meurtriers de l'histoire, cause la mort de dizaines de milliers de personnes. Décès de Mao Tsé Toung (9 septembre); lettré, il fut le dernier dirigeant chinois traditionnel; après lui, les hommes de lettres cèdent la place aux hommes d'affaires et c'est probablement la plus importante des révolutions; Hua Guofeng prend, à la tête du Parti, la place de Mao, qui l'avait désigné comme son successeur; il va s'efforcer de moderniser l'économie chinoise, sans provoquer de réforme structurelle majeure dans le domaine politique. Arrestation de la bande des quatre, dont Jiang Qing, la veuve de Mao. Malgré les avatars de sa politique, la Chine connaît sous Mao un développement démographique remarquable. De 1950 à 1970, l'espérance de vie à la naissance augmente considérablement pour atteindre 65 ans, alors qu'elle n'était que de 25 ans avant la seconde guerre mondiale. La population du pays passe d'environ 475 millions d'habitants à près d'un milliard. L'augmentation de la population conduit d'ailleurs les successeurs du Grand Timonier à adopter une politique rigoureuse de limitation des naissances. 1977: Deng Xiao Ping est rétabli dans ses fonctions. Visite en Chine du maréchal Tito. 1978: selon un article de l'école du Comité central du Parti, "la pratique est le seul critère pour éprouver la vérité". Les communistes cherchent à tirer les leçons des échecs passés. Ratification du Traité de Paix sino-japonais. Reconnaissance officielle de la République Populaire de Chine par les États-Unis. 1979: politique de "réformes et d'ouverture". Création des zones économiques spéciales qui vont servir de foyers d'expérimentation et d'ouverture vers l'extérieur. En février, Deng Xiao Ping rencontre le président Jimmy Carter à Washington. Cette entrevue confirme le réchauffement entre les deux pays, au détriment de l'URSS, qui le prend mal. Plusieurs personnes, convaincues d'avoir commis des crimes pendant la Révolution culturelle, sont exécutées. Le 17 février, la Chine attaque le Vietnam pour le punir d'avoir chassé les Khmers rouges du pouvoir et pour mettre un frein à ses tendances hégémoniques en Indochine; elle essuie un cuisant revers. Les troupes chinoises pénètrent au Vietnam du nord pro-soviétique, mais elles s'en retirent au bout d'un mois de conflit. La résistance de l'armée vietnamienne a fait échouer la tentative de restauration de l'influence chinoise dans le pays. Deng Siao Ping, qui soutenait cette guerre, y perd une partie de son prestige. Mais il retourne la situation en prenant ce revers comme exemple pour promouvoir sa politique d'économie sociale de marché seule à même, selon lui, de redresser la machine militaire chinoise. 1980: Hua Guofeng cède le poste de Premier ministre à Zhao Ziyang; ce dernier, persécuté pendant la Révolution culturelle, n'en est pas moins devenu membre du Comité central en 1973. Hua Guofeng est progressivement écarté de la scène politique par Deng Xiao Ping. Liou Shao Qi est réhabilité. 1981: Hu Yaobang remplace Hua Guofeng comme président du Comité central. Révision de l'interprétation officielle du rôle de Mao Tsé Toung. Création de villes pilotes pour la réforme du système économique. 1982: Hua Guofeng est limogé du bureau politique; il a désormais perdu toute influence politique. Une nouvelle constitution est adoptée en Chine. Les droits linguistiques des minorités nationales sont élargis. L'article 4 de la constitution stipule que toutes les nationalités de la République populaire de Chine sont égales et que l'État protège les droits et les intérêts des nationalités minoritaires. Dans le même article, la constitution reconnaît le droit aux minorités de conserver et d'enrichir leur langue. Les personnes de toutes les nationalités sont libres d'utiliser et de développer leur propre langue parlée et écrite ainsi que de préserver ou réformer leurs us et coutumes. Toute discrimination à l'égard des minorités est interdite. Mais il est aussi rappelé que les minorités font partie intégrante de la République et que toute action qui sape l'unité des nationalités ou qui encourage leur sécession est prohibée. La responsabilité est restaurée, sous diverses formes, dans plus de 90% des unités de production. 1983: Les communes populaires sont réformées. De nouvelles entreprises rurales, industrielles et commerciales voient le jour. La gauche du parti s'efforce de freiner les réformes; celles-ci créent de la richesse mais remettent en cause le maoïsme, affaiblissent le secteur public, réduisent à néant les acquis sociaux, sont cause de chômage et favorisent la corruption. 1984: une deuxième guerre sino-vietnamienne se résume à la seule bataille du mont Laoshan, avec pour objectif la conquête d’un observatoire. Culminant à une altitude de 1422 mètres en territoire vietnamien, proche de la frontière chinoise, "Laoshan" signifie "Vieille Montagne" en chinois et en vietnamien. Après la guerre sino-vietnamienne de 1979, le mont Laoshan fut utilisé par les forces vietnamiennes comme observatoire pour diriger des coups de main de grande envergure en Chine. En février-avril 1984, des incidents frontaliers conduisent à une bataille en règle avec préparations d'artillerie et charges d'infanterie. La milice locale des paysans et montagnards vietnamiens établit les positions défensives. Les Chinois occupent la position et s'en retirent quelques heures après. Les deux guerres sino-vietnamiennes ont provoqué des départs importants de boat-people d'origine Hoa. 1985: la Chine désarme un million d'hommes; elle prend l'engagement de ne jamais utiliser la première l'arme nucléaire et de ne pas s'en servir contre des pays qui ne la possèdent pas. 1987: destitution de Hu
Yaobang qui jouit d'une réputation de libéral. Zhao Ziyang
est nommé secrétaire général du Parti communiste
chinois.
La Chine reconnaît l'appartenance de Touva à l'URSS, mais Taïwan conteste cet accord. 1991: suicide de Jiang Qing, veuve de Mao Tsé Toung. 1992: poursuite et approfondissement de la politique de "réformes et d'ouverture" vers un "socialisme de marché". La différence entre le socialisme et le capitalisme ne réside plus dans la planification, mais dans la volonté de libérer les forces productives, de mettre fin à l'exploitation, d'éliminer la polarisation sociale et de réaliser l'opulence. Création du Falun Gong dont les principes sont Zhen (vérité, authenticité), Shan (compassion, bienveillance), Ren (tolérance, patience, endurance). Ce mouvement, qui n'est à proprement parler ni une religion, ni une société secrète, emprunte cependant des traits aux unes et aux autres. D'abord toléré par les autorités, il sera ensuite persécuté, dès que son succès dans la population apparaîtra comme une menace pour le pouvoir. 1994: début de la construction du barrage des Trois Gorges qui vise à produire de l'énergie électrique mais aussi à réguler le débit du Yang Tsé Kiang. Il sera mis en eau en 2003. 1997: mort de Deng Xiao
Ping. Partisan pragmatique des réformes économiques, il s'est
montré également soucieux de maintenir la main-mise idéologique
et politique du Parti communiste sur la Chine sans doute parce qu'il estimait
qu'une démocratisation précipitée de son pays entraînerait
sa balkanisation, son affaiblissement international et, à terme,
sa disparition.
Retour de Hong Kong à la Chine dans le cadre de la politique "un État, deux systèmes" qui permet à l'ancienne colonie britannique de conserver pendant un demi siècle ses spécificités économiques. Incidents anti-chinois aux Sinkiang. 1998: Jiang Zemin est président, Zhu Rongji premier ministre. De grandes crues ravagent des régions de Chine. La crise financière asiatique ne perturbe que modérément l'économie chinoise qui croît au rythme de 7% l'an. 1999: manifestation antichinoise au Sinkiang (Urumqi). Manifestation des adeptes du Falun Gong à Pékin (25 avril); une loi légalise la répression du mouvement qui menace la stabilité sociale. Mise en oeuvre du projet d'exploitation des régions de l'ouest pour réduire l'écart de développement avec l'est. Le bombardement accidentel (?) de l'ambassade de Chine à Belgrade, par des avions de l'OTAN, entraîne de violentes manifestations contre les Anglais et les Américains à Pékin. Retour de Macao à la Chine; l'ancienne colonie portugaise est érigée, comme Hong Kong, en zone administrative spéciale. 2001: Cinq membres du Falun Gong s'immolent par le feu à Pékin, place Tien An Men, mais cette version des faits est contestée. Adhésion de la Chine à l'Organisation Mondiale du Commerce (O.M.C.). Pékin est choisie pour accueillir les jeux olympiques de 2008. 2002: 14ème congrès du Parti communiste chinois. Shanghai est retenue pour l'Exposition universelle de 2010. 2003: renouvellement des équipes dirigeantes et début de la mise en eau du barrage des Trois Gorges. 2005: les investissements directs chinois à l'étranger atteignent 12,3 milliards de dollars (+123% par rapport à 2004). Ils ne se cantonnent pas à l'Asie, à l'Afrique et à l'Amérique du Sud (Brésil, Venezuela, Chili, Pérou) mais touchent tous les continents; en Europe, la France constitue l'une des cibles. Les hommes d'affaires chinois sortent de leurs frontières pour se frotter aux multinationales et apprendre d'elles à améliorer leurs performances. On comprend que les étudiants français choisissant d'apprendre le chinois soient de plus en plus nombreux. Entre 2001 et 2005, les traités signés entre la Chine et la Russie ont reconnu le tracé frontalier d'Extrême-orient mettant fin à un contentieux vieux de plus d'un siècle. Mais, à l'école ou dans les musées, les écoliers chinois continuent d'apprendre que leur pays a été dépouillé de 1 000 000 de kilomètres carrés par la Russie tsariste. 2006: entrée en service du train le plus haut du monde: Pékin-Lhassa (juillet). La Chine est en passe de devenir le premier fournisseur de l'Afrique, devant la France et l'Allemagne. D'ici quelques années elle pourrait être aussi son premier client, devant les États-Unis, d'après les experts de l'Agence française de développement. La réunion des chefs d'États africains à Pékin (novembre) n'est qu'une étape de plus dans la conquête de ce vaste marché. Le gouvernement chinois s'inquiète de la surchauffe immobilière. Le centre des villes est de plus en plus vidé de ses habitants pour la construction de locaux commerciaux tandis que de nombreux logements, hors de portée des Chinois moyens, sont construits en banlieues; les programmes sociaux étant souvent négligés, Pékin souhaite redresser la barre pour maintenir la stabilité sociale. Les velléités d'émancipation des régions et des villes sont perçues comme un facteur de déstabilisation qui mérite d'être sanctionné par le pouvoir central; c'est ce qui vient de se produire à Shanghai, où l'un des dirigeants locaux a été démis, pour avoir abusivement utilisé l'argent des fonds de pensions. Les statistiques révèleraient un tassement de la croissance. Le gouvernement souhaite mettre un terme à la surchauffe économique; celle-ci, qui accentue les inégalités sociales, pourrait remettre en cause la paix civile, si elle n'était pas maîtrisée. La Chine paraît disposée à appliquer les sanctions décidées par le Conseil de Sécurité de l'ONU contre la Corée du Nord, après l'essai nucléaire réalisé par Pyongyang. Cependant, la marge de manoeuvre de Pékin est limitée: d'une part, un accroissement des difficultés économiques de la Corée du Nord entraînerait un afflux de réfugiés en Chine; d'autre part, la réunification de la Péninsule, à la suite d'un effondrement du régime nord-coréen, amènerait les troupes américaines sur la frontière chinoise, hypothèse lourde de danger pour la paix du monde. Un nouveau code de
la police, adopté en juillet, prohibe tout recours aux violences
physiques à l'encontre des prévenus; en outre, les interrogatoires
doivent être filmés en vidéo depuis le printemps. En
novembre, l'un des sept procureurs adjoints du parquet suprême de
la République populaire à déclaré, lors d'un
séminaire qui se tenait sur l'île de Hainan, que plusieurs
erreurs judiciaires ont été la conséquence d'interrogatoires
illégaux.
L'un des traits de la civilisation chinoise est sa soumission aux lois de la nature. A la différence de l'Occidental qui s'efforce de façonner le monde qui l'entoure et de participer, dans un élan de rébellion faustienne, à l'oeuvre divine de la création, le Chinois y trouve sa place en se pliant à ses règles; l'homme s'intègre ainsi parfaitement à son environnement. Le jardin chinois en fournit une illustration; représentation synthétique de l'univers, il est également l'expression d'une réalité spirituelle humaine. Le paysage peint, quant à lui, devient le lieu d'une randonnée mystique. Au surplus, alors que l'artiste occidental s'accomplit bien souvent à travers la négation de ses prédécesseurs, l'artiste chinois cherche sa voie dans leur perfectionnement; l'imitation est chez nous un péché, en Chine elle est une vertu. L'homme n'est pas le centre de l'univers, il n'en est qu'un élément; la sagesse consiste à s'élever au dessus des contingences matérielles pour se fondre dans le cosmos. L'art nous y aide en nous permettant d'appréhender les symboles qui se cachent derrière les choses; pour ce faire, l'artiste doit saisir la quintessence de celles-ci; dès lors, le trait sera épuré à l'extrême, les pictogrammes primitifs évolueront vers les idéogrammes et la calligraphie deviendra l'art suprême; pour les anciens Chinois, l'écriture est à la base de la civilisation et les érudits qui la maîtrisent jouissent d'un immense prestige. Ces différentes notions, fortement imprégnées de confucianisme et de taoïsme, seront complétées par les apports gréco-hindous du bouddhisme, qui se fondront dans la culture chinoise sans en effacer les caractéristiques originelles. La civilisation chinoise est ainsi marquée par l'épanouissement d'une pensée ou d'une religion dont l'emprise s'impose, non seulement à l'art, mais également à toutes les activités humaines. On l'a vu, le culte des ancêtres plonge ses racines dans un passé très ancien. En Chine, la notion de péché originel n'existe pas. La mort n'entraîne pas de jugement définitif; elle n'est suivie ni de récompense, ni de punition; le défunt continue d'être ce qu'il était de son vivant. L'absence du péché originel confère aux croyances chinoises un aspect plutôt optimiste. Le culte des ancêtres contribua certainement à assurer la stabilité de la société chinoise et à promouvoir une culture conservatrice; il freina l'innovation dans la mesure où celle-ci pouvait contrarier les voeux des ancêtres. L'arrivée du bouddhisme, au début de notre ère, introduisit l'idée d'une renaissance après la mort, sans effacer le culte rendu aux ancêtres. La révolution de 1949 bouleversa la Chine en la faisant entrer brutalement dans le monde moderne. Mais ce sont les réformes imposées par Deng Xiao Ping, après la disparition de Mao, qui transformèrent probablement le plus profondément le pays. Jusqu'à Mao la Chine était dirigée par des lettrés, après lui sonna l'heure des entrepreneurs. Il faut tout de même reconnaître au grand timonier le mérite d'avoir réunifié la Chine sans quoi rien n'eût été possible. Depuis, les déplacements des populations campagnardes vers les villes ont affaibli les liens avec les ancêtres. Mais ceux-ci n'ont pas été complètement brisés. On continue d'honorer les défunts par des offrandes, certes plus conformes aux habitudes contemporaines: cigarettes, alcool, monnaies funéraires... Dans les villages, les tombes sont toujours alignées selon un ordre qui semble immuable, chaque génération disposant de sa rangée; le passé est hiérarchisé et le présent en est toujours tributaire. Si le rituel du QuinMin n'est pas célébré à la date voulue, les ancêtres ont un toit de chaume au lieu d'un toit de tuiles! Alors que la transcendance, le sens, la vérité et la finalité sont les maîtres mots de la tradition occidentale, la pensée chinoise privilégie l'harmonie et l'immanence; elle perçoit l'Être, sujet de prédilection de nos métaphysiciens, comme un processus sans commencement ni fin. A l'analyse du monde et à la recherche de la Vérité, qui constituent le terme de la démarche philosophique occidentale, la civilisation chinoise préfère la fusion avec une nature animée par des polarités qui s'expriment dans des principes tels que le yin et le yang. Il existe certes des points de convergence entre les penseurs chinois et certains philosophes européens (Héraclite et les stoïciens, par exemple), mais il apparaît que la pensée européenne, de Platon à Hegel, diffère en général radicalement des spéculations propres au monde chinois. Bien que toute possibilité de rapprochement ne soit pas à jamais exclue, la Chine, fière à juste titre de l'ancienneté de sa civilisation et soucieuse de préserver son identité culturelle, après plus d'un siècle de tentatives coloniales, apparaît ainsi rétive, en quelque sorte par nature, aux prétentions universalistes d'un Occident convaincu de la prééminence de ses valeurs, incarnées aujourd'hui en grande partie par le fondamentalisme des droits de l'Homme, et qui demeurent attachées au mythe d'un aboutissement de l'histoire, concrétisation d'un idéal: communisme ou capitalisme libéral, qui confèrerait un sens à l'évolution, tenue pour progressiste, de l'humanité. Au plan religieux, le monde chinois sait faire preuve d'un certain syncrétisme. L'affiliation à une confession n'implique pas nécessairement le rejet des autres; il n'est pas rare de voir Lao Tseu, Confucius et Bouddha voisiner dans un temple avec des divinités locales ni de rencontrer des bouddhistes qui intègrent dans la pratique de leur religion des éléments du confucianisme (discipline sociale) et du taoïsme (médecine naturelle) sans se poser de problème de conscience. Au plan politique, outre les révoltes paysannes qui sont à l'origine de presque tous les changements de régime*, la tradition chinoise est également fortement marquée par l'intervention des sociétés secrètes qui constituèrent, jusqu'au vingtième siècle, de manière récurrente, l'opposition au pouvoir en place et aux tentatives de domination des puissances étrangères. * D'après une étude réalisée à Hong Kong, les révoltes paysannes et les invasions dans la Chine ancienne pourraient être expliquées par des changements climatiques (voir ici) La suite est ici
Bibliographie: . -Francis Garnier: De Paris au Tibet - Notes de voyage - Librairie Hachette - Paris - 1882. -Gervais-Courtellemont: Voyage au Yunnan - Plon - 1904. -Jacques Pirenne: Les Grands Courants de l'Histoire Universelle - Albin Michel - Paris - La Baconnière - Neuchatel - 7 volumes - 1946 à 1959. -Henri Maspero (1883-1945): Histoire et institutions de la Chine ancienne - L'Antiquité, l'Empire des Ts'in et des Han - Édition posthume - Paris - Les Presses universitaires de France - 1967. -Historia Magazine - Deuxième guerre mondiale - La Chine dans la guerre - 1969. -Marie Mathelin avec la collaboration de Chantal Valluy: Chine - Guide Mondial - Éditions Vilo - Paris. -Encyclopédie de voyage - Chine - Les Éditions Nagel - Genève, Paris, Munich. -Jacques Marseille et Nadège Laneyrie: La Mémoire de l'Humanité - Les Grandes Énigmes - Dagen - France Loisirs - 1993. -Margaret Oliphant: L'Atlas du Monde Antique - France Loisirs - 1993. -Zheng Yi: Stèles Rouges. Du totalitarisme au cannibalisme - Lille - Bleu de Chine - 1999. -Guide de visite du Musée Guimet - Préface de Jean-François Jarrige - Art Lys - 2005 et diverses autres brochures disponibles au musée pour ce qui concerne les arts. -Histoire et Civilisation de Chine - Noms de l'auteur et de l'éditeur chinois non traduits - Chine - 2006. -Journaux de Guerre - N° 38 - 2015. -Sites internet et presse internationale (China Daily, Le Monde...). |