Les voyages de Marco Pallis
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A partir de 1933, un Anglais d'origine grecque, Marco Pallis, entreprend une série d'ascensions dans l'Himalaya. Bien qu'il n'aille pas jusque dans leur pays, il rencontre plusieurs Tibétains et tombe sous le charme de leur caractère. Il passe par le village où étudia le Hongrois Csoma et croise le chemin d'un érudit italien, Guiseppe Tucci, qui négocie l'achat d'un tablier rituel confectionné avec des fragments d'os humains. Notre alpiniste note que, lorsque un mani (pierre portant un mantra gravé) se trouve au bord d'un chemin, celui-ci se sépare en deux afin que les bouddhistes puissent toujours avoir l'inscription sur leur droite lorsqu'ils passent devant elle, quel que soit le sens de leur marche, ce qui me semble symbolique de l'importance que les Tibétains accordent au respect de leurs rites, mêmes dans les circonstances ordinaires de la vie.  

En 1936, Marco Pallis entreprend une nouvelle ascension dans l'Himalaya qui échouera. Au Sikkim, l'organisation sociale d'un village tibétain fait penser à une forme de communisme primitif. Les pentes des montagnes sont déboisées par le feu pour étendre les terres cultivables; notre alpiniste le déplore à juste titre car ce manque de prévoyance est facteur d'érosion puis de désertification; il souhaiterait une intervention plus active des pouvoirs publics afin de protéger la forêt.   

Une autre expédition mène l'alpiniste anglais au Ladakh. Ce royaume est tombé en décadence après avoir appelé à son aide le Grand Moghol contre les Tibétains; les champs y sont bordés de haies d'iris. Les hommes y filent constamment la laine pour les chauds manteaux d'hiver (particularité déjà notée par Lafugie). Les monastères sont nombreux; les moines sont choisis dans les familles aisées; ils vont étudier à Lhassa, foyer spirituel, intellectuel et artistique du bouddhisme tibétain, avant de revenir dans leur monastère; la discipline est stricte: le manque d'attention pendant les offices est châtié à coups de fouet; normalement, les bouddhistes sont végétariens, mais cette règle n'est pas applicable partout, notamment sur les steppes, et elle n'est pas toujours respectée. Les gens font preuve d'une politesse exquise et ne savent pas mentir; ils ne sont pas riches mais disposent néanmoins d'objets qui témoignent d'indéniables goûts artistiques, hélas, quelques-uns commencent à encombrer leur intérieur de pacotille occidentale; les travaux sont rythmés par des chansons ou de la musique; la nourriture est abondante; les vallées regorgent d'abricotiers, dont les fruits sont mis à sécher pour l'hiver. L'alpiniste anglais est séduit par cette vie simple, où l'on prend le temps de penser, et par la doctrine bouddhiste; il trouve même que les feux de bouse séchée ne sentent pas mauvais! 
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Le château royal du Ladakh - Source: Cimes et Lamas (Pallis)
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Il se rend au monastère Drougpa de Himi, dans l'espoir d'y recevoir l'enseignement du lama; à cet effet, il lui envoie trois pierres précieuses en présent (les chiffres pairs porteraient malheur!); au cours du voyage, la réverbération du soleil sur le sable s'avère aussi dangereuse que celle que reflète la neige; l'eau des source est pure au-dessus des lieux habités, mais dangereuse en-dessous. L'arrivée au gompa (monastère) est suivie d'une grande déception: les lieux sont délabrés, des objets hétéroclites s'entassent pêle-mêle dans ses salles, les oeuvres d'art mélangées avec la bimbeloterie occidentale, parmi laquelle il remarque une horloge de gare ou de bureau de poste; l'atmosphère est poussiéreuse et empuantie; le lama semble stupide, il est flanqué d'un vieillard décrépi, manifestement sous sa dépendance, ce dont il paraît fier, et qui n'est autre que l'ancien rajah du Ladakh; Marco Pallis apprendra plus tard que le lama s'intéresse davantage à la bière et aux femmes qu'à la doctrine; pour le moment, il demande à ses visiteurs de lui réparer quelques appareils occidentaux en panne qui n'ont manifestement aucune utilité ici! Plus tard, ayant raconté à un autre lama l'histoire d'un tulkou qui vendait en cachette à un collectionneur des vases sacrés, l'alpiniste britannique s'entend répondre que le tulkou ne pouvait pas être coupable et qu'il était certainement la proie d'un démon!  

Notre alpiniste assoiffé de vérité regagne l'Angleterre acquis à la cause d'un Tibet où il n'a pourtant pas mis les pieds. Il est intéressant de relever dans son récit les détails qui prouvent que, dès avant la seconde guerre mondiale, des influences extérieures commençaient à miner les traditions tibétaines, au moins au Ladakh.  

Notre explorateur finira enfin par se rendre sur le Toit du monde, en 1947


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