Le second voyage de Bacot
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Bacot entre au Tibet par le Sichuan. Le Kham, où il arrive, est ensanglanté par une guerre récurrente entre Chinois et Tibétains. Les populations fuient les combats vers Népémakö, la Terre promise des Tibétains. 

L'évêque du Tibet, Monseigneur Giraudeau prévient Bacot qu'un voyageur allemand et un pasteur suédois ont failli se faire massacrer voici peu sur le chemin qu'il compte suivre à proximité d'une lamaserie non encore soumise à la Chine. Les missionnaires et les explorateurs avancent derrière les troupes chinoises qui écrasent les populations d'impôts et de corvées. Les moines tibétains sont à la tête de la rébellion. Le Français loge dans la demeure féodale d'un seigneur local qui ressemble à une ferme fortifiée. "Si la gaieté est l'indice du vrai bonheur, les Tibétains sont le peuple le plus heureux de la terre" note Bacot qui estime les Tibétains supérieurs à leurs adversaires chinois à tout point de vue (dignité, art équestre, politesse...).  

L'expédition croise une colonne chinoise dont les soldats sont atteints de dysenterie. L'explorateur assiste à la prise de possession du corps d'un moine par une divinité; la scène est saisissante: l'assistance est préparée par l'attente et la musique des trompes qui font vibrer les os dans la chair; le possédé, agité de spasmes intérieurs, se contorsionne en exprimant une douleur infinie. Dans les monastères, des gardes armés d'énormes gourdins maintiennent l'ordre en frappant les fidèles sur le dos ou sur la tête. Des terres autrefois visiblement cultivées sont maintenant incultes.  

Le responsable chinois accorde le soir à l'explorateur l'autorisation de poursuivre son chemin mais, pendant la nuit, il trouve des arguments pour se dédire dans l'intérêt de son interlocuteur, selon les principes de la politesse locale!  

Passage d'un fleuve dans une barque en peau de yack. Bacot engage un serviteur meurtrier de deux hommes qui suit l'expédition dans l'espoir d'échapper à la justice. Les yacks adorent manger les pièces d'habillement imprégnés du sel de la transpiration. L'or jaune pâle du Nyarong est le plus réputé; les orpailleurs vivent dans des huttes en bouse de yack.  

Rencontre d'une réincarnation de Chenrezig (comme le Dalaï lama), le Tchraker lama, qui possède trente chevaux blancs; partisan des Chinois, la politique du mandarin local, qui vient d'ouvrir un marché, d'interdire le commerce aux moines et de leur retirer le droit de rendre la justice, commence à l'inquiéter; il n'ose pas sortir de peur d'être assassiné par la reine de Kandze, cité très antichinoise. 

Exemple d'une étrange polyandrie: l'un des maris a vingt cinq ans, l'autre soixante, le plus âgé appelle l'autre son fils! Lorsqu'un cadet veut user de ses droits de mari de la femme de son aîné, ce dernier doit quitter la maison, car le fait d'user de la femme fait du cadet le maître des lieux; ce maître accroche sa ceinture et ses bottes ou son pantalon à la porte et l'aîné ne pourra revenir que lorsqu'il aura enlevé ces marques de prise de possession; la femme n'est qu'un objet parmi les autres. 

Les Tibétains préfèrent les marmottes grassouillettes aux lièvres maigres; pour montrer leur mépris pour ces derniers, ils les broient dans un mortier et mangent cette bouillie crue!  

Un responsable tibétain s'oppose au passage de Bacot à travers le Nyarong: il réunit des troupes et craint qu'un Français ne renseigne les Chinois; les Tibétains soupçonnent les Européens d'être derrière les entreprises d'expansion chinoises; l'affaire s'arrange, les envoyés du potentat local se laissant corrompre par une poignée de roupies dissimulée dans l'écharpe de bienvenue (kata) qui leur est offerte. Bacot observe que même le meurtre chez les Tibétains prend un air innocent et paisible. Ils ne disent jamais oui d'emblée, avec eux, on peut toujours causer, mais la discussion dure longtemps!  

Un lama se rend de pâturage en pâturage, bénissant les troupeaux, coupant en morceaux au bord d'une rivière un moine qui, l'accompagnant, est mort en route, pour les funérailles célestes et, chemin faisant, emplissant sa besace de cadeaux. Le beurre de yack sert à tout: tanner le cuir, graisser les pieds des animaux et, en le fondant, procurer la boisson aux hommes et la nourriture aux chevaux, gavés de force, malgré leur répugnance, comme des oies... Les Tibétains ne s'inquiètent guère des brigands; la réalité ne les alarment pas, seule les fictions les émeuvent.  

Dans la vallée du Yalong, traversée d'une forêt de cèdres et de pins argenté où les pieds écrasent des fraises et des framboises, où les mains cueillent des cerises, des groseilles et des pêches et où l'on aperçoit parfois une vigne sauvage aux raisins noirs gonflés d'un jus pourpre. Un guide refuse de se laisser photographier de peur d'être à la merci de l'étranger qui l'enferme dans une boîte. Les guerriers intrépides contre les Chinois font preuve d'une étrange timidité face à Bacot et son expédition; est-ce la surprise qui les paralyse?  

Les pasteurs d'un roi de Litang exilé continuent de garder ses troupeaux comme s'il était encore là. Il y avait deux rois à Litang; les Chinois les ont chassés; la ville est pacifiée et les moines ont cessé d'y être hostiles aux étrangers. Une frise brune de fagots pressés et rasés comme une brosse court entre le toit et le haut des murs des temples.  

Découverte sur un plateau granitique d'un rat sans yeux aux ongles longs de 2 centimètres et de poissons gluants, habitués à vivre dans la glace, qui survivent deux jours dans un bocal vide! Les Chinois ne connaissent rien des pays où ils vont faire la guerre; ils envoient d'abord des troupes insuffisantes qui sont battues et doivent revenir ensuite en nombre. Les Tibétains, armés de fusils à mèche mais très courageux, doivent s'approcher très près pour espérer que leur coup porte; ils essuient des pertes sévères.  

Bacot se rend à la lamaserie de Chontain que les Chinois sont supposés mettre à l'encan; colère de l'officier qui y commande: tout est sous scellés depuis que Zhao Erh-feng a été accusé de s'enrichir par le sac des lieux sacrés. Les soldats chinois se sont livrés à des déprédations dans les monastères pour piller les matières précieuses; mais, un prodige s'étant produit, la crainte les retient; ici, le merveilleux effraie mais n'étonne jamais. 

A Conkaling*, le corps du fondateur du monastère est enfermé dans un chorten et l'on peut voir son visage recouvert d'or à travers un médaillon vitré, seuls ses cheveux sont libres, on dit qu'ils continuent à pousser et qu'ils donneront naissance à un lotus lorsqu'ils formeront à ses pieds un tapis assez épais; la présentation d'un grand tangka attire les Tibétains à qui on a confisqué leur religion; le mandarin chinois les fait chasser par ses soldats; il est moins regardant que son confrère de Chontain et laisse entendre qu'une tapisserie de dentelle perlée est à vendre; Bacot déplore l'état de la lamaserie qui risque bientôt de tomber en ruine par manque d'entretien. La région est riche et étonne les Tibétains de l'intérieur; on laboure avec des charrues entièrement en bois dont on change le soc tous les jours. Champs de gros radis blancs où les passants peuvent se servir à volonté. 
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Maisont tibétaine dans la plaine de Do 
Source: Le Tibet révolté (Bacot)
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En 1905, le siège du monastère fortifié de Sampheling par Zhao Erh-feng dura six mois et s'acheva en massacre. Depuis cette date, le pays s'est quelque peu repeuplé, mais il reste ruiné; la plupart des survivants ont fui vers la Terre promise. Les bâtiments du monastère ont été convertis en bureaux, en magasins et en casernes. La sinisation de la population commence par l'ouverture d'une école où l'on enseigne le chinois aux enfants, sans leur interdire toutefois de parler leur langue maternelle. Bacot est bien reçu par le mandarin qui le convie même à assister à un exercice militaire que l'explorateur ne goûte que médiocrement; auparavant l'envoi d'un mandarin au Tibet était une punition; aujourd'hui on y envoie les meilleurs éléments dans l'espoir de civiliser les barbares; presque tous les mandarins sont Mandchous, comme l'empereur. Les soldats chinois se révoltent fréquemment contre leurs officiers qui gardent leur solde pour eux; un groupe de rebelles fut encerclé dans une ville à laquelle on mit le feu; les survivants furent suppliciés. 

Bacot part pour le Népémakö. Il voyage grâce à des oulags, c'est-à-dire des sortes de réquisitions fournies par les villages traversés (hommes et bêtes), qui tiennent lieu de relais de postes. Il passe dans un lieu où campèrent des soldats chinois; les Tibétains du village voisin coupèrent la nuit les cordes des tentes et, tandis que les soldats tentaient de se dépêtrer de leur prison de toile, ils les massacraient à coups de hache; ils en tuèrent une cinquantaine. Les moines de Louzon se livrent au brigandage et terrorisent la région, Tibétains compris; ils auraient récemment écorchés vifs et sciés entre des planches plusieurs soldats chinois; du coup l'escorte de Bacot refuse d'aller plus loin et l'explorateur est contraint de changer d'itinéraire. Le chef des sept districts, convaincu d'avoir ordonné le meurtre de l'amban, refusa de dénoncer ses complices; pendant un mois, il fut supplicié chaque jour en évitant toute blessure qui aurait pu entraîner la mort; le soir, il était précipité dans un cachot pantelant pour en être tiré le lendemain; sa famille fut amené pour jouir du spectacle le jour où on déboîta ses genoux; à la fin Zhao, lassé, ordonna de le mettre à mort; on lui ouvrit la poitrine pour en arracher le coeur et, comme il vivait toujours, on appela du monde pour le voir et la foule défila sous ses yeux.    

Bacot traverse un village abandonné par ses habitants qui ont fui vers la Terre promise. L'explorateur va suivre la route de leur exode comme s'il effectuait une manière de pèlerinage. Les frontières en Chine sont des cloisons étanches; en les franchissant, on brouille les pistes. Il passe à proximité du monastère de Louzon, dernier point de résistance tibétain dans une région désormais pacifiée; les moines ne font pas de cadeaux aux Chinois qui leur tombent entre les mains. Lors de l'investissement d'Atentze, une cinquantaine de soldats chinois furent massacrés pendant leur sommeil près de la lamaserie de Tongtchouling; la peau de leur chef, écorché vif, fut empaillée; plus tard, elle fut remise au vice-roi du Yunnan, comme pièce à conviction; le supplice favori des Tibétains est d'écorcher un homme vivant!  

Bacot évite Atentze où il sait qu'une vieille connaissance lui interdira d'aller plus loin; mais il lui faut sans cesse rassurer son escorte chinoise qui soupçonne qu'il ne se rend pas à l'endroit convenu. Dans le sud est du Tibet, boisé, montagneux, chaud et humide, la religion est plus intime que sur les hauts plateaux où elle se résume presque dans les monastères; ici, le chef de famille joue le rôle de lama. Le mandarin d'Atentze est parti en expédition, à la tête de trois cent cinquante soldats, châtier les Lissous qui viennent de massacrer deux explorateurs allemands; ces derniers, dont les bêtes étaient trop jeunes, voyageaient lentement, ce qui est dangereux; en Asie, on ne tue jamais spontanément, mais après de longs palabres, il est donc impératif de se déplacer rapidement; les armes ne sont pas d'une grande utilité, au contraire, elle suscitent la convoitise.  

A l'approche de la frontière du Tibet, le caravanier prend ses précautions au cas où l'affaire tournerait mal: il obtient une décharge en responsabilité et l'engagement du paiement de sa récompense (sa solde) à son frère, s'il venait à mourir. Bacot laisse son escorte chinoise libre de le quitter, mais son chef refuse: il risquerait sa tête s'il s'en allait sans l'ordre d'un mandarin supérieur.  

Le Mékong est franchi accroché à une corde; l'escorte chinoise, sans vivres depuis quarante huit heures, s'aperçoit qu'on l'a jouée et qu'on l'emmène en territoire ennemi. En hauteur, les aliments ne cuisent pas et ne prennent qu'un goût de fumée.  

Pèlerins du Pomi accompagnés de chèvres comme animaux de bât. Méréchu, premier village tibétain hostile. Deux soldats de l'escorte, qui se querellaient, sont punis de cinquante coups de bâtons sur les fesses et même sur la nuque, ce qui est un moyen commode pour se débarrasser des éléments perturbateurs; il est très difficile de condamner un homme à mort en Chine, mais il existe bien des manières de le faire disparaître par accident!  

Un Tibétain de l'expédition, quelque peu niais, Chagdeur, est plus sale que son âge! Cet homme, à qui Bacot a demandé de se laver les mains (il fait la cuisine), se les essuie sur les cheveux et sur son pantalon; il nettoie ses bottes et les assiettes avec son mouchoir. Les Tibétains s'échangent volontiers leurs vêtements qui sont tous de la même taille; le premier pantalon est l'occasion d'une fête; les habits, jamais lavés ni raccommodés, partent en lambeaux comme un arbre perd ses feuilles. Le sens de la propriété n'est pas développé au Tibet, où le voyageur peu prendre sa nourriture dans les champs sans abuser. Rencontre d'un Chinois de Tatsienlou, séduit par l'espoir de gain et la main d'une fille qu'un pére tibétain lui a promise, lequel père l'a vendu comme esclave une fois au Tibet.  

L'insurrection tibétaine a rencontré des difficultés pour lever des hommes au Tsarong proche de la Chine où l'on craint davantage les représailles chinoises que les menaces de Lhassa. Il y a peu de cascades au Tibet. Le Tibet est en ébullition et l'expédition risque le pire si les Chinois sont vaincus. On suppose que Bacot est en reconnaissance pour le compte de la Chine. Crainte, curiosité, colère ou joie, l'accueil change d'un village à l'autre; le pire est la peur qui se métamorphose facilement en agressivité. Lorsque les Chinois introduisent leur code au Tibet, ils y amènent le désordre.  

Sur le point de passer la Salouen, le long d'une corde, Bacot apprend qu'un envoyé de Lhassa vient d'arriver, qu'il lève des troupes pour les conduire à Tsiamdo, où les Tibétains espèrent stopper l'invasion chinoise. L'expédition est déjà coupée de ses arrières; l'escorte chinoise refuse d'aller plus loin. Le fleuve est tout de même passé par toute l'équipe. Des villages viennent faire leur soumission à cette troupe qu'ils pensent envoyée par l'empereur de Chine. Bientôt les villages se montrent réticents car ils apprennent que ceux où la caravane a été reçue ont été punis par l'envoyé de Lhassa qui réclamait même la tête de leurs édiles; les villageois se sentent pris entre deux feux. 

Les prisons tibétaines sont des fosses profondes où le prisonnier est introduit, puis muré par la voûte; un regard au sommet permet de lui jeter de l'eau, de la nourriture et des ordures; il dort couché dans l'eau. Younghusband aurait retiré un vieillard d'une cellule de ce type dont les larmes avaient creusé des rigoles dans ses joues.  

Découverte du glacier d'où naît l'Irrawaddy. L'expédition est maintenant surveillée sans s'en douter; on prévient de son arrivée; et, un jour, des pasteurs engagent Bacot à changer de route: le Tibet est interdit aux Chinois et aux étrangers; ces hommes ne sont pas de force à arrêter l'explorateur, mais s'il s'obstine, ils auront la tête coupée. Bientôt, la petite troupe, environnée de cavaliers patibulaires, doit faire halte à un carrefour dont toutes les routes sont barrées. Les pasteurs offrent des présents à Bacot, mais le Tibétain qui l'accompagne lui explique que lorsque des pauvres gens se dépouillent ainsi, ce n'est pas par gentillesse mais pour obtenir que leur interlocuteur cède à leurs instances parce qu'ils risquent leur tête; s'il n'obtempère pas, ils seront contraints de le tuer. Après bien des tergiversations, Bacot se résout à interrompre là son équipée; il comprendra plus tard que son guide l'a trompé pour le faire tomber dans ce guet-apens.  

Il revient vers le Yunnan lesté d'un cheval et d'un mouton offerts par les pasteurs tibétains. L'explorateur observe que, s'il ne s'était pas résigné, les Tibétains qui l'accompagnaient auraient fait la guerre à leurs compatriotes sans l'ombre d'une hésitation car le Tibet ne constitue pas une nation et que les tribus s'y battent entre elles depuis toujours; on y est fidèle à son maître pas à une patrie. Les Nyingmapas ont besoin de la chair d'hommes morts en combat singulier pour accomplir certains de leurs rites.  

A Menkong, la caravane est accueillie avec mépris; on ne lui fournira ni ne vendra rien; une astuce pourvoit à tout: le caravanier tibétain se rend auprès du représentant de Lhassa calfeutré dans son dzong (château) et lui remet un sac de cent taëls; humilié, le préfet tibétain se sent obligé d'approvisionner les indésirables; pour obtenir un oulag, on menace de repartir vers le Tibet et l'on obtient ainsi tout ce qui était refusé cinq minutes plus tôt!  

Au moment de passer une rivière, deux membres de l'expédition, envoyés en avant, sont lapidés et roués de coups; leurs adversaires pensaient certainement tuer tout le monde, mais la présence de soldats les intimident et ils viennent, tout penauds, offrir à Bacot une kata, une poule et un flacon d'arak; le village possède trois dzong; l'explorateur les visite semant l'effroi ou la confusion sur son passage; dans le premier, un jeune châtelain, caché dans les combles, est quelque peu houspillé; le Tibet féodal vit ses dernières heures sous la poussée chinoise. L'armée chinoise étant proche, les habitants regrettent leur comportement de la veille; l'expédition s'octroie manu militari quelques dédommagements. Après quoi, elle poursuit son chemin en pirogue.  

Le caravanier de Bacot se dit, qu'après le départ de l'explorateur, on pourrait bien lui couper la tête ou l'envoyer à Lhassa pour y être jugé et exécuté. Cinquante pour cent des Tibétains succombent pendant les épidémies de petite vérole (variole).  

La suite du voyage se poursuit en palanquin à travers des gorges presque inaccessibles. Arrivée à la mission du père Génestier, à Péhalo; les fruits du Tibet sont des hybrides: les poires pourraient aussi bien être des pommes. 
   
Les étrangers doivent s'effacer et laisser leurs accompagnateurs locaux discuter, faire preuve d'initiative est dangereux; l'idéal serait d'être convoyé comme un colis! On irait ainsi jusqu'à Lhassa sans difficulté. Les déguisements, rapidement décelés, ne font qu'attiser la méfiance.  

La colonne chinoise envoyé pour châtier les Lissous meurtriers des explorateurs allemands brûlent leur village, mais est décimée par les flèches empoisonnées lors de son retour; c'est la débandade; pour sauver la face, les commandants chinois coupent des têtes de ci de là dans les villages traversés. Des prisonniers, traduits devant le consul anglais sont interrogés; on leur demande comment ils s'y prennent pour fendre du bois demande traduite à l'Anglais: "Comment avez-vous tué les Allemands?"; il font le geste de frapper avec une hache; cet aveu suffit à les faire condamner à avoir la tête tranchée!  

Patong, à la limite du peuplement Tibétain, entourée de Lissous, de Mosos et de Loutzes, ces ethnies se détestant mais se supportant; "que les hommes s'égorgent n'empêche pas les oiseaux de chanter." Patong, grandes maisons pour les maîtres, petites pour les esclaves; on ne vend pas les esclaves membres d'une même famille séparément, comme au Tsarong; à soixante ans, un esclave devient libre, il s'agit plutôt de servage; le sort des esclaves n'est parfois pas pire que celui du maître assujetti à l'impôt; Bacot s'accommode fort bien du servage et des situations qui en découlent qu'il juge comiques (une révolte des esclaves éclate à propos des reproches adressés à l'un des leurs qui avait eu l'audace de porter un pantalon de soie!); un rapprochement avec la Grèce antique s'impose. 

Les enfants jouent sur les terrasses sans parapet; on s'éclaire avec des branches de résineux... sans accident. Un enfant nu joue dans la neige: la race se conserve belle car seuls les plus forts résistent. La spiritualité est fille de la rudesse de la nature. 

Un moine du Dergué, qui avait volé des objets sacrés fut chassé du monastère après qu'on lui ait enlevé des lanières de chair dans le dos et coupé un bout du nez. A Patong, lorsqu'un voleur devient trop encombrant, les habitants le cousent dans une peau de yack et le jettent dans la rivière.  

Le bouddha vivant de Kampou est le neveu du roi de Yetché. Chasse aux vautours pour l'empennage des flèches, les chasseurs mangent les oiseaux assommés.  

Chez les bönpos, le chef de famille est prêtre; tambourins doubles en crânes humains, chapelet d'ossements.   

Les enfants tibétains maltraitent la guenon de Bacot et rient de ses souffrances ou de sa colère: c'est ainsi que l'on se moque en Chine des personnes torturées. Les montagnes du Tibet ont trois espèces de singes, les rouges, les noirs et les blancs qui se font la guerre; on attrape un singe en mettant un appât dans le fond d'une ouverture étroite; le singe passe la main ouverte, essaie de retirer l'appât le poing fermé sans songer qu'il pourrait lâcher sa prise pour s'enfuir, ne peut retirer son poing et est pris; pour faire fuir une bande de singes, on en attrape un, on le déguise en homme avec des habits et on lui rend la liberté; lorsqu'il rejoint ses congénères, ceux-ci, qui ne le reconnaissent pas, s'enfuient!**  

D'après Marco Polo, les Tibétains ne prenaient jamais pour épouse une vierge et ils étaient heureux d'offrir aux voyageurs leurs femmes, leurs filles ou leurs soeurs.  

Explication du passage d'un fleuve en balançoire (non pratiqué par Bacot): une corde pend d'un arbre en potence sur la rivière, on l'attire avec un crochet et on se lance de l'autre côté!  

Le retour de Bacot au Yunnan est pour lui l'occasion d'une étude sur une des multiples ethnies de cette région apparentée aux Naxi: les Mosos. Ces derniers seraient d'origine tibétaine. Bedjri, leur village sacré, est le pays du vent. Il ne compte que quelques cabanes et un petit temple. Des barres transversales entre les maisons servent d'échafaudage à faire sécher les moissons. Les lieux du culte mosos sont des clairières et l'autel une pierre plate en leur centre. Le passage du Fleuve Bleu est effectué sur des barques d'outres en peaux de chèvres que l'on gonfle à travers une patte. Likiang, capitale des Mosos***. La Kitsou-Chan, sur la rive orientale du lac de Tali**** est une montagne sacrée des Mosos. Dans cette région on trouve des pierres qui tintent quand on les frappe et d'autres pierres soi-disant tombées du ciel qui sont, en fait, des haches de pierre polie. On entend hurler des loups la nuit au clair de lune. On considère une aumône comme étant la rémunération du spectacle offert par le mendiant. Les Mosos ont le type sémitique: nez crochu aux ailes arquées. 

* Peut-être s'agit-il de Songzanlin, près de Zongdhian, dans une région du Kham aujourd'hui rattachée au Yunnan. 
** Les singes de Bacot font penser aux hommes poilus dont parle de Rubruquis. 
**** Lijiang est, en fait, la capitale des Naxi. 
***** Le lac Erhai est près de Dali, capitale des Baï.

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